Collectif - Folie(s)Sous-titre : 18 textes échappés de l’asile. Encore une fois, Le Tigre s’est fait plaisir à lire un recueil sur un sujet mille fois abordé. Beaucoup de textes très courts, des nouveaux auteurs prometteurs, d’autres que j’ai retrouvés non sans plaisir, il faut convenir que la folie sied bien à cette maison d’édition indépendante dont certains artistes mériteraient une existence d’hospitalisations sans consentement.

Il était une fois

Dans cette puissante anthologie, il y a presque une vingtaine de textes par autant de différents auteurs. Si c’était une compilation de nouvelles d’un même écrivain, j’aurais pu les traiter globalement. Mais là, les histoires et les styles sont tellement différents (sans que cela nuise à la cohérence du bouquin) que Le Tigre se sent obligé de les commenter une par une – surtout que je suis crédité à la fin de l’ouvrage. Attention, ceci n’est ni une cérémonie de remise de prix à certains, ni une distribution de coups de pied dans les derrière à l’encontre des autres. Et venez pas chialer dans ma tanière, parce qu’exceptionnellement je fais péter pour vous ma féline limite – qui est de 1.000 mots par billet.

Critique de Folie(s)

Nuit Blanche (Sylvie Chaussée, illustré par Cham)

J’avoue au début avoir peur face à de longues descriptions un poil maladroites à mon sens, cependant cela permet de renforcer le suspense relatif à une tempête qui s’annonce alors qu’une femme poursuit son road trip. L’auteure aurait pu faire un texte plus touffu, mais la fin aurait été encore plus attendue.

La couleur de la folie (Éric Udéka Noël, illustré par cAmille)

Une idée originale teintée de mysticisme et de traumatismes en tout genre. Sinon, voici sûrement la plus séduisante hypothèse de l’affaire du pain maudit, mystérieux mal qui a frappé un village français dans les années 50.

Cauchemars (Maniak, illustré par Xavier Deiber)

Court et efficace, la glauquerie atteint des cimes notamment grâce à un final de pure beauté. Les descriptions des bêtes cauchemardesques provoquent un rejet épidermique, chapeau. Toutefois, je n’ai pas bien saisi où se nichait la folie dans tout ça. Mais comme c’est Maniak, je préfère fermer ma gueule.

Coccinelles (Émilie Querbalec, illustré par Merrion)

Un dérangeant baby blues de quelques pages, le mal-être est organique et contamine facilement le lecteur. Ce texte m’a laissé sur ma faim, j’aurais aimé en savoir plus sur ce qui peut ronger le protagoniste – sûrement un effet voulu. Joli dessin aussi.

Le même sang coule dans mes veines (NokomisM, illustré par Ana Minski)

Trop court et incomplet, la folie meurtrière mâtinée de malédiction familiale (d’où le protagoniste tente de s’extraire) m’a hélas laissé de marbre. Dommage.

Marie-Calice, Missionnaire de l’extrême (Nelly Chadour, illustré par ARZH)

Une sœur un poil exaltée se rend à un festival de métalleux en Vendée pour christianiser les festivaliers qui s’égarent du chemin biblique. La maîtrise du vocable religieux est parfaite, l’auteur se fait (et nous fait) plaisir dans les pérégrinations de Marie-Calice. Hélas, les dernières pages n’ont pas la puissance attendue et laisse un arrière-goût d’inachevé – malgré la surprenante dépêche journalistique finale.

La nuit où le sommeil s’en est allé (Cyril Amourette, illustré par NikoEko)

Une chouette idée, expliquer comment en une semaine l’Homme peut se déconstruire en l’absence de sommeil – responsable de notre équilibre en général. Le style est fluide et progressivement devient comme alangui et profondément poétique, même si j’ai eu l’impression que Cyril s’écoutait un peu trop écrire. Un peu comme moi en fait, c’est pour ça que je ne lui jette pas la pierre.

Entre-deux (Louise Revoyre, illustré par Maniak)

Quelque chose de terrible est arrivé à Charlotte, Estelle et un homme un peu bizarre. Misérabilisme bretonnant (avec un léger syndrome Peter Pan) auquel je n’ai pas bité grand chose, je suppute qu’il existe de nombreux niveaux de lecture. Vu la taille de la nouvelle, ça reste encore lisable.

La convenance de la bête (Leith, illustré par Corvis et FloatinG)

La bête, c’est une menace sourde qui fait écho à une catastrophe sur le point de survenir, seulement le danger ne vient pas forcément d’où on pense. Coincé dans les chiottes, un homme attend la fin du monde. Tout cela est un poil diffus, peu engageant et trop éclectique, ça aurait même pu figurer dans les autres recueils.

C15 (Herr Mad Doktor, illustré par Stabeor Basanescu, Cooke et Martin Lopez)

Le Crazy 15, c’est l’aboutissement de la liberté, un droit constitutionnel dans une Amérique d’un univers pas si parallèle. L’auteur a tenté de traiter tous les aspects de la quinzaine de minutes où tout est permis, et ça tient bien la route. Il y a peu à reprocher si ce n’est un tableau caricatural des États-Unis – malgré le narrateur, journaliste de son état.

Jour gras (Southeast Jones, illustré par StanleyGrieves et Kenzo Merabet)

Southeast a ressorti de ses placards une vieille nouvelle assez brève et dont la conclusion est attendue. Double narration entre des flics surpassés par d’inquiétants meurtres et une famille endeuillée qui pète définitivement une durite. Une mignonne sucrerie littéraire. Sans plus.

