500ème article - Bilan d'incompétencesCe site a environ dix mois, et déjà 500 articles bien dodus. Soit deux par jour ouvré en moyenne. Stakhanov en personne avalant dix gélules de caféine et s’injectant trois litres de speed n’y arriverait pas. Il a essayé d’ailleurs, et en est mort. Après le bilan de compétences du 200ème billet, voici le deuxième rendez-vous chronologique du Tigre.

État de Quand Le Tigre Lit avec ses 500 billets

Dix mois, un demi millier de billets, je reconnais que c’est beaucoup trop. Pour les pauvres qui se sont inscrits pour recevoir les articles par courriel, plus d’un mail du majestueux tigris a dû atterrir, naturellement, dans la boîte à pourriels. Mais je souhaitais avant tout mettre en place le fameux « effet cliquet » à partir duquel le site commence à moins ressembler à un skyblog de jeune conne. A partir de 1.000 peut-être me prendra-t-on au sérieux, et à 2.000 je ferai sans doute peur…

Concernant d’autres chiffres, si jusqu’à fin 2012 j’étais à environ 150 pages vues par jour, je tourne aujourd’hui à plus de 300 en moyenne. Avec toujours plus de livres résumés, les triviales statistiques peuvent expliquer ce chiffre. Je suis encore bien loin du petit millier, eldorado que je me suis fixé depuis qu’une femme travaillant au sein d’une maison d’édition (dont je tairais le nom) m’a expliqué, tout en me faisant signe d’un geste négligent de la main de ne pas rester dans son champ de vision : « Écoute mon petit, tu te permettras de me parler lorsque tu auras au moins 30.000 pages vues par mois ».

Au-delà de ces petits instants de délicieux échanges avec quelques éditeurs, Tigre va faire dans le rapide commentaire chronologique : je vais rappeler ce qui m’est arrivé depuis début 2013 avant de se projeter, sirènes hurlantes, vers le reste de cette pétillante année. Sachez juste qu’avec 500 billets, je me suis occupé d’environ 20% de la masse littéraire « critiquable » qui traîne dans ma bibliothèque physique (qui grossit de jour en jour en plus).

Ce qui est arrivé sur ce site lors des six derniers mois

D’emblée, considérant le glorieux site, dès janvier 2013 Le Tigre a créé sa page facebook (que vous DEVEZ liker ici). Cela me permet de poster de fabuleuses photos à peine retouchées pour annoncer quelques billets publiés ou des bons mots (forcément douteux) qui me viennent à l’esprit. Le compte twitter a très peu de tweets et d’abonnés, ce n’est pas un média optimal (trop d’instantanéité) et que Le Tigre ne maîtrise guère.

Ensuite, sur la structure du site, j’ai décidé de mettre en ligne une partie des romans numériques libres de droit que je possède. Cette page porte le doux nom d’Ebooks gratuits. Si ces messieurs de l’Académie française veulent me signaler que cet anglicisme n’est pas du meilleur genre, je sais que le terme correct est « livres numériques ». Seulement en titre de pages ça faisait trop long. Une nouvelle catégorie, centrée sur le dessin, est également née. Ça me permet de sortir du monde des livres (sans m’en éloigner vraiment) en plus de proposer aux lecteurs de m’envoyer leurs croquis.

Enfin, sur les « relations extérieures » de QLTL, de plus en plus d’éditeurs proposent d’envoyer au royal félin leurs dernières publications. Une page leur a été dédiée, autant pour les remercier que présenter au lecteur les conflits d’intérêts latents qui me collent au derrière. Et si c’est l’auteur en personne qui me fait l’honneur d’envoyer son dernier né, je le signale. Car il ne faut en aucun cas plaisanter avec une certaine idée que je me fais de la déontologie du blogueur. Tigre a également mis en place une modeste blogroll.

Pour ces envois, je me rends compte que de temps à autre j’ai découvert de vraies pépites (par exemple ici) que je n’aurais jamais pu lire sans leur contribution. Ou alors en tombant dessus par hasard si le titre venait à sortir en format poche. Aussi un vide m’envahit à chaque fois, et qui peut se résumer ainsi : si une poignée d’éditeurs indépendants me font confiance, alors qu’est-ce que je suis en train de rater chaque semaine comme bons moments de littérature ?

Ce qui va arriver sur ce site lors des six prochains mois

Déjà je vais moins poster. Le rythme de deux à trois billets par jour sera un beau jour révolu, et ce sera autant de billets (au mieux) par semaine qui sortiront. Quant aux autres résolutions, une poignée est imaginaire, je vous laisse deviner lesquelles :

Primo, assurer ses arrières. C’est-à-dire faire en sorte qu’il n’y ait qu’un seul tigre littéraire et culturel dans ce vaste monde. Et les moyens plus ou moins licites ne manquent pas, notamment : déposer mon nom et le logo à l’INPI ; hacker tous les comptes FB et Twitter qui font vaguement mention à un félin lisant un livre ; arrêter mon abonnement au curieux magazine « Le Tigre » (avec qui je n’ai rien à voir) ; financer des zoos (particulièrement la cage à félins) en faisant apposer une plaque à mon nom à côté, etc. Toute autre idée est la bienvenue.

Deuxio, une nouvelle rubrique verra le jour. Comme avec le terme « Sutras du Tigre », le nom de cette catégorie sera ésotérique, pour ne pas dire abscons. Ça dépotera gravement dans les chaumières aimant la littérature, je vous le promets. Il s’agira d’une sorte des meilleurs titres, sélectionnés par mes bons soins, en fonction de ce que vous voulez en faire. Une page leur sera même dédiée.

Tertio trimo (hommage aux Inconnus), je ne vois pas pourquoi je vais me cantonner en une adresse qui se termine en .fr. alors que des francophones de tous les pays (ne vous réunissez pas hein) me lisent. Autant que faire se peut Le Tigre va acquérir toutes les extensions de domaine que le web compte. En commençant modestement par un petit .com et .biz, je continuerai par quelques indispensables .zh (la Chine est le plus beau parc à internautes du monde), .eu et .xxx. Puis viendront les .va, .pl, .ru et autres .nu.

Quarter…euh quatrièmement, avec tous mes Sutras et autres somptueuses nouvelles (ici, ou encore ici), Le Tigre va immanquablement vouloir partir en orbite et lancer sa maison d’édition. Qui s’intitulera, en toute simplicité, « Les Editions du Tigre ». Ou « Le Tigre Publishing », j’ai commandé un sondage à l’IFOP (payé sur les fonds de feu la présidence de Sarkozy, c’est passé inaperçu) pour savoir quel terme irait le mieux. Vous pouvez m’aider à trouver.

Conclusion

Cinq cents billets, c’est la classe. Le Tigre a bûché comme un gueudin et pas une seule fois le soupçon du début de l’ennui. Surtout grâce à certains lecteurs qui ont découvert la case « commentaires » à la fin des articles et ont partagé leurs expériences, ce qui est toujours revigorant.

Rendez-vous pour célébrer le 750ème billet. Mars 2014 en principe.

Jesús Sepúlveda - Le Jardin des singularitésVO : El jardín de las peculiaridades. Titre original et porteur d’un message humaniste et radical, Le Tigre qui n’en est pas à son premier essai « subversif » reconnaît qu’il y a matière à réflexion dans ce fameux jardin. Texte dense et à la logique sibylline, faut brancher son cerveau sur le gros voltage avant de commencer cet essai.

De quoi ça parle, et comment ?

Publié au début du XXIème siècle en espagnol, bien servi par une traduction de qualité (par Monsieur Fragata), Jesus (avec un accent sur le « u ») a fait court et puissant. Attention, si sur internet vous cherchez cet illustre anarchiste (en sus psychonaute et poète selon l’éditeur), ne le confondez pas avec Jesús Sepúlveda (Recio), homme politique espagnol du Parti populaire (celui où sévissait le très vilain Aznar). Parce que c’est plutôt son contraire dans notre cas.

