Marc Levy - Sept jours pour une éternité…Lorsque le bon Dieu et Satan font un pari à la con, forcément rien ne se passera comme espéré. Idée plaisante, hélas le déroulement de l’intrigue a été royalement foiré. Avec allégresse, je le crains. La pseudo rencontre entre deux êtres angéliques est pitoyable, j’ai cru à une vaste blague tellement c’était capilotracté. Un titre (encore) dispensable de Marc Levy.

Il était une fois…

Zofia est une charmante jeune femme qui bosse comme officier de sécurité au port de San Francisco.. Lucas, à l’inverse, est un parfait petit connard talentueux qui bouffe ses beignets par dizaines. Ces deux individus sont les agents que Monsieur (Dieu) et le Président (le diable) ont décidé d’employer pour leur dernier pari en date : pendant sept jours, chaque « soldat » luttera afin de faire en sorte que son camp l’emporte. Le prix à gagner ? Régner pendant le troisième millénaire.

Critique de Sept jours pour une éternité…

Après deux ouvrages unanimement applaudis malgré un style qui n’est point le genre du Tigre, l’écrivain français a continué dans sa lancée avec un roman à la fois comique et fantastique. Comique – disons plutôt mignon. Le résultat, qui se laisse parfois lire, verse cependant dans un grand n’importe quoi où les invraisemblances tirent la bourre aux clichés les plus éhontés.

Reprenons le fameux pari qui a tout de l’histoire biblique de ce pauvre Job. Déjà, le bien et le mal décident d’utiliser San Francisco comme champ de bataille – quel heureux hasard, il y a encore l’inspecteur Pilguez, fidèle au rendez-vous. Ensuite, les deux zigotos sur Terre commencent leur œuvre. Première inquiétude dans la mesure où le « plan machiavélique » de Lucas pour remporter la partie est risible comme tout – un truc entre des grèves aux docks et la chute de la Silicon Valley. Mais ce n’est rien face aux insignifiantes historiettes de l’héroïne qui s’occupe d’une ex-junky, Mathilde, et tape la discute avec la vieille proprio.

C’est lorsque les deux protagonistes se rencontrent inopinément que le roman prend une tournure Levyesque, c’est-à-dire que le lecteur pourra sans appréhension poser son cerveau près de lui. Car l’amour naissant entre nos deux loulous est autant improbable que gnangnan, je n’ai pas d’autres mots. Enfin, un des camps parvient à avaler l’autre, et le pari entre les deux puissances célestes se termine en eau de boudin – avec un gosse à la clé.

Tout ça pour dire que les premiers chapitres étaient plaisants (oui oui) la présentation des deux héros étant de qualité. Puis Marc Levy a irrémédiablement gâché un bon début en saupoudrant de romance écœurante son scénario, jusqu’à en faire une histoire d’amour bien niaise comme il faut. J’ai l’impression que c’est plus fort que lui : en fait, Marc me rappelle une vieille tante qui, lorsqu’elle faisait ses compotes d’abricot, foutait tout en l’air alors que c’était bien parti. En plein milieu de la préparation, elle trempait son doigt et disait « hum, c’est délicieux, parffffaiiit même ! Je vais rajouter du sucre » avant de lâcher dix kilos de cassonade – si tu me lis tati, sache qu’on refilait tes saloperies à l’hôpital de la ville.

Une dernière chose bizarre : dans les remerciements en fin de titre, outre Guillaume Gallienne, Marco salue au passage le Syndicat CGT des docks de Marseille. Je m’interroge sur l’utilité de cette organisation pour expliquer comment les ports fonctionnent, étant donné que ses représentants réussissent à consciencieusement couler tout port autonome où ils sévissent.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’auteur français tente tant bien que mal de présenter les protagonistes de chaque équipe. Zofia est une sainte nitouche de première qui trouve le temps de 1/ régulièrement aider un clodo 2/ rendre visite à un enfant malade 3/ s’occuper d’anciens drogués 4/ gérer la sécurité du port de Frisco et 5/ dîner avec Lucas. L’autre camp aurait pu être plus intéressant, sous l’égide d’un Lucifer rigolard, hélas Marc Levy est trop gentillet pour montrer ce que serait réellement le mal – ou alors il perdrait 98% de ses lecteurs.

La compèt’ décrite dans le roman part du constat qu’entre le bien et le mal, aucun ne peut définitivement l’emporter. L’Humanité a deux facettes, et depuis que Dieu a laissé les Hommes prendre en main leur destin, la balance ne penche jamais d’un côté – sachant que les actes bénéfiques sont moins visibles que ceux des dictateurs. Et, lorsque ces deux aspects de l’Humanité sont confrontés, ils s’attirent irrésistiblement : chez Marc L., ça finit forcément dans le bon sens.