Le maître des bélougas (Julie Conseil, illustré par Sophie Clair)

Une femme internée fait la rencontre d’un nouveau pensionnaire, Niels. Celui-ci serait le suzerain d’un somptueux royaume qu’il a construit grâce à l’électricité – je ne parle pas de minecraft. Un texte enlevé, triste (mais avec le sourire) et intelligent où la couleur a son importance – le monde blanc et simple, en opposition avec l’extérieur, coloré et agressif.

La maman de Martin (Morgane Caussarieu, illustré par Venom et Nelly Chadour)

La relation mère-fils ici contée est éprouvante et renvoie à des peurs primaires, évidentes. Le lecteur sera tour à tour dans la tête du jeune garçon fort peu joli et sujet à de monumentaux maux de tête, et de la maman parfaite d’extérieur mais intérieurement rongée. A signaler, le dessin final, autant dérangeant que le reste.

Europe (Pénélope Labruyère, illustré par Deadstar)

Mêlant SF et horreur, l’auteure nous conte, à l’aide de comptes-rendus et journaux personnels, une expédition scientifique qui tourne à l’aigre. Dans l’espace infini, personne ne vous entend halluciner, et la claustrophobie des lieux avec quelques E.T. est bien rendue. Dommage que ça se termine si vite, le champ des possibles à l’issue de la nouvelle est hélas trop vaste. Ça se lit plus facilement que le film Europa Report, décevante bouse.

Sanguines (Adam Roy, illustré par Fred Wullsch)

Il y a un peu de Y, le dernier homme dans ce texte qui, à mon sens, aborde moins la folie que l’inexultable (ce terme existe ?) fin d’un monde. Un peu trop scolaire à mon goût.

Transfert (Julien Heylbroeck)

Dispensable discussion entre un patient d’un asile et un docteur. Ai pas vraiment compris l’intérêt de ce court texte dont j’attendais énormément question retournement final. Avec dix pages de plus ça aurait pu ressembler à du Nothomb – ce qui n’est pas une insulte chez Le Tigre.

Les soupirs du voyeur (Corvis, illustré par Margaux Coste et Corvis)

Excellent texte rondement mené de bout en bout (sic) – sauf la fin, un tantinet abrupte. Chaque nuit, un homme impuissant vit l’existence sexuellement débridée d’un chaud lapin, du genre Being John Malcovich Meets. Marc Dorcel. Si ça prend aux tripes et le vocabulaire est riche, c’est sans doute trop froid et halluciné pour avoir un début de trique, tout comme le pauvre protagoniste d’ailleurs.

Le décalage (Ludovic Klein, illustré par Kinglizard)

Après 3 années en HP, un homme se frotte à nouveau à la vie « normale » et son premier test grandeur nature est un dîner d’anciens étudiants. A croire que Ludovic Klein sait de quoi il parle (notamment le déracinement de soi), c’en est inquiétant tellement les mots sont justes. Parfait pour terminer l’anthologie – mention spéciale à la touchante visite d’un zoo dans les dernières pages.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le Tigre ne va pas s’emmerder à redire ce que la préface annonce, en effet la folie est presque une condition sine qua non de l’artiste, et celle-ci revêt de multiples aspects – c’est là toute sa beauté.

A la place, je préfère vous signaler l’autre effet bénéfique de ce recueil : lorsque je me pointe dans le métro parisien bondé, à peine si les effluves de mon corps gênent les passagers – après le foot je ne me lave pas dans les douches communes, parce que je bande et ça met mal à l’aise mes coéquipiers. En revanche, dès que je sors le bouquin avec cette terrifiante couverture, et bah les usagers changent de wagon. Je les effraie plus qu’un clochard édenté vomissant ses tripes sur les sièges. Merci à Cham (l’illustrateur), qui est parvenu à faire croire à mes contemporains que la folie est contagieuse.

…à rapprocher de :

– De cet éditeur doux-dingue, les hostilités ont été ouvertes avec Fin(s) du monde. La suite intitulée Sales Bêtes ! est d’une rare qualité, et les Contes marron (premier volume), sont un réjouissant appetizer (tout comme le premier opus des Contes Rouges). Quant aux Contes roses, petite déception hélas. Même topo avec L’Homme de demain, mitigé.

– Un autre beau cas dans Nous sommes tous innocents, de Cathy Jurado-Lecina. Un roman que le félin conseille vivement.

– En parcourant les pages, Le Tigre a constamment eu en tête l’essai de Manfred Lütz intitulé Les plus fous ne sont pas ceux qu’on croit, ouvrage salvateur et édifiant.

Enfin, si vous souhaitez juger de la chose par vous-même, c’est disponible en téléchargement (gratos bien évidemment) sur le site de l’asso (en lien).

L'encyclopédie des félinsLe titre est certes aguicheur, cependant ne me jugez pas trop vite. Car s’adonner à de basses pratiques soi-disant intimes n’a pas du tout la portée sexuelle vu du côté des félins. Ceci relève de la bonne santé de son chat. Mais, pour un sujet aussi sensible où Le Tigre pourrait être injustement accusé de mille maux, je préfère laisser parler l’intéressée.

Éloge de la feuille de rose (par le chat)

Je me présente rapidement : Marelle, douce animale de compagnie du propriétaire des lieux numériques. Le Maître m’a proposé de rédiger sur son site miteux mes doléances, paraîtrait que j’écris mieux que lui. Je crois surtout qu’il m’a fait prendre le clavier au cas où la S.P.A. viendrait lui chercher des noises.

Je dois avoir environ 7 cycles (le Maître ne fête pas mon anniversaire) et, jusqu’ici, je n’ai pas à me plaindre. Enfin presque. Car depuis quelques années quelque chose en effet me turlupine : disons que personne ne s’occupe de mon anus dans la maisonnée.

