Edouard Louis - En finir avec Eddy BellegueuleLe presque Nord comme si on y était, Eddy B. a fait très fort. Un garçon différent qui ne pourra jamais entrer dans le moule misérable de sa communauté et décide de la décrire, sans ambages, voilà qui pourrait passer pour un règlement de compte – mais c’est plus complexe que cela. Le style est loin d’être transcendant, heureusement que ça ne dépasse guère deux cents pages.

Il était une fois…

Eddy Bellegueule, c’est un garçon qui détonne avec son environnement. Le vilain canard d’une communauté réduite à un village d’un millier d’individus. Eddy, il est efféminé, curieux, peu porté sur la bouteille, et ce n’est pas le genre de Hallencourt, en Picardie. Ni au sein de sa famille (sept gosses quand même), où ses manières exaspèrent. Enfance malheureuse au milieu de ces « beaufs », adolescence tumultueuse, jusqu’au départ, salvateur [deuxième partie, à peine 50 pages, qui aurait mérité d’être étoffée].

Critique d’En finir avec Eddy Bellegueule

Lors de sa sortie, le roman avait fait grand bruit. Les critiques semblaient unanimes sur sa qualité, sans compter le plaisir de voyeur attaché à la description d’un univers autant miséreux et, n’ayons point peur des mots, arriéré. Plaisir certes malsain, mais tout à fait légitime. C’est sans doute là que réside une difficulté : j’attendais énormément de ce titre, et forcément me devais d’être déçu.

Le petit Eddy a donc quelque chose de différent, et il faut reconnaître qu’à chaque chapitre (pourtant court) le héros en prend plein la gueule. Menues brimades ; tabassage en règle ; père alcoolo qui se désole de son fils qui est une tantouze ; séance de sodomie par le cousin au cours de laquelle la maman arrive (si si) ; difficulté à avoir une petite amie pour donner le change ; fausse couche de la mère dans les chiottes ; alcoolisme atavique du village, et j’en oublie.

L’écrivain a opté pour une narration toute personnelle (à la première personne). Aussi la description de ses terribles tourments, froide et révoltante, verse dans le tragique – sans pathos putassier. Parallèlement, le jeune Bellegueule n’hésite pas à reproduire exactement les mots de ses proches (en italique), offrant là un langage pauvre mais au réalisme éprouvé. Et ces mots assez triviaux ne sont pas là pour souligner le vocabulaire de l’écrivain, qui a choisi de rester simple en faisant court et percutant. Pas de grande analyse sociologique, seulement des faits, bruts, comme aurait pu l’écrire un journaliste lambda.

Bref, entre En finir avec Belly Bellegueule et la participation d’un habitant à l’Amour est dans le pré (émission sur la misère sexuelle), le petit village d’Hallencourt apporte énormément à la culture française, et il faut s’en réjouir. Je devrais y faire un tour un de ces quatre. Quoiqu’il en soit, j’espère qu’Edouard Louis montrera qu’il sait écrire autre chose que sa propre vie.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui m’a surpris et attristé est la violence de l’univers dans lequel évolue Eddy. La bêtise crasse d’une population pauvre, raciste et sujette à la violence entretient (et est entretenue) par un environnement socio-économique déserté par les élites. Le collège ressemble à l’usine, et il n’y a que cinq pas (et autant d’années) pour aller de l’un à l’autre. L’état des habitations fait froid dans le dos, la saleté et l’humidité se tirant la bourre. Comprenez que les conditions pour un épanouissement intellectuel y sont absentes, rien de plus normal pour Eddy que de fuir vers une grande ville – Amiens (sic). Pour un Eddy, combien de destins d’évolution sociale brimés ?

Encore plus étonnant, les habitants du cru parviennent à mettre en place des « contournements intellectuels » afin de passer outre les contradictions de leurs discours. Ils pointent au chômage, mais ce ne sont pas des assistés comme Les Arabes. Ce sont de vrais hommes, ils subviennent aux besoins (grandissants) de la maisonnée mais dès que la femme gagne aussi du fric, le pater familias l’enjoint à arrêter (car on n’a pas besoin de tout ce fric). Ça déverse sa bille contre les déviants, alors que l’alcool et les procréations incestueuses coulent à flot. En fin de compte, tout n’est qu’affaire de postures, à savoir gueuler (et taper) le plus fort pour donner le change.

A ce moment, la question est de savoir ce qu’il a pris au petit Bellegueule pour délivrer une telle bombe littéraire contre les éléments de sa jeunesse. Je n’entrerai pas dans ce débat puisque, sous le titre, il est précisé « roman ». Il ne s’agit donc pas un essai, point barre.

Voici donc ma modeste conclusion sur et ouvrage : soit Eddy, qui a changé de nom au passage (procédure judiciaire très lourde) a publié un roman où la fiction dépasse l’autobiographie, auquel cas c’est grave – et ses proches ont des raisons d’être furieux. Soit tout ce qu’il a écrit est vrai, et c’est encore plus inquiétant. Dans les deux cas, il savait être perdant – et le félin le respecte à ce titre, même si l’impression du minimum syndical littéraire est tenace.

…à rapprocher de :

– Comme l’auteur le signale rapidement, son roman est un hommage à Retour à Reims, de Didier Eribon.

– Sur l’homosexualité et la manière dont celle-ci est vue en France, le très fourni essai de Jackson, intitulé Arcadie, mérite d’être abordé.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Nicolas Gogol - Nouvelles de PétersbourgVO : Петербургские повести. Aaaah, Saint-Pétersbourg, imposante cité où grouille différentes populations aux histoires plus surprenantes les unes que les autres. Pour un auteur tel que Gogol, Le Tigre s’incline et soulignera les quelques pépites de ce recueil, en taisant respectueusement les textes qui m’ont profondément ennuyé – en fait, non.

Il était une fois

Ce recueil est composé des nouvelles La Perspective Nevski (sans plus) ; Le Portrait (grandiose !), Le Journal d’un fou,  (mouais), Le Nez (what the fuck ?) et Le Manteau (pardonnez-moi, je me suis arrêté au tiers quand Akaki Akakiévitch économise pour son manteau). Comme vous vous en doutez, tout ceci se passe dans la capitale des tsars.

Critique de Nouvelles de Pétersbourg

Autant vous dire tout de suite, j’ai eu extrêmement peur en attaquant cet ouvrage. Parce que La Perspective Nevski, avec les deux protagonistes qui arrivent comme un cheveu sur la soupe, a été difficile à terminer. Il est question de deux belles déceptions, la première avec Piskariov (jeune peintre un peu trop fleur rose), puis Pirogov (militaire avec un balai dans le derche) : le couple d’ingénu voit ses amours naissantes brisées, et l’ironie de la situation ne m’a guère ému.

En revanche, les deux textes du Portrait, quel bonheur ! Du haut de ses glorieuses références culturelles, Le Tigre vous dira que cette superbe nouvelle pourrait inspirer (et est un mash up) de 1/ Ghosbuster, pour l’inquiétant regard de la peinture et le personnage qui sort du tableau, et 2/ Le Portrait de Dorian Gray, concernant la décadence d’un homme (un peintre ici) qui, en accédant trop vite à ses désirs, gâche irrémédiablement ce qu’il a de bon en lui – à savoir son talent. Les sentiments du héros, universels, sont livrés avec une acuité et m’ont laissé un certain pincement au cœur.