…à rapprocher de :

– Le Tigre est un animal curieux, et a lu quelques Marc Levy pour savoir ce qu’il en est. Du moins j’ai tenté : Et si c’était vrai…, Où es-tu ?, Mes Amis mes Amours (pas pu le terminer), etc.

– Je crains qu’une BD ait été pondue à partir de cette horreur. Ne comptez pas sur moi.

– A tout hasard, j’ai essayé d’imaginer à quoi pourraient ressembler ses prochains romans (en lien ici).

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Lemire & Sorrentino - Green Arrow T1 : Machine à tuerVO : The kill machine. Publié sous Green Arrow #17- 24 + 23.1 : Count Vertigo. Oliver Queen, alias Green Arrow, a une famille décidément pleine de surprise, et ses ennemis ont de la suite dans les idées. Illustrations de Sorrentino qui ne déplacement pas des montagnes, scénario digne d’un moteur diesel en panne, ce n’est pas le pied.

Il était une fois…

Oliver Queen se balade dans le désert, la gorge sèche et en train de regretter son parcours. Qu’y-a-t-il bien pu se passer pour en arriver là ? Tout commence par le décès d’Emerson, qui a vendu la société dont Oliver est l’héritier. Ce dernier est accusé à tort et doit faire face aux attaques d’un mystérieux archer qui répond au nom de Komodo. Puis la pègre de Seattle et un comte venu d’un pays lointain s’en mêlent. Sans compter les révélations sur la famille de Queen. Jusqu’où ceci s’arrêtera ? Le héros saura-t-il reprendre l’initiative ?

Critique de Green Arrow : Machine à tuer

J’ai bien peur que cet opus ne signe l’arrêt de mes poursuites littéraires sur ce héros, très franchement ça ne m’a guère donné envie de continuer avec l’archer. C’est sans doute le risque lorsqu’on en sait très peu du personnage en moule bite verdâtre qui roule du cul un arc (même pas un compound) à la main, et qui semble avoir le charisme d’une écrevisse. La plupart des ennemis, en outre, ne semblent pas plus inquiétants que ça – sauf peut-être l’action finale du compte aux psychiques pouvoirs.

L’histoire a beau démarrer de manière vive, l’amorce de l’intrigue et les premiers combats ne sont que peu entraînants. Pour faire simple, Komodo (qui utilise aussi un arc) est membre des Outsiders, un clan de guerriers décidé à mettre Seattle à feu et à sang. Queen fait alors appel à Henry Fyff, un ancien employé, pour mener sa quête. Après avoir botté le cul de Komod’, Green Arrow entreprend une quête personnelle sous la supervision de Magus, aveugle qui le protège depuis le début. Ceci l’amène au Vlatava où il doit affronter le terrible Vertigo, et en plus il y rencontre Shado, l’amante de feu son père – et qui a eu un gosse, demi-sœur donc du protagoniste. Oui, ça part dans tous les sens, et ça m’a ennuyé.

Quant aux dessins, ils m’ont paru assez quelconque. Pour un comics de cette période, le lecteur est en droit d’avoir des illustrations caractéristiques, quelque chose qui fait dire « ah ouais, ça claque », alors qu’ici c’est tout juste potable. Si les traits du visage d’Oliver Queen passent bien, tout comme certains décors urbains assez léchés, les couleurs oscillent entre le terne et le carrément sombre, rendant la lecture difficile. En fait, ça aurait pu passer si la narration ne versait pas autant dans des péripéties poussives qui ont bien failli, plus d’une fois, me décrocher la mâchoire.

Comme vous avez pu le remarquer, Tigre fut moyennement emballé par ce premier opus des aventures de Green Arrow. Après un début plutôt chiant, le niveau ne monte pas assez pour que ce soit agréable, et le dessin n’a rien fait pour rattraper l’ouvrage – je rappelle que je suis plutôt habitué aux encrages précis et illustrations assistées par ordinateur (à la manière des Technopères par exemple) ou, a contrario, sur des dessins plus artisanaux mais qui ont de la gueule.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les secrets de famille sont au centre de cet opus, et ce grâce au mystérieux Komodo dont on en apprend plus dans le dernier tiers : le vengeur masqué n’est rien d’autre que l’ancien bras droit du papa d’Oliver, qu’il a d’ailleurs assassiné. Queen Sr. n’était pas net non plus dans la mesure où il abandonnait sa boîte pour rechercher des trucs de vieux guerriers et avait une coquine, sans parler de ses liens avec l’archerie – et oui, Green Arrow a une certaine prédisposition à manier l’arc.

Tant qu’à trouver un dernier thème, autant parler de « roman d’apprentissage ». Ça marche toujours avec les comics qui reprennent l’histoire d’un héros. Dans le cas d’espèce, le scénariste a sorti le menu entrée-plat-dessert de la construction d’un tel personnage : le beau gosse riche et beau qui tombe de haut, les proches gravement menacés, les blessures qui ont l’air de faire un mal de chien, et bien évidemment la petite révélation lors d’une séance chamanique. A la grille de loto des clichés, presque tout aurait été coché.