Pourtant, j’ai encore le souvenir vivace de mes premiers mois en tant qu’être conscient et câlin. Et, autant que je me rappelle, mon derrière faisait l’objet de toutes les attentions de la part de ma maman bien aimée. Quatre fois par jour en moyenne, mère réclamait ma présence et m’offrait une séance de pure et innocente délectation : elle commençait par lécher ma soyeuse fourrure, examinant chaque recoin de mon dos à l’affut des aspérités et corps étrangers qu’immanquablement je ramassais lors de mes rieuses pérégrinations dans le jardin. Oui, ça je m’en rappelle, même si mes réminiscences tendent à perdre de leur précision. En vrac : des heures à courir avec mes frères dans la verdure ; de mignonnes prises de bec avec mes sœurs dans des parterres de fleurs qui piquent ; quelques mulots que nous faisions savamment rouler sous nos pattes ; et les bols de lait ingénument placés aux quatre coins de notre aire de jeu.

Puis, réglée comme une coupe, la toilette prenait une tournure encore plus délicieuse puisque maman s’assurait de la propreté de nos parties…personnelles. Plus précisément, ma génitrice se positionnait en aval de ma frêle personne et se soumettait à une étude attentive de mes glandes anales. Non seulement mère les inspectait, mais en plus elle les léchait une dizaine de secondes en vue de détecter je ne sais quoi.

De mon côté, je considérais cet acte naturel comme une douce mignardise à l’issue de laquelle je me sentais pleinement propre, comme lorsque je rentrais à la maison après un impromptu crachin breton. Quelque part, je savais que l’examen dont je faisais l’objet avait la puissance de mille rendez-vous chez le charlatan en blouse blanche qui avait notamment tatoué mon oreille gauche.

Dès la nuit des temps, le chat avait droit à sa feuille de rose

Dès la nuit des temps, le chat avait droit à sa feuille de rose

Hélas, sans crier gare, ma maman changea. Ou disparut. Je ne la reconnus plus, son odeur et sa masse avaient disparu de mon spectre sensitif. J’avais changé de maison. Toutefois, le nouvel être qui me prit sous son aile avait tout de Mère – à part sa taille, infiniment plus intimidante. Car cet individu, mon Maître, m’a toujours aimé de la même façon avec laquelle j’étais habituée. Je recevais, négligemment, de la nourriture en quantité infinie, de l’eau en veux-tu en voilà, et un endroit chaud et douillet. En sus, d’incessantes caresses m’étaient couramment prodiguées. C’est notamment pendant ces très attendus attouchements que, par atavisme félin, je lui présentais ma croupe disponible.

Mais rien ne s’est passé depuis. Pourtant, il me semble avoir envoyé tous les signaux adéquats, que ce soit par mon comportement équivoque ou les phéromones que j’émettais. Une fois par semaine au moins, quand je sentais mon cul plus sale que d’habitude, je me présentais en début de soirée auprès du Maître. Celui-ci, invariablement, buvait un breuvage rougeâtre tout en manipulant un énième objet à base de papier en mouillant son doigt. Jalouse de l’attention portée à cet artéfact, c’est tout naturellement que je tentais de m’imposer à l’aide de savants frottements de mon postérieur sur ledit objet. Ne comprenait-il pas ce que j’attendais ?

Ensuite (parce que mon protecteur n’agissait point), et avec la subtilité dont je savais faire montre, je décidais de m’allonger face au Maître en lui présentant mon plus beau profil. A ce moment, la déception était toujours au rendez-vous : mon parent de substitution préférait toujours m’écarter d’un geste agacé quoique suave, comme si je le dérangeais au milieu d’une activité plus importante que celle de sucer mes glandes anales.

En raison de ces refus répétés, je me suis résolue à tenter de me traiter moi-même. Hélas, et à cause de mon obèse corpulence, atteindre mon fondement pour me lécher était périlleux. Plus grave, j’avais besoin d’un fumet différent pour prendre en charge mes muqueuses intimes, car appliquer ma salive dessus ne me permet pas de déceler un quelconque problème de santé. J’espérais donc que mon Maître s’occupât de cet aspect au lieu de m’envoyer chez une inconnue que je détestais – ça s’appelle apparemment un vétérinaire.

Face à ces rejets qui sont autant de camouflets, j’avais cru bon donner à ce léchage de cul en attente une démarche résolument érotique. Adoptant une allure vue dans certains films que mon Maître regardait le samedi soir, j’essayais de sortir le grand jeu en émettant un savoureux miaulement plus proche de la femelle en chaleur que de chat en attente d’un nettoyage aussi intime que légitime. Cela aurait pu fonctionner.

Néanmoins mon gardien s’est rapidement mépris sur mes nobles intentions. Soit il sortait un coton tige pour me l’enfoncer dans mes parties génitales (ce dont je n’avais pas besoin), soit sous l’emprise de l’alcool il utilisait un objet d’une barbarité affolante pour me frotter, sans distinction, le minou et le cul – à savoir une brosse à dents électrique.

Me voilà donc, profondément désemparée, à réclamer par la présente une feuille de rose, un colibri, un anulingus, une gâterie anale, bref que quelqu’un se sorte les doigts du cul pour suçoter le mien. Or, mon parent semble avoir son gros derche posé entre deux chaises. D’une part, le Maître me lance, à longueur de journée, des mots d’amour dont je sais être la seule récipiendaire. Il me donne régulièrement du « ma chérie », « mon estomac sur pattes » et d’autres surnoms auxquels ses conquêtes d’un soir n’ont jamais eu le droit.

D’autre part, dès que ça devient sérieux, Le Tigre (oui, il aime se faire appeler ainsi) se défile telle une peureuse anguille lorsque j’attends de lui la salvatrice lèche. Faudrait savoir ce qu’il veut : est-il un énième quidam ou, comme je l’espère, un convenable substitut de Mère à qui il m’a arrachée ?