En effet, l’essayiste est tout ce qu’il y a de plus provocateur. L’idée principale de son quasi brûlot est que la situation actuelle fait montre d’une standardisation (et un dualisme) à un point qui met autant en danger l’homme que les autres espèces. Pour aller à l’encontre des codes que l’État (par les médias, l’éducation, la police, etc.) injecte aux populations maintenues dans un état de frustration, il faut que l’individu se désolidarise de tout ce qui fait la civilisation et laisse place à l’imagination, l’art et le respect de ce qui peuple notre bonne Terre.

L’auteur doit prendre un pied certain à s’occuper de son potager, car il file comme un joli poète la métaphore filée autour du jardinage : faire éclore la singularité de chacun, laisser les plantes pousser dans leurs différences et ne pas les « cadrer », la syntaxe écologique y est plus que prégnante. Derrière ce vocable, le style est savant (des tournures de phrases complexes) en plus des nombreuses références à d’autres auteurs. Par exemple, Guy Debord (pour sa Société du spectacle), Nietzche, John Zerzan, Barbara Ehrenreich ou John Trudell (les trois derniers, aucune idée de leurs gueules).

Hélas, comme tout individu qui fait son maximum pour expliquer (car il ne me paraît pas être une vraie force de proposition) ce qui ne va désespérément pas dans notre monde globalisé et normalisé, son style sort aussi des clous : Le Tigre est sans doute trop cartésien et aurait aimé, au lieu d’une cinquantaine de chapitres (de tailles variées) qui se suivent à toute allure, quelque chose de plus « construit ». Mais ce n’est pas le genre du sieur Sepúlveda d’organiser son texte en plusieurs parties, il m’a paru balancer ses idées en vrac sans qu’un fil d’Ariane ne daigne se montrer. Ou alors beaucoup m’a échappé.

Pour conclure, on peut ne pas être d’accord avec certains dires de cet artiste complet, toutefois il donne quelques explications éclairantes sur la condition humaine. Un humaniste exigeant et sans concession, quitte à balancer trop de parpaings dans la marre des convictions du lecteur occidentalisé. Du coup, la partie suivante représente surtout, à mon sens, quelques anecdotes qui m’ont marqué.

Ce que Le Tigre a retenu

L’auteur évoque (entendez, il tire à boulets rougeoyants) plus d’une fois le désastre de la colonisation sur le territoire américain : destruction d’espèces, immenses pertes de variétés de légumes et fruits (200 races de patates andines dégagées quand même),…l’occidentalisation de ce continent serait une des plus déplorables illustrations de standardisation et de déperdition en termes écologiques. Tout ça sous la bénédiction de l’Église (qui prend quelques claques dans l’essai) et des Lumières.

Il s’ensuivra une classification à outrance de la nature, acte contre nature s’il en est. En outre, cela inclut la taxinomie de la nature, la création de dictionnaires, etc. Tout cela en vue d’inoculer une pensée unique par le biais d’encyclopédies et de livres d’histoire conçus par les gouvernements (ce qui fait l’État est son territoire, selon le Chilien), ouvrages réducteurs qui vont dans le sens de l’idéologie dominante. En faisant fi de ce que peut apporter la nature à force de domestication on va droit dans le mur. Un exemple peut être l’utilisation des drogues chimiques à la place de celles dites « naturelles » utilisées depuis la nuit des temps (d’où le tag « ésotérisme »).

Le dernier point intéressant est lorsque Jesús Sepúlveda « bascule » dans le végétarisme en affirmant que l’Homme ne serait point carnivore : incapable de manger la viande sans être cuite et/ou accompagnée d’épices ; canines peu prononcées et molaires plates peu dignes d’un canin ou d’un félin ; système digestif représentant 10 fois sa taille à l’instar des espèces brouteuses d’herbes (je ne parle pas d’homosexualité), contre 3 pour les carnivores. Pour le blogueur tigresque que je suis, comprenez que ça m’a passablement inquiété.

…à rapprocher de :

– Vers la fin de l’essai il est question des mini révoltes contre le système mis en place : FMI, G7 (émeutes à Gênes par exemple), ça rappelle les zones d’autonomie temporaire théorisées par Hakim Bey dans TAZ. Un bel essai d’anarchie au passage.

– Certains aspects de la philosophie prônée par Jésus n’est pas si éloignée de celle d’Albino, le héros des Technopères de Jodorowski.

– A un moment l’essayiste fait une longue digression sur la structure hiérarchisée et strictement rigide des fourmis, miroir déformé de la civilisation humaine. Et anti-miroir à la fois car ces insectes, à la différence de l’homo sapiens, respectent leur environnement en plus d’être nécessaires à la survie de la planète. Tout cela m’a rappelé le bon Bernard Werber. Désolé.

– Si vous souhaitez faire péter la culture dans tous les sens avec ce même éditeur, Noam Chomsky, activiste de Jean Bricmont ; le classique de Thomas Paine (Le Sens commun) ou Métaphysique et fiction des mondes hors-science de Quentin Meillassoux peuvent être signalés.

Joe Daly - Dungeon Quest, Tome 1VO : idem. Un auteur sud-africain qui ne fait rien comme les autres, un scénario délirant où la poésie la plus élaborée (et hilarante) est en collocation avec des scènes presque « hardcores », des illustrations plus que correctes, bref encore une magnifique découverte du Tigre.

Il était une fois…

Millenium Boy doit faire ses devoirs de mathématiques. Seulement ça l’emmerde profondément. Ainsi il décide de tout lâcher, prendre son polochon et partir à l’aventure. Mais pas seul, car notre jeune héros va secouer les puces de Steve, un ami glandeur sur les bords. Puis Lash Penis, grand plein de muscles aussi stéroïdé que le peloton du Tour de France. Enfin Nerdgirl, jeune femme aux indéniables talents à l’arc. De la banlieue proche à des endroits bien plus oniriques, les quatre amis vont mener une quête d’envergure qui ferait passer n’importe quel Final Fantasy pour une mission de courses au supermarché du coin.

Critique du premier tome de Dungeon Quest

Je n’étais pas loin de prendre une claque avec Dungeon Quest. Aucune idée en me le procurant de quoi il s’agissait, Tigre a fait confiance à un ami porté sur les romans graphiques à haut potentiel underground. Et on peut dire que Joe Daly excellerait presque dans ce domaine : dès le début on sent que quelque chose ne va pas, qu’il va mener le lecteur par le bout du nez vers une histoire peu commune. Attention, certaines scènes sont parfois malsaines (drogues, violence, nudité gratuite) pour les mineurs de 15 ans.

Millenium Boy n’est pas un gosse comme les autres. Âge indéterminé, tête exagérément grosse (comme s’il était atteint de progeria), « grand poète » il le dit lui-même) au phrasé sentencieux et délicieux, un joli cas qui m’a arraché de nombreux sourires. Mais les autres tiennent aussi un belle couche. Nerdgirl, prototype de la fille qui reste en retrait et qu’on n’entend jamais, des antagonistes toujours plus loufoques (des fachos du début à trois squelettes pirates), c’est une belle aventure comme on les voit dans Donjons & Dragons. Quoique…(cf. premier thème).

Le Tigre a eu un peu peur au début, le dessin (noir et blanc) me paraissait très minimaliste, pour ne pas dire aride question décors. Toutefois, au fil des pages et de l’aventure qui monte en puissance, le tout s’étoffe de manière appréciable. Le noir prend le pas sur le blanc grâce à un environnement riche (la forêt à la fin est un bel exemple) et finement travaillé. Si la perspective paraît largement respectée, on ne peut pas en dire autant des ordres de grandeur en général. Mais c’est séduisant.