…à rapprocher de :

– Finalement j’ai lu la suite. Et La Guerre des Outsiders est plussss que correct.

– Pour ma part, j’ai légèrement préféré Green Arrow : Année Un de Diggle et Jock.

– De Jeff Lemire, allez plutôt voir du côté d’Animal Man (tome 1 et tome 2 sur le blog).

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Kevin Collette - Les ennemis de James BondSous-titre : Comment détruire le monde avec style. Qui sont les fameux vilains déterminés à pourrir le monde ? Comment le Commandeur Bond en vient à bout ? Non sans prendre partie, Kevin Collette nous invite dans un univers qu’il connaît bien, et serait presque parvenu à transmettre son enthousiasme – s’il n’y avait pas tant d’erreurs de fond et de forme.

De quoi parle Les ennemis de James Bond, et comment ?

Je ne sais pas si je vous l’avais déjà dit, mais papa-tigre m’avait offert, pour mes seize ans, l’intégralité des films de Bond. Oui : dix-sept cassettes VHS d’action, d’humour et de pépées dévêtues. [en fait, je m’aperçois que mon daron s’est aussi fait un cadeau à lui-même] J’ai dû regarder, en moyenne, 15 fois chaque film. Au point de connaître la majeure partie des dialogues – on me paye pour que je me taise. Alors quand un essai sort sur les ennemis de 007, je me tiens en embuscade.

Kevin Collette, journaliste qui a de nombreuses entrées dans le monde du cinéma, est tombé très jeune dans la marmite bondesque, et semble savoir de quoi il parle. Très simplement, Kevin a traité les Evil Masterminds de la saga dans un ordre chronologique – sauf ceux non produits par EON, boîte de Cobby Broccoli et Harry Saltzman. Pour chaque vilain, une fiche d’identité est fournie et sa place dans le film est analysée, et la manière dont il clamse. Mais l’essayiste ne s’est pas arrêté aux films, puisqu’il compare ces derniers aux romans de Fleming, et va même jusqu’à signaler l’apparition des méchants dans les jeux vidéos tirés de cet univers.

Nulle théorisation ronflante, que des faits bruts, dont certains assez marrants. Se croyant fin connaisseur de l’univers de Bond, le félin a appris pas mal d’anecdotes de plateaux de tournage, souvent des détails de dernière minute qui font que le film change du tout au tout. Hélas, si le travail de recherche et de rendu est satisfaisant, l’édition que j’ai tenue entre mes mains est proprement catastrophique : tableaux mal insérés ; images à la définition exaspérante (entendez : pixellisées comme pas permis) ; fautes d’inattention ; il y a même des interversions de pages.

Dommage qu’un tel essai n’ait pas bénéficié ni d’un travail de relecture (erreurs que Kevin Collette aurait facilement pu corriger), ni d’une mise en forme un tant soit peu correcte. Parce que ça ressemble parfois à un exposé de collégien, justifiant que je n’ai pas souhaité terminer l’essai. Passablement gavé, je me suis donc arrêté aux films de Pierce Brosnam (de toute façon, après Goldeneye, que de la merde), et n’ai jugé utile de lire les quelques interviews inédites.

Ce que Le Tigre a retenu :

Comme vous vous en doutez, les rapports entre les livres et les films sont parfois ténus. Lorsqu’Hugo Drax est un ancien nazi qui s’installe incognito aux States, celui du film est un esthète joué par un acteur français. Mais l’esprit de Ian Fleming est gardé intact, puisqu’on pioche dans d’autres romans quelques aspects qui viendront enrichir un script et un scénario qui se doivent d’obéir à l’air du temps. C’est notamment le cas avec Sanchez, le baron de la drogue dans Permis de tuer, film aux relents d’un Miami Vice sur fond de république bananière et militarisée comme il y en avait en Amérique centrale dans ces années.

A ce titre, le souci de « coller » à l’époque est prégnant, motivé pour diverses raisons. Au premier rang desquelles la géopolitique. Taper bêtement sur les Soviétiques était hors de question, il ne fallait pas s’aliéner le marché russe. C’est pourquoi le SPECTRE (organisation indépendante) est au centre des intrigues, menant en bateau les deux grandes superpuissances. Lorsque l’URSS disparaît, on retrouve le même souci avec la Chine, dont les officiels sont des fanas de 007.

Quant aux méchants, ceux dont on se souvient avec émotion ont un signe distinctif qui va au-delà du col mao (porté par beaucoup il est vrai) : troisième téton, grosse balafre sur le visage, physique atypique (Renard qui ne ressent plus la douleur) ou folie (Zorin, fruit d’expériences génétiques). Rien à voir avec cette tapette d’Eliott Carver ou de Dominic Green des derniers opus, personnages certes doux-dingues mais qui n’ont pas la prestance d’un Scaramanga – Christopher Lee était content de se dépêtrer de son image de Dracula.