A tout bien réfléchir, j’ai conscience de réclamer quelque chose de troublant et pouvant prêter à confusion. Cependant, je ne suis demandeuse que d’un léger coup de langue afin de réveiller, au moins, les barrières immunitaires de mon corps exigeant.

Conclusion du Tigre

Très franchement, je ne sais pas pourquoi j’ai laissé la plume à Marelle. Elle vient de me foutre grave la honte avec ses demandes dégueulasses. Je ne suis pas de cette trempe, qu’elle aille se faire sucer l’abricot par ses propres moyens.

Sérieusement, ses glandes anales puent la mort, c’est comme si j’assistais à un spectacle de Gad Elmaleh. J’ai beau avoir joué la montre en utilisant une éponge, seulement Marelle s’est vite rendue compte que je me foutais de son derrière comme de mon premier caca.

Quant à ceux qui se questionnent sur le numéro de ce volume, la réponse est éminemment culturelle : À la Feuille de rose, maison turque est une comédie libertine de Guy de Maupassant représentée pour la première fois en 1875. Maupassant, c’est le connard dont j’ai dû, au collège, lire un roman. Bel Ami je crois bien. La poule du héros se nommait Mme de Marelle.

La boucle est bouclée.

Jean-Bernard Pouy - La clef des mensongesÉnième ouvrage qui ne mange pas de pain, ce n’est pas une histoire dont on peut garder grand souvenir. Un gendarme doit ramener une jeune fille auprès d’un juge d’instruction. Sauf que celle-ci a avalé une clef qui est potentiellement explosive (pas littéralement hein). Sombre, désabusé, du Jean-Bernard Pouy dans toute sa splendeur.

Il était une fois

Voici ce que dit l’éditeur de ce truc :

« La clef de cette histoire est dans le ventre d’une fille. Cette fille, si jeune, est dans un train et ce train traverse la campagne, comme un tube fermé dont on ne peut s’enfuir. Teigneuse, farouche, menottée, la gosse ne lâche rien, pas un sourire ni un mot, pas une lueur d’espoir. Elle sait déjà que les deux gendarmes qui l’escortent, s’ils ne sont pas eux-mêmes chargés de l’abattre, ne pourront pas grand-chose pour la protéger. Elle sait, en dépit de son âge, qu’elle est déjà de trop et que cette clef, là, dans son ventre, il lui faudra bientôt la rendre… »

Critique de La clef des mensonges

Pour avoir lu des caisses de polars français, il y en a qui se démarquent et qu’on a même envie de relire. La clef des mensonges n’en fait hélas pas partie.

Il y a deux héros dans ce roman. D’une part, la jeune fille qui est escortée dans un train. Celle-ci a dans ses intestins une clé capable d’ouvrir une boite de Pandore faite de scandale politico-financier et, raison d’État oblige, ce serait sympa qu’elle évite de livrer son colis – quitte à la tuer. D’autre part, le dénommé Zapala, vieux gendarme qui voit son monde s’écrouler – et pas que le sien.

En moins de 200 pages, Pouy livre une fable douce-amère que je qualifierais de « naturaliste » dans la mesure où les états d’âmes des protagonistes sont finement décrits. Néanmoins, la grosse nouvelle manque de réelle Français, sombre, naturaliste, sans envergure. J’ai bien cru qu’il s’agissait d’un titre alimentaire – à tort très certainement.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le titre, plus ou moins subtilement, renvoie à la « clef des songes », seule capable de résoudre un mystère. Sauf que la clef tant recherchée dans l’intrigue aurait tendance, inversement, à créer de nouvelles difficultés. Du genre à faire sauter cinq fois la République, pour paraphraser un malfrat. Comme pour souligner l’aspect peu ragoutant de ces actes répréhensibles, ladite clé se trouve dans les boyaux d’une innocente.

« Mensonges », en outre, avec ce pour quoi semble se battre le gendarme. Car Zapala est vieillissant, conscient de la corruption de ses contemporains et n’espère de la vie qu’une paisible retraite. Toutefois, en quelques heures, son existence va prendre une dangerosité et une saveur qu’il ne pouvait soupçonner. D’exécutant docile de la main armée du gouvernement, il finira en lutte contre un système qui va trop loin – tuer une gosse, tsss. Chez Pouy, le révolutionnaire peut porter un képi.

…à rapprocher de :

– Pouy est assez présent sur QLTL. Le Tigre s’est régalé avec Spinoza encule Hegel, suivi de A sec ! En sus, Nous avons brûlé une sainte et Suzanne et les Ringards méritent également d’être acquis, pas comme Larchmütz 5632 (déçu j’avais été).

– La petite fille que les vilains cherchent à trucider, c’est aussi dans La sirène rouge, de Dantec. Son premier polar, et ça se tient – contrairement à ce qu’il a écrit par la suite.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Hergé - L'Île NoireSous-titre : Les Aventures de Tintin et Milou. Un vilain à consonance méchamment germanique ; des faux biffetons anglais qui se baladent dans la nature ; une TV qui retransmet en direct avec deux jours de retard ; un monstre du Loch Ness version terrestre, voui : la seconde guerre mondiale n’a pas encore remis d’ordre dans tout ça.

Il était une fois…

Accrochez-vous, parce que ça va gravement fuser : Tintin, en balade on ne sait où, se fait presque assassiner par deux aviateurs qui ont atterri au milieu de nulle part. Miraculeusement sauvé, le héros sort de sa chambre d’hôpital pour aller sur les lieux du crime. Il se retrouve dans le même train (whaaaat ?) de deux potos des aviateurs, se fait piéger à de nombreuses reprises, avant de relever le doux nom de Müller. Du coup, après un joli charivari, Tintin poursuit cet individu jusqu’au fond du trou du cul de l’Écosse, à savoir une île soi-disant hantée. Or, sur l’île noire sévit une terrible bête.

