Philip K. Dick - A rebrousse-tempsVO : Counter-Clock World. Le Tigre entretien un rapport complexe avec K. Dick, dont les romans sont soit excellents (Substance M), soit impossibles (SIVA). Un court de l’auteur, ça ne peut se refuser, surtout lorsque l’idée de base est géniale. Le temps à l’envers, un must ! Traité parfois superficiellement mais sur le thème porteur de la religion, ça ne se rate pas.

Il était une fois…

Dans les années 60, le cours du temps s’est inversé. Rien que ça. C’est l’effet Hobart. Une des conséquences est que les morts se réveillent dans leurs tombes, rajeunissent avant de rentrer dans le ventre d’une femme (la matrice). Pour sortir ces individus enterrés (rien n’est dit sur ceux qui ont été incinérés), il faut faire appel à un vitarium, société spécialisée dans leur repérage et « repêchage ». Sebastian Hermes dirige une de ces entités, et sa vie va basculer lorsqu’il découvrira que dans un cimetière gît l’Anarque Thomas Peak. Ce dernier est simplement le plus grand leader religieux depuis Jésus (et Mahommet). Peak est sur le point de se réveiller, et les organisations les plus puissantes semblent déterminées à être aux premières loges.

Critique d’A rebrousse-temps

Autant le rappeler encore et encore, K. Dick est un grand malade. Mais sur ce titre on croirait presque qu’il s’était un peu calmé. Il n’empêche, pour inventer un monde qui « tourne à l’envers », il faut le faire.

Philip a pensé à tout : la bouffe, enfin le « sogum », est un processus inversé assez intime. Un truc qui s’enfonce dans le derrière ? L’auteur ne le précise pas. En tout cas, on recrache les plats dans de grands plats rituels. On prend un mégot, qui se reconstitue et laisse l’air purifié. La conversation commence par bonsoir. Mais c’est presque tout, le cerveau de l’écrivain semble s’être arrêté là. Immensément dommage.

Sur l’histoire, imaginez un personnage (Peak) qui a créé un mouvement à l’origine de la sécession des États-Unis (quelque chose en rapport avec les droits des minorités). Or il va revivre. A partir de là, le héros, sa copine Lotta et un flic amoureux vont être confrontés au gratin des puissants : la secte Udi autrefois créée par Peak, le Vatican, et le très inquiétant Conseil des Oblites (ceux qui veillent à ce que le temps suive son anti cours).

Le style, certes vieux, passe encore. 21 chapitres, c’est peu mais au final équilibré. Le final, parlons-en : une pure déception, à moins que Le Tigre n’ait pas franchement saisi sa portée. Entre apparitions divines, les délires chers à K. Dick sont, comme par un fait exprès, ressortis un peu en vrac. Pas exceptionnel du coup, et la note de cette œuvre est autant pour celle-ci que l’auteur.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le temps. Thème principal, j’en ai déjà beaucoup dit. Mais j’attire votre attention sur la relation entre le temps et la croyance, eu égard aux les nombreuses citations à chaque début de chapitre. Boèce, Saint Augustin, Erigène, que des intellectuels du Moyen-Age connus pour leurs positions obscures et parfois subversives pour les Chrétiens (à savoir proche de la pensée grecque) sur Dieu. Et le temps qui passe bien sûr, avec les notions du passé et de l’avenir en rapport à notre vision (assez étroite) de l’environnement. Bref, du lourd.

Le progrès. L’organisation des Oblits est chargée de faire en sorte que les créations et autres inventions soient oblitérées en temps voulu (presque de l’autodafé), et ce afin de respecter le cours du temps. Leurs auteurs les apporte à la Bibliothèque qui les détruit. Monde fascinant où une « simple » bibliothèque terrifie tout le monde, dans la mesure où celle-ci utilise jusqu’à la violence pour par exemple récupérer des livres qui sont censés ne plus exister.

La confiance et la croyance. Croyance parce que le lecteur se demande ce que l’Anarque peut avoir de si exceptionnel pour à ce point attiser les convoitises. On aura plus qu’un aperçu de son pouvoir et son message, décuplé par son passage outre-tombe. En outre, chaque « faction » promet ou menace, nos héros étant au beau milieu de quelque chose qui les dépasse. A qui faire confiance ? Confiance enfin entre le héros et sa femme, chacun va tromper l’autre et devra laisser sa dignité de côté pour survivre.

…à rapprocher de :

A part d’autres opus (Substance Mort, incontournable, ou quelques bonnes nouvelles, ici et là) de cet auteur si particulier, l’exercice de comparaison est délicat.

– Néanmoins Le Tigre peut vous renvoyer vers La flèche du temps, de Martin Amis : l’histoire est racontée à l’envers, et certaines actions du héros ne sont pas sans rappeler celles du présent titre.

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Arthur Koestler - Le zéro et l'infiniVO : Darkness at Noon. Écrit à la fin des années 30, Le Zéro et l’infini est à la limite du documentaire, un ouvrage sur ce qu’à bien pu subir tout « déchu » soviétique. Dur, choquant, déprimant, terrible, les adjectifs manquent pour décrire ce classique qui annonce un 1984 d’Orwell. Le style en moins hélas.

Il était une fois…

Roubachov, grand ponte du Parti, est (à son tour) emprisonné. Entretiens, interrogatoires, tortures, privations en tout genre, le voilà broyé comme n’importe quel ennemi de la collectivité. Et il aura le temps de réfléchir sur la politique de son pays, ce qu’on attend de lui, est-ce qu’il est prêt à sacrifier. 

Critique du Zéro et l’infini

Le Tigre, lors d’un de ses voyages en Asie, est par hasard tombé sur ce livre (en anglais) dans un bar. J’ai lâché la queue du billard pendant deux heures, le temps de le lire. La relecture, en Français, quelques années après, fut inutile : je me souvenais de tout.

Le scénario, inspiré des grands procès de Moscou de 1936 à 1938, plonge le lecteur dans un huis-clos entre le héros, ses geôliers mais surtout sa propre conscience. Car en plus de la déchéance d’un ponte du parti dans un pays totalitaire, nous avons le droit à une fine analyse de Roubachov sur son pays, la lutte des classes, et comment l’évolution de la technologie nécessite la dictature pour bien régner.

Même en Anglais, la description est parfaite de l’ambiance et la folie animant les hommes. En outre, le système de l’époque est tout aussi bien rendu, faisant de cet ouvrage quelque chose de bien plus poignant et réaliste qu’un Kafka ou un Orwell. Le travail de documentation, sans doute à chaud, de l’auteur est superbe, plus de 70 ans après le lecteur sera pris d’effroi.

Pour conclure, ouvrage assez dense mais les thèmes sont correctement répartis dans les chapitres, le lire en Anglais est possible eu égard la simplicité du texte (sauf peut-être quand il s’agit des progrès technologiques).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le titre, qui renvoie au plus terrible des totalitarismes. Dans un régime communiste, sauce stalinienne, l’individu est zéro. Quant à la collectivité, dont le Parti est l’unique émanation, c’est l’infini. Le « je » est alors remplacé par le « nous », monstre politique dont la volonté est d’un arbitraire à toute épreuve.