Voilà le premier titre d’une trilogie qui s’annonce sous les meilleurs auspices. Notamment parce que vers la fin les quêtes des quatre inséparables sont juste à mourir de rire. Du très bon donc, aussi bien sur le fond que la forme : car l’éditeur L’Association sait imprimer de beaux livres à couverture à rabats quasiment indestructible. Un bel objet à caler dans sa bibliothèque, en première ligne.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’héroïc-fantasy. Daly reprend les codes de ce genre littéraire (surtout de jeux vidéos en ce qui concerne ma culture, même si je suppute que les jeux de rôle grandeur nature sont plus concernés), mais en se foutant de la gueule de celui-ci. Les ennemis et embûches qui apparaissent un à une, les combats face à face avec une pétée de dialogues pour meubler, c’est édifiant. Jusqu’aux protagonistes : à chaque péripétie l’auteur propose une mise à jour de leurs capacités (défense, argent, magie, mana, vêtements, etc.) en fonction de ce qu’ils ont fait. Cette partie m’a légèrement déçu dans la mesure où les différences entre chaque état ne sont pas évidentes du tout (à part leur accoutrement).

La drogue. Joe Daly, s’il faut le répéter, est profondément subversif sur les bords. Quelques « vendeurs » croisés sur le chemin ne lâchent pas que des items classiques. A titre d’exemple, le « bunjy » avec sa pipe décuplera la clairvoyance des héros. Ben voyons. En outre, pour récupérer un grimoire (ou quelque chose dans ce goût là) qu’un clochard, la bite à l’air, tient entre les pognes, Millenium Boy le lui échange contre une bouteille d’un alcool non réellement identifié. Achetée avec sa fausse carte d’identité qui lui donne quelques décennies supplémentaires.

Dernière remarque sur les couvertures de la trilogie qui proposent une statuette (pierre, grès, argile ?) aux formes intrigantes. En fait il s’agit d’un des personnages du bouquin qui a été de la sorte reconstitué. Comme pour souligner l’aspect noble et ancestral d’une quête (qui n’est qu’un prétexte à l’auteur pour se faire plaisir).

…à rapprocher de :

– Dans cette série, on continue normalement avec le Tome 2 pour finir avec le Tome 3.

– A dire vrai, le dessin fait penser au génial Robert Crumb (il faut que j’en résume d’ailleurs).

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD sur Amazon ici.

Jean-Patrick Manchette - La Princesse du sangDernier roman du grand écrivain Jean-Patrick Manchette, hélas l’auteur n’a pas vraiment eu le temps de le finir. C’est donc une version incomplète, avec la suite du scénario rapidement écrite par Manchette, qui est publiée ici. On y retrouve toutefois les mêmes travers que Le Tigre reproche à cet auteur qui a souvent les yeux plus gros que le ventre.

Il était une fois…

Voilà ce que l’éditeur Folio Policier propose en couverture :

« 1950 : un commando de ravisseurs s’entre-tue autour d’une petite fille grièvement blessée. Six ans plus tard, la photographe Ivory Pearl, surnommée  » la Robert Capa femelle « , épuisée de couvrir les multiples conflits de l’après-guerre, part pour Cuba s’isoler dans la montagne. Venue se reposer d’une vie de stress et d’horreurs, Pearl qui croyait se retirer des affaires va se retrouver dans une nature sauvage en plein coeur d’une impitoyable traque. Avec elle, un homme et une enfant. Deux inconnus dont elle aura croisé la route… »

Critique de La Princesse du sang

Le Tigre a eu sa période « Manchette », celle-ci n’a cependant pas duré bien longtemps. Jipé, c’est l’archétype de l’auteur qui écrit très « français », avec un style en sus qui lui est propre : assez épuré (le terme qui me vient est « halluciné »), sec, peu de fioritures stylistiques avec des termes précis, bref ce n’est pas censé être des pavés / sagas de 1.000 pages à fort potentiel immergeant.

Avec La Princesse du sang, j’avoue honteusement ne pas me souvenir de grand chose. J’ai des réminiscences d’un grand foutoir incroyable qui part dans tous les sens. Des personnages peu crédibles sortis de l’imagination d’un écrivain qui avait une idée précise où les faire évoluer et atterrir, des lieux divers avec une intrigue qui m’avait paru un peu lourde, Le Tigre s’est profondément ennuyé.

La partie « finie » du roman se termine avant 180 pages, mais je n’ai su aller au-delà de la centième. Puis suis rapidement allé voir ce que préparait Manchette pour la suite (cf. infra). Et n’ai encore rien compris. Une mauvaise expérience littéraire dont, à mon humble avis, il faut retenir deux points : ne surtout pas commencer par cette œuvre pour découvrir Jean-Patrick M. ; l’utilité de publier un tel titre à trous sans tenter (la famille n’a certainement pas voulu) de le faire terminer par un autre. Car l’idée de base restait séduisante.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le thriller à vocation internationale. Plein de pays (Allemagne, Cuba,…) ; une belle pétée de personnages (une photographe, une jeune fille, des vilains tueurs) ; des sujets où se mêlent vieux secrets de guerre, espionnage & Co, Manchette avait apparemment décidé de sortir l’artillerie lourde. Mais il n’en fut rien, Le Tigre (sans méchanceté aucune) a pensé que l’auteur ne semblait pas avoir les épaules pour produire quelque chose digne d’un chef-d’œuvre anglo-saxon à la Ludlum (par exemple).

Rare point positif dans La Princesse…, le lecteur pourra avoir un aperçu satisfaisant de la manière dont écrit Manchette. En fait ce dernier savait où il allait puisque de courts chapitres (qui suivent l’œuvre) sont comme des scripts de ce qui va advenir aux héros. Enfin, les ultimes pages sont des remarques plus personnelles de JPM sur sa façon d’écrire, apparemment le travail scénaristique préalable à l’écriture à proprement parler. Mais j’ai l’honnêteté de dire que je ne suis pas allé jusque là.

…à rapprocher de :

– De Manchette, Tigre a préféré Nada ou La position du tireur couché. Voire Fatale.

– Avec les mêmes critiques, je peux vous renvoyer vers L’affaire N’gustro.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Antony Beevor - La Seconde guerre mondialeVO : The Second World War. Énième essai sur la WWII, cependant écrit ici par un érudit qui sait définitivement de quoi il parle. Le Tigre qui en principe n’aime pas du tout ce type de gros pavés est parvenu à le terminer, et même à l’apprécier. Car cela se lit comme un roman, certes un peu trop long.

De quoi parle La Seconde guerre mondiale, et comment ?

Qui es-tu donc Beevor ? Ooooooh…une sommité dans son domaine il semble bien : il a fréquenté les plus beaux établissements universitaires de sa très Gracieuse Majesté ; a suivi les cours de grands historiens ; a servi comme officier de carrière et a donc pu avoir accès aux archives militaires russes et allemandes ; a déjà écrit un nombre impressionnant d’essais ; a une belle gueule, bref encore le parfait invité pour votre déjeuner dominical !

Le Tigre n’a guère l’habitude de lire ce genre d’énormes trucs historico-militaires, mais dans une vieille maison chez des amis il est parfois impossible d’y échapper. Surtout quand on ne vient pas avec ses propres plats littéraires. Aussi j’ai profité de quelques heures pour rapidement parcourir quelques chapitres (si bien que j’ai quasiment tout lu). Et, loin d’être ennuyeux, La Seconde guerre mondiale apporte quelques nouveautés (cf. infra) par rapport à ce que je croyais connaître sur cette période.