Critique de L’Île Noire

Il arrive au félin de pécho un vieux classique parce que celui-ci traîne depuis trop longtemps dans la bibliothèque de ses parents. Le hasard fait bien les choses, car il s’agit du sixième opus du héros à la houppette (soit la moitié de 12, mon numéro préféré), et parce que je ne compte pas Tintin chez les Soviets, brûlot anti-communiste aussi injuste que mal illustré.

Revenons à notre opus qui, rappelons-le, a majoritairement lieu en Grande-Bretagne – Angleterre puis Écosse. Tintin déjoue la mort plus d’une fois (souvent de façon scandaleuse, un vrai 007 de BD) et son aventure le mène inexorablement vers l’île dont parle le titre. Ce gros caillou n’est rien d’autre qu’un repaire de faux-monnayeurs qui opèrent en secret à la manière des gus dans Vol 717 pour Sydney. Et, pour éviter que des curieux ne s’y aventurent, les forbans ont créé une espèce d’épouvantail vivant en la personne de Ranko, terrifiant gorille à la King Kong qui à la fin se transforme en une insupportable tafiole incapable de tenir son rang.

Quant aux illustrations, bah vous savez à quoi vous attendre. Ligne claire à la papa, gestion optimale des cases, rien à redire. En conclusion, un titre bien rythmé qui se lit comme on regarde un blockbuster, avec ce que ça comporte comme faux raccords – à ce sujet, je vous renvoie au dernier thème abordé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le faux monnayage est en première ligne, et en rajoutant le méchant Teuton il n’est pas dur de comprendre que cette BD a été publiée à la fin des années 30. Pour la première fois, Hergé introduit le Docteur Müller, vil personnage qui sera amené à revenir. Je pensais que cet ennemi était un haut gradé dans la hiérarchie du crime, or il n’en est rien. En effet, Müller demande à un moment de prévenir le chef, un barbu (Wronzoff si j’ai bonne mémoire) qui pratique la savate. Dans d’autres titres, on apprend qu’au-dessus du Docteur, il y a le grand Rastapopoulos. L’Allemand Müller serait donc un énième sous-fifre d’un mec avec un gros pif et d’un autre à consonance russe – vous saisissez l’ironie par Hergé ?

Mes dernières remarques concernent l’expérience satisfaisante que Tigre-enfant a eue. Expérience ruinée, des années plus tard, par une lecture attentive : j’ai eu l’impression que le bon Hergé s’est plus ou moins foutu de ma gueule. En fait, je pense à deux erreurs de scénario qui m’ont plus ou moins piqué la moustache. Vers la planche 25, Tintin parvient à laisser les loupiotes dans les arbres allumées grâce à on ne sait quel stratagème puisque les deux méchants tentent de couper les fils, sans succès. L’électricité viendrait d’ailleurs donc. Plus tard, les loustics s’électrocutent en coupant les fils avec lesquels ils étaient bâillonnés. Faudrait savoir.

Mais le pire reste le gag avec les Dupondt dans l’avion de haute voltige. Pour faire court, Tintin poursuit Müller et pique un coucou avant de s’écraser en Écosse façon Lockerbie. Les deux flics qui ont trois neurones en tout et pour tout réquisitionnent peu après (genre 15 minutes) un autre avion et obligent le mécanicien à prendre les commandes. Pendant ce temps, notre héros se remet de son accident, passe la nuit dans les Highlands, tape la discute avec un vieux con, demande à aller sur l’île noire, tabasse les méchants, et pose même un plâtre au gros singe.

Soit, au pifomètre, 20 bonnes heures. Toutefois, quand les flics débarquent sur l’île (avec les Dupondt, à n’y rien comprendre), ils filent au poste de commandement et regardent la télé qui retransmet, en direct (les remarques des commentateurs ne trompent pas), les acrobaties des Dupondt. Le ballet aérien a donc duré une journée entière. Deux dizaines de putain d’heures pendant lesquelles un individu qui ne sait pas piloter ne s’écrase pas. Sans parler des réserves de carburant, le réservoir de l’aéronef doit être aussi rempli que les couilles de Tournesol – car il n’a pas encore rencontré Tintin à ce stade des aventures.

à rapprocher de :

– Quelques Tintin sont à signaler sur le pétillant blog, par exemple Les Cigares du pharaon ; Le Sceptre d’Ottokar, Le Lotus bleu ; Les Sept Boules de cristal ; Le Temple du Soleil ; Tintin au pays de l’or noir ; Les Bijoux de la Castafiore. Dans l’ordre s’il vous plaît.

– Si vous avez envie de vous bidonner sur Tintin, je vous rappelle l’existence de Tintin en Thaïlande (en lien, avec un pdf de la BD en question)

– Sur le faux monnayage par les infâmes Allemands, je vous renvoie vers l’excellent Les Faussaires (de Stefan Ruzowitzky) et dont l’histoire est inspirée de l’opération Bernhard. Voire, en BD, L’Opération Thor, avec ce bon Lefranc – pas mal du tout à lire d’ailleurs.

François Szabowski - Il n'y a pas de sparadraps pour les blessures du coeurVoici la suite et la fin des aventures de François Chabeuf, copiste sans le sou qui se rêve écrivain. Plus long, plus fort, plus délirant, l’histoire prend une ampleur qui a ravi Le Tigre. Sous couvert d’un style simple et d’un humour pince-sans-rire, Szabowski a justement touché la condition de l’écrivain en herbe, voire de l’artiste en général, cet éternel incompris.