Quant aux trois dernières nouvelles, Le Tigre n’a eu ni le courage, ni la patience, ni l’ouverture d’esprit de les lire consciencieusement. L’écrivain, dans Le journal d’un fou, met un certain temps à livrer une intrigue compréhensible (même si décalée), les élucubrations du protagoniste principal partent dans tous les sens. Son interprétation des stimuli extérieurs, faussée, m’a plus d’une fois hélas gavé. Le Nez, de même, trop burlesque à souhait, ne m’a guère interpellé. Et Le Manteau a quasiment été zappé – désolé.

Passage obligé pour amateurs de la littérature russe, je suppute que n’importe quel lecteur trouvera ici son bonheur. Puisqu’on parle de félicité, le félin tient à signaler, à l’attention des élèves obligés de commenter ces textes, la lourde préface : celle-ci, plus longue que n’importe quelle nouvelle, est exhaustive et bien foutue. Tellement que je n’ai pas dépassé dix pages d’ailleurs.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le premier sujet est, évidemment, la ville de Saint-Pétersbourg. Le premier texte attaque fort, puisque les premières pages sont une savante description de la faune qui gravite sur la Perspective Nevski, équivalent d’un mini axe historique parisien. Dans les autres nouvelles, le lecteur sera introduit dans d’autres quartiers de cette ville qui ne paraît pas plaire plus que cela à Gogol – trop froide, impersonnelle. Devenue capitale impériale sur décision d’un souverain capricieux, Pétersbourg est un artifice peuplé de petits fonctionnaires et aristocrates qui passent le plus clair de leur temps à se regarder le nombril.

Malgré les irréelles situations qui tombent sur la gueule des protagonistes, ceux-ci restent parfois imperturbables et continuent de mener leurs petites existences. Plus que tout, au beau milieu de ce fantastique bordel (dans le Nez par exemple), le fonctionnaire russe reste attaché à ses titres et fronce plus d’une fois les sourcils lorsque la préséance n’est point respectée. Cette morgue de façade s’effrite progressivement, comme si l’auteur prenait un malin plaisir à tourner en ridicule des individus imbus de leur personne.

…à rapprocher de :

– Concernant les auteurs russes, Le Tigre confesse son inculture la plus totale et vous renvoie, très piteusement, vers le bon Tolstoï et sa Mort d’Ivan Illitch.

– Au risque d’être hors sujet, deux aspects m’ont fait penser à François Szabowski et les aventures du copiste (en lien) : les fonctionnaires qui recopient des documents, et certains individus peu engageants au cynisme éprouvé et qui restent à côté de la plaque.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici.

Higgins & Barrows – Nightwing Tome 3 : HécatombeVO : Death of the Family. Tiré du comic strips Nightwing #13-18 et Batman #17. Dans le dernier tome, Nightwing faisait plus ou moins la nique à la République de Demain (du moins on entend plus parler de ce pseudo ennemi). Un autre ennemi, plus fondamental, fait son retour et distille ses poisons chez les proches du héros. Comics plaisant à lire. Sans plus, mais ça aurait pu être pire.

Il était une fois…

Grâce à l’aide de Sonia Branch (la joie fille du gars qui a assassiné les parents du héros), Dick Grayson reconstruit le cirque Haly et prépare les premières représentations. Bien sûr, ce genre de plan trop beau pour être vrai ne peut être laissé tel quel par le Joker, définitivement de retour. [je n’ai pas jugé utile de copier la présentation de l’éditeur est dégueulasse, un genre d’exemple à ne pas reproduire sur son blog]

Critique de Hécatombe

Il faut savoir que le premier tome annonçait une intrigue de qualité, hélas tout fut gâché par le deuxième opus, catastrophique à mon sens. C’est pourquoi il était légitime de s’interroger sur l’opportunité de se procurer ce tome. Sans relancer l’intérêt originel de la saga, Hécatombe a plus ou moins rattrapé La République de Demain.

Le début de l’histoire commence par quelques échauffourées avec une certaine Shiva, tueuse professionnelle aussi jeune que Grayson et qui fout sa merde à Gotham. La jolie brune tape la discute au héros (qu’elle nomme affectueusement « petit oiseau »), sauf qu’on en entendra plus parlé. Car la véritable menace qui arrive est la même que dans le troisième tome du cycle de La Cour des Hiboux, à savoir un Joker plus inquiétant que jamais (du moins en apparence). Hélas, Le Tigre attendait plus de folie de cet antagoniste qui reste encore trop kawaï à mon goût.

Au moins le vilain clown a la bonne idée de faire table rase du cirque de Nightwing, et le petit twist final avec Sonia Branch augure d’une suite satisfaisante (enfin je l’espère). Néanmoins, y’a comme une arnaque dans ce comics : un chapitre entier (plus de 10% de l’ouvrage) est exactement le même qu’un tome de Batman déjà lu par le félin. En soi, je comprends le principe des histoires entremêlées et autre cross-over, pourvu que ce soit traité différemment – du moins du point de vue du héros attaché au comics. Mais là, rien du tout, c’est juste un grossier copier-coller qui fait un peu tâche dans le scénario.

Quant aux illustrations, rien à signaler par rapport aux autres opus. Les transformations en clowns maléfiques des gentils sont bien foutues, cependant j’ai trouvé le dessin général un peu trop fouillis. Cela manque de tableaux de grande ampleur et d’espace – la lecture n’est pas facilitée, heureusement que le texte est rare. Sinon, Le Tigre a trouvé qu’Eddy Barrows, peut-être par facilité, a trop abusé du principe qui veut que les héros, volant de toits en toits, parviennent à taper la discute – insupportable à la longue.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La romance contrariée est une constante de cet ouvrage, historiette sensuelle qui avait déjà pris forme dans l’opus précédent. C’est d’ailleurs un autre problème du format dit « kiosque » : les rappels de situation sont nombreux. Quand, pour la troisième fois, un chapitre démarre en anônnant des évidences bien comprises (du genre Alors voilà, cette personne a fait telle chose), le lecteur peut être gavé. Tout ça pour dire que Sonia Branch, plutôt mignonne et intéressée par Dick Grayson (c’est réciproque), porte sur elle le sang de sa famille. Nightwing parviendra-t-il à passer outre ?

Corolaire de la dragouille, il est encore plus délicat pour le héros de mener sereinement sa double vie. Surtout que la reconstruction de son cirque a porté le personnage de Grayson à l’attention du public. Et, pour une fois, il faut convenir que le Joker parvient à correctement bouleverser un des héros de Gotham, déjà éprouvé par le manque de sommeil. Le super-vilain s’attaque férocement au cirque (par la biologie et le feu), comme s’il connaissait le lien entre Batman et Dick Grayson – il le suppute, mais le savoir lui ôterait tout plaisir, ce qui n’est pas si paradoxal. Lorsque les artistes liés au cirque en prennent plein la gueule et en veulent à Grayson, le pincement au cœur n’est jamais pas loin.

…à rapprocher de :

– Si le premier tome (Pièges et Trapèzes) était correct, le second (en lien) a failli me faire abandonner.

– Comme je l’ai expliqué, cette série avec notre héros rouge est intimement lié à la  cour des hiboux, qui démarre sur les chapeaux de roue avant de faire pschiiitt : La Cour des Hiboux, suivi de La Nuit des Hiboux, puis Le deuil de la famille.