…à rapprocher de :

Forcément, il faut avoir vu un minimum des films mettant en scène 007. Concernant la lecture des romans, celle-ci ne me semble, pour la bonne compréhension de cet essai, pas nécessaire.

Léo Henry - Le casse du continuumSous-titre : Cosmique fric-frac. Thriller science fictionnesque (mais sans hard SF) plutôt déconnant et résolument novateur, l’auteur français est parvenu à imaginer un monde, Hermopolis, avec des lois qui semblent bien obscures. Quand une poignée de bras cassés doivent s’immiscer au centre de cet univers, les ingrédients sont là pour lire une petite pépite fort sympathique.

Il était une fois…

Vostok 17-1456 la tueuse, Kaboom l’artificière, les cambrioleurs Brescia et Octave, Marymay la bluffeuse, la belle baroudeuse Tabitha et le prescient Rétrominot. Sept êtres qui excellent dans leur spécialité, les meilleurs des meilleurs des meilleurs à qui une organisation va faire appel pour réaliser l’impossible. Dans un univers futuriste, mille ans après qu’une machine a été mise en place pour administrer l’Empire, la mission de nos amis va se révéler plus retorse que prévu.

Critique du Casse du continuum

Acheté sur un coup de tête parce que le grand Alain Damasio (béni soit son nom) en a dit du bien, lu en deux jours, et le résultat ne fut pas loin d’être époustouflant. Pour les paragraphes qui suivent, sachez que je vais, lentement mais sûrement, spoiler le roman. Celui-ci, taillé en trois parties, démarre sur les chapeaux de roue avec la présentation des protagonistes de la mission à venir. L’auteur livre une amusante série de portraits des Doublepatte et Patachon du futur, souvent en plein milieu d’une affaire qu’ils doivent régler.

Ensuite, il est question du dévoilement de ce qui les attend, et donc de l’intrigue. Pour faire simple, le Noum, sorte d’ordinateur surpuissant qui régit l’Empire et ses Dominions, a besoin d’une sérieuse mise à jour. Des Sentinelles (au nombre de cinq, chacune représentant une faction) sont habituellement chargées de réparer ce grand ordi. Sauf que lors la dernière MAJ, un vilain en a profité pour hacker en profondeur le système, mettant en danger l’Humanité. Pour réparer la machine, il faut aller « dans » son univers pour une période qui ne dépasse pas neuf heures (durée pendant laquelle est opéré un cycle de rêve). Est-ce la vraie raison ?

La dernière partie, à savoir le casse, occupe la moitié de l’œuvre. Et c’est là que l’auteur se fait plaisir, transformant son titre en un thriller sur fond d’ambiance de film noir dans une réalité virtuelle. Or, celle-ci se modifie au fur et à mesure que le Noum se défend, rendant plus improbable l’atteinte le cœur (ou BIOS) de l’ordinateur. Le meilleur reste toutefois le/les retournements final(aux), qui font du Casse du continuum un roman intensément confus. Les neurones du lecteur sont soumis à rude épreuve, et pour ma part j’avoue ne pas être sûr d’avoir tout bien compris. Je soupçonne qu’il existe autant de niveaux de lectures que de lecteurs, et c’est tout simplement génial.

En conclusion, une excellente surprise grâce, et ce pour deux raisons. D’une part, l’histoire a le mérite de l’originalité, même si les pompages ici et là (cf. dernière partie) sont aisément repérables. D’autre part, le style de Henry est plutôt enlevé et sans prise de tête, en particulier sur l’aspect SF où le minimum syndical a été fait – au risque de quelques questions sans réponses et/ou incohérences. Néanmoins, pour 300 pages, ce serait dommage de se priver.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La culture du jeu de rôle est très prégnante chez cet auteur qui en joue avec talent. Il ne s’agit pas d’utiliser chaque protagoniste à tour de rôle selon la difficulté qui se présente, mais créer une harmonieuse synergie au sein d’un groupe composé d’individus différents et ayant un certain passif – Brisca, encore amoureux de Tabitha. Chacun apporte sa petite contribution en temps voulu (ce qui est fréquemment signalé), cependant celle-ci ne donne pas l’impression de sortir d’un chapeau magique, s’inscrivant dans une narration relativement solide.

Ça n’empêche pas que certaines péripéties sont définitivement pas assez crédibles. Mais comme nous sommes dans un rêve d’une machine malade (et dans l’imagination d’un écrivain malade, dans le bon sens du terme), pourquoi se plaindre ?

