Éric-Emmanuel Schmitt - Lorsque j'étais une œuvre d'artUn des plus importants titres de l’écrivain pour l’instant, du moins un des premiers lu et qui m’avait correctement marqué. Il faut avouer que le père Schmitt a eu une idée assez fantasque qu’il a exploitée dans les grandes largeurs. Il est d’autant plus méritant qu’il n’a pas dépassé 250 pages bien aérées. Bravo.

Il était une fois…

Tazio a des tendances suicidaires qu’un beau jour il décide de mettre à l’œuvre. Au moment de faire le grand saut, un grand sot (faut bien décompresser hein) lui propose un marché bien particulier : « vends moi ton corps, et je…[non non, pas de sexe]…te transformerai en oeuvre d’art. » L’ancien mannequin se retrouve alors à la merci de son nouveau manager et va goûter aux joies et peines d’être un objet d’une inestimable valeur.

Critique de Lorsque j’étais une œuvre d’art

J’ai légèrement gambergé à foutre ce billet dans la catégorie des essais, parce que plus d’une fois les propos et descriptions de l’écrivain français sont si justes qu’on pourrait boire l’intégralité de ses paroles.

A mon sens, le véritable personnage central de cette histoire est le fameux « Zeus » Peter Lama, artiste bobo-contemporain pipoteur en diable qui « gère » la nouvelle carrière de notre héros. Ce dernier profitera de son nouveau statut pour régler quelques comptes, hélas ne plus être maître de son propre corps lui fait rapidement prendre conscience de son erreur. Parallèlement, notre ami reprendra progressivement goût à la vie, et en partie grâce à la pétillante Fiona – la seule qui forcément voit l’homme avant la pièce d’art.

C’est tout naturellement que le roman se terminera bien, avec une flopée de nanas siliconnées courant dans tous les sens et le héros qui va savamment (une astuce juridique si je me souviens bien) se saborder en tant qu’objet. Sur le style, c’est du Schmitt efficace et bien amené où il n’y a pas grand chose à reprocher.

En conclusion, un des romans incontournables pour aborder cet auteur à qui, plus tard, il est arrivé de s’égarer – pas bien longtemps. J’avais peur d’avoir apprécié Lorsque j’étais une œuvre d’art à cause de ma niaiseuse jeunesse, toutefois en le relisant en diagonale le plaisir n’était guère émoussé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La première question, bien sûr, est si un être de chair et de sans peut être une œuvre en soi. Ce n’est pas un objet, la réponse serait alors évidente. Mais à bien réfléchir au sujet, grâce notamment à ce que la chirurgie offre de nos jours, on voit bien que Adam bis (le nouveau nom du gus transformé) peut prétendre au statut de pièce d’un art particulier. On est en présence d’un joli mix entre un Dorian Gray (version péché/sexe), la créature de Frankestein mâtinée d’un pacte à la Dante – mais avec une clause de dédit en sus.

Cet ouvrage est également un plaisant foutage de gueule vis-à-vis des dérives de ce qu’on nomme l’art contemporain. Pour rester dubitatif face à certaines « œuvres » dans des galeries qui, à mon sens, se font savamment pigeonner, Le Tigre a trouvé qu’Éric-Emmanuel a su bien rendre compte de certaines caractéristiques de cet art nouveau : argent omniprésent récolté par quelques sommités de pensée unique qui décident de ce qui est de bon goût, la volonté de faire à tout prix dans l’original (surtout en choquant), et la populace désespérante qui suit comme un troupeau de vaches marche vers l’abattoir.

…à rapprocher de :

– De Riri Schmitt, outre ses pièces de théâtre, j’avais particulièrement aimé La Part de l’autre ou L’évangile selon Pilate.

– Il y a le Cycle de l’invisible sur les religions : Milarepa, Oscar et la Dame rose, Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, Le Sumo qui ne pouvait pas grossir, L’enfant de Noé, Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, etc.

– Pour terminer sur une note plus sérieuse, et si vous voulez être instruit de l’art contemporain, il y a l’indispensable essai de Sarah Thornton.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Krueger & Ross & Leon - Earth XVO : idem. Oh punaise, Le Tigre s’est fait délester d’une conséquente somme pour près de 500 pages dont le tiers à peine a pu être lu. Le tout est incompréhensible, l’univers Marvel a été trop bouleversé à mon goût pour que je puisse suivre la saga d’Earth X. Je ne jette pas la pierre à l’éditeur qui a autorisé une originalité certaine, toutefois je l’ai mauvaise. Voici un billet-échec. Un billéchec.