L’arbitraire, parlons-en. Comme lors des purges staliniennes, il n’y a pas vraiment de profils d’ennemis, si ce n’est éliminer ceux qui dérangent le grand boss. Le procès, c’est pour le spectacle, et les « douces » séances d’interrogatoires vont permettre le fin du fin : le prévenu qui admet sa trahison, remercie l’État pour supprimer la menace qu’il représente. pain bénit. Le protagoniste principal, bouc émissaire rêvé. A ce titre le bourreau (soigneusement observé par sa hiérarchie) se doit d’éviter, par ses nombreux contacts avec le prisonnier, de faire montre d’une quelconque empathie afin qu’il ne se retrouve pas vite de l’autre côté des barreaux.

En conclusion, Roubachov met en lumière (et reconnaît) l’étendue du dévoiement des idéaux des premiers pas de la révolution. En ignorant l’individualité de l’Homme, en niant tous les faits historiques pour les remplacer par la version (souvent changeante) du Parti, c’est un retour en arrière complet sur certaines caractéristiques d’une civilisation. Un ouvrage dur, sans concessions, et quand on peut lire les réactions de certains intellectuels de gauche en Europe par rapport à l’auteur (en France spécialement), on a presque envie de remonter le temps histoire de botter des culs.

…à rapprocher de :

1984, d’Orwell, va plus loin dans la description géopolitique d’un univers tout aussi terrifiant, mais fictionnel.

– Le huis clos, le narrateur qui réfléchit de la sorte à sa condition, c’est un peu Travels in the Scriptorium, de Paul Auster.

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Ugo Bellagamba - Tancrède : une uchronieFolio SF, vraiment ? Utopie, ah bon ? Malgré un packaging trompeur, Tancrède reste une sympathique aventure dans un univers original et ici plutôt bien rendu, les Croisades. Épopée instructive, uchronie subtile, trop sans doute. Au moins, un auteur français s’est essayé au style.

Il était une fois…

En l’an de grâce 1096, peu de temps après l’appel de Clermont, le bon Normand Tancrède de Hauteville s’apprête à délivrer la ville sainte en accompagnant son oncle, Bohémond de Tancrède. Marcher sur Jérusalem, en passant par Constantinople, Tripoli,…le jeune chevalier se réjouit de l’aventure à venir, autant spirituelle que physique. Néanmoins l’Orient mystérieux est bien plus complexe et multiple qu’il n’aurait pu l’imaginer ; aussi ses préjugés et croyances vont progressivement tomber, un par un. Jusqu’à l’uchronie.

Critique de Tancrède : une uchronie

Si Le Tigre a résumé l’histoire en prenant (tentant de prendre plutôt) un glorieux style moyenâgeux, c’est parce qu’une grosse partie du livre est ainsi écrite. Bellagamba s’est attaché à écrire « à l’ancienne », et si au début c’est déroutant (voire chiant), on s’y fait à la longue.

A partir d’archives retrouvées par erreur (du moins c’est ce qu’il fait croire au lecteur), l’auteur revisite la croisades lancée par Urbain II à la fin de l’année 1095 en imaginant pour le héros, Tancrède de Hauteville, un tout autre destin. Le jeune Tancrède, dégoûté par le comportement des Croisés et remarquant que les « Infidèles » ne sont pas si barbares que prévu, va peu à peu lutter contre son propre camp (première partie de l’ouvrage) avant de rejoindre la très underground confrérie des Assassins (deuxième partie).

380 pages, c’est passé plutôt vite et la lecture fut (en fin de compte) agréable. Disons que le lecteur sera bien plongé dans le sombre environnement de la première croisade. Totale immersion dans les luttes toujours plus politiques que religieuses, souvent intestines entre les forces en présence : Arabes (Sunnites ou Chiites), Chrétiens, Turcs, Grecs (Byzance, l’Empire), et tout un tas d’autres factions. N’ayez pas peur si, comme moi, vous êtes de temps à autre largué.

L’histoire est plutôt bien menée, considérant qu’on ne sait pas vraiment où Bellagamba nous mène. Les ficelles sont parfois grosses mais le final parvient à laisser une impression générale assez bonne. Hélas si Le Tigre note négativement cet ouvrage, c’est pour ce que le roman annonce mais n’offre guère : l’uchronie (cf. infra), ou un peu de SF.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le Tigre s’imaginait de grand art de l’uchronie en effet différemment. Comme Le Maître du haut-château de K. Dick, ou les Blocks 109, le principe est qu’on pose un moment où l’histoire dévie, puis l’auteur imagine un futur alternatif (qui n’est pas forcément dans notre futur). Dans Tancrède, le point de « déviation » n’apparaît pas tout de suite, et le non connaisseur de l’histoire des Croisades sera perdu sur ce qui relève de la réalité et de la fiction. Bon, les machines à vapeur imaginées grâce à la bibliothèque d’Alexandrie, on se doute être en plein dans l’uchronie.

La tolérance. Notre croisé de héros va découvrir les charmes de l’Orient, et bien évidemment renier jusqu’à sa foi en voyant comment celle-ci est invoquée pour provoquer tout un tas d’horreurs. Tancrède rencontrera des philosophes, des émirs, l’empereur des Grecs, des califes, des gens du peuple, et s’apercevra que ces contrées sont bien plus complexes qu’il n’y paraît. Curieusement (logiquement en fait) il épousera la cause, jusqu’à être leur chef, des Assassins, entraînés à tuer dans la Montagne afin d’éviter qu’une partie ne prenne définitivement l’avantage en Orient.

Les prix douteux dont l’éditeur n’enorgueillit. Attaché au roman, une « banderole » annonçant Le Prix Rosny aîné et le Prix européen Utopiales des Pays de la Loire. Sans doute des prix prestigieux, mais en matière de SF, Le Tigre ne connaît que le prix Hugo, Nebula voire Locus. Le prix des utopies d’une région où certes le Futuroscope n’est pas loin, désolé ce n’est pas pour ça que j’achèterai ce roman. Au contraire même. En sus, publier ce roman dans la catégorie des « Folio Science-Fiction » n’est pas vraiment pertinente, de SF il n’est question.

…à rapprocher de :

– L’uchronie, la vraie, c’est K. Dick qui a ouvert les hostilités avec Le Maître du Haut Château. Period.

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Fumimura & Ikegami - SanctuaryVO : Sankuchuari. Manga relativement ancien, mais quel plaisir en le lisant et relisant. Réaliste, intelligent, suspense correct et histoire accrocheuse, le tout en 12 tomes assez courts. Ce qui est rare pour un type d’œuvre où on peut vite atteindre les 30 opus, en outre ici l’auteur a produit une saga avec une vraie fin.

Il était une fois…

Akira Hôjô et Chiaki Asami, amis d’enfance au dur passé, n’ont qu’un seul objectif : prendre le pouvoir au Japon. Accessoirement redonner aux Japonais le goût de vivre et secouer un peu le pays. Pour cela, ils décident de gravir les échelons du pouvoir, l’un dans la lumière, en tant que politicien, l’autre dans l’ombre, comme yakuza.

Critique de Sanctuary

Édition épuisée (certains tomes sont hors de prix) que Le Tigre, chaque jour, se félicite de posséder. Voire prêter celle-ci avec les conditions drastiques que l’on connaît. Douze mangas, le numéro du Tigre, nous touchons presque à l’ésotérisme pour justifier de la qualité de la série.