Le continuum renvoie, selon moi, à un paradigme qui définit l’univers même de l’œuvre. Le Noum qui serait l’océan dans lequel baigne l’Humanité, le besoin de séparer la machine (froide et qui a du mal avec l’empathie) de l’Homme, les planètes gérées (et générées) au millimètre près, tous ces délires ésotérico-physiques sont un tantinet complexe j’en conviens. Mais on ne peut s’empêcher d’y déceler la puissance de l’esprit, et la façon dont il peut se tirer de paradoxes en apparence. Plus déroutant est le dénouement, qui fait appel à tout et n’importe quoi, avec en prime le devenir de chaque personnage en fonction des vœux émis en cas de réussite. Mais surtout, la question du rôle du Rétrominot (un minot qui arriverait à influer l’espace-temps) est mystérieuse au possible.

Ce bouquin a beau faire trois cents pauvres pages, j’ai toujours l’impression d’avoir oublié de dire un tas de choses.

…à rapprocher de :

– En bande dessinée, et en plus classique il y a Le Casse de Parker, admirablement dessiné par Stark & Cooke.

– Concernant l’idée de l’ordinateur-monde qui rêve son univers, je ne saurais trop vous conseiller Brazyl, de Ian MacDonald. Du très très lourd.

De même, il y a quelques clins d’œil appuyés aux films classiques du genre (thriller/braquage) tendance Hollywood, sachant que ce roman a été publié directement en poche courant 2014 :

– On ne peut s’empêcher de penser à Inception, de Nolan, lorsqu’il s’agit de modifier la pensée de quelqu’un en venant foutre le bordel dans ses rêves. Ou Matrix, sur les mondes virtuels.

– La série des Ocean avec cette belle gosse de Georges Clooney, notamment la structure choix équipe (avec anecdotes amusantes) / briefing (fort rapide dans le roman) / casse.

– Certains Mission: Impossible (notamment celui avec le méchant, là, le gars qui s’est overdosé à l’héro), que ce soit les scènes d’action sur un pont ou les retournements de dernière minute.

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Christian Authier - De chez nousLorsqu’un homme alerte nous entretient de ce qui ne va guère dans notre civilisation, sans pour autant balayer comme un vieux con ce qui fait la modernité, ça promet d’être divertissant. Après un début délicat, Le Tigre s’est progressivement régalé de la prose d’un homme qui écrit comme on parle à un ami, sans chichis ni tournicotage effréné autour du pot de la langue de bois.

De quoi parle De chez nous, et comment ?

Le félin connaît peu Christian Authier, ce qui est plutôt désolant étant donné que l’écrivain-essayiste a un joli paquet de titres (notamment sur le cinéma) à son actif – mon inculture généralisée ne cesse de me ravir. Pour tout avouer, je me suis dit en parcourant l’ouvrage : « oh pinaise, encore un intello anarcho-poète qui va m’horripiler (ou, pire, m’endormir) avec ses 160 pages bien denses où tomber sur un saut de page fait l’effet de trouver une oasis lorsqu’on crève de soif ».

Et c’est ce qui a failli arriver dans les premières pages, l’essayiste démarrant sur les chapeaux de roue de la seconde guerre mondiale. Actes héroïques des premiers Français à dire non aux Nazis et à Pétain ; considérations sur la Résistance ; opposition, à la lettre de Guy Môquet, de celle plus « parlante » de Fernand Zalkinov, etc. : tout ceci m’a paru trop dense, sans compter qu’il me fut difficile de savoir où l’essayiste voulait en venir. Mais le fauve s’est trompé : je suis rapidement entré dans le bain de sa prose claire et agréable à parcourir. Même ses réflexions sur la guerre d’Algérie et l’utilisation de la torture, uniquement condamnée au sein de l’armée par Jacques Pâris de Bollardière (sujets que je maîtrise autant que la résistance des fluides), ont glissé dans mes mirettes.

La structure de l’essai est simple et bien imaginée : Christian part d’un évènement d’actualité (le débat sur l’identité nationale, le match catastrophique France-Algérie de 2001 par exemple) avant de développer une vision plus globale sur les raisons de tels désastres politiques. Au fil des pages, il appert qu’Authier se revendique de ce qu’on nomme « l’arrière-garde », pour ma part je parlerai de néo-gaullisme de bon aloi. Ce ne sont pas vraiment ceux qui sont hors de leur époque, mais plutôt des individus d’exception capables de se souvenir ce qu’il y avait de bon avant et savent se désoler, avec justesse, des nombreux grains de sable qui plombent une machine sociétale qui part en quenouille – les exemples ne manquent pas.

Alors certes, Le Tigre a un peu toussoter face à certaines de ses positions, mais rien qui justifie de faire un autodafé – la libéralisation de certaines professions, la commission Attali, l’Europe, la suppression des départements, l’utilisation de l’Anglais, voici quelques sujets où ma modeste opinion diffère quelque peu. En outre, le diagnostic, plutôt juste, manque cruellement de réponses concrètes, l’impression est tenace d’écouter un homme politique flamboyant mais intimiste.