Il était une fois…

François Chabeuf, après avoir été lâché par Clémence (cf. roman précédent), s’installe chez Rose, soixantenaire sexuellement active dont le mari avait été éloigné par le héros. La vieille à lutiner ; les jeunes jumelles de Clémence à utiliser en tant que voleuses ; faire attention à l’éditeur toujours prêt à l’entuber ; gérer une nouvelle histoire d’amour ; chasser un éléphant (si si), le héros est sur tous les fronts. Avec la mauvaise foi et les odieuses manœuvres qu’on lui connaît, Chabeuf (qui prend le nom de Szabowski au passage) va tenter de concilier activité artistique, logement décent, approvisionnement d’alcool et apport d’argent régulier. Parce qu’il ne savait pas que c’est impossible, notre héros l’a fait.

Critique de Il n’y a pas de sparadraps pour les blessures du cœur

Autant vous prévenir, L’éditeur m’avait promis que ce roman est un des meilleurs (pour l’instant) de cet écrivain. Relativement échaudé par le premier tome, j’étais un poil sceptique. Mais c’est sans compter le scénario qui prend une tournure résolument déconnante, entre péripéties improbables et éléments de biographie savamment transformés.

Car François Chabeuf envoie du très lourd question mauvaise foi exacerbée. N’importe quel comportement normal de ses contemporains est analysé à l’orée de son petit univers de cynisme et d’incompréhension. Si cet état d’esprit peut fonctionner avec les « marginaux » (les punks polonais ou Jules), en très peu de temps il parvient à faire tourner à l’aigre toute péripétie qui se présente bien.

Quant au style, c’est à la fois efficace et parfois difficile à suivre. Je m’explique : il faut savoir que ces 360 pages sont découpées en 75 chapitres (contre 180 pour le roman précédent) d’une rare densité – qui confine au « bloc de lecture ». Heureusement que les phrases, sèches et avares en complexes circonvolutions, se laissent lire. Quant au vocabulaire du bon François, le lecteur aura beau chercher, simplicité ne signifie pas tournures répétitives, il y a une richesse littéraire insoupçonnée dans ce roman.

En guise de conclusion, le talentueux Szabowski a non seulement terminé en beauté sa dilogie (fin violente et triste, j’adore), mais il nous donne aussi envie de poursuivre ses autres œuvres. A cela il faut rajouter les titres de chapitres, superbes maximes qui dénaturent, par le rire, quelques poèmes. Florilèges :

Un bon argument est moins convainquant qu’un coup de pied. Un enfant qui pleure a toujours quelque chose à se reprocher. Celui qui n’a jamais connu que la pluie se méfie du soleil. Le malheur d’autrui fait toujours chaud au cœur. Les enfants ont un QI de poulet. L’alcoolisme transcende les classes sociales.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Dans la continuation de l’opus précédent, le héros est un adepte aguerri de la manipulation sous toutes ses formes. Il va même jusqu’à transformer de mignonnes jumelles en ados rebelles radasses sur les bords – quel salaud. Sauf que, pour une fois, un autre protagoniste (en la personne de Vera, personnage fort intéressant) saura se jouer de l’homme d’ascendance polonaise comme l’URSS traitait Varsovie. Car la femme en tient aussi une belle couche, toutefois pas aussi gratinée que François S. – disons qu’elle est dépassée par la monstruosité qu’elle a entretenue.

Ce qui a marqué Le Tigre est l’introduction progressive de la réalité dans la fiction. Dès que Chabeuf adopte le nom de Szabowski, j’ai sur que j’allais me régaler de nombreux clins d’œil ici et là. Car certains projets et réalisations du héros sont trait pour trait ceux de l’écrivain : en effet, Il n’y a pas de sparadraps… est aussi le parcours, dans la douleur, de la rédaction d’une œuvre qui n’entre pas dans le projet littéraire de son rédacteur. Et, lorsque le héros expliquait de quoi va parler ce titre en plus de nous donner des grilles de lecture, Le Tigre a tout de suite reconnu Il faut croire en ses chances (en lien), publié peu de temps après. L’air de rien, voici un bel exemple de métaroman.

Mieux encore, François Szabowski s’est permis, outre se moquer gentiment de son vrai éditeur (ancien déontologue dans la gendarmerie), d’établir un cross-over avec un autre romancier de la maison d’édition. Vers le dernier tiers du titre, l’éditeur présente à François Chabeuf un professeur de Sciences-Po, fin politologue, historien et éminence grise des puissants. Il ne s’agit ni plus ni moins du grand Fernand Bloch-Ladurie qui est sur le point de voir sa biographie (en lien) publiée. Et Fernand ne fait pas qu’une vulgaire apparition, il se révèle précieux et bien intégré dans le scénario peuplé d’affabulateurs de génie.

…à rapprocher de :

– Comme je le disais, les aventures de l’infâme commencent avec Les femmes n’aiment pas les hommes qui boivent. Lire cet opus est conseillé mais pas obligatoire – d’autant plus que je l’avais moins aimé. D’ailleurs, on retrouve certains proverbes des titres dans La famille est une peine de prison à perpétuité (illustrations d’Elena Vieillard).

– De François S., il y a Les majorettes, elles, savent parler d’amour, roman que le héros du présent roman tentait d’abord d’écrire.

– Ensuite, Silhouette minuscule (coécrit avec Anna Reese) et Une larme de porto contre les pensées tristes se laissent lire. Surtout qu’à la page 122 du présent roman, le héros fait référence à cet alcoolisme notoire qui consiste à noyer ses pensées dans un tel breuvage.

– Dans la catégorie des romans feuilletons, avec une touche définitivement « pulp », il y a Vincent Virgine et ses Marvin (première saison ici et deuxième par là).