Pourtant ce n’était pas gagné. En effet j’ai trouvé le début un peu long, ça se traîne un peu question intrigue sur les deux premiers tomes et on peut craindre que ça soit de même sur les dix restants. Mais comme tout manga à succès, la majorité des lecteurs deviendra vite accroc avant le troisième opus. Savoir ce qui va se passer pour nos deux héros, ça n’a pas de prix.

L’histoire est simple : Akira va très vite monter les échelons dans la grande criminalité japonaise tandis que Chiaki tente de devenir le premier ministre du Japon. Si le premier devient un ponte assez rapidement, le second aura bien plus de mal à s’imposer avec un parti de jeunes politiciens qu’il a créé pour l’occasion. Nos deux potes, qui ont joué à pierre-feuille-papier-ciseaux pour savoir qui va aller où, ont à la base de leur motivation un terrible secret en commun que journalistes ou policiers essaieront de percer à jour.

Les mangaka ont fait du très beau boulot : les planches sont réalistes, le dessin (noir et blanc évidemment) d’une précision redoutable notamment sur l’expression des personnages. En sus, on en apprendra pas mal sur le monde underground nippon. Certes mis en contraste avec l’environnement politique, mais les deux sont amenés à se rejoindre. Par exemple si le Yakuza fume et l’autre (dans ses costumes clairs) non, progressivement l’apparence des protagonistes se mélange et les différences entre les deux héros est gommée.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amitié. Nos deux jeunes loups ont conclu un pacte. Malgré l’emprise que peut avoir l’environnement de chacun, ils s’en tiennent à leur plan et ne dévient que très rarement de celui-ci. C’est grâce à une profonde amitié, où chaque ami semble ici interchangeable : d’ailleurs ils ont décidé de leur poste respectif quasiment par hasard. D’où une telle détermination ? [Attention mini spoil] En fait Akira et Chiaki sont des rescapés des champs de tueries au Cambodge pendant la dictature des Khmers rouges. La mort de l’un, au douzième tome, annonce la fin de la saga d’ailleurs. [Fin spoil]

La politique (politicienne) nippone. Chiaki souhaite dépoussiérer le paysage politique de son pays, et n’hésite pas à créer une formation composée de jeunes talents. Assez curieux comme approche quand on voit la courbe des âges de l’Empire du Soleil levant… Quoiqu’il en soit, les reproches adressés au système de partis à la japonaise dans ce manga sont bien réels : un seul parti, le PLD, qui est tantôt centre-gauche, tantôt centre-droit selon les opportunités. Ses cadres viennent du même moule, la prestigieuse Université de Tokyo, et lorsque la classe politique est renouvelée, les réflexes demeurent.

Comment, ça vous fait penser à un autre pays européen ? Je ne vois pas…

…à rapprocher de :

– Pour les Yakuza, Le Tigre vous renvoie vers ce roman (biographique) de Junichi Saga. Ou vers le fabuleux essai de Jake Adelstein, Tokyo Vice.

– Les mangas en une douzaine d’opus que vous ne pourrez lâcher, citons en vrac Death Note ou Monster.

Jean Teulé - Ô Verlaine !Les biographies de Teulé sont en général très plaisantes. Hélas Ô Verlaine ! ne m’a pas transporté et trop rarement fait rire. Le Tigre n’a pas réussi à totalement rentrer dans ce roman qui m’a semblé poussif et improbable. Au moins j’ai pu me familiariser avec cet excellent poète et son entourage.

Il était une fois…

Henri-Albert Cornuty est un fan de Paul Verlaine depuis que son oncle lui a offert les Poèmes saturniens. Ainsi vers la fin de 1895 le jeune homme va prendre la route et se diriger à Paris pour rencontrer le bonhomme. Celui-ci, plus dépravé que jamais, va connaître un regain de succès sur la fin de sa vie. Ces derniers quelques mois du poète seront alors contés.

Critique d’Ô Verlaine !

Oh mon dieu, que j’ai eu du mal à terminer ce roman ! En ai lu deux autres et trois BD en parallèle, comme pour faire passer le désagréable goût. 350 pages environ, les 70 dernières ne furent pas loin du supplice. Comment en arriver là avec un auteur dont la cote atteint des sommets ?

Pourtant, l’histoire avait de quoi séduire : un tout jeune (le lait lui sort quasiment du nez) « monte » à la capitale trouver son poète préféré. Hélas ce dernier, en plein milieu de l’année 1895, est un alcoolique presque clochard qui n’a plus que six mois à vivre. Tout l’environnement du poète, jusqu’aux conséquences de son décès (l’imposante procession improvisée) seront narrées par Teulé.

Hélas, mille fois hélas, je ne suis pas parvenu à entrer dans le monde (souvent onirique) de l’auteur. D’une part, la description de la France de la fin du 19ème siècle ne m’a pas paru très convaincante. D’autre part les personnages, nombreux, ne semblent relever que de la farce. C’est jubilatoire certes, mais ennuyeux à la longue. Pourtant les chapitres sont courts (plus de 80 !), ce qui a sûrement sauvé l’œuvre qui est alors conçue pour les trajets courts.

En guise de conclusion, le débutant de la poésie « verlainaise » aura une bonne base d’étude, et la lecture de Ô Verlaine a le mérite de vouloir en savoir plus sur le personnage. En outre, quelques poèmes illuminent l’ouvrage, Le Tigre (qui connaissait très peu de Paul V.) a été comblé. Un poème, spécialement, mérite d’être ici intégralement reproduit. Verlaine, en plein délire, chambre gentiment un ami à qui il fait des avances :

Même quand tu ne ne bandes pas,
Ta queue encor fait mes délices
Qui pend, blanc d’or, entre tes cuisses,
Sur tes roustons, sombres appas,
Couilles de mon amant, sœurs fières
A la riche peau de chagrin,
D’un brun rose et purpurin,
Couilles farceuses et guerrières,
Et dont la gauche balle un peu,
Tout petit peu plus bas que l’autre
D’un air roublard et bon apôtre,
A quelles donc fins, nom de Dieu !

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le « cas Verlaine ». Drôle d’individu, en tout cas son dernier semestre d’existence lui a donné une sulfureuse réputation. Malade comme un chien à tel point qu’un deuxième écriteau a du être nécessaire pour recenser, sur son lit d’hôpital, ses maladies. Buvant au-delà du raisonnable, violent (il a occis sa mère quand même), c’est un grand fou consumé par les excès qui sont légion. Par exemple son amour contrarié avec une fille de joie. Et lors de son hospitalisation, la jeunesse germanopratine s’entiche de lui, le soutient, déclame ses vers un peu partout. Hélas ça ne remettra pas le bonhomme vers le chemin de la rédemption. « Pauvre Verlaine », pense forcément le lecteur.

A ce titre, il a fallu (au moins) deux mentions du « Pauvre Lilian » avant de saisir le subtil anagramme du héros. A bon entendeur…

La réalité et la fiction. Teulé, comme à son habitude, mélange réalisme historique et narration assez libre. Si le lecteur en quête de littérature agréable pourra être légitimement satisfait, le « chercheur » sur le fameux poète devra se contenter de la biographie à la fin du roman. Le Tigre, plus proche de la deuxième race, a du vérifier de temps à autre quelques informations sur internet pour savoir où s’arrêtait la pure fiction.