Il était une fois…

« L’avenir ne s’annonce pas resplendissant pour l’univers Marvel : les Inhumains ont libéré les brumes tératogènes sur la planète, donnant des pouvoirs à toute la population ! Dans le chaos qui en résulte, un nouveau Crâne Rouge veut prendre le contrôle du monde. Captain America et ses alliés pourront-ils sauver la planète ? Quel est le rôle de Machine Man, enlevé par Uatu le Gardien ? Un chef-d’œuvre incontesté de la Maison des Idées. »

[ça a l’air simple comme présentation hein ? Je le pense aussi. Attendez de lire l’ouvrage, vous verrez qu’il n’en est rien]

Critique de Earth X

Le félin ne sait pas ce qu’il lui a pris. Au bout de 100 pages, rien à faire, ça n’accrochait pas du tout. La suite ne fut que vaines tentatives de poursuivre en sautant un ou deux chapitres, toutefois ça empirait niveau compréhension globale de l’intrigue. C’est donc en pleurant sur le clavier que je rédige un billet sur une BD que je n’ai pas su terminer – assez rare sur ce blog.

Sur l’histoire, voilà ce que j’ai grossièrement retenu : y’a le gros Uatu (connais pas) qui a pêché un mec transformé en robot qui répond au doux nom de X-51. Ensemble, les deux compères observent la Terre et vont discourir sur l’avenir de l’Humanité qui ne s’annonce pas rose. A la suite d’une exposition à un mystérieux produit (on saura au final de quoi il est question apparemment), la populace s’est retrouvée avec des pouvoirs de gueudins. Forcément c’est la merde, et les anciens super-héros sont correctement dépassés par ce qu’il arrive. Face à un jeune ennemi qui sait plutôt bien utiliser son pouvoir, tous nos héros vont être sérieusement remis en question.

La question qui brûle peut-être vous brûle les lèvres est de savoir comment Le Tigre peut mettre une bonne appréciation à un comics qu’il n’a ni fini, ni compris ? C’est plutôt simple : il y a quelques fulgurances de narrations dans le comics, que ce soient les problématiques traitées ou la méta-physique / philosophie qui se dégage des pages (sans illustrations) entre deux chapitres. De même, le dessin est loin d’être repoussant : Alex Ross sait manier différents styles et ses personnages jouissent d’une crédibilité et d’un réalisme qui font qu’on peut ressentir de l’empathie pour eux. Mais ça s’arrête là.

En guise de conclusion, je finirai sur un sujet terre à terre et ignoble, à savoir l’argent. Et oui, mettez-vous un peu à ma place : je traîne tranquillou dans un magasin de BD, et là un fils de catin se faisant passer pour un vendeur me conseille ce tome. Plus de 60 euroboules, mais « ça vaut tellement le coup mon tigrou » – selon ses propres termes. Pour moins de 500 pages, je trouve ça cher payé, sans compter le peu que j’ai lu. Pigeon suivant !

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Avant d’invoquer l’unique sujet qui m’a marqué, je vais rapidement faire acte de contrition : certains ont cru bon dire que ce comics s’adressait également au néophyte de l’univers Marvel. Je pensais que cela pouvait être possible, en fait ce n’est pas le cas : merde alors, je ne me sens pas particulièrement touriste dans le monde de cet éditeur, et pourtant les intrigues et péripéties (que je subodore magnifiques, voui voui) m’ont laissé de marbre. Trop de protagonistes inconnus de mon cerveau, trop d’histoires qui s’enchevêtrent, en fait j’ai eu les yeux plus gros que le ventre. Rien à voir avec les Season One des années 2010 qui restent intellectuellement abordables.

A la rigueur, j’ai apprécié le changement total de paradigme offert par cette série qui comporte de nombreux chapitres progressivement publiés pendant quelques années. Non seulement cela semble rester cohérent, mais il est marrant de voir nos anciens héros dans un avenir où ils deviennent presque des individus « normaux ». Iron Man qui fait n’importe quoi et s’offre un dernier baroud d’honneur ; Peter Parker (Spiderman) en surpoids ; Wolvernine qui a définitivement sombré dans l’alcool, etc., que des personnages aux destins différents : soit ça fait profil bas (marque de lucidité ?), soit ils tentent de maintenir leurs rangs – à l’instar de Captain America, terriblement vieilli.

…à rapprocher de :

– Sérieusement, c’est bizarre : je connais Alex Ross pour son excellent travail sur Kingdom Come. Pas mal du tout, sans doute parce que je suis bien plus porté sur l’univers DC Comics.

Aucune autre idée de rapprochement pour l’instant. M’en fous.

Enfin, si votre librairie est fermée et que vous avez vraiiiiiment envie de vous procurez ce comics, il est dispo en ligne ici.