– Le Joker qui se sent bien dans un cirque et fait tout péter me rappelle terriblement The Killing Joke, de Moore & Bolland

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

DodécaTora« Salut Camarade félin. Écoute, je suis un peu sur la sellette en ce moment. Je sens bien qu’on se fout de la gueule de mon idéologie moribonde. J’aurais besoin que tu montres à d’autres comment de plus ou nobles idées peuvent partir en quenouille. En littérature si possible. Ciao tovaritch. Karl M. PS : je suis désolé pour le pavé Das Kapital, je n’ai pas eu le temps de faire court »

Des dystopies à lire

Définissons un peu les termes, voulez-vous ? L’utopie, c’est un monde sans défaut, un petit paradis où tout le monde il est content, tout le monde il est gentil. Aussitôt qu’on fout le préfixe « contre-« , c’est qu’il faut s’attendre à de sérieuses déconvenues. Une contre-utopie est alors une organisation sociétale faite de telle sorte que personne (à peu de chose près) ne trouve le bonheur. On parle aussi de dystopies.

Pour le peu de titres que Le Tigre a lus, disons que la dystopie trouve deux sources. D’une part, il peut s’agir d’une noble idée (le libéralisme, la science à tout prix, la génétique, le déterminisme génétique, etc.) traitée sous la forme d’une fable politique en montrant les effets pervers – à croire que l’Humanité profondément en paix ne suffit pas. D’autre part, l’écrivain peut préférer sortir l’artillerie lourde et verser directement dans la dégueulasserie la plus immonde avec une dictature bien grasse – ou une minorité qui se fait plaisir.

Très souvent, et pour ne pas se faire chier sur le « mais comment en est-on arrivé là ? », l’auteur feignant aime bien imaginer une grosse apocalypse (du fait de l’Homme ou non) pour faire des institutions politiques table rase et imaginer son anti-paradis littéraire. C’est alors que l’étiquetage par défaut « Science-fiction », voire « cyberpunk » est injustement apposé – même problème que pour l’uchronie, alors qu’anticipation ne signifie pas technologie supérieure à aujourd’hui.

Voilà donc quelques exemples, et pour ce DDC Le Tigre ne s’est guère cassé le derrière : le principe d’une idée utopique est de montrer comment celle-ci tourne vite au cauchemar. Décrire une civilisation parfaite serait d’un chiant, laissons ce genre littéraire à nos hommes politiques qui rédigent leurs programmes…

Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)

1/ George Orwell – 1984

La base. Le classique dont tout le monde a (en principe) entendu parler. Voilà une des sociétés les plus choquantes que la littérature a pu imaginer. La guerre pour maintenir une paix sociale immonde, la fin de l’Humanité comme on la lit jamais et un héros qui se fait tranquillement retourner le cerveau. Et encore, c’est pire parce que Winston Smith a encore quelques bons souvenirs du passé, où y’avait encore un peu de bonne bouffe.

2/ Stephen King – Running man

Le chantre de l’horreur s’essaie à un peu de SF bien dure, et faut dire que ça envoie du bon cauchemar comme il faut. Ben Richards, chômeur, participe à un jeu truculent au cours duquel il se fera traquer. Les dés sont pipés bien évidemment, et les États-Unis en dictature impitoyable et ludique fait froid dans le dos. La dystopie, c’est aussi la perte des être proches – en plus d’un final qui a tout d’un 11 septembre apocalyptique.

3/ William Gibson – Lumière virtuelle

Premier roman d’une trilogie d’un auteur que je ne maîtrise guère, le scénario se déroule en Californie en l’an de grâce 2006. Ne rigolez pas, ce roman aux allures de cyberpunk a été écrit au milieu des années 90 ! Chevette Washington est un héros malgré lui dans un San Francisco tout ce qu’il y a d’excessif, à savoir des entreprises privés qui tiennent le haut du pavé.

4/ Robert Siverberg – Les monades urbaines

Autre classique à mon sens. Ces monades ne constituent pas une contre-utopie comme les autres : ici, le lecteur semble être dans un monde parfait où la liberté est à son paroxysme, avec une civilisation organisée autour d’un maître-mot qui ferait s’étrangler de rage le gros Malthus en personne (« Croissez et multipliez-vous »). Cette perfection n’est pas au goût de tous, notamment Slater qui va découvrir qu’une autre vie, différente (et meilleure), est possible.

5/ Maurice G. Dantec – Babylon Babies

L’avenir est loin d’être rose avec cet auteur polémique qui distille volontiers ses convictions politiques – en rajoutant l’héroïne du roman qui fait péter le transhumanisme à des niveaux rarement atteints. Double problème dans ce roman : l’action se situe en 2013 dans un futur sombre comme tout (tsss) ET, s’il vous plaît, oubliez cette putain d’adaptation cinématographique. Sinon, les suites (le cycle Liber Mundi) vont encore plus loin dans l’avenir glauque de la planète, et ce à cause d’un islamisme rampant – évidemment.

6/ Jean-Christophe Rufin – Globalia

Globalia, c’est un État-monde bien sécurisé et nivelant les besoins et la culture de ses habitants par le bas. L’abondance existe, certes, mais au prix d’une vicieuse privation de libertés fondamentales – du moins pour ceux qui vivent dans l’hémisphère nord. A la façon de 1984, le héros sera manipulé pour devenir un ennemi commun à la dictature soft, un vilain épouvantail prêt à terroriser la bonne populace. Sinon, roman un peu fade à mon sens.

7/ Ray Bradbury – Fahrenheit 451

Encore un classique de la littérature qui fait la part belle à un infernal futur. Le style et les protagonistes sont loin d’être parfaits, mais pour le message universel ça mérite d’être lu. Voici un monde futuriste et totalitaire où tout livre doit être brûlé et la populace abrutie par les écrans, et toute découverte des plaisirs de la littérature sévèrement punie.

8/ Philippe K. Dick –  Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

En 1992 (sic), la Terre a été dévasté par un holocauste nucléaire. Le plus important, dans le scénario, est que les Terriens restant sur la planète ont mis en place une société où les signes de richesse diffèrent (avoir un animal), et le progrès dans la robotique est tel que les distinguer des humains est délicat (même le héros, Deckard, se fait berner). C’est une dystopsie dans la mesure où les questions posées par l’évolution des droïdes sont effrayantes. Le film tiré de cette œuvre tient la route – quelques menues différences, pas de quoi hurler au scandale.

9/ Véronica Roth – Divergent

Premier tome d’une trilogie dont semblent particulièrement fanas les adolescents, Divergent a lieu dans une ville de la côte Est des EUA après une énième apocalypse. Parce que les Hommes apprennent de leurs erreurs (hum), ils n’ont rien trouvé de mieux que de classer la populace en 5 grandes factions qui représentent autant de traits psychologiques – genre les casse cous, les culs bénis ou encore les culturés. L’héroïne, Beatrice Prior, est bien évidemment une divergente, une femme qu’on se saurait étiqueter. Mouais.

10/ Will Self – Le Livre de Dave

Quand un de mes auteurs préférés s’essaye à la contre-utopie, ça envie forcément du très lourd. Dave, c’est un connard pur jus de notre monde – raciste, idiot, méchant. Tellement énervé qu’il déverse sa bile dans un journal intime qu’il enterre quelque part. 500 années plus tard, après un vilain déluge, sa prose est découverte. Et voilà que les écrits de Dave sont considérés comme parole d’évangile. Je vous laisse imaginer à quel point la marche du monde, fruit de la volonté de cet homme, est cocasse. La religion en prend pour son grade.