…à rapprocher de :

– Jean Teulé squatte correctement le présent blog : L’œil de Pâques ; Darling (coup de cœur) ; Longues Peines ; Les Lois de la gravité ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).

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Sarah Thornton - Sept jours dans le monde de l'artVO : Seven Days in the Art World. Conseillé par un parent artiste, Le Tigre s’est vite procuré ces presque 300 pages. La journaliste a fourni un travail extrêmement sérieux : étude poussée, nombre impressionnant d’interviews, chapitrage pertinent et qui englobe tous les aspects de l’art, bref un essai de référence.

De quoi parle Sept jours dans le monde de l’art, et comment ?

Petit paragraphe sur Sarah. Sociologue de la culture (arts, raves,…), journaliste influente dans de prestigieuses revues (Artforum, The Guardian, The Economist pour ne citer qu’eux), la dame sait de quoi elle parle. Et elle le fait fort bien, aidée certes par une traduction à laquelle il n’y a rien à reprocher.

Les 7 jours de l’essayiste, ce sont 7 chapitres captivants : l’entreprise de vente aux enchères Christie’s à NYC ; master class à l’institut des BA de Californie ; le jury de la Tate Gallery (Londres) qui décerne le titre de l’artiste contemporain ; la rédaction du magazine Artforum à NYC ; la foire de Bâle, Art Basel (art contemporain) ; l’atelier de l’artiste Takashi Murakami à Tokyo (vous savez, celui qui a poutré Versailles) ; et enfin la glorieuse Biennale de Venise.

Ces thèmes ont paru au Tigre suffisamment éclectiques et larges pour recouvrir presque tout sur le monde de l’art : le classique ou le contemporain ; les nouveaux qui apprennent et les anciens qui produisent à tout va ; les décideurs artistiques (magazine de renom) ou économiques ; la mondialisation, etc. Malgré les chapitres thématiques, le tout prend une cohérence assez compréhensible pour le profane qui sera à même d’avoir les clés pour répondre à ces questions : qu’est-ce qu’un artiste, et est-ce qu’une œuvre d’art acquiert ses galons parce qu’elle est « belle » ?

L’ouvrage n’en reste pas moins exigeant, comme l’attestent les quelques notes de bas de page ou explications sur tel ou tel terme. En sus, l’auteur parvient à dresser un portrait complet et inédit d’acteurs emblématiques du monde de l’art grâce aux nombreux entretiens qu’elle a pu avoir. Bien insérée dans cet univers, c’est sans réelle difficulté que sa « matière première » a été recueillie.

Pas grand chose à reprocher à cet essai, si ce n’est que Miss Thornton semble se concentrer sur le glorieux monde de l’art des années 2000, avec très peu de rappels de contexte historique. Ce n’est pas un ouvrage sur l’histoire de l’art, plutôt un tableau actuel fidèlement dressé. Bref, si vous voulez vous la péter sérieusement lors des dîners en ville, cet ouvrage est « recasable » à tout moment. Rajoutez donc une couche en affirmant, comme si c’était l’évidence même, que vous l’avez lu en anglais. Of course.

Ce que Le Tigre a retenu

Beaucoup de choses, peu de place. Concentrons nous donc sur deux thèmes marquants.

Déjà il appert que c’est un univers vraiment à part, fait de richesses et d’impacts émotionnels incontrôlables au premier abord, mais avec de grandes lignes logiques. Les liens, influences entre les acteurs de ce petit monde sont fascinants, et parfois Le Tigre a eu l’impression que tout ne se faisait qu’au « doigt mouillé levé ». Je prends pour exemple la master class sise en Californie. On dirait une bande de hippies autour d’un artiste qui présente quelque chose d’assez abscons, avec un prof qui brille par sa non ingérence (à part recadrer ici ou là). Une séance de psychothérapie à la rigueur, mais ça prend parfois des airs de sessions de MJC banlieusardes (sans être négatif bien sûr).

La dernière remarque du Tigre concerne le rôle d’un conservateur de musée. Selon le musée, ça peut aller du métier de vieux libraire un peu poussiéreux à un manager surbooké qui n’arrête pas de jongler entre les expositions, l’achat d’œuvres ou la recherche de financements. Mais ce qui les unit, c’est l’amour de l’art et faire en sorte que rien ne se perde, pas même dans les esprits. Dans les deux cas, ce sont avant tout des soldats contre l’oubli. A méditer.

…à rapprocher de :

– L’art en folie, c’est un peu Torturez l’artiste ! de Joey Goebel.

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Les Sutras du TigreQui n’a jamais eu envie de publiquement brûler un livre indigeste, nul, ou plus simplement manifester son ras-le-bol de la soupe littéraire qu’on nous propose ? Idée séduisante, mais attention l’exercice est délicat ! Petit pyromane en herbe, si tu ne veux passer ni pour un provocateur fasciste ni pour un forcené sous LSD, pose donc ton briquet et lis ce post.

Qu’est-ce qu’un autodafé ?

D’abord il convient de situer le contexte. Qu’est-ce c’est, quelle est l’origine de l’autodafé et comment ça pouvait bien se passer à l’époque ? Allez, accrochez-vous parce que je vais vous résumer au moins 2.000 ans d’Histoire.

Tout commence vers 40 avant J.C., lorsque par mégarde la flotte romaine, en pilonnant savamment le port d’Alexandrie, brûla en partie sa bibliothèque. Cet épisode, certes romancé, est superbement rendu dans une BD de Phil Hester. Cramer des bouquins, une bibliothèque entière, c’est terrible comme sentence. Pire que tuer tous les vieillards d’une cité même. De cette regrettable erreur a probablement germé le principe même de l’autodafé.

En effet, la Chrétienté aux commandes a su tirer le meilleur parti de l’idée en créant une institution pour l’occasion. Qui dit Église (catholique) dit latin, notamment « actus fidei », ou acte de foi. Vous reconnaîtrez la provenance du terme « autodafé ». Un tel acte est une prière au cours de laquelle le croyant rappelle sa foi en Dieu et ne reconnaît comme vérité que la Sienne (je ne parle pas de la région éponyme en Italie).

Quoi de mieux alors que d’avoir une juridiction (l’Inquisition en particulier) qui rappelle de temps à autre son attachement à ses préceptes religieux en assemblant tous les ouvrages qui s’éloignent de la foi afin d’en faire un joli bûcher. Pour peu que les reliures soient faites en peau de porc, je vous laisse imaginer l’odeur de bacon dans le bourg d’à côté. Peut-être que ça a aidé pour la Reconquista en repoussant les Musulmans toujours plus bas (le vent devait venir du nord dans ce pays)… Comme souvent, je m’éloigne du sujet. Passons.

Le Tigre ne parle que de bûchers de livres, car il était monnaie courante d’y placer qui une sorcière, qui un juif, qui une Jeanne, bref ceux qui représentaient un danger (souvent imaginaire) pour la société. Comme un bon livre vaut largement mille discours, l’impact sur la société à terme valait son pesant de cacahouètes.

A noter que les censeurs n’étaient pas complètement abrutis, et gardaient dans leurs « bibliothèques de l’enfer » un exemplaire des œuvres condamnées. Sûrement au cas où un petit malin republierait quelques passages sous un autre titre ; jamais pour les lire en douce comme un gamin irait se servir dans le pot de confiture dans l’armoire du haut chez mémé. Non non, pas le genre de la maison.