Attention, si Beevor traite essentiellement de l’aspect militaire et politique, son style reste relativement fluide et agréable à lire. L’essayiste parvient à nous faire partager la realpolitik des grands de ce monde tourmenté (le père Churchill, le vérolé Staline, le claudiquant Roosevelt, etc.) ainsi que le quotidien de la soldatesque. Du macro au micro, l’Anglais maîtrise tout, peut-être trop car plus d’une fois Le Tigre s’est presque noyé dans les innombrables détails qu’on oublie à la page suivante. Toutefois quelques lignes retiennent l’attention, par exemple ce souvenir d’un troufion (page 821) :

Un jeune soldat venu transmettre un rapport sentit une main agripper son manteau. Il baissait les yeux. C’était une fille d’environ 18 à 20 ans avec des cheveux blonds et au beau visage. Elle me pria à voix  basse : « sortez votre pistolet et tuez-moi ». Je l’ai regardée de plus près et j’ai réalisé avec horreur qu’elle n’avait plus de jambes.

Pour conclure, Le Tigre a lu cet essai comme une fiction (hélas trop longue, mais le sujet est démesuré) grâce aux talents de conteur de Beevor. Et c’est sans doute un problème, car au XXIème siècle il paraît difficile de se représenter l’horrible réalité que fut cette guerre planétaire (shoah, exactions de guerre). Enfin, une cinquantaine de photographies d’archives (certaines fort connues, d’autre moins) sont régulièrement disséminées dans l’ouvrage. Ce petit plus fort légitime n’est pas inutile mais ne donnera nullement l’impression de lire plus vite.

Ce que Le Tigre a retenu

Ce qui m’a plu dans cet essai est la mise en lumière des comportements des grands généraux de tout bord. Le Rosbif Montgoméry, l’Amerloque MacArthur, tous ces médaillés tirent désespérément la couverture vers eux comme autant d’excentriques divas. Et pourtant ça ne les a pas vraiment desservi. Un bal des égos largement entretenu par les hommes politiques qui ne dédaignaient pas du tout y participer.

Tony B., m’a appris pas mal de choses en se concentrant aussi bien sur les théâtres d’opération occidentaux qu’orientaux. Car cette guerre a réellement démarré en 1937, lorsque les Japonais se sont décidés à envahir la Chine. Et l’écrivain traite aussi bien des luttes militaires dans ce qui deviendra l’ASEAN (si ça peut expliquer la politique actuelle de l’organisation) qu’il donne une analyse complète de de la Chine nationaliste, puis communiste, dans le nouvel ordre mondial qui s’esquisse.

D’ailleurs, Le Tigre a cru dénoter une certaine naïveté américaine (encore plus que ce dont je me doutais) par rapport aux alliés orientaux qui allaient, peu de temps après, royalement chier dans les bottes de l’Oncle Sam. La Chine maoïste, mais surtout l’URSS, deux ogres rouges dont on se doutait à l’époque que ceux-ci allaient donner des sueurs froides aux États-Unis, seulement ces derniers semblent n’avoir pas fait grand chose pour l’éviter pendant le conflit.

…à rapprocher de :

– Beevor est également connu pour son édifiant essai Stalingrad, sorti en poche depuis quelque temps.

– L’autre référence est Ian Kershaw, pour l’instant Le Tigre n’a lu que La fin, sur les 10 derniers mois de l’Allemagne nazie.

– Autre essai roman graphique sur la WWII, vue côté juifs, il y a l’excellent Maus, d’Art Spiegelman.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici.

Joolz Denby - Stone BabyVO : idem. Acheté au petit bonheur la chance, et faut avouer que le bonheur ne fut pas vraiment loin. Scénario qui met du temps à décoller, mais environnement et personnages relativement bien développés dans l’ensemble. Original et parfois marrant, ça se laisse lire, souvent en diagonale.

Il était une fois…

Le résumé au dos du bouquin est loin d’être dégueulasse, aussi rendons à César ce qui appartient à l’éditeur :

« Lily l’a su dès le début en le voyant tellement beau, envoûtant, si sûr de lui jusque dans les moments de fragilité feinte. Elle a deviné à l’instinct que cet homme était un danger pour elle et surtout pour Jamie, si vulnérable en dépit de sa façon bien à elle de calmer des salles entières de mecs chauffés à blanc. Ce type magnétique était le prédateur propre sur lui qui, une fois sa proie choisie, ne repartirait qu’après l’avoir dépecée. Au propre comme au figuré. Lily le savait. Jamie le savait. Et pourtant, il était toujours là… Cette histoire, tout le monde la connaît. Les médias en ont parlé. Il est temps aujourd’hui de raconter les choses telles qu’elles se sont vraiment passées. »

Critique de Stone Baby

Petit mot rapide sur Joolz Denby, Julianne Mumford de son vrai blaze. La demoiselle (plus si jeune, elle est de la génération baby-boom) est une artiste complète : poétesse « punk », illustratrice, écrivaine à ses heures, et surtout tatoueuse de talent. Le genre de personne à qui je ne confierais pas le design de mon blog pour une journée, au risque de me retrouver dans L’étrange noël de Mister Jack. Le résultat pour Stone Baby, automatiquement, est un bon polar tout british néopunk qui apporte du neuf littéraire.

L’histoire est raconté par la belle Lily, qui habite dans une sorte de grande baraque avec des amis / copains qui font un peu « cour des miracles ». Et le problème de la belle colloc commence par Jamie Gee qui fait la connaissance de Sean Powers, bellâtre tout en sucre qu’on devine être un psychopathe patenté. La narratrice tente alors d’éloigner (voire piéger) ce salopard, et la pression monte de manière plus que satisfaisante sur le dernier tiers de l’œuvre.

Malgré les qualités narratives de Joolz (chapitres courts et style plutôt léger), Le Tigre a toutefois eu beaucoup de mal à se représenter le profil des différents protagonistes. Notamment Jamie, grande nana que j’imaginais chevaline et à la répartie cinglante et géniale lors de ses one-woman-show dans les bars. L’univers de l’auteur, si particulier, ne favorise pas forcément l’empathie pour le lecteur peu porté sur la culture underground punk anglaise. Heureusement qu’il y a Mojo, un homosexuel à l’identité trouble et que j’ai trouvé tout en splendeur. Alors lui (ou elle), pas de soucis à s’en faire une image.

Au final, si l’intrigue m’a paru excessivement longue,  Miss Denby a su rester « sobre » sur la façon dont est délivrée les péripéties : la chronologie, avec quelques flashbacks bien amenés, saura tenir en haleine tout lecteur normalement constitué. J’ai presque envie de porter le regard sur quelques uns de ses poèmes, juste par curiosité.

Thèmes abordés

Les deux thèmes dont je traiterai sont surtout intéressants pour les éclaircissements psychologiques que ceux-ci apportent. Déjà Jamie est désespérément amoureuse d’un dingue en puissance. Lily, Gabe, Mojo même, tous s’échinent à lui montrer ce qui ne va pas. Mais pour la femme peu sûre d’elle et qui n’est pas un canon de beauté, avoir quelqu’un aussi « bandant » que Sean la place illico sur un petit nuage. Love is blind, comme on dit outre-manche, et parfois les ravages que ça produit méritent un pavé de 400 pages.

Enfin, le lecteur aura sur la fin un bel exemple de ce qu’une enfance anormale peut produire comme perversions chez un individu. Le Tigre n’en dira pas plus de peur de spoiler, seulement le glauque de la situation ne m’avait point déplu. A propos de glauque, dernier mot sur le titre, pour avoir une idée de la « culture underground » de l’auteur : les Stone Baby, ou « bébé pierre », sont des fœtus décédés dans le corps de la mère qui ne fait cependant pas de fausse couche. L’enfant s’intègre alors dans le corps de cette-dernière, avec les os qui se calcifient sur ceux de la mère. Le mot savant utilisé est Lithopedion. Et ça peut passer inaperçu pendant des décennies…

…à rapprocher de :

– Cette écrivaine est aussi présente, chez le même éditeur (du format poche), avec le recueil de nouvelles Londres Noir, présenté par Cathi Unsworth. Y’a même du Ken Bruen dedans.