11/ Kōshun Takami – Battle Royal

Un manga fondateur, quelques films de basse extraction, il ne faut guère s’attarder sur l’aspect purement gore. Car Batlle Royal est plus qu’une lutte kawaï entre adolescents pour récolter des statistiques sur la populace à venir. En effet, l’univers du manga décrit ce qu’aurait pu être la sphère de coprospérité japonaise si les États-Unis n’avaient pas occupé le pays à l’issue de la WWII. Et la société voulue par les militaristes nippons a tout de la contre-utopie .

12/ Suzanne Collins – The Hunger Games

Encore un dernière blague pour terminer ce DDC. La disparition des nations a laissé la place, en Amérique du Nord, à la dictature de Panem, qui à la base repose sur une idée sympa : chaque État est spécialisé dans un type de production. Là où ça devient moins finaud, c’est dans cette l’histoire de jeux gréco-fascistes où chacun apporte son jeune champion pour qu’il aille se faire trucider. La structure intellectuelle sur laquelle repose la trilogie est bancale comme jamais, et Le Tigre reste poli en omettant de discourir sur les films…

…mais aussi :

– Putain, j’ai oublié Le Meilleur des mondes d’Huxley (en lien). Boulet que je suis.

– Y’aurait le roman La planète des singes, mais je ne l’ai jamais lu (et ne compte pas le faire).

N’hésitez pas à balancer au Tigre quelques titres.

Parlons un peu cinéma. Mais pas trop. Sur les contre-utopies, au débotté je pense à :

Soleil Vert, de Fleisher, pour le classique ; THX 1138, pour la claque ; Equilibirum pour les combats ; Idiocracy, enfin, pour la blague. Grosse plaisanterie ce dernier film. Aussi mal tourné que débile.

Robert J. Sawyer - FlashforwardVO : idem. Suite à une expérience, tous voient leur avenir dans 20 ans pendant 2 minutes. Les implications sociales, économiques, politiques sont très bien anticipées par l’auteur, et le déroulement final est tout simplement délirant. Bon roman d’un auteur que Le Tigre apprécie, et ce en dépit d’un rythme un peu lancinant.

Il était une fois…

En 2009, une expérience menée par le CERN pour trouver le boson de Higgs a une conséquence étonnante – déjà, première satisfaction de voir que la France et la Suisse peuvent, seules, foutre la merde worldwide. En effet, l’Humanité se retrouve inconsciente pendant deux longues minutes. Et oui, toute la population de la planète ! Imaginez un peu le charivari. Encore plus fun, chacun a, pendant son « sommeil », pu voir son avenir dans vingt ans. La face de la Terre va définitivement changer.

Critique de Flashforward

J. Sawyer, c’est un peu le trublion de ma bibliothèque SF, le genre de gus qui sait faire simple (sans doute trop ?) mais puissant. 380 pages qui auraient pu être 200, mais aussi 1 000 si l’auteur avait pris la peine de développer certains concepts – j’y viendrai.

Comme je l’ai expliqué, toute la populace voit l’avenir à un horizon de deux décennies. Cette problématique occupe une grosse partie du roman, et Robert J.S. joue avec cette intrigue plutôt bien : il est bien sûr question du déterminisme lié à cette vision, sachant que ne rien voir signifie qu’on sera mort dans 20 piges. Très vite, certains prouvent que le destin est modifiable (se tuer pour prouver que l’avenir est faux, quelle bonne idée…), tandis que d’autres sont au centre des attentions – Le Tigre pense au pauvre gars qui sera Président des États-Unis, et menace toute personne le contactant d’un retentissant contrôle fiscal.

Comme souvent chez cet écrivain canadien, le narrateur (Lloyd Simcoe) est un scientifique que je qualifierais de « normal » : pas excessivement intelligent, le genre de héros qui par sa spécialité (physique des particules) se retrouve au beau milieu d’une fabuleuse aventure. Sinon, il faut avouer que ce titre est plutôt facile à lire, la lecture en diagonale est possible eu égard le rythme souvent morne. Sauf des explications scientifiques poussées qu’il faudrait que je vérifie un de ces quatre.

Voilà donc un titre qui ne laisse pas indifférent, hélas pas pour ses qualités littéraires : Flashforward, sous couvert d’une idée peu commune et porteuse, a su aller au-delà du sujet originel pour aborder des thèmes (fort scientifiques) auxquels j’avoue ne pas avoir tout compris. Quoiqu’il en soit, un titre sans grande prétention au premier abord, mais qui sait se révéler de plus en plus fin.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Attention, le félin va sortir l’arsenal quantique. Et ça fait mal. Je ne vais pas vous bourrer le mou avec les raisons de savoir pourquoi de telles visions, alors que la réitération de l’expérience n’apporte rien – des neutrinos qui font des leurs, ou je ne sais quoi. L’aspect intriguant est que, pendant les 2 minutes de blackout, aucun enregistrement (audio, vidéo, etc.) n’a pu être fait. Aussi se pose la notion de l’observateur lors d’une expérience : la théorie quantique veut que celui-ci modifie irrémédiablement les résultats qu’il observe. Aussi, en l’absence d’observation (tout le monde est dans le coaltar), l’Humanité est en « suspension » et rien ne peut être déterminé – et ainsi analysé. Vertigineux.

En outre, les derniers chapitres m’ont paru encore plus impressionnants. Car, pour la deuxième réitération de l’expérience (troisième flashforward, vous suivez ?), personne n’a de vision. Sauf une poignée d’individus – dont le héros. Pourquoi ? [Attention SPOIL] En fait, tous ont vu un avenir trop lointain. Ils seront donc morts, sauf quelques personnes qui auront la chance de participer à un programme destiné à prolonger leur vie indéfiniment. Et la vision du héros est sublime, presque un ange qui se balade dans l’espace intersidéral. L’immortalité qui s’invite, ce n’est pas joli ? [Fin SPOIL]

…à rapprocher de :

– De cet auteur nord-américain, Le Tigre s’est régalé avec Calculating God, moins avec Starplex.

– Sur la complexité de la théorie quantique, notamment l’observateur qui influe sur l’expérience, y’a l’excellent Blind Lake de Robert Charles Wilson qui est détonnant.

– En BD, l’expérience du CERN est traitée de façon surprenante dans le deuxième tome de Days Missing (intitulé Kestus), de Phil Hester. Une pépite.

– Pour ceux qui se demandent, la série télévisuelle n’a absolument rien à voir. Mais alors rien du tout. J’irais même jusqu’à…oui…dire que c’est…comment formuler ça?…une somptueuse daube.

Enfin, si c’est en rupture dans votre librairie, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Straczynski & Ribic - Silver Surfer : RequiemVO : idem. Histoire mélancolique du surfeur d’argent mourant, Le Tigre a été soufflé face à un scénario complet servi par des illustrations oniriques et vertigineuses. Le lecteur tiendra plus entre ses mains un roman graphique qu’un comics, en plus d’avoir une sorte de revue de presse de ce qu’est ce personnage et les protagonistes qui l’entourent.