Enfin, l’art de la science-fiction a su imaginer l’autodafé littéraire systématique : c’est bien sûr Fahrenheit 451, de Bradbury. Ou encore Equilibrium, film de SF avec le très nonchalant Christian Bayle (les scènes de combat sont l’unique raison de le voir). Comme ce sont des œuvres américaines, évidemment qu’au cours de l’histoire notre héros va subitement découvrir les plaisirs interdits de la culture. Et souffrir.

Pourquoi brûler des livres ?

Vous l’aurez saisi, l’acte de foi a une saveur un peu surannée qu’il conviendrait de remettre au goût du jour (sans jeu de mot). Mais pourquoi en particulier un vibrant plaidoyer pour un autodafé qui serait résolument contemporain ?

D’une part, la notion d’autodafé a dans les esprits très mauvaise presse. C’est bien légitime, comme dirait Mr. Manatane. Déjà les dernières séances (à succès) publiques de feux de joie autour de bouquins ont été effectuées par des individus ou organisations peu recommandables. Le Tigre pense aux autodafés du printemps 1933 mis en place par les nazis, ou encore les provocations plus récentes à flamber un Coran. Ainsi, l’autodafé a une couleur politique et religieuse, mais jamais artistique.

D’autre part, Le Tigre suppute que les récents « autodafés artistiques » de ce monde prennent une bien mauvaise direction. En effet, certains conservateurs de musée de campagne, pour attirer l’attention sur l’abjecte politique culturelle de leurs collectivités, n’hésitent plus à sortir le chalumeau. Certes les tableaux auraient sûrement pourri dans une cave, et ce n’est (que) de l’art contemporain, il n’empêche qu’on brûle quelque chose qui a une certaine valeur.

Pourquoi ne pas s’en prendre plutôt à la surproduction de livres (ou magazines) ? Imaginez qu’un magazine à succès X vende en moyenne 100 unités. Et bah celui-ci en produira 140, sachant que 40 seront mises au rebut. Mais pour l’annonceur, c’est un tirage de 140. Ce dernier paiera bien plus cher.

Ou alors considérons une seconde un énième roman d’un auteur à succès, tiré un million d’exemplaires et qui squatte les têtes de gondoles des librairies pendant deux mois (et empêchant le renouvellement littéraire). Qui n’a pas envie de débiter lesdites gondoles à la hache ?

Ainsi, l’autodafé ne devait être qu’un acte artistique pour signaler son mécontentement au sujet d’une œuvre qui ne mériterait pas tant d’attention médiatique, ou dénoncer des comportements économiquement compréhensibles mais fort douteux sur tous les autres plans.

Comment mettre tout ce petit monde au bûcher ?

On l’a vu, rassembler ce qui ne vous sied guère au milieu d’une place communale et immoler le tout version « fête des voisins » risquerait de provoquer d’intenses réactions qui se méprendraient sur le but de l’autodafé moderne. Il vaut mieux vivre avec son temps, et embrasser sans hésitation certaines des grandes caractéristiques du XXIème siècle : j’ai nommé l’écologie, le buzz et les nouvelles technologies.

Premièrement, il paraît nécessaire de diminuer l’empreinte carbone de l’acte. Et ce pour ne pas se mettre à dos tout un tas d’écolos revanchards qui sont naturellement censés adhérer à l’idée. Pensez vert, qu’on ne voit pas dans la démarche une quelconque veste brune ou rouge maoïste.

Pour cela, les exemples qui viennent à l’esprit du Tigre se bousculent. En vrac : installer un récupérateur de chaleur afin de produire de l’énergie à partir de la flambée, celle-ci ne devant en aucun cas fournir l’électricité pour votre écran plasma qui diffuse Danse avec les stars. Ce serait soigner la peste en s’inoculant le choléra. Un peu comme Les combustibles de la mère Nothomb. Ou alors alimenter un feu qui permettra de cuire de délicieux marshmallows. L’intégralité des cours de mathématiques de prépa du Tigre ont permis à ce dernier de se concocter un velouté de champignons accompagné de ses œufs brouillés.

Pour info, si les guides Michelin sont devenus payants, c’est qu’un responsable a découvert que ceux-ci servaient avant tout à soutenir les voitures en réparation dans les garages. Ne sous-estimez pas comment souiller un livre minable autrement qu’en ne le terminant pas.

Deuxièmement, faire le buzz. Il faut qu’on parle de l’acte en bien, et les idées ci-dessus ne seront pas de trop. L’idée est de faire fort, innovant et avec une pointe d’humour que même les auteurs bafoués salueront. Un autodafé mémorable, c’est un bûcher courtois qui ne s’attaque pas personnellement à l’auteur (ou l’ouvrage), mais à ce qu’il (ou celui-ci) est devenu. Il faut absolument communiquer là-dessus, c’est essentiel.

On n’asperge pas d’essences (bioéthanol si possible) 30.000 autobiographies de Loana à la va-vite, dénoncer la télé-réalité en plaçant les livres/essais/trucs de telle sorte qu’un message apparaisse est préférable. Les innombrables BD sur le foot (et qui cachent le dernier Boulet) ne seront pas impunément déchirées, mais seront transformées en confettis offerts à des favelas pour le carnaval de rio. Quant au dernier tirage de Marie-Claire, une chaîne géante de livres en flamme et en forme de vagin serait délicieuse. De l’audace, de la classe.

Troisièmement, s’adapter aux NTIC. Le buzz se propage grâce à tous les réseaux sociaux, mais cela ne vous suffira pas. Loin de là. Il serait de bon aloi de donner à l’autodafé une tournure définitivement numérique.

C’est là que la technologie ne représente pas forcément le progrès que l’on espère. Et oui, Le Tigre évoque le remplacement du noble papier par des tablettes numériques. Or lesdits objets, en se consumant, vont émettre tout un tas de gaz toxiques. En sus, vous détruirez des données dont vous ne voulez pas vous séparer. Faire disparaître un Musso en même temps que les photos de l’anniversaire de la petite dernière, ça ne vaut pas le coup je le concède. Enfin, c’est excessivement coûteux.

La seule solution (à part bouder l’e-book en question) qui vienne (pour l’instant) à l’esprit fécond du Tigre est ce que j’appellerais une SPF : la séance publique de formatage. Plein de lecteurs en colère, alignés devant les caméras, qui suppriment ou formatent le disque dur de leurs lecteurs numériques, quel exploit ! Concilier écologie, NTIC et buzz, la glorieuse trinité autodaféiste !

Chaude conclusion

Tout n’est qu’étapes. Step by step, on autodafe toujours plus utilement. Le Tigre a commencé par certains journaux prenant régulièrement le chemin de sa cheminée (devant laquelle trône une peau de Paris Hilton), et dorénavant s’apprête à alimenter le tas de compost de sa maison de campagne par quelques daubes soigneusement sélectionnées.

Je vois bien que tout cela est fort complexe à mettre en œuvre et nécessiterait une logistique exagérément lourde (notamment la SPF). Mais comme le disait le grand Charles, « pour les grands desseins, l’intendance suivra ». Je rajouterais : « l’intendance, c’est toi lecteur, hostile aux basses tendances ».