– Certains individus hauts en couleurs de ce roman m’ont légèrement rappelé ceux du road movie de Palahniuk, Monstres invisibles. Toujours chez ce même auteur, la narratrice qui tente de protéger une amie contre un homme dérangé (et contre elle-même), c’est Tell All (hélas pas terminé).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Jodorowski & Janjetov - Les TechnopèresUne saga grandiose et philosophiquement (si si, l’air de rien) poussée, très peu de défauts, des illustrations comme Le Tigre les aime, bref ce fut le coup de foudre. Les aventures d’Albino, de sa terrible enfance jusqu’à la magistrature suprême, sa quête d’un monde nouveau, c’est mignon et terrible à la fois.

Il était une fois…

L’intégrale que Le Tigre s’était procurée consiste en deux jolis blocs, chacun comportant quatre délicieuses bandes dessinées. Les titres des opus (sortis entre 1998 et 2006) sont, dans l’ordre : La Pré-école Techno, L’École pénitentiaire de Nohope, Planeta Games, Halkattrazz, l’étoile des Bourreaux, La secte des Techno-évêques, Les secrets du Techno-Vatican, Le Jeu parfait et enfin La Galaxie Promise. Notez les subtils jeux de mots.

La trame de l’histoire est double. D’une part Abino, accompagné de 500.000 disciples, fuit le monde techno-techno vers une nouvelle galaxie où « la science ne comptera pas autant que les rapports humains ». Son voyage sera émaillé de divers incidents et, grâce aux pouvoirs du héros vieillissant, la terre promise est chaque jour plus proche. D’autre part, Albino écrit ses mémoires pendant le voyage (avec l’aide de sa fidèle souris Tinigrifi), l’occasion pour le lecteur de découvrir son parcours, depuis le viol de sa mère, jusqu’à cette fuite.

Critique de Les Technopères

Le jeune Tigre a squatté les grands magasins culturels des heures pour lire tout ce qu’a bien pu pondre le très déjanté Jodorwsky. Et ça paye, puisque dès que les coffrets sont sortis je me suis jeté dessus et ai sorti mes petits billets aussi vite qu’une religieuse se signe en lisant Alesteir Crowley.

Les Technopères s’inscrit dans l’univers particulier de l’auteur où se trouvent également les épisodes relatifs à l’Incal (cf. infra). On voyait de temps à autre ces sinistres individus avec un bel étron gravitant au-dessus de leurs têtes, mais jamais l’organisation « techno » n’avait été réellement étudiée. Et Jordor’ s’est réellement fait plaisir avec ces huit (courtes hélas) BDs. L’alternance entre les souvenirs du héros (mes passages préférés) et son trajet vers la galaxie promise est bien dosée, même si les menue dialogues du héros et de son petit animal de compagnie peuvent en gaver plus d’un.

Rien n’est parfait bien sûr, car Alexandro J. a souvent fait du grand n’importe quoi : le mix entre la religion et la science est poussé à son maximum, les ficelles sont grosses. En sus, le héros monte toujours plus vite dans la hiérarchie techno comme une jeune conne les marches du festival de Cannes en se dandinant. Rien qui ne pique les yeux dans la mesure où ces délires m’ont bien fait marrer. Toutefois la fin du cycle m’a profondément déçu. Sans vraiment spoiler, la fusion entre les deux protagonistes principaux afin qu’Albino puisse sortir de son fichu vaisseau est plus que douteuse. Et le résultat visuel, bof.

Ce sont les illustrations qui ont remporté de gros lot des éloges du Tigre. Le dessin de Janjetov, assisté par ordinateur (surtout concernant l’architecture) est quasiment parfait. Ligne forcément claire, perspectives vertigineuses et faciès des protagonistes (surtout les vilains) bien rendus. Quant aux couleurs de Fred Beltran, on alterne entre tons kitschs (souvent fluos) et teintes plus froides, comme si le glauque de l’espace le remportait invariablement. Une excellente saga pour ma part, et je comprends que certains la trouvent excessive, voire opaque (alors que penser de l’Incal dans ce cas…).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La critique de la société ultralibérale est relativement prégnante. La secte techno-techno n’est rien d’autre que la logique productiviste et technologique poussé à son comble. Lorsque Albino « recadre » une société qui vend des jeux vidéos, le seul employé qui n’est pas exécuté est celui qui propose de « faire plus avec plus ». Pollution de l’environnement certes, mais corruption des esprits avant tout.

Le thème du jeu vidéo fait alors une entrée remarquée, et ce dès les premiers opus. Pour ramollir les cerveaux, les technopères utilisent les loisirs, avec des simulations et autres merveilles techniques pour accrocher le client. Addiction et frustration, voilà les deux mamelles de l’emprise de la sombre organisation sur l’Humanité. D’ailleurs ces jouets numériques serviront à Albino pour sélectionner son demi-million de disciples, en mettant en circulation un jeu contemplatif et faisant la part belle à la réflexion.

La puissance de la volonté. Au fil de l’évolution du héros, on remarque que seule la force de l’esprit lui permet de s’en sortir. En plus d’une solide bordée de nouilles qui lui déborde du cul. Luttes entre étudiants dans la pré-école techno, à l’étoile pénitentiaire (qui fait très Star Wars), dans le saint du saint de la secte, le petiot fait des merveilles (certes aidé du respecté Loyola, fondateur floué des technos). Il y a réellement de tout dans chaque chapitre, que ce soit une succube artificielle destinées à détourner le héros de son but ou un combat à mort entre avatars imaginés par les concurrents.

…à rapprocher de :

– Le cycle fondateur, à mon sens, serait la Caste des Métabarons. Long et beau.

– Comme j’en parlais, il y a, chez le même auteur, Avant l’Incal suivi de L’incal. Et Final Incal accessoirement. Plus long, plus complexe, plus éthéré, Le Tigre se demande sous quelles substances cela a été écrit.

– Sur la pollution des esprits et (surtout) de l’environnement, le correct Megalex se laisse lire. C’est bon, mais pas à la hauteur du grand Jodo – à mon sens.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD (une grosse intégrale) en ligne ici.

Antoine de Saint-Exupéry - Vol de nuitUn autre classique de littérature que Le Tigre n’a pas eu peur de lire, il faut dire que Saint-Exupéry a fait simple et merveilleux (pas le style cependant) avec ce titre. Les pionniers de l’Aéropostale qui se dépassent pour prouver que la livraison de courrier par avion a de l’avenir, avec à leur tête un homme impitoyable mais juste, bref ça marque.

De quoi parle Vol de nuit, et comment ?

Comme dirait Stan dans South Park, j’ai appris quelque chose aujourd’hui. Non, plusieurs choses : d’une part, Antoine de Saint-Exupéry (Saint-Ex’, ASE, StEx, etc pour après) est un héros dans le sens où il a effectué un travail (et dirigé d’autres individus) dans un domaine où Le Tigre se serait fait dessus depuis belle lurette. Ensuite (et corolairement), Le Tigre a mesuré la solitude de l’aventurier qui, tel un Flagada Jones nocturne, peut à tout moment sombrer dans les mers (et l’oubli parfois). Enfin, j’ai découvert que le prix femina (attribué à cet essai) existait déjà au début des années 30.

Nul besoin de présenter Antoine de St-Ex’, en revanche je vais rapidement expliquer pourquoi ce roman me paraît devoir entrer dans la catégorie des « essais ». J’ai en effet lu cet ouvrage en me disant que l’aspect littéraire (si celui-ci existe) est de moindre importance par rapport au message du titre et à ce qu’explique ASE. C’est court mais intense, simple et direct, un petit bijou où le lecteur sentira comme jamais le vécu de l’écrivain. En sus, Le Tigre à tout moment profite pour abonder cette dernière catégorie.