Marcus Malte - Carnage, constellationUne histoire d’amour quasiment impossible, une vengeance intransigeante qui ignore le pardon, la condition de prostitué travesti, l’écrivain a sorti la grosse artillerie. Le résultat est séduisant et conforte le statut de grand auteur de Malte. Relativement court à lire et bourré de poésie douce-amère, ce roman noir pur jus de marc est un petit bijou qui a transporté Le Tigre.

Il était une fois…

Césaria est un homme magnifique, aux traits parfaits et qui, après quelques péripéties, fait régulièrement tourner la tête de sa nombreuse clientèle. Clovis (son vrai nom, d’origine balkanique est un tantinet plus complexe) sort de taule après 10 années de détention à la suite d’un braquage qui a mal tourné. Il n’est que vengeance, et à peine 3 jours après sa sortie il croise la belle Césaria. Un coup de foudre mutuel mais contrarié s’installe alors entre ces deux êtres déracinés qui, ensemble, vont braver la mort.

Critique de Carnage, constellation

Marcus Malte est une valeur sûre, c’est officiel. Le Tigre est régulièrement soufflé par l’audace de l’auteur français qui parvient à jouer sur différents tableaux : polar sociétal, tragédie, aventure qui prend des airs de quête interne, quelques considérations historiques, et tout ça dans un style relativement fluide.

Dans le présent roman, c’est définitivement noir et désespéré, la rédemption s’éloignant à chaque chapitre. L’histoire, en soi, n’est pas si dingue que ça : Césaria (dont on ignorera le prénom) est attachée à un homme qui la protège (sans être son mac) mais qui s’éteint rapidement. Ensuite, le jeune homme décide, progressivement, de se faire femme et connait alors un immense succès. Œuvrant dans une aire d’autoroute, elle rencontrera Clovis.

Ce fameux Clovis a séjourné en prison à cause d’une trahison d’un membre de son équipe de braqueurs, seulement les choses ne semblent pas si évidentes. Le gros plus, dans la narration reste toutefois la manière qu’a l’auteur d’amener les personnages vers une improbable rencontre. Tout à tout à la place d’un des protagonistes, le lecteur aura deux points de vue souvent divergents.

En outre, ce titre fait montre d’énormément de poésie, avec un style écorché vif qui se veut implacable et fait de belles métaphores. Le décalage peut être frappant entre ces termes soigneusement choisis qui côtoient quelques crues descriptions. Si c’est globalement réussi, avouons que l’écrivain en fait parfois un peu trop. Bon, les lecteurs à la recherche d’un polar stricto sensu trouveront que le père Malte fait péter sa poésie à des niveaux stratosphériques qui confinent au lourdaud.

Rien de bien méchant dans l’ensemble, eu égard le chapitrage efficace et un rythme soutenu, on n’a guère le temps de se dire qu’on s’ennuie – peut être hélas vers la fin, sanglante mais sans la saveur à laquelle le lecteur est en droit d’attendre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

J’avoue avoir été un brin suspicieux quant au titre qui me semblait trop évident. Sans déplacer des sommets de subtilité, le carnage fait évidemment référence au nombre d’individus avalant leur bulletins de naissance, miroir des dégâts d’un amour immodéré. La constellation est le théâtre, comme le dit le quatrième de couv’, d’une violente rencontre de deux univers qui ont en commun l’amertume et l’exclusion. Deux termes qui commencent par la lettre C., à l’instar des initiales de presque tous les protagonistes du roman.

Inutile de vous dire que tomber amoureux n’est pas chose aisée pour Clovis. Concernant l’inverti, pas de souci y’a comme un coup de foudre qui prend des airs de complexe d’Electre. Mais pour l’ancien taulard bien bourru et presque homophobe, c’est plus délicat. Heureusement qu’au début la Césaria délivre de somptueuses fellations à Cloclo, le gars fond littéralement. Tigre savait que les mecs font les meilleurs pipes – note à ma tigresse : n’ai jamais pu m’en rendre compte personnellement. En cours de roman, la belle démontre son amour de mille et une manière (pas que le sexe dans la vie, y’a aussi la mort), touchant alors le cœur d’un homme dont la boîte à sentiments est bien cachée.

…à rapprocher de :

– De Marcus Malte, Tigre n’a jamais été déçu : Le lac des singes (ça passe), Les harmoniques (nom de Zeus, c’est excellent), La part des chiens (déception). Certaines œuvres mettent en scène le héros Mister, grand black pianiste de talent.

– En plus violent, avec une poésie toute différente et bourré de trav’, y’a Le boss de Boulogne qui est plutôt fun à lire.

– Le titre est beau, et Tigre pense alors à Constellation, d’Adrien Bosc – sur le fameux accident d’avion d’octobre 1949.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.