Laurent Maffre - Demain, demainSous-titre : Nanterre, bidonville de la folie. Offert de bon cœur, lu avec passion, cette BD ne pourra laisser personne indifférent. Bidonville précédant le quartier de la Défense, le lecteur suivra une famille (et ses proches) algérienne dans son quotidien. Bien écrit, dessin adéquat, sujet sensible, le pari semble réussi.

De quoi parle Demain, demain, et comment ?

Laurent Maffre, à partir de précieux témoignages, s’est attelé à raconter une période assez particulière de l’histoire de la France, à savoir les bidonvilles où s’entassaient les immigrés maghrébins qui travaillaient sur les chantiers alentours. La jolie bande dessinée se décompose en deux parties : la BD à proprement parler ; puis quelques écrits, photographies à l’appui, de Monique Hervo qui officiait au sein du service civil international.

Le Tigre a décidé de classer ça dans la (trop peu fournie hélas) catégorie « essai ». Essai politique ou sociologique ? Ardu. Si sociologie il y a, ce serait oublier la portée résolument politique de l’ouvrage, puisque c’est quand même la France des trente glorieuses et sa politique vis-à-vis de sa main d’œuvre étrangère dont il est question. En tout cas de 1962 à 1966 comme l’annonce le titre.

Pour cela, Lolo (je te prie de m’excuser, Laurent, tu permets ?) a subtilement mélangé une histoire (fort réaliste) de famille avec les souvenirs de celle-ci, quelques évènements historiques marquants (la manif’ du 17 octobre 61 qui a bien mal tourné, l’indépendance de l’Algérie par exemple), et bien sûr le contexte économique et sociétal de l’époque. Le tout en restant dans un registre assez objectif, on ne voit pas pourquoi ça aurait pu se passer autrement pour ces personnes (cf. infra).

Le dessin n’est pas ce qui m’a le plus transporté, il faut bien sortir un point négatif : noir et blanc, un peu brouillon, pas de cases, le tout fait un peu désordre. Mais les paysages de désolation du domaine que l’EPAD s’approprie progressivement (qui contrastent avec ceux du bled) sont sans aucun doute mieux rendus avec un tel tracé. L’architecture (taudis, HLM, Paris) est parfaitement rendue. Et puis les personnages sont bien réalisés, même si Le Tigre s’est un peu perdu avec tous les protagonistes pas forcément « différenciables ».

Quant aux quelques pages finales de Monique, c’est un peu la partie que j’ai préférée. Une petite dizaine de thèmes soigneusement sélectionnés (eau, feu, brigade Z de police,…) avec des images d’époque ! voilà l’apport culturel indispensable qui fait de cet essai un ouvrage à ne pas rater pour toute personne curieuse. Surtout celle œuvrant dans les sciences humaines.

Ce que Le Tigre a retenu :

L’avantage de classer ce truc dans la catégorie des essais, c’est que Le Tigre peut encore faire plus preuve de subjectivité en narrant ce qui l’a marqué. Deux sujets en fait.

La question du logement. D’une part, les « habitats » sont exhaustivement décrits dans la BD : peur de la destruction par les flics, incendies, humidité, eau non courante (un cauchemar), le terme « bidonville » est hélas le seul qui vient à l’esprit. D’autre part, les protagonistes sont à la recherche de quelque chose de décent, et là ça se complique : il appert que les HLM (qu’ils construisent en plus) sont avant tout réservés aux Français,  si bien qu’on leur demande même d’acquérir la nationalité ; les autres solutions sont soit des zones d’attente (dans d’anciennes prisons), soit dans des préfabriqués surveillés. Génial.

L’hypocrisie des autorités. L’administration française, fidèle à elle-même, s’ingénie à faire poireauter les wannabe-impétrants étrangers. Digne d’un des travaux d’Astérix. Je ne parle pas des policiers, qui font tout pour rendre la vie à la Folie intenable. Au final, pour des individus logés comme dans un pays du tiers monde, l’unique façon pour eux de s’en sortir est d’agir comme l’Occidental l’imaginerait dans un pays en voie de développement : par la corruption. Triste renvoi à la réalité.

…à rapprocher de :

– Dans la catégorie BD-documentaire que Le Tigre classe volontiers dans les essais, il y a le fort instructif Saison brune, de Squarzoni.

– Sur l’épisode du 17 octobre, il y a ce film, Nuit noire, qui n’est pas mal du tout ma foi.

– Le Tigre a préféré Le photographe (aka Didier Lefèvre), Essai / BD / Album photos bien plus intense.

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Chuck Palahniuk - Monstres invisiblesVO : Invisible Monsters. Palahniuk fait en général du bon boulot, ici on ne déroge heureusement pas à la règle. Humour noir, narration originale faite de flashbacks, nombreux retournements, les ingrédients habituelles de l’auteur sont présents. Hélas l’histoire, entre road trip délirant et vie quotidienne d’une famille plus ou moins heureuse, n’a pas la folie ou l’envergure d’autres œuvres.

Il était une fois…

Shannon avait tout pour être heureuse. Petit copain, meilleure amie qui est mannequin comme elle, tout va pour le mieux. Jusqu’à ce qu’à la suite d’un accident elle se retrouve défigurée et rejoigne ceux qu’on appelle « monstres invisibles », parce que tous font semblant de ne pas les voir. C’est un nouvel univers qui s’ouvre à elle, et par une connaissance rencontrée à l’hôpital, Brandy, Shannon va prendre la route (jusqu’au Canada) et tenter de trouver sa voie.

Critique de Monstres invisibles

Le Tigre voit en Palahniuk un auteur exceptionnel en qui sont toujours placées de grandes attentes. Alors autant le dire de go : ce titre est bon, très bon même, mais de la part de cet écrivain il y a mieux (A l’estomac ou Survivant par exemple).

Le scénario semble assez basique au premier abord, à savoir une jeune femme à la beauté irrémédiablement perdue qui se lance (avec deux individus plus que particuliers) fort dans un road trip effréné. Seulement Chuck n’écrit pas vraiment comme les autres, et la linéarité de l’histoire en prend pour son grade :

D’une part, les nombreux flash-back composant la trame du scénario constituent autant de petites histoires (en apparence anodines) mais qui assemblées donnent une terrible cohérence au roman. D’autre part, le style de l’auteur, toujours aussi déroutant, mélange name droping (ici des marques de luxe) et passages profondément glauques. Particulièrement le souvenir d’un dîner en famille où vous saurez tout sur les symboles de l’homosexualité (pour rester sage).

Pour conclure, encore un texte à ne pas rater, ne serait-ce que pour le revirement final et les petits passages (certains instructifs, d’autre choquants) qui feront parfois rire, parfois serrer les dents.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les thèmes présents chez l’auteur sont souvent redondants, mais un est ici particulièrement prenant : c’est la notion de l’apparence. Shannon, ses compagnons d’infortune, chacun a un détail (souvent conséquent) qui le rend extraordinaire (physiquement) et le regard des autres (compagnons comme étrangers) n’est pas forcément le bon. En outre, ces individus se cachent pas mal de choses entre eux, ce qui va rendre la fin du roman très excitante.

En outre, l’amour fait une apparition remarquée : le roman est émaillé de souvenirs de l’héroïne où elle est en famille ou avec son frère. Une famille heureuse au début. Puis tout part en sucette, Shannon se blesse, et vient la question de l’amour avec son compagnon de route, voire de l’estime que nos protagonistes se portent à eux-mêmes. La fin du roman, en traitant de ce thème, peut alors sembler moins déjantée que d’habitude (le retournement des dernière pages est à ce titre le bienvenu).