L’histoire est édifiante, avec notamment le point de vue d’une grosse partie des protagonistes qui ont contribué, depuis la Patagonie (ou dans ces eaux-là), à délivrer le courrier d’Amérique du Sud vers l’Europe. Et cela en pleine nuit afin de ne pas perdre de temps ! Pour moins de 200 pages on peut alors remarquer que le père Exup’ a fait intimiste et sans fioritures narratives. Des faits bruts, quelques impressions, et hop à l’imprimerie ! Du coup on oublierait presque le vénérable âge de cette œuvre.

Et c’est pourquoi ce livre qui ne paie pas de mine peut se lire, et même se relire (malgré les préconisations du Tigre), sans qu’à aucun moment l’ennui ne s’installe. A la rigueur la mentalité de Rivière pourra choquer, toutefois c’est justifié (du moins du point de vue de l’essayiste) pour le bien de tous.

Ce que Le Tigre a retenu

L’esprit de pionnier et les devoirs de chacun. Pour réussi dans sa petite entreprise, le directeur (Rivière de son petit nom) a découvert avant l’heure la théorie de l’effet « O-ring » qui consiste à asséner que le maillon le plus faible d’une chaîne de production détermine la fiabilité de la chaîne dans son ensemble. Le pilote qui risque sa vie et, lorsqu’il la perd, la femme qui n’a rien à redire ; le mécanicien qui doit scrupuleusement surveiller les moteurs ; le contrôleur guidant le pilote, bref pour une erreur l’intervenant concerné se fait sévèrement tancer par un chef qui ne laisse rien passer. Ça rappelle un peu l’armée.

Le leadership, ou l’art du commandement (pour rester dans la métaphore militaire). La phrase que Le Tigre a tout particulièrement retenu est la suivante : « Celui qui commande ne doit pas montrer qu’il aime ses hommes ». Tony de St-Ex’, par son avatar Rivière, nous présente un chef aux méthodes aussi intransigeantes que celui-ci est visionnaire. Ni chichis ni épanchements sentimentaux entre nos mâles aventuriers, juste un objectif qui est de livrer les colis peu importe les conditions de vol. Très peu de pauses dans leur métier, non pas pour les emmerder, mais en faire des individus solidement entraînés qui accompagneront l’entreprise vers l’excellence. Et ça a porté ses fruits.

…à rapprocher de

– Sur les pionniers qui en une paire bien accrochée, je ne vois pas trop. De même que Le Tigre a, au final, très peu lu d’ouvrages de cet auteur.

– Sinon, en biographie prenante et bien écrite, je peux vous renvoyer vers un autre dépassement de soi avec Murakami et son Autoportrait de l’auteur en coureur de fond. La discipline y occupe une place également importante.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici.

François Szabowski - Une larme de porto contre les pensées tristesEncore un ouvrage de François Szabowski lu, et il faut avouer que l’écrivain sait faire de tout en plus d’avoir de la suite dans les idées. Il y a de tout dans ce recueil de nouvelles, tant du très bon que de courts textes qui m’ont laissé pantois. Dans l’ensemble quelques chapitres auraient mérité d’être étoffés tant leur idée principale est excitante (d’un point de vue littéraire bien sûr).

Il était une fois…

Plus d’une vingtaine de nouvelles qui ne dépassent pas 3 à 4 pages (si on les collait dans un livre de poche bien aéré), soit moins de 80 pages qui peuvent se lire en moins d’une heure. Quant au titre, les fameuses larmes de porto renvoient à une préface (cf. dernier thème) qui amènera plus d’un lecteur à retourner lire quelques passages.

Critique d’Une larme de porto contre les pensées tristes

Ce court livre numérique a été envoyé au Tigre par les Forges de Vulcain (l’éditeur) sous la forme d’une clé usb comprenant quatre romans, dont celui-ci. Pour Le Tigre qui commence à bien connaître le sieur Szabowski, on repère ici et là quelques thèmes chers à l’auteur : Les mémoires de Casanova décrit la mauvais foi caractéristique tandis que Premier amour présente un jeune qui comprend tout de travers, tel le héros des aventures d’un copiste (cf. Infra).

Sur plus de vingt nouvelles, il est quelques pépites disséminées qui en feront ricaner plus d’un. Rire jaune souvent avec François S., l’aspect acide et corrosif de son humour (avec des protagonistes soit naïfs soit diaboliques) ne m’ont pas laissé indifférent. La soirée chez Ivan ? Marrante et étonnante. Le Dindon ? Cocasse et profondément amorale (j’y ai vu une acerbe critique de l’utilitarisme capitalistique).

Après les roses envoyées, quelques épines : l’ennui ne s’installe pas puisque le recueil m’a paru légèrement trop court. Si on lit le tout avec une certaine fluidité, Le Tigre aurait préféré des meilleurs passages plus « charpentés », quitte à laisser de côté les moins bons. Ça aurait ainsi été moins fatiguant de passer d’un écrit à l’autre. Remarque certes éminemment subjective, car selon l’humeur il y a un texte adéquat.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’hommage à toutes les littératures. C’est presque un travail d’écriture que nous livre l’auteur, et j’ai cru remarquer qu’il se faisait intensément plaisir (et le lecteur par la même occasion) à certains moments. Le Tigre pense notamment à la nouvelle L’Écrivain, texte d’excellente facture qui regorge de trois phrases alambiquées et pompeuses qui ne sont pas sans rappeler quelques jaillissements d’auteurs contemporains. Jugez plutôt d’après cet extrait, à mi-chemin entre la fantasy et le roman historique too much :

[…] que survint, par un matin de printemps, comme seules les rives de l’Indus en accouchent, un carrosse de trente coudées tiré par quinze alezans ceints d’une foule chatoyante d’esclaves madrés à la peau luisante d’opale, sur lequel Theodora, alors fille puînée de l’Infâme – ainsi que les scribes, depuis Roderic, avaient eu coutume de décrire Asopée le prince de Karagöz – fit son entrée dans la Ville […]

Blague à part, heureusement que la postface n’est pas une préface, car on y apprend l’origine de ce travail d’écriture. [Attention SPOIL] Contrairement au Tigre, François ne se souvient que rarement de ses lectures. C’est pourquoi il s’empresse de faire une note écrite dessus dès le livre refermé. Sauf pendant quelques mois où cela lui fut impossible. D’où Les larmes de porto, textes qui exprimes ses très subjectifs souvenirs de l’œuvre (il fait le lien entre cette dernière et le chapitre d’ailleurs). Larmes de mémoire qui selon lui ne sont pas un hommage, mais pour Le Tigre c’est un des plus beau qu’on puisse donner à un roman. [Fin SPOIL].

…à rapprocher de :

– Szabowski est à l’honneur chez cet éditeur, avec notamment Les femmes n’aiment pas les hommes qui boivent (les fameuses aventures d’un copiste qui méritent d’être lues rien que pour les titres des chapitres) et Il n’y a pas de sparadraps pour les blessures du cœur,(pas mal du tout). Ou Silhouette minuscule (glauque et correct) coécrit avec Anna Streese et présent sur la clé usb. Pareillement, Il faut croire en ses chances est à ne pas rater.

– La fine imagination de l’auteur se retrouve dans le recueil de désopilants proverbes dans La famille est une peine de prison à perpétuité (illustrations d’Elena Vieillard).

– Dans ce même média original , il y a en outre Avec l’assentiment du reptile, de Grégory Mion, qui est une petite tuerie, et Le Spectateur, de Jérôme Monti (très bon également).

– Le Tigre a souvent pensé, en lisant ces nouvelles éclectiques, aux Exercices de style, de Raymond Queneau.

Nicolas Jaillet - La maisonCourt, désarmant au début, pression montant progressivement en puissance jusqu’à une fin qui laisse hagard, Le Tigre a été au final séduit. Jaillet a un certain talent pour faire du Nothomb mais en mieux, que cela se sache. Bref, une sucrerie littéraire amère qui de surcroît laisse un arrière goût de cendres, pour faire classieux.