Bref, Authier est le genre de gars avec qui boire un canon en discutant des choses de ce monde serait loin d’être désagréable. D’ailleurs, l’idée de cet essai trouve sa source dans les nombreuses soirées chargées faites avec ses amis. Enfin, si l’œuvre est relativement courte, c’est oublier sa densité qui fait qu’elle mérite certainement d’être relue.

Ce que Le Tigre a retenu

Déjà, les travers de la société sont analysés avec le consciencieux d’un individu qui sait raison garder. Et il faut dire que ses illustrations sont éloquentes, par exemple les fonctionnaires de La Poste qui s’agitent comme des harpies pour vous faire acheter n’importe quoi. Et les politiciens ne sont pas en reste, comme l’illustre cette phrase qui m’a fait marrer : « Les Français pensaient avoir élu une sorte de Cendrillon leur promettant de quitter  leur tour les tâches ménagères, ils se réveillaient avec une citrouille narcissique et jet-setteuse« . Quelqu’un qui parle du début du mandat de Sarkozy en ces termes ne peut être foncièrement mauvais.

Plus généralement, Monsieur Authier déplore le démantèlement cynique (par des individus à la vue basse qui se fourvoient) du fameux programme du Conseil National de la Résistance, où la place de l’État permettait d’assurer une certaine égalité doublée d’un républicanisme fort. La déstructuration des services publics, la technicité outrancière, les extrémismes de tout poil (apéros saucisson-pinard ou antisémitisme banalisé), tout cela contribue à la perte d’un art de vivre, d’un vivre-ensemble mettant en danger l’idée même d’une nation.

Ainsi, l’efficacité à marche forcée avec ses résultats moribonds s’inscrit dans un contexte de mondialisation qui nivelle par le bas et taille tout ce qui dépasse le dogme de l’économie de marché – plutôt une globalisation aseptisée qui transforme les aéroports en hôpital, pour citer l’auteur. Dans le sillon de cet inquiétant appauvrissement, la langue française est une victime notoire, violée par la bêtise revendiquée de la novlangue moderne et d’un globish qui n’a plus rien à voir avec la riche langue anglaise.

En conclusion, Christian Authier est une voix cultivée plutôt originale, et son dernier chapitre annonce ce dont le lecteur se doute : c’est un texte éminemment personnel glorifiant l’amitié et les valeurs supposées inhérentes tout être humain normalement constitué – solidarité, fraternité. Un ouvrage également destiné aux individus qui pressentent que quelque chose cloche dans un système où l’instantanéité et l’argent sont roi, et à qui Authier déclare « tu n’es pas seul ». Merci à lui.

…à rapprocher de :

– Quelques auteurs, qu’à ma grande honte je ne connaissais guère, semblent avoir les faveurs de Chritian Authier, tels que Bernard Chapuis, Guillaume Clémentine, Eric Tellenne ou Jean Rolin. Promis je m’y mets.

– Sur la globalisation économique et l’économie capitaliste , une réponse possible est apportée par André Comte-Sponville dans Le capitalisme est-il moral ? Sa réponse : c’est une théorie économique, par définition a-morale, il faut donc que l’Homme établisse des gardes-fous.

– Lorsque l’essayiste présente la tendance française à se donner de vigoureux coups de fouets dans le dos en parlant de son pays, ça m’a rappelé le polémique Bruckner et sa Tyrannie de la pénitence.

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Marc Levy - Où es-tu ?Roman partiellement épistolaire entre deux lovers que rien ne semble pouvoir séparer, lutte d’une femme contre les catastrophes naturelles dans le tiers-monde, héros le cul entre deux chaises amoureuses : l’auteur a sorti l’artillerie lourde. S’il y a un petit (tout petit hein) saut qualitatif dans ce deuxième roman de Levy, hélas ce n’est pas encore le pied littéraire.

Il était une fois…

A la fin des années 70, Susan et Philip se sont jurés un amour éternel en apparence parfait – première erreur. A leurs majorités, les deux tourtereaux ont chacun suivi leur petit bout de chemin : Suz’ bosse dans une ONG en Amérique du Sud tandis que Phil’ préfère rester près de New-York pour faire ses études de graphique – tiens, comme l’auteur… Chaque année, ils se retrouvent à l’aéroport de Newark pour une ou deux heures. Philip, qui aurait aimé que Susan, vient à lui promettre de tout faire pour elle – seconde erreur. Il ne sait pas la portée de son geste.

Critique de Où es-tu ?