Dernier point, plutôt un coup de gueule. Gallimard fait en principe des efforts, mais ici leur quatrième de couverture est franchement foireux. Notamment la question de l’accident de Shanon (même s’il y existe quelques révélations à venir). Bravo. Soit on zappe l’histoire du livre et on s’arrête aux premiers chapitres (comme dans Mon CV dans la gueule), quitte à passer à côté du vrai scénario, soit le rédacteur de la couverture a tout lu et spoile sans vergogne le roman. Ne pas basculer dans ces deux extrémités, l’exercice semble si délicat ?

…à rapprocher de :

– L’auteur est avant tout connu pour Fight Club (que je me dois de résumer) et sa suite sous forme de BD (en lien) avec Cameron Steward.

Survivant, A l’estomac, même combat ! Berceuse ou Peste sont à lire quand vous connaissez bien l’auteur.

– Sur un héros défiguré et dont on suivra les pérégrinations, Le Tigre s’est souvenu de La chambre des officiers, de Dugain. Rapport très léger j’en conviens. Mais le film est plus que correct.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Matthieu Aron - Les grandes plaidoiries des ténors du barreauSous-titre : quand les mots peuvent tout changer. Aron, rédacteur en chef à France Info, chroniqueur judiciaire pendant 17 ans, s’est livré à un travail de reconstitution très sérieux. Le lecteur découvre ainsi les grandes plaidoiries qui ont parsemé le dernier siècle judiciaire et législatif : abolition de la peine de mort, légalisation de l’avortement ou encore réforme de la garde à vue.

De quoi parle Les grandes plaidoiries des ténors du barreau, et comment ?

Le titre renvoie aux ténors du barreau. C’est à la fois dans les plaidoiries elles-mêmes et dans les commentaires qui les précédent qu’est développé tout un jargon militaire. L’avocat plaidant est un acteur qui part au combat, qui affute ces termes comme d’autres affutent leurs épées.

Au fil des plaidoiries (vingt-trois au total) le lecteur découvre ou redécouvrent des jeunes avocats comme des vieux lions du prétoire qui tous ont comme point commun, en conformité avec leurs convictions, d’avoir attaqué le sabre clair pour faire triompher leur cause et satisfaire à l’exigence de vérité et de justice. Le livre nous fait revivre ces moments où les robes noires sont montées au créneau pour pouvoir assister leurs clients dans les commissariats, ou encore se sont élevés contre une machine judiciaire qui peut broyer des innocents.

Beau recueil, jamais trop technique ni trop compliqué, qui offre un intéressant panachage des plaidoiries marquantes du vingtième et du vingt unième siècles. Tout y est : la libéralisation de la femme, l’autorisation de l’avortement, l’humain (je pense notamment à la plaidoirie vibrante d’humanité prononcée par Dupont-Moretti pour Marc Cécillon, devenu dépressif et alcoolique lors de la troisième mi-temps, et poursuivi pour le meurtre de sa femme), le sensationnel (les procès Keriel, Bettencourt, etc), le terrorisme, l’humanisme (procès contre la peine de mort).

Alors que peut-on reprocher à ce livre qui se tient pas si mal ? Pour commencer, ses nombreuses coquilles. Malheureusement, on a trop souvent l’impression que le livre a simplement été relu par un stagiaire à l’orthographe défaillante avant de passer à la presse.

Également le fait que l’on reste sur sa faim en termes d’analyses de ces plaidoiries. Mister Aron commence son livre en expliquant combien l’art de la plaidoirie est également et surtout un art rigoureux et exigeant techniquement. Le Tigre à ce stade trépigne d’impatience et se réjouit à l’idée d’être baigné de l’aura de compréhension face aux outils subtils mis en place par ces vieux lions. Et bien, foin. Rien. Nada. C’est tout juste s’il y a une introduction au contexte des affaires et quelques phrases laconiques de commentaires sur les différents styles de ces bretteurs du prétoire.

A part cela, un ouvrage que tout avocat se doit de posséder.

Ce que Le Tigre a retenu

Petite astuce : quand vous faites votre plaidoirie et que le confrère de la partie adverse intervient ou émet une objection à l’américaine, ignorez-le superbement et continuez, imperturbable.

L’art de la plaidoirie. Tour à tour ironiques, humanistes,  fougueux, outranciers, ou au contraire tout en sobriété, parfois jouteurs de conviction tels Jean-Marc Varaut, persuadé que Maurice Papon n’avait pas à répondre d’actes perpétrés avant même que certains de ses juges ne soient nés. Toujours hommes de dossier, les robes noires vont souvent s’investir de longues années pour obtenir gain de cause, dans une course contre la montre alors que le temps effrite les preuves.

Les évolutions sociales illustrées par les procès et lesdites plaidoiries. Ça peut être des crimes décrits dans le code pénal mais socialement « acceptés » (l’avortement) ; des hommes qui trouvent les mots contemporains pour narrer l’indicible (le procès Papon) ; des ténors dénoncent les crimes kafkaïens de l’administration lorsque le crime passe de main en main tel un dossier dans une chaîne administrative de déresponsabilisation (le manque de moyens de la justice).

…à rapprocher de :

– Terre des hommes de Saint-Exupéry, pour sa description de « ces hommes qui n’aiment pas que l’on abîme les hommes ».

– Le poème Le Roi des Aulnes de Goethe, ainsi que le livre du même nom de Michel Tournier, pour l’image de l’homme « porte-enfant », protecteur.

– Deux romans de Siegel Sheldon, Circonstances aggravantes et Preuves accablantes offrent quelques beaux exemples de plaidoirie version U.S.

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Grant Morrison - Batman T1 : l'héritage mauditVO : Batman and Son (entre autres). Trop de superhéros = concentration sur le Batman. Sinon je me ruine. Grant Morrison a repris en 2006 le personnage pour le ré-imaginer lui et son environnement. Ce premier tome est bien décevant. Dessin bon, mais histoires décousues avec l’arrivée de héros et vilains que l’auteur ne présente pas. Le Tigre, encore débutant , a souffert.

Il était une fois…

Batman s’est déjà foutu sur la gueule contre Talia et son empire « La ligue des ombres », et à l’occasion lui a fait un mioche, Damian. La (encore jeune) mère demande à son amant de garder un peu le fruit de leur union, et le petit  est déjà bien affûté question combat / assassinat. Et d’autres péripéties viendront…

Critique de Batman T1 : l’héritage maudit

Le Tigre sait que sa critique est dure, mais laissez-le un peu s’expliquer : déjà ça défouraille un peu de partout question Batman depuis la fin des années 2000, et malgré les excellentes timelines de l’éditeur je me suis un peu perdu en route. Ensuite ce volume est le premier d’une longue saga qui comporte des hauts et des bas, aussi le lecteur doit être intellectuellement armé (connaître l’univers du Bat) pour apprécier à leur juste valeur les titres qui arrivent dans l’hexagone.