Il était une fois…

Le quatrième de couv’ est un extrait de la préface d’un certain Marcus Malte et n’aide pas vraiment à faire avancer le schmilblick. En fait si, j’ai découvert que ce personnage a écrit des livres capables de ravir, à l’instar de Jaillet, Le Tigre (cf. infra). Aussi voici mon résumé :

Jean et Martine sont mariés, on un enfant (qui est le narrateur de l’œuvre), seulement la famille est loin d’être heureuse. En effet, Martine fait l’objet d’un harcèlement inouï de la part de son mari, et sa réaction va bouleverser l’équilibre déjà précaire du foyer. Le narrateur nous livrera son analyse et ses impressions à l’aune de ce qu’il a pu récolter comme informations. Dont certaines remontent avant sa naissance.

Critique de La maison

Contrairement aux éditeurs (indiqués ici) qui me livrent, à une boîte postale domiciliée aux îles Caïman comme il se doit, des livres dans le cadre de leurs services de presse, c’est Nicolas Jaillet en personne qui a eu la bonté d’envoyer le présent roman au Tigre après avoir découvert une élogieuse (à juste titre) critique d’un de ses romans parus chez Folio policier (cf. infra). La déontologie du Tigre, aussi rigoureuse que celles d’un avocat et d’un CAC réunies, n’a hélas rien pu faire contre La maison.

Si j’ai eu peur des trente premières pages où je ne voyais ni où cela menait ni qui était qui dans ce joyeux bordel, les instruments de compréhension se mettent rapidement en place. L’histoire, tristement banale à ses débuts avec en toile de fond une triviale altercation d’ivrognes (dont le nouveau marié) lors d’un mariage, se dévoile plus fine et complexe au fil des (nombreux) chapitres. Et la suite gagne en intensité (avec des magnifiques pics) jusqu’à une fin un tantinet décevante : les souvenirs d’école et premiers émois sentimentaux du narrateur ne collent pas vraiment au reste du scénario, quelque chose a du échapper au Tigre.

Au final, en dégageant du compte la préface, ce sont 100 pages bien espacées qui seront vite lues. L’affaire de trois quart d’heure, on peut regretter que l’écrivain n’ait pas tenté d’en faire quelque chose de plus lourd, même si la charpente dépouillée de son texte fait merveille. Dernier mot sur le format qui peut surprendre : première publication en poche, à croire que les éditions Rue du Départ ont lu un de mes billets, ça compense en partie les 10 € que cet objet peut coûter. Car plus de 3 € le quart d’heure de lecture est susceptible en faire tousser plus d’un.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Tout d’abord, la mémoire. Le narrateur évoque l’histoire en admettant qu’il est autant de versions que d’individus concernés, et lui-même sait l’artifice de certains souvenirs. Le terme anglais le plus adapté (et qui ne me paraît pas être traduit en français) est celui de « confabulation ». A la différence de l’affabulation qui n’est qu’invention, le préfixe « con » suggère la construction intellectuelle d’un souvenir à partir d’élements tangibles (une photographie ou les dires d’un proche par exemple).

Ensuite, les violences conjugales. L’auteur français appuie là où ça fait mal : la violence sourde, celle qui est plus psychologique que physique car suggérant sans aller droit au but, à l’instar du style de Nicolas J. en fait. C’est aussi dur à lire que le lecteur ne peut vraiment refermer le livre lors de ces passages tragiques, juste subir avec un sentiment de mal-être grandissant. Reproduction sociale ou hasard, le narrateur se détruit à petit feu lorsque Martine ne peut plus être une victime, comme si le jeune protagoniste allait au devant du comportement à venir de son père.

Enfin, la résistance et le courage dont fait montre Martine qui est fermement décidée à ne pas rester les bras croisés. [Attention SPOIL] Cette admirable femme est plus maline et déterminée qu’au premier abord et a monté son « plan » dès le mariage. Une opération de plus de 15 ans où tout sera méticuleusement calculé, à savoir partir du foyer en trouvant un boulot ailleurs et en gardant caché (sa fameuse pièce) de quoi peupler rapidement un nouvel appartement. Être parfaitement autonome en fait. Cerise sur le gâteau : Martine dégage le jour des 16 ans du narrateur, celui-ci est désormais apte à se défendre seul contre le père qui immanquablement retournera sa colère contre lui. [Fin SPOIL]

…à rapprocher de :

– De Jaillet, il y a donc le sublime Sansalina, dans le Mexique du début du siècle dernier. S’il fallait une preuve supplémentaire de l’éclectisme de cet auteur.

– Dans un registre plus « populaire » et moins crédible, il y a Darling, de Jean Teulé. Court et efficace, un bon moment de littérature également.

– Version scandinave/polar, ça donne La Femme en Vert, d’Indridason. Version irlandaise, c’est La douleur de Manfred (sans plus, y’a mieux de lui).

– En plus long et horrible, mais avec un titre très proche, je vous renvoie amicalement vers La maison muette, de Burnside. Dérangeant à souhait.

– De Marcus Malte (le gars de la préface), j’ai notamment lu Le lac des singes avec le héros Mister. Du très bon.

Peter F. Hamilton - The Nano FlowerVF : Nano. Quasiment premier contact avec le sieur Hamiton, lu en anglais car aucune traduction (à l’époque) n’avait pointé le bout de son nez, et c’est le meilleur opus de la série. Pouvoirs psychiques qui augmentent, mais surtout la présence d’une espèce pas vraiment terrienne qui nous vend du rêve.

Il était une fois…

Vous connaissez l’univers de Greg Mandel après les billets sur les titres précédents, ici le quatrième de couv’ de l’édition française (poche) par Milady se défend pas mal du tout, même si la fleur dont il est question est presque un spoil : « Julia Evans a des problèmes. Entre son mari disparu et ces entreprises rivales qui déclarent posséder une technologie extraordinairement supérieure à tout ce que connaît la Terre, elle n’a pas le temps de remarquer la fleur qu’on lui a anonymement livrée. Pourtant, les gènes de cette plante ont des millions d’années d’avance sur l’ADN humain… Est-ce un message extraterrestre crypté ? »

Critique de The Nano Flower

Le Tigre s’était procuré les trois tomes de Greg Mandel (cf. infra) d’un coup, et les ai avalé assez rapidement malgré un style qui est loin d’être parfait. Mais à ce moment je ne savais pas qu’Hamilton préparait l’artillerie lourde avec les fabuleuses sagas space opera sur le point de déferler. Pour les aventures de ce fameux Greg, je disséminerai les thèmes et informations dans les trois billets, donc n’hésitez pas à faire un tour du côté les autres.

Avec Nano Flower, il faut avouer que malgré la taille du texte (près de 600 pages, c’est assez long à lire en anglais) l’auteur a livré son meilleur titre. Au moins 10 piges semblent s’être passées après A Quantum Murder et l’Angleterre ressemble de plus en plus à une jungle (le climat comme les comportements économiques) oppressante. Or, la belle Julie Evans, multi milliardaire grâce à sa société qu’elle a bien tenue, doit encore faire appel à notre héros. En effet, des combinats concurrents clament posséder une technologie de dingue et le mari d’Evans, Royan, est porté manquant.