Après un premier ouvrage applaudi de toute part malgré des qualités intrinsèques insuffisantes, l’écrivain français a récidivé avec un roman qui, il faut bien l’avouer, se laisse facilement lire. Trop parfois, comme à la page 212 avec la « monotonie des jours qui raccourcissent, quand les rouges de l’automne ne compensent plus la grisaille d’un ciel qui ne s’éclaircira que de la promesse d’un été à revenir » (lisez ça à voie haute dans le métro, j’irai vous apporter des oranges au commissariat).

Où es-tu ? est taillé en deux parties assez différentes question narration. Premièrement, il y a les premières années des protagonistes qui se retrouvent, régulièrement, dans le même bar dans un aéroport. Philip s’intègre tranquillement dans son univers de graphisme et fréquente la discrète Mary, tandis que sa petite amie par correspondance se découvre une âme d’humanitaire. Sauf que, plus le temps passe, plus Susan se prend pour Antigone et se montre toujours plus chiante vis-à-vis de son chéri.

Deuxièmement, nous plongeons quelques années en avant pour découvrir que Philly a bien épousé Mary, et lui a même fait un gosse (Thomas). Or, comme si Susan n’était plus à un cadeau empoisonné près, elle disparaîtra et couchera dans son testament sa volonté que son ancien amoureux adopte sa jeune fille de neuf ans, Lisa. Nous avons donc une gamine presque ado, traumatisée par les ouragans (la météorologie occupe une grande place dans ce titre) et pas évidente à « apprivoiser ». Imaginez surtout la gueule de la pauvre Mary, contrainte d’élever la fille de la grande rivale de son cher époux – et elle le fera, grande dame qu’elle est.

Sinon, le « problème » de l’auteur reste le même, mais ici dans une moindre mesure : Marc Levy ne laisse que peu de jeu au lecteur qui se laisse aller dans la lecture comme dans la rivière enchantée. Le chemin littéraire est balisé, l’histoire est prémâchée avec des péripéties, à des rares exceptions, attendues.

En conclusion, on peut encore regretter que M. Levy n’aille pas assez loin dans une fiction pourtant riche en rebondissement (du moins un, dans les derniers chapitres). Par exemple, avec la petite Lisa qui débarque, il était légitime de s’attendre à ce que Philip finisse, une douzaine d’années plus tard, à l’épouser. Un truc marrant et potentiellement incestueux à la Woody Allen, quelque chose qui aurait fait de cette œuvre fadasse une vraie tragédie comme on les aime.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour du prochain est central et prend deux formes. D’une part, il y a l’activité dans une ONG en plein Honduras exercée par l’héroïne. Le dévouement de Susan est cependant excessif, disons qu’elle a l’impression de se débattre seule face aux calamités naturelles contre lesquelles (contrairement aux guerres) on ne peut pas grand-chose. D’autre part, le quatrième de couv’ parle d’un saut vers l’inconnu : il s’agit de laisser de côté ses émotions (jalousie, peur) afin de s’occuper d’une enfant déjà mature. C’est le souhait d’une mère qui veut donner le maximum à sa fille qui s’en sortirait mieux en Occident.

A toutes fins utiles, Marc Levy nous donne une leçon plutôt salutaire : il ne faut jamais faire de promesses de jeunesse à la con qu’on ne saurait, à l’avenir, tenir. Surtout lorsque le serment est donné à un individu sans-gêne à l’égo un poil démesuré. Le résultat est que Philip se retrouve, tel un idiot, avec une fille sous les bras – plus âgée que son fils au surplus. Sachant qu’elle est de la femme qu’il a toujours aimée, franchement une telle situation imposée connait un dénouement trop heureux pour être un tant soit peu crédible.

…à rapprocher de :

– Le Tigre est un animal curieux, et a lu quelques Marc Levy pour savoir ce qu’il en est. Du moins j’ai tenté : Et si c’était vrai…, Sept jours pour une éternité, Mes Amis mes Amours (pas pu le terminer), etc.

– A tout hasard, j’ai essayé d’imaginer à quoi pourraient ressembler ses prochains romans (en lien ici).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce truc en ligne ici.

Gabriel & Yves Paccalet - Le cachalotSous-titre : Prince de l’océan. Voici le cycle de la vie d’un fort sympathique cachalot, de sa naissance à l’accouplement, en passant par le retour triomphant dans son groupe après avoir été chassé par un vilain mâle dominant. Oui, c’est le scénario du Roi Lion, et alors ? Bien dessiné et scénario qui tient la route, cette BD didactique remplit confortablement ses objectifs.

Il était une fois…

Lors d’une jolie journée dans l’atoll de Kelai, pas loin de l’archipel des Maldives, un heureux évènement a lieu. Archimède est sur le point de naître. Le très mignon cachalot tout blanc, qui accuse déjà son gros quintal sur la balance, va évoluer dans un univers merveilleux mais pas exempt de nombreux dangers – au premier rang desquels, vous le devinez aisément, l’Homme.