Quoiqu’il en soit, dès le début de ce comics on se doute que le chevalier noir tel qu’on le connaît ne sera pas vraiment le même. Accueillant son fils au cœur assez sombre et qui ne respecte pas le code des super-héros ; luttant contre l’organisation de sa mère (à Damian) ; prisonnier avec d’autres héros (qui lui ressemblent) d’une baraque où sévit un tueur,…. A noter que je n’ai pas lu la dernière partie, tout en texte et qui me semblait inintéressante (sans doute à tort).

Sur le dessin, Kubert et J.H. Williams III ont fait du boulot correct. Classique, rien d’époustouflant mais pour démarrer une telle série il vaut mieux dès les premiers chapitres ne pas faire dans le bizarre. Certains passages sont vraiment somptueux, mais Le Tigre a spécialement aimé un épisode illustré à l’ancienne, avec couleurs en petits ponts comme si on sortait des années 40/50.

Anyway, un bel ouvrage par la forme (couverture, papier, couleurs, rien à dire). Quant au fond, le connaisseur sera à coup sûr ravi. Surtout que Morrison est un sacré scénariste, impressionnante sa bibliographie. L’intermédiaire qu’est Le Tigre un peu déçu. Le débutant sera susceptible de plutôt passer son chemin.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

C’est la première fois que je vois débarquer la belle Talia (je ne parle pas du jeu Batman Arkham City) et son gosse. Et c’est là c’est amusant de lire les grands desseins que la femme a pour elle et son chevalier noir : conjoints, avec un enfant forcément parfait (on n’est jamais loin de l’eugénisme avec elle), ils seront maîtres du monde. Du moins leur rejeton. Bien sûr Batman ne cède pas à la facilité et ne l’entend pas de cette oreille. Ce serait bien d’avoir un comics où il change d’avis et fait de la terre son petit bac à sable avec Talia et Damian non ?

Les héros démystifiés. Bruce Wayne se blesse plus que de raison dans certains passages, quant à Robin (ici Tim Drake), le pauvre prend assez cher. En sus, un épisode de la fin présente un huis clos inquiétant où quelques héros se font consciencieusement zigouiller. Qui est derrière tout ça ? La réponse entaille un peu plus le mythe du héros parfait. Enfin, Batman en papa, c’est tout de suite intéressant lorsque le fils est un petit pourri gâté qui mériterait des baffes (hélas il est trop doué pour se laisser faire).

…à rapprocher de :

– La suite est meilleure, alleluia. Let me introduce you to Batman : R.I.P. Quant aux tomes 3 (Nouveaux masques), 4 (Le dossier noir) et 5 (Le retour de Bruce Wayne) il faut soit les lire d’une traite, soit abandonner. Batman contre Robin est un sixième tome excellent, puis Batman Incorporated moins bon. Quant à Batman : Requiem, rien n’a été rattrapé. Dommage.

– Morrison a également repris à sa sauce Superman dans le très correct All-Star.

– Le Tigre préfère les one shot (quitte à relire vite fait le contexte général), comme La Cour des hiboux (tome 1 et tome 2) ou le titre de Neil Gaiman, Qu’est-il arrivé au chevalier noir ?

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Ray Bradbury - Fahrenheit 451VO : idem. Classique de la littérature de SF (voire de l’anticipation sociale) écrit par Ray Bradbury (décédé en 2012), Farenheit 451 doit être lu. Pas tant pour le style et les personnages, mais le message universel que celui-ci fait passer. Monde futuriste et totalitaire où tout livre doit être brûlé et la populace abrutie par les écrans Le curieux vaguement au courant du scénario pourra passer son chemin.

Il était une fois…

Montag est un pompier dans un monde futuriste assez particulier : au lieu d’éteindre des incendies, celui-ci est chargé de brûler les livres de ses concitoyens. Car posséder ces objets est considéré comme un acte profondément antisocial, et la société préfère à ces outils de réflexion l’abrutissement par la TV et autres biens consommables sur le champ. Bien sûr notre héros découvre petit à petit les plaisirs de lire, ce qui représente un danger conséquent.

Critique de Fahrenheit 451

Le Tigre, fan de SF et également porté sur les auteurs « classiques » à côté desquels tout lecteur n’est pas censé passer, a du lire et relire cet ouvrage.

Fahrenheit 451 (température, en degré fahrenheit, à partir de laquelle un livre est censé se consumer), est une œuvre dans la lignée d’un 1984 d’Orwell ou Le Meilleur des mondes (Huxley) : écrit après la guerre, par un anglo-saxon, représentation d’un monde anti-utopique assez flippant où la liberté de l’Homme est gravement compromise.

Ici, l’idée originale est finement imaginée, surtout pour une œuvre écrite dans les années 50, peu avant l’engouement de la consommation qui prenait forme aux États-Unis : à bas la littérature, bonjour les petits plaisirs rapidement accessibles et périssables. Quoi de mieux, pour décrire cet univers, que de se mettre à la place d’un personnage qui doit faire régner cet ordre.

Bien sûr le héros va progressivement toucher au fruit défendu, jusqu’à devenir plus subversif que ceux qu’il doit normalement traquer. Et c’est là que le principal défaut fait surface : si l’idée est excellente, l’histoire sait parfois être ennuyeuse. Monotone, heureusement que ça se lise très vite. Quant à la fin, quelle fin ? Presque de la SF de basse qualité par son style, même s’il faut garder à l’esprit que ça a été pondu il y a quelques décennies.

Pour conclure, si ce titre reste incontournable par les idées que celui-ci porte, la plus-value littéraire est quasiment nulle. Et comme Le Tigre vous le résume en ce moment même, vous pourrez faire semblant de l’avoir lu.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’importance de la lecture. Bon, vous saurez développer par vous-même cette partie : la littérature, par son côté intellectuel « actif », prépare l’individu à mériter son plaisir, en plus d’initier le lecteur à penser par lui-même. La liberté de pensée en fait. Rien à voir avec l’idée du bonheur à avoir tout de suite, par des médias plus immédiats (TV, radios, jeux, et encore certains jeux vidéos s’en tirent très bien) mais apportant une frustration bien plus importante.

Corollaire du précédent thème, on voit bien que dans le monde de Bradbury les liens sociaux sont terriblement dissolus. L’épouse du héros, déjà, fait souvent preuve d’une indifférence marquante. Presque entourés de quatre écrans à tout moment, les êtres n’ont pas le temps de sociabiliser convenablement. En outre on retrouve les problématiques de tout roman de SF sur un monde totalitaire, où les liens qui font tenir la collectivité sont immensément plus forts que d’autres liens (amour, famille).

Le Tigre ignore si ce roman a eu rapidement du succès ou a été découvert bien après par quelques intellectuels souhaitant illustrer leurs propos sur l’abrutissement des loisirs contemporains. Car si F.451 est aujourd’hui si connu et invoqué, c’est avant tout pour dénoncer la culture U.S. (et occidentale, copiée dans le monde entier) faite d’émissions télévisuelles indigestes, de memes internet et autres jeux vidéos forcément idiots. Je n’adhère pas vraiment à ces considérations, ce roman est avant tout une présentation (certes bien anticipée) des travers des sociétés. Pas une description de la nôtre actuellement.

…à rapprocher de :

– Pour l’abêtissement des masses, préférez lire Torturez l’artiste ! de Joey Goebel.

– Bien sûr, Le Meilleur des mondes ou 1984 comme il a été précédemment dit.

– L’autodafé contemporain, Le Tigre l’a fait (en lien) !

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