Le résultat est une course contre la montre pour savoir si Royan disparu a un rapport avec la mystérieuse fleur qui présente un ADN au potentiel terrifiant, tandis qu’un vilain tueur défouraille à tout-va dans l’entourage de Greg Mandel. Et la fin est tellement superbe que j’en ai fait un thème (cf. infra). Pour conclure, une finition plus que satisfaisante qui prend une ampleur assez délicieuse. Le lecteur impatient pourra se concentrer sur cet opus qui, à l’instar des autres, peut se lire indépendamment.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Pour la première fois l’écrivain aborde le sujet d’une espèce E.T. apparemment désireuse d’entrer en contact avec la belle Humanité. [Attention SPOIL] D’abord un premier mot sur Royan qui a été « réparé », presque contre son gré, par une Miss Evans éperdument amoureuse. Ayant retrouvé ses jambes, l’ex hacker des systèmes d’informations se sert de ses talents pour aller loin, très loin, jusqu’à une rencontre du troisième type. Plus même, parce que l’E.T., en mauvais état, se « nourrit » du corps de Royan qui fusionne presque avec ce dernier. Une idée séduisante. [Fin SPOIL]

Les simulations de l’esprit humain. Dans cette trilogie feu le père (fondateur d’Event Horizon) de Julie Evans a une partie de son comportement enregistré dans une base de données à laquelle seule peut accéder sa fille. Et le daron apparaît (tel un petit diable) à certains moments critiques tant pour la conseiller qu’émettre des remarques parfois acides sur la gestion de l’entreprise familiale.

Hamilton se fait en outre plaisir, grâce à la position de cette puissante société, avec les intrigues politiques et économiques tout en faisant la part belle à la négociation et aux rapports de force, ce qui est encore plus prégnant dans ses œuvres ultérieures.

…à rapprocher de :

– Il me semble que l’éditeur Bragelonne parle à tort de trilogie dans la mesure où lire les deux autres opus de Greg Mandel reste relativement possible. Mais bon, il faut bien vendre… Alors, les deux titres précédents sont Mindstar Rising et A Quantum Murder.

– Puisqu’on parle de trilogie, préférez celle du Vide ou la saga de L’aube de la Nuit (écrite juste après The Nano Flower), voire celle du Commonwealth. Ou si la taille vous fait peur, Dragon déchu est une pépite de one-shot. Un auteur prolixe, indeed…

– La solitude que j’ai ressentie de la part d’un être venu d’ailleurs m’a fait penser, peut-être à tort, à l’habitant d’un étrange vaisseau dans La Cité du Gouffre, de Reynolds.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (en VF hein).

Richard Milward - Block partySous-titre : un roman à dix étages. VO : Ten Storey Love Song. Roman encensé par le grand Irvine Welsh en personne, on comprend pourquoi vu le style et certains personnages. Richard Milward, voilà peut-être une nouvelle tête dans le monde de l’anticipation sociale : acide, drôle, narration et format qui sortent des clous, bref ça a plu au Tigre.

Il était une fois…

Dans le nord de l’Angleterre, une tour HLM nommée Peach House héberge une dizaine de protagonistes que le lecteur suivra dans leurs pérégrinations. Bobby le peintre déjanté et sa petite amie Georgie, Johnny l’impulsif et sa copine Ellen, Alan le Salaud (ex-flic) qui est porté sur les jeunes filles, et quelques autres cas sociaux. Lorsque Bobby l’Artiste voit ses toiles repérées par un homme (avec l’aide de sa cousine qui habite Peach House) qui tient une galerie branchée en plein Londres, le microcosme en apparence harmonieux de nos héros risque de partir sérieusement en couille.

A ce titre, Le Tigre a trouvé que le quatrième de couverture ne rendait bien compte que de la forme du roman (cf. infra), hélas pas du fond qui est bien plus riche et déjanté.

Critique de Block party

Le Tigre a eu une arythmie cardiaque passagère en ouvrant le roman : il manque les chapitres, les paragraphes, les tirets pour les dialogues et même les sauts de page ! Comme si l’auteur nous contait, sans reprendre son souffle, quelques jours du quotidien mouvementé des habitants de l’immeuble. Or, à partir d’une trentaine de pages le lecteur se trouve pris dans le tourbillon. Car si le début n’est pas franchement génial, avec des personnages qu’on se représente difficilement, Block party accuse une intensité qui va crescendo, jusqu’à une fin qui nous laisse comme sonné. 300 pages de ce format, c’est au moins 450 pour un poche « normal ».

Sur l’histoire et le style (outre l’aspect « bloc » littéraire), il faut souligner que Richard a une admiration particulière pour l’anticipation sociale et reprend ses canons de manière délicieuse. Ainsi les hommages aux grands auteurs de ce genre de littérature légion : le mec parano violent (imaginez Begbie dans Trainspotting) ; un autre qui se chie dessus alors qu’il est en pleine parade nuptiale ; la cassette porno amateur qui tombe entre les mains d’un ami (une cassette en 2009 ? Voyons..) ; les suites de mots sans queue ni tête, c’est du pur Irvine Welsh. On peut remarquer de temps à autre l’utilisation extensive du name droping (marques et produits), exercice rappelant tant Palahniuk que Will Self.

En conclusion, une excellente (et originale) expérience littéraire que Le Tigre affectionne particulièrement. En sus, l’objet-roman est de très bonne qualité, et l’idée de mettre sur le rabat de fin une playlist des morceaux conseillés par Richard M. en personne illustre parfaitement la symbiose entre les deux arts (ce dont j’ai déjà parlé). Une dernière pensée pour la traductrice Audrey Coussy qui a dû avoir plus d’une fois les yeux qui piquent à force de reproduire les idiomatiques de Milward et son style puissamment rythmé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La drogue. Comme tout bon écrivain d’anticipation sociale, la plupart de nos jeunes fument (pas que du tabac), boivent (pas que de l’alcool), gobent (pas que des dragibus comme Georgie) ou sniffent comme s’ils allaient mourir le lendemain. Ce qui donne lieu à de savoureuses situations gênantes, quiproquos et autres dégueulasseries bien marrantes. Si j’ai cru que Milward ne décrirait (avec talent) que les effets euphorisants et « déconnants » de la dope, le dernier quart de l’œuvre fait la part belle au bad trip.

L’amour. Et oui, un peu de romance dans cette œuvre avec notamment le pauvre Johnny, cocu d’un soir, qui crève de jalousie (alors qu’il ignore ses tristes cornes) face à une Ellen qu’il ne parvient pas à satisfaire au pieu. Il y a en outre Georgie et son copain d’artiste qui paraissent filer le parfait amour. Ces deux couples vont évoluer, chacun dans un sens opposé. L’homosexualité est même abordée avec le galeriste (Lewis) qui pense, à tort, que Bobby ne serait pas contre une petite partie de jambes en l’air. Amours interdites enfin, avec Alan l’alcoolo aux penchants pédophiles (et une terrible révélation sur la fin). Bref, de tout.

L’art me paraît constituer un bon dernier thème, puisque c’est l’élément déclencheur de l’œuvre. Et le lecteur pourra goûter une description au vitriol de ce que sont les gens et les usages dans ce business. Car Milward sait de quoi il parle, l’écrivain est aussi peintre et maîtrise naturellement l’univers interlope des galeries d’art contemporain. Mais je vous laisse découvrir par vous même de quoi il retourne.

…à rapprocher de :

– Puisque l’auteur explique avoir eu envie d’écrire dès son plus jeune âge après avoir lu Trainspotting de Welsh, autant le signaler. Et en profiter pour dire que la suite, Porno, n’est pas autant de très bonne facture.

– Chuck Palahniuk et Will Self, puisque j’en parlais, avec notamment, du premier, Tell All (le name droping) ou, du second, The Sweet Smell of Psychosis (les drogues et le monde des médias). Il y en a d’autres, comme par exemple Fight Club qui est invoqué dans le présent roman. Sur l’asepct « monobloc », et si vous êtes prêt à lire du très complexe, essayez donc Umbrella de Self.

– Pour parfaire votre connaissance de l’univers artistique, je vous renvoie amicalement vers Sept jours dans le monde de l’art, de Sarah Thornton (anglaise elle aussi).

– Chez le même éditeur, Le Tigre vous conseille également Côté cour, de Leandro Ávalos Blacha. Original.