Il était une fois…

Norrin Rad, le premier (et principal) surfeur d’argent, se sent un peu patraque ces derniers temps. Aussi va-t-il rendre visite à ses potes sur terre (les quatre fantastiques) pour en savoir plus. Sans surprise, le bon docteur Richards lui confirme qu’il va mourir. Il lui reste un mois à peine. Un mois pour donner un sens à son existence, se rappeler les conditions de sa création, d’aller dire adieu auprès de ses proches, etc. [à signaler que le narrateur est un Observateur, allez savoir ce que c’est]

Critique de Silver Surfer : Requiem

En principe, Le Tigre est moyennement fana du monde de cet éditeur, toutefois il faut convenir que la collection Marvel Dark tient bien la route. Ce comics regroupe quatre chapitres de taille égale et aux noms délicieusement liturgiques dans la tradition chrétienne : Kyrie, Sanctus, Benedictus et Agnus Dei.

Joseph Michael Straczynski, le scénariste, a à partir d’un dénouement classique (le décès d’un super-héros) imaginé quelques péripéties bien foutues. Les interactions avec les protagonistes connus (les Quatre Fantastiques, Spiderman, Galactus) sont équilibrées, sans compter les éléments de biographie du Surfeur savamment dispersés : on y apprend (ou réapprend) que Norrin, natif d’une planète que Galactus voulait bouffer, s’est vu proposer par ce dernier de devenir son Héraut – une sorte d’éclaireur.

En outre, la complexité du personnage de Galactus semble avoir été bien traitée : de menace galactique à être profondément sage et magnanime, l’individu a quelque chose de divin et, étonnement, bienveillant. Quant aux illustrations d’Esad Ibric, celles-ci sont superbes, il y a un petit côté rétro que le trait (typé aquarelle) moderne a su sublimer. Quelques planches ressemblent à de petites œuvres d’art, notamment le héros qui parcourt l’espace en mode beach boys ou remet dans le droit chemin des civilisations. Ça m’a rappelé le travail de Gérald Parel dans Iron Man Season One – que vous trouverez sur ce blog.

Pour une fois, Marvel a publié un graphic novel de pure beauté, quelque chose qui se lit certes vite mais est porteur de nombreux enseignements. Et, tour de force ultime, le parfait touriste en la matière (ce dont j’estime être) sera autant ravi que le lecteur exigeant et habitué par ces héros et leurs passifs – retour d’un ami spécialisé de cet univers.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le titre est enivrant et renvoie à une forme de noble mortalité. Car le principe du requiem est une messe avant le décès de l’intéressé, une cérémonie du souvenir au cours de laquelle le mourant se rappelle ses hauts faits, et ce sous forme de flashbacks. Le recueillement a lieu sur la planète de Norrin Rad et dure des jours pendant lesquels les habitants de Zenn-La lui rendent visite – sous la protection de Galactus. Quant aux souvenirs de cet héraut/héros (hu hu, facile), leur mise en scène a tout d’une harmonieuse symphonie tendant à rendre celui-ci immensément attachant.

Derrière le constat de la mort à venir, il y a la question de faire son bilan, partir la tête haute, voire laisser le monde dans un meilleur état qu’on l’a trouvé. Après avoir été instrument d’apocalypse, la recherche de la paix est devenue une constante du Surfeur d’Argent, et il offre à l’Humanité quelques minutes de cet état de contentement béat – il sauve même quelques extraterrestres belliqueux en leur montrant la voie. Le testament du héros prend une tournure de profonds regrets sur ce en quoi l’Homme pourrait s’améliorer. Enfin, ces questions renvoient à la notion de l’immortalité, rendue possible que par le souvenir qu’on laisse par ses accomplissements dans le vaste univers – souvenir matérialisé, de manière poétique, par Galactus à la fin de l’histoire.

…à rapprocher de :

– Moebius (et oui), accompagné de Stan Lee au scénario, ont produit Silver Surfer : Parabole. Pas mal au demeurant.

– Toujours le Silver Surfer, le tome 1 de Slott & Allred  sorti en 2014 (en lien) est également bon.

– Cet opus me rappelle le décès d’un autre héros et les discussions de ses proches avant sa mise en bière. Imaginée par Neil Gaiman en personne, Qu’est-il arrivé au chevalier noir ? apporte des interprétations aussi diverses qu’intéressantes.

– Quant à l’univers gravitant autour des « Fantastic Four », le peu d’expérience que j’ai eu fut catastrophique, en particulier à cause de la série Season One (en lien avec Wolverine). Comme je le disais rapidement, le tome avec Iron Man est bien meilleur.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pourrez trouver ce comics en ligne ici.

Collectif – Batman : Knightfall Tome 5Sous-titre : La fin. VO : Knightquest : The End. Tiré des comics strips Batman #509-510, Detective Comics #676-677, Batman: Shadow of the Bat #29-30, Legends of the Dark Knight #62-63 et Robin #89 et d’autres planches. Ça y est, c’est le dernier opus. Batman se faisant déchirer la colonne vertébrale est un lointain souvenir. Début très sympa, fin catastrophique, c’est plus que dommage.

Il était une fois…

Jean-Paul Valley a définitivement pété un câble, tous se rendent compte qu’il est loin de faire l’affaire en tant que Batman…trop sanglant (il a notamment tué un criminel). Pendant ce temps, Bruce Wayne s’entraîne sec pour pouvoir revenir à Gotham en posture de justicier originel. La fin approche…enfin.

Critique de Knightfall : La Fin

C’est non sans fierté que je suis venu à bout des cinq tomes composant l’aventure Knightfall. Plus de dix heures de lecture, et rien que le plaisir d’avoir terminé l’histoire justifie d’attribuer une bonne note au présent titre. Voui.

Le démarrage est génial, et introduit un personnage que je ne connaissais guère : la belle Shiva. Celle-ci, pour remettre Brucie à niveau, a l’ingénieuse idée de tuer un maître des arts martiaux en portant le masque du Tengu. Puis elle le refile à notre héros qui devra affronter les disciples de l’homme assassiné. Sauf qu’elle souhaite faire péter la dernière limite du Chevalier noir : tuer quelqu’un. S’y résoudra-t-il (bien évidemment que non) ? En seconde partie du tome, Wayne revient dans sa ville natale et, avec Nightwing et Robin, s’attachera à déloger Valley qui souille le costume de Batman. Il s’ensuit plusieurs affrontements, avec un combat tout ce qu’il y a de plus satisfaisant sur un pont au-dessus de la rivière.

Sauf que ce n’est pas comme ça que Jean-Paul disparaît. Il aurait pu mourir, hélas les auteurs ont décidé de le faire survivre. A partir de là, la défaite finale de Valley est un scandale sans nom, un dénouement tout droit sorti du cerveau imbibé de sucre d’un obèse bisounours. Et les épilogues qui clôturent la saga n’arrangent rien. Quant aux dessins, il y a tellement d’illustrateurs (Balent, Wagner, Grummett, Kitson, et tutti quanti) que dire ce que j’en pense est bien vain. A part le vilain Jean-Paul méconnaissable et excessif (le rouge fait un retour en force), le lecteur remarquera que les années 90 sont bien entamées, et les derniers chapitres annoncent ce qui va venir pour le millénaire qui suit – trait plus fin, jeu de couleurs travaillé, réalisme éprouvé.