– Sinon, il faut savoir que l’auteur n’utilise AUCUN paragraphe. Des phrases qui s’enchaînent, le lecteur peut craindre le pire…sauf qu’à l’instar de Bloc Party (excellent roman de Millward), le tout est d’une confondante fluidité.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici. Ou via le site de l’éditeur (passez plutôt par là, et demandez une dédicace tant qu’à faire).

qltl-chat-eauRésumé de l’épisode précédent (en lien) : Mr. Chang, manager du Registration Departement chinois, avait l’honneur de me signaler que DongYing Importing Co. Ltd voulait enregistrer le nom de mon blog en Asie. Comme ce dépôt de nom entrait en conflit avec ma société (sic), il tenait à me demander si DongYing avait un rapport avec moi – ce que Le Tigre a naturellement infirmé.

On veut vous faire enregistrer un nom de domaine en Chine, que faire ?

Mon ami Chang, dans son incommensurable compréhension, m’avait assuré que lui et son équipe de l’audit allait « inform them [DongYing, la boîte qui veut enregistre mon nom] that you are using it still and persuade them registering others better« . Grosso merdo, tout va pour le mieux puisque Le Tigre utilise la marque quandletigrelit®.

La balle est donc dans son camp. En effet, le Chinois (ou une autre nationalité, je n’ai pas vérifié l’adresse IP) a enfin trouvé un gentil pigeon répondant à son mail. Au jugé, comme tout spam, ça doit faire 1 personne sur 1.000 (voire plus) qui ne balance pas ce courriel dans les limbes numériques, aussi Le Tigre s’attendait à une réponse assez prompte.

Ce fut plus rapide que prévu, et Changounet a encore commis une vilaine erreur. J’ai reçu son mail de combat vers 9h un dimanche. Soit, au mieux et depuis depuis l’Empire du Milieu, le samedi très tard dans la soirée. Le scammeur aurait pu faire semblant de respecter les horaires de bureau, à moins que…oui, mais c’est bien sûr ! Larry tient à sa mission, et me montre par la présente à quel point il est dévoué. Un amour :

De: Larry Chang <larry.chang@cnnetcor.com>
à: Le Tigre
Date: 20 avril 2014 08:58
Objet: Re: Re: Re: About Domain Name Registration In China: quandletigrelit

Dear Mr Martin,

Soryy to disturb you again. Based on your company having no relationship with them, we have suggested them choosing other domains to avoid conflicts with you, but they insist on these  domain names and Internet Brand for registration.

According to the domain name registration principle. The domains are on the basis of « first arrived first served », Other company has right to apply for the available domain names. However, in order to avoid this conflict, the original owner has priority to make this registration in our audit period.

If your company is the original owner of this name. we want to know your company’s decision about this case, whether you need to use your priority to register these domains or not. If you need, please inform us. Or else we will regard it as your waiver. Thanks for your understanding.

Best Regards,

Larry Chang

Auditing Department.
Registration Department Manager
4/F,No.9 XingHui West Street,
JinNiu ChenDu, China
Office: +86 2887662861
Fax: +86 2887783286

C’est en recevant ce mail que je me suis résolu à arrêter de faire des commentaires désagréables sur le niveau d’anglais de mon interlocuteur, Le Tigre n’étant pas (même de loin) une référence en linguistique. Plus sérieusement, nous y voilà enfin ! C’est tout trivialement du slamming : une pseudo-institution d’un pays incontournable (ou presque) cherche à faire peur à une entreprise en la contraignant à souscrire à des enregistrements de noms de domaine pour un prix prohibitif – et ce sans aucune garantie.

Très honnêtement, le félin est peu au fait de la législation chinoise, surtout que celle-ci semble être modifiée tous les quatre matins. Tout ce que je sais, c’est que si une boîte cherche à enregistrer un nom de domaine similaire au votre, alors 1/ ses dirigeants sont des fils de catin finis et 2/ il y a peu de chance que vous soyez prévenus – sauf lorsque vous ferez de même dans le pays en question. Surtout, si l’entreprise est la renommée « Quand Le Tigre Lit », alors une telle témérité ne peut être que feinte. C’est donc une arnaque. CQFD.

Dans mon cas d’espèce, Chang a l’air relativement pressé de m’offrir la possibilité de m’enregistrer via ses services. Tellement qu’il ne semble pas se soucier de savoir si je suis le légitime propriétaire de la marque susvisée, seul compte le principe du « premier arrivé, premier servi » – méthode qui se rapproche plus de la cour de récréation que du droit de l’internet.

Enfin, les termes « audit », « Internet Brand » et autre « waiver » fleurent délicieusement le vocabulaire technocrato-business bien pipeau pour vendre de la neige aux Inuits. C’est pourquoi ma réponse est allée encore plus loin dans cette logique :

De: Le Tigre
à: Larry Chang <larry.chang@cnnetcor.com>
Date: 22 avril 2014 13:06
Objet: Re: Re: Re: About Domain Name Registration In China: quandletigrelit

Dear Mr. Chang,

As original owners of the brand « Quand Le Tigre Lit », me and my associates cannot accept that a company we don’t even know apply to registrate our name in so many internet domains in Asia. Our business is florishing and we intent to sell our large scale of goods (wind-related products) all accross the world.

Why DongYing Importing does insistate to registrate this name ? This company has nothing to do with QLTL, and they didn’t try to contact us first. Moreover, I can’t recall having seen one of his employee in my business tour in HK last year.

Could you please transfer me the application form they sent you ? They are supposed to legitimate the name they want to registrate, aren’t they ?

I need to study the case, thus I would like to have an extended documentation, such as the application form and the legal texts about name registration in China. Our next shareholders’ meeting will stay next week, and I would like to report to them this fundamental issue.