En conclusion, ce fut une saga assez décevante. A part l’extrême début du premier tome, le second et les premiers chapitres de ce dernier opus, ce fut extrêmement long à parcourir. Quatre kilos de comics qui traînent dans ma bibliothèque, et il n’est pas certain qu’ils en sortent un jour.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La remise à niveau de Batou est délicieuse, il faut en convenir. Les différentes épreuves que ce dernier subira vont crescendo et annoncent un retour plus éprouvant que prévu. En parallèle, l’ancien ex-Batman se posera d’intenses questions sur le sens de sa mission et les moyens pour y parvenir. Régulièrement, il se comparera avec sa version d’avant l’accident contre Bane, à savoir sauter d’un immeuble, presque avec insouciance, en se raccrochant au dernier moment à une gargouille. Le leap of faith avant l’heure en fait.

En guise de dernier thème, il est question de faire face à ses responsabilités tout en acceptant son lourd passif. Happy ending odieux oblige, Jean-Paul Valley se rendra compte de ses égarements, et ce uniquement grâce à une ultime astuce du héros – certes malvenue eu égard la taille de la saga. Car Valley a été programmé pour être autre chose qu’un héros sans reproche. Or, sa quête s’est néanmoins confondue avec les impératifs dictés par l’Ordre de Saint-Dumas dans son subconscient. Erreur de casting classique, étonnant que Wayne ait laissé passé ça. Wayne est Batman, et à part quelques proches (les Robin) pour donner le change un court laps de temps, il n’y aura qu’un Chevalier à Gotham.

…à rapprocher de :

– Accrochez-vous, car la saga fait mal au porte-monnaie : d’abord La Chute, ensuite Le Défi, puis La Croisade, suivi de La Quête, pour se terminer par le présent opus.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Sheldon Siegel - Circonstances aggravantesVO : Special circumstances. Un double meurtre dans une grande entreprise, un avocat un tantinet tête brulé qui défend son meilleur pote (non non, nul conflit d’intérêts…), de nombreux retournements de situation, voilà un roman qui se dévore. Procès-enquête mené tambour battant, figurez-vous que le lecteur ne fera pas attention au nombre de pages.

Il était une fois…

Mick Daley, qui travaillait dans un gros cabinet d’avocats à San Francisco, reprend sa liberté et créé sa propre structure dans un quartier craignos. A peine dans son nouveau bureau, un des patrons et une collaboratrice de son ancien cab’ sont trouvés morts. Suicide ou meurtre ? Les soupçons se portent rapidement sur un des avocats, Joël Friedman, qui est inculpé dans la foulée. Joël, ami de Mick, demande que ce dernier le défende.

Critique de Circonstances aggravantes

J’ai lu ce titre il y a quelques années, et pourtant je me suis surpris à me souvenir du dénouement (une histoire de cul assez surprenante, sans spoiler) et des grandes lignes des péripéties – menues révélations au cours des chapitres.

L’intrigue principale débarque assez vite dans le roman, à savoir le procès d’un double meurtre où l’accusé, ami du héros, est sur la sellette. Pour ne rien arranger, il était sur le point de finaliser un contrat (à six chiffres au moins) avec une boîte dont le PDG est porté aux abonnés absents. En rajoutant les ambitions politiques du big boss du cabinet, Slipper Gates, qui cherche à choper le poste de proc’ du district, on comprend vite que le procès permettra de lever quelques lièvres sur a place publique.

Tout naturellement, un grosse moitié de cette œuvre se passe dans le huis clos du tribunal, et le déroulement du procès accuse un rythme efficace, presque addictif. Le chapitrage, court, permet de lire à vitesse grand V en vue de pouvoir tirer au clair toute l’affaire. Bref, un pur plaisir.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce premier roman de Siegel nous permet de présenter un héros attachant et qui a de l’audace. Car Mike Daley paraît bien être l’alter ego littéraire de son créateur, lui-même avocat converti en auteur. Daley, c’est un ancien prêtre irlandais devenu avocat, un homme qui ne mâche pas ses mots et détonne dans l’univers policé de Simpson &  Gates, grand cabinet d’affaires de Fisco – normal qu’il soit viré, me direz-vous. L’écrivain a imaginé un protagoniste « artisan de la loi » non épaulé par une armée de procéduriers, un briscard à l’intuition acérée et bien rompu aux stratégies du procès.

Parlons-en, du déroulement du procès. Sheldon S., ancien avocat, est définitivement au fait des procédures et astuces inhérentes au procès américain. En vrac : les relations avec le procureur (l’attorney) et le pouvoir de celui-ci ; la préparation des témoins ; dire « objection » au moment opportun et justifier cette interruption ; la rhétorique à déployer pour mettre le jury dans sa poche ; ou le noble art du contre-interrogatoire. Pour les curieux ou étudiants en droit, Circonstances aggravantes serait quasiment un traité de procédure pénale.

…à rapprocher de :

– Sheldon Siegel a bien écrit d’autres romans, toutefois pour l’instant seul le présent titre Preuves accablantes ont été traduits.

– Dans la catégorie « thriller-procès », le premier titre de Lashner, Vice de forme, mérite d’être lu. Encore une histoire de fesses d’ailleurs. Ou Erreur fatale, de Robin Cook, avec un procès relatif au monde médical.

Dan Fesperman - The Prisoner of GuantánamoPas encore (du moins il me semble) traduit en France, Dan Fesperman est un auteur bien informé dont les titres sont autant réalistes qu’édifiants. Voici donc un très bon roman sur un agent du FBI entraîné malgré lui dans une machination de grande ampleur. Comme le titre l’indique, l’histoire se passe dans la prison de Guantanamo, zone de non droit en plein Cuba.

Il était une fois…

RevereFalk est un agent du FBI qui a été dépêché par son agence pour aider à mener des entretiens à la prison de Guantanamo. Car Falk a une connaissance étendue de la langue arabe et des problématiques du Moyen-Orient. Il devra notamment interroger Adnan, un Yéménite dont l’appartenance à Al-Qaida est loin d’être acquise. Toutefois, au cours des entretiens qu’il mène, la découverte d’un cadavre sur la plage (côté cubain) va changer la donne.

Critique de The Prisoner of Guantánamo

Dan Fesperman me paraît être un auteur relativement méconnu en Europe. Pourtant, cet ancien journaliste de talent au Baltimore Sun a bourlingué aux quatre coins du globe et sait comment rendre compte d’un lieu, d’une situation.

Dans le Prisonnier de Guantanamo, le scénario prend une tournure de thriller dès que le corps d’un sous-off’ est repêché. Or, le mort, dans sa vie civile avait des activités bancaires et des institutions financières sises aux îles Caïman (le petit paradis fiscal dévolu aux États-Unis) sont de la partie. Plus bizarre, les supérieurs du protagoniste principal lui font comprendre de boucler rapidement l’enquête, signe qu’il y a de gros enjeux autour de cette affaire.

Plus Revere Falk avance, plus différents groupes vont prendre contact avec lui pour lui dicter sa conduite. Le résultat est une intrigue très bien menée et assez intelligente, loin du « tout noir ou tout blanc » qui sied à l’époque. L’écrivain américain nous décrit, avec des chapitres courts qui se laissent lire, un univers non manichéen où les méchants (le sont-ils vraiment vu les enjeux géopolitiques?) se dévoilent progressivement.

En conclusion, voilà un roman qui, à une certaine époque, avait été bien accueilli. Non traduit à l’époque en français, je vois hélas mal l’intérêt à le faire de nos jours : Guantanamo et la guerre contre le terrorisme  n’intéresse plus grand monde.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce que j’ai particulièrement apprécié est la description, abondante, de la prison tristement surnommée Gitmo. Fesperman a dû y séjourner une bonne semaine, parce que Le Tigre a cru y être. L’ambiance de ce lieu particulier, les bâtiments, les gens qui y travaillent, la gueule des cellules, la condition des prisonniers (quoique…la torture n’est guère explicitée), les procédures de sécurité, tout y est. Attention, il n’y a pas que Guantanamo : l’agent du FBI sera amené à voyager qui dans les Caraïbes, qui à Cuba même – avec un passeport non américain, bien entendu.

En outre, ce roman donne un terrifiant aperçu de ce que peuvent être les luttes entre les services d’un même pays. Le héros se trouve vite au centre des attentions de chacun, et des groupes plus ou moins identifiés y vont de leurs « conseils ». Cela peut aller jusqu’au chantage, notamment déterrer de sombres histoires liées au protagoniste lorsqu’il était, jeune, chez les Marines. Avant le dénouement final, le lecteur se demandera qui est dans quel camp, et surtout pourquoi ces groupes semblent agir contre les intérêts de la Nation.

…à rapprocher de :

– Si en savoir plus sur cette prison (mais avec une vue différente), Les Mémoires de Guantánamo de Mohamedou Ould Slahi pourraient vous intéresser.

Nicholas Gurewitch - The Perry Bible Fellowship AlmanackVO : Petit recueil d’un blog que je suivais jadis, la Perry Bible Fellowship (ci-après PBF) est le travail d’un artiste américain à l’humour noir et au dessin souvent onirique. Une mini-planche par page, trois à quatre cases par planche, quelques bonus, de très bons passages, il y a largement de quoi se taper sur les cuisses.

Il était une fois

Nicolas Gurewitch a tenu le webcomics PBF (en lien) jusqu’en 2008, et a grâce à celui-ci gagné de nombreux prix. Cet ouvrage regroupe l’intégralité de ses dessins, en plus d’autres qu’il n’a pas osé publier sur le net.

Critique de The Perry Bible Fellowship Almanack

Normalement, Le Tigre ricane seul face à son écran en cliquant sur quelques liens de BDs plus ou moins undergrounds présentes sur le web. Les avoir sur papier relève alors du caprice, comme une envie de parcourir, en dur, l’humour parfois dévastateur de Gurewitch. Sur 200 histoires, il y a un bonne moitié qui a déclenché en moi un réel sourire. Certes, quelques planches m’ont laissé de marbre, soit parce que le thème a été rabâché des tonnes de fois, soit parce que je n’ai rien bité – même si la barrière de la langue n’est pas un problème dans cet opus.

Nicholas G. jongle avec les sujets avec un certain brio, rien n’est laissé au hasard : un peu de minorités (LGBT notamment) ; de solides références culturelles (certaines ont du me passer au-dessus de la tête) : beaucoup d’animaux dans tous leurs états (les dinosaures, grandes stars) ; énormément de vilains (meurtriers, pédo, mafia), de la fantasy (E.T. blagueurs notamment), l’auteur est éclectique et ne se cantonne pas à un seul sujet.

Quant au dessin, il faut reconnaître que la qualité est au rendre-vous – l’auteur a dû passer beaucoup de temps dessus. Les couleurs vives inspirent énormément de souvenirs (Crumb, Disney,…), comme si on lisait ce que produit un bon copain. Bref, encore un énième webcomics qui a décidé de publier ses bonnes œuvres, et le résultat est plutôt réussi. Remercions également l’éditeur, qui a relativement bien géré le ratio qualité/prix.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui m’a marqué, au premier abord, est le décalage. Il y a quelque chose de profondément malsain, par exemple, entre des illustrations sorties des années 50 (ou prises sur des blogs kawaï) et les horreurs racontées. Car l’artiste semble porté sur la reprise de styles communément connus, du coup le « choc de genre » n’est pas loin. De même, le vocabulaire a souvent quelque chose de désuet, comme si on lisait un texte du 19ème siècle. La police d’écriture y est sans doute pour quelque chose, mais quoiqu’il en soit le contraste visuel/thème tend à décrocher plus d’une mâchoire.

Le must, la barre de rire ou le froncement de sourcil (le cas échéant) surviennent toujours dans la dernière case. C’est un peu l’image finale qui tue, l’effet kiss-cool du dénouement. En fait, la fin apporte souvent une différence de perspective. On peut être dans un registre classieux et logique, puis on tombe dans le glauque ou le graveleux. Un début digne d’un dessin animé pour gamins se terminera, immanquablement, par une saloperie que seul un adulte dérangé pourrait imaginer. De même, de terribles fléaux frappant l’Humanité ne seront que d’aimables plaisanteries vue d’ailleurs.

Pour conclure, Nicholas Gurewitch est le mec qui pense « out of the box », l’artiste qui parvient à relativiser les grandes problématiques de ce monde en les contournant avec une pirouette humoristique – car inattendue. Salutaire comme tout.

…à rapprocher de :

C’est parti pour quelques références d’humour de ce genre :

Et ça vous fait rire ? voire DJ set, d’Hugleikur Dagsson, est bien plus noir (et vilain), avec des illustrations qui n’en sont pas vraiment – un gamin aurait pu les faire.

– J’ai souvent pensé au Pinocchio de Winschluss, notamment à cause des dessins gentillets mais qui envoient du lourd.

– L’auteur le confesse volontiers, son dessin est grandement inspiré de Crumb. Faudrait que je résume quelques ouvrages de Robert C. un de ces quatre.

Enfin, si votre librairie américaine est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici.

clive-barker-hellraiserVO : The Hellbound Heart. Très grosse nouvelle d’horreur confinant au roman, j’avoue que Clive Baker m’a laissé sur ma faim. Le style, sec et direct, n’a pas la puissance escomptée pour une histoire d’êtres venus de l’enfer et aussi sadiques que dingues. Ce texte écrit en 1986 aurait dû être accompagné de suites dans le même média, hélas ce ne fut pas le cas.

Il était une fois

Frank est un jeune gars blasé de la vie, et après de nombreux voyages il aimerait volontiers avoir d’intenses sensations non connues de la populace. Dans ce cadre, il acquiert une sorte de casse-tête, un cube, qui en s’ouvrant ameute les inquiétants Cénobites (lol). Sauf que ces individus, qui puent et suintent de partout, ont une vision bien à eux des ultimes expériences qui sont basées sur la souffrance. Depuis la maison familiale, Frank reçoit donc la visite des gros vilains qui l’emportent avec lui. Et il le regrette amèrement. Heureusement que son frère a décidé d’investir la maison avec sa femme…

Critique de Hellraiser

Si Le Tigre s’est procuré ce court roman (deux heures de lecture si vous êtes particulièrement lent), c’est parce qu’un beau jour il est tombé sur un film sobrement intitulé Hellraiser. Et les différentes suites qui ont tout des Séries B – et produites par Clive en personne. Du coup, je me demandais d’où tout ce bordel a pu venir. La réponse fut déconcertante : 150 pages toutes mouillées.

Revenons à nos Cénobites : le pauvre Frank Cotton est piégé dans leur monde et paraît être dans un sale état – tortures obligent. Parallèlement, son frérot Rory et la belle Julia s’installent dans la maisonnée, sans savoir que dans une chambre se trouve le passage entre notre monde et celui des orfèvres de la souffrance. Pour sortir de cet univers, Frankie aura besoin de sang, de beaucoup de sang même, et Julia – qui découvre sa présence dans la demeure – l’aidera.