How many weeks does last the audit period you told me about ?

Thank you for your cooperation,

Best regards

M. Martin
Head of QLTL & Co

Tant qu’à s’amuser, autant sortir l’artillerie à n’importe nawak non ?

Pour faire simple à l’attention de mes lecteurs qui bitent l’anglais comme moi le swahili, je pousse une gentille gueulante contre les méthodes de DongYing qui 1/ ne semble pas avoir la légitimité de déposer mon nom (sauf si l’auditeur me prouve le contraire) et 2/ n’a pas pris la peine de me contacter, notamment lorsque j’étais à Hong-Kong en 2013 faire la tournée des ladyboys sur Argyle Street.

J’en ai profité pour jouer la montre et expliquer que l’Assemblée générale des actionnaires de « Quand Le Tigre Lit Incorporated » va bientôt avoir lieu, et qu’en vue de rédiger un rapport de gestion circonstancié j’aurais besoin de plus d’éléments. Il en va de la survie même de mon business, qui, rappelons-le, consiste à vendre du vent.

De surcroît, le fauve a commencé à demander des preuves, donc avoir une ébauche de « trophée ». Le fin du fin serait un document mal photoshopé qui se présente comme une candidature pour enregistrer « quandletigrelit ». Avec plein de sinogrammes de partout et mon nom, quelque chose que je pourrais encadrer sur le mur ouest de mes WC.

Relativement fier de mes demandes légitimes, j’espérais une réponse un peu classieuse, quelque chose qui prend la tournure d’une plaisante conversation entre deux gentlemen désireux de parvenir à un accord amiable et abattant progressivement leurs cartes. Sauf que pendant que Le Tigre jouait au bridge, Chang était visiblement en train d’apprendre les règles du puissance 4. Sa réponse m’a, en effet, consterné tellement celle-ci est à côté de la plaque :

De: Larry Chang <larry.chang@cnnetcor.com>
à: Le Tigre
Date: 24 avril 2014 11:12
Objet: Re: Re: Re: Re: About Domain Name Registration In China: quandletigrelit

Dear Mr Martin,

If you did not authorize, we conclude that company « MaDon Importing Co., Ltd » is your emulant familiar with some information about your company, or « MaDon Importing Co., Ltd » is most likely to intend preempting registration of Domain names in advance, to use in unknown purpose in future.

Accordingly we suggest that to register these domain names by yourself is the best way of protecting intellectual property rights. if you need to register those domain names under your company name please contact us in time, then we’ll help you to register and protect those domains.

Best Regards,

Larry Chang

Ma réaction en lisant le mail de Chang

Ma réaction en lisant le mail de Chang

MaDon Importing Co Ltd. ? C’est quoi cette boîte ? Mais où est donc passée ma sémillante DongYing Importing ? Ils ont déjà changé de nom entre temps ? Ou alors, il n’y a pas une, mais DEUX compagnies chinoises désirant ardemment enregistrer mon royal nom en Eurasie ? Ce doit être le début du succès, MaDon et DongYing ont du flair et ont su déceler le formidable potentiel de croissance du félin. Je suis certain qu’ils se voient déjà écouler des tonnes d’aphrodisiaques à base tigresque. Voilà ma première réaction.

Mais si…rooooo…quel idiot…c’est en fait de l’amateurisme de bon aloi. On ne peut plus se faire correctement spammer, c’est une activité qui se perd. Désolant. Qu’il écrive avec son pied gauche, soit. Qu’il ne réponde à aucune de mes questions, soit. Qu’il veuille à tout prix que j’enregistre ma marque, soit. Mais qu’il change le nom de la société qui veut s’approprier « quandletigrelit », c’est un manque de respect que je ne goûte guère. Je m’attendais à un process bien rôdé de leur côté, hélas c’est de l’artisanat de basse extraction effectué par une bande de rigolos dans leur cybercafé de province.

Le Tigre se fait chier à reproduire sur ce blog les entretiens (et à les commenter surtout), j’y passe un temps conséquent. Or, pendant que je sue comme un goret pour instruire mes lecteurs, Larry fait de la merde en s’adonnant à d’approximatifs copier-coller. Et sans prendre la peine de se relire. Je suis colère. Pire, j’ai l’impression que c’est lui qui est en train de me troller. Putain, je suis sûr que ce bouffeur de chats lit mon blog et adore me faire marcher.

Vous comprendrez donc que ma réponse fut extrêmement succincte :

De: Le Tigre
à: Larry Chang <larry.chang@cnnetcor.com>
Date: 28 avril 2014 10:54
Objet: Re: Re: Re: Re: About Domain Name Registration In China: quandletigrelit

Dear Mr Chang,

I must admit I’m a little bit confused right now. You are telling me that « MaDon Importing Co., Ltd » is likely to intend registration of our company’s name.

What about « Dong Ying Importing » you used to mention to me ? Is this company the same as MaDon ?

We want to make clear who does intend to registrate the domain names, so please send us the scans images of those applications. We need it before taking any decision whatsoever.

Best regards,

Mr Martin
CEO of QLTL Inc. Ltd

Je me dis qu’avec ce genre de réponse, soit Larry Chang comprend qu’il s’est fait tranquillement tricard et arrête les frais, soit il sort ses rames XXL pour revenir dans le courant de l’arnaque en me gazouillant un mytho cette fois à peu près crédible.

Néanmoins, je vous avoue que la légèreté avec laquelle il m’écrit ses mails m’a gavé, ils ont intérêt à faire des efforts, sinon je ne prendrai plus la peine de répondre.

Pour l’instant, je n’ai aucune nouvelle. Mais j’ai reçu un autre genre de mails depuis ! (en lien)