Lorsque la chose (qui fut jadis Frank) est sur le point de revenir sur notre bonne vieille Terre, la péripétie ultime a lieu à cause de Kirsty, amie de Rory et inquiète du comportement de Julia. Tout cela se terminera salement, même si les dernières pages m’ont paru très confuses, comme si l’auteur britannique se devait de clore le chapitre parce que sa rombière le sommait de venir prendre le thé. En outre, si dans les premiers chapitres le lecteur a un aperçu satisfaisant de ce que Frank peut « subir » comme délices, on sait finalement peu de choses de ce qu’il a vécu de l’autre côté.

L’héroïne du roman est Julia, et non Frank comme tend à nous le faire croire le quatrième de couv’. Et face à un tel univers qui jouit d’un bon potentiel, le félin s’attendait à quelque chose d’énorme capable de me mettre un K.O. littéraire, à l’image de quelques novellas d’horreur comme sait les produire King. Il n’en fut rien, c’est comme une préface à d’autres scénarios qui auraient mérité d’être portés sur romans – plutôt que sur petit écran.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Puisque c’est le seul texte mettant en scène les Cénobites, je vais tout de suite vous dire ce que je pense de ce charmant groupe de personnes. Déjà, en tapant ce terme sur mon blog, je n’ai pas eu le soulignage en rouge…eh oui, ce terme n’a pas été inventé par Barker ! Cherchant sur internet, il apparaît que « Cénobitisme » (relol) fait référence à la vie monacale en communauté – contrairement au Tigre, seul, avec ses romans. Plus marrant, c’est aussi le nom vernaculaire du Coenobita, bernard l’hermite qui vit sur terre et qui est aussi moche qu’un cul de singe gratté à deux mains. Vous avez saisi la blague ?? : une communauté de mecs aussi flippants que des l’hermites – alors qu’ils sont tout sauf des ermites, plus pratique pour la torture.

Le refus de la morne réalité (et la recherche d’autres sensations) est la constante qui perdra les deux protagonistes principaux. Frank, d’une part, remue ciel et terre pour acheter auprès de Kircher le cube, et passe des jours à tenter d’ouvrir le mécanisme. Sa vie de baroudeur/joueur ne lui convient décidément plus. Julia, d’autre part, est loin d’être heureuse auprès de Rory, pâle copie de son frère Frank qui fascine la jeune femme. Au fil des pages, on apprend (presque sans surprise) qu’elle se faisait régulièrement troncher par le frérot, plus passionné, plus vif, plus tout en fait.

Dans les deux cas, l’existence est considérée comme un jeu, néanmoins dès que les Cénobites s’en mêlent plus rien n’a de ludique : c’est un pacte avec le diable, mais en pire. Notamment, lorsqu’une des protagonistes (Kirsty) actionne par erreur l’ouverture du cube magique, les Cénobites souhaitent quand même la prendre.

…à rapprocher de :

– Si ça vous intéresse, il y a pas moins d’une dizaine de films tiré de ce roman. Faites-vous plaisir, et si possible matez-les dans l’ordre  – j’ai fait un marathon fort éprouvant.

Peyo & Delporte - Le SchtroumpfissimeSuivi de Schtroumpfonie en ut. Je suis omnivore, ne l’oublions pas. Lorsque les Schtrucs se comportent comme des humains, forcément ça se termine en catastrophe – enfin, c’est relatif. Ouvrage mille fois lu, mille fois analysé, apportons un peu d’eau tigresque au moulin des nains bleus en prenant un titre au pif de leurs aventures.

Il était une fois…

Cette vieille dondon de grand Schtroumph est partie chercher un ingrédient particulier dans la forêt. Le vioque laisse donc les clefs du village à la bande de couillons bleus. Le gus n’est même pas parti depuis une heure que déjà les Schtroumphs font de la merde : ça veut élire un représentant, ça vote, ça se transforme en dictature, ça fait une révolution, ça fait la guerre. Le génie humain, en somme. Quant à l’autre histoire, Celle-ci est trop insignifiante pour que j’en parle ici.

Critique du Schtroumpfissime

Il arrive au félin de tomber sur un vieux classique qui traîne dans la bibliothèque d’un ancêtre. Cette fois-ci, il s’agit d’une bande de lutins vivant dans un cauchemar où les femmes se font rares. Qui plus est, ils semblent atteints d’une maladie rare – je pencherai pour la cyanose ou le manque d’oxygène, eu égard leur couleur bleue et leur vocabulaire très limité.

La première histoire est aussi dense que délicieuse. Le père Delporte a sorti ses grosses bottes pour nous concocter des péripéties réjouissantes. Sans le grand Schtoumph, les minibleus sortent la panoplie du pouvoir et des luttes politiques dans un concentré de ce que l’Histoire humaine répète à l’envie. Le rythme est optimal et fera lire ces quelques planches en une dizaine de minutes à peine.

Dans le Schtroumph musicien, il appert que le protagoniste principal est incapable de bien se servir d’un quelconque instrument de musique – à l’instar du Tigre. Dégouté, le petit va se voir proposer par une vilaine fée (vous devinez qui) une fabuleuse flûte. Sauf que celle-ci endort tout le village. Il s’ensuit une quête effrénée pour réveiller ses petits copains.

Comme souvent avec le gros Peyo, il n’y a pas de quoi se plaindre quant aux illustrations : au premier coup d’œil on comprend de quoi il est question, et certaines planches décrivant des combats sont fort bien réussies, le lecteur aura loisir à admirer un travail sérieux – pour l’époque. Bref, à offrir à tous ses gosses avant qu’ils apprennent l’éducation civique  (sic).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Beaucoup a été dit sur ces opus, aussi il est difficile pour le félin de ne pas radoter  comme une conne au sujet des Schtroumphs. D’une part, dans le premier texte, on pourrait croire que l’auteur, en bon communiste, fait l’apologie de la gérontocratie la plus éclatante. A la rigueur, une sorte de paternalisme gaullien qui consisterait à démontrer que c’est « moi ou le chaos ». Et à bas la démocratie qui encourage les plus viles réactions de la populace qui se disperse malgré elle.

Sérieusement, faut arrêter d’enculer les mo(u)ches. Déjà, ces êtres n’ont rien à voir avec les humains. Au mieux, ce sont des gamins à qui il faut régulièrement botter le cul. Ensuite, c’est un village minuscule, et à part un vieux sage comme maire je ne vois personne pour bien gérer la situation. Enfin, l’état de guerre permanent contre Gargamel justifie l’existence d’un dictateur en continu. Sinon la bourgade ressemblerait à Taïwan – comprenne qui voudra.

D’autre part, et à mon humble avis, la dernière histoire a une morale bien pourrie. Grossièrement, il faut retenir que chacun a une utilité bien précise qui va, un beau jour, se révéler auprès des autres. Ici, c’est avec sa trompette que Schtroumph musicien sauvera ses potos. Sauf que tout le bordel a été provoqué de son propre fait : le « héros » est seul responsable de l’évènement déclencheur, et est l’artisan du dénouement. Il ne fait que réparer sa connerie, aucune amélioration notable du village ou de ses habitants n’a eu lieu. Un jeu à somme nulle en fin de compte

…à rapprocher de :

Rien d’autre.