[Comme le proclame fièrement le quatrième de couverture, la rigueur scientifique n’empêche pas de romancer les aventures de notre héros. Autant jouer le jeu non ?]

Critique de Cachalot

Ceci est le premier ouvrage d’une collection parrainée par la célèbre WWF, comprenez donc que j’ai laissé mes griffes dans le tiroir pour rédiger ce billet. Je n’évoquerai que peu les menues erreurs ici et là ou choses qui m’ont piqué les yeux. Ça tombe bien, il y en a peu. Je peux citer par exemple le Japon ou l’URSS cités comme pays pratiquant la chasse à la baleine. Pour un opus sorti en septembre 1991, il y avait sans doute matière à correction.

Yvon Paccalet, écrivain et naturaliste, maîtrise intensément son sujet. Le gars n’est pas que resté connement cloîtré dans son bureau de l’ENS, il a aussi bourlingué avec son ami le bon Cousteau, dont il a d’ailleurs scénarisé certaines aventures. En optant pour une narration peu omnisciente (j’y reviendrai) et axée du point de vue d’un héros animal, le lecteur sera confronté à des péripéties complètes qui passent en revue tout ce que peut subir un tel bestiau.

Quant aux illustrations de Gabriel P., il faut également reconnaître que le rendu des animaux aquatiques (requins, orques, différentes poiscailles) est digne d’une encyclopédie. Applaudissements supplémentaires pour être parvenu à esquisser des sourires sur un cachalot. Toutefois, gros bémol sur les personnages humains, aussi caricaturaux qu’inexpressifs. Lorsque les marins d’un chalutier sont vilains au possible, ou le Japonais qui tient le harpon ressemble à un kamikaze sous meth en train de chier, les « gentils » plaisanciers dans leurs voiliers semblent être deux poupées blondes en plastoc à peine sorties du moule.

En guise de conclusion, un tome très honnête qui alerte, de manière équilibrée (c’est-à-dire sans catastrophisme ni idéalisme outrancier) sur une espèce méconnue en danger. A offrir à son neveu en âge de lire, c’est parfait.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

WWF oblige, il s’agit d’instruire les tout petits sur les glorieuses espèces qui peuplent notre belle Terre en montrant une histoire qui a vocation à se reproduire si « les hommes ne détruisent pas cette planète qui nous nourrit tous ». L’Homme qui fout la merde, c’est avant tout le chasseur de baleines/cachalot ou les supertankers qui croisent et inondent l’océan de mazout. Rien sur le plastique à l’époque de cette BD, apparemment l’Homme n’a guère pris conscience du mal qu’il fait.

Il n’y en a pas que pour le cétacé et son spermaceti qui permet d’avoir un sonar, les balades d’Archimède et son pote Chocolat (parce qu’il est noir…) sont l’occasion de voir quelques beaux spécimens de la faune locale. Car les connaissances du héros semblent innées ! En vrac, nos amis vont croiser des requins nourrice, poissons ventouses et autres poisson-juif (oui, ça existe) dans leurs tendres enfances. Plus tard, lorsque descendre à mille mètres se remplir la panse de calamars est possible, y’a de sympathiques monstres marins à découvrir : du régalec (le roi des harengs), un sexy coelacanthe, voire l’eurypharynx et le grand gousier qui se bastonnent – sans parler des horreurs phosphorescentes qui squattent les profondeurs.

…à rapprocher de :

– La série semble se poursuivre, et le tome 2 est sur l’éléphant, roi des savanes. Et ça continue avec d’autres trucs sur pattes ou avec des nageoires.

– Si y’a un tome sur le tigre, merci de me contacter. Je suis prêt à le payer très cher (avec le « documentaire » de Boucq, ça passera bien).

Luc Lang - L’autorouteUn jeune ouvrier plus ou moins contraint de partager l’intimité de deux personnages atypiques, un métier abrutissant sans début ni fin, une campagne froide traversée par une autoroute qui charrie ses monstres de métal, de la musique jazzy inopportune en ces lieux, bienvenu dans le nord de la France. Écriture sucrée accessible et mal-être persistant sans espoir de rémission, un roman à ne pas lire seul le soir.

Il était une fois…

Parce que son train est en retard pour le ramener à son taf, Fred se voit proposer par un couple de passer la nuit chez eux. Or, Thérèse et Lucien forment un ménage bien particulier. Ils ont hérité de la propriété d’une vieille tante juste à côté de l’autoroute A43, bâtisse d’un autre âge plantée au milieu des champs de betteraves. Fred, qui ne sait dire non, va être l’hôte, malgré lui, de ces deux individus au comportement aussi erratique que secret.

Critique de L’autoroute

Luc Lang n’en est pas à son premier roman, et le fauve a envie de dire que cela se remarque. Car, avec des termes simples (triviaux même), il réussit à créer de toute pièce une certaine ambiance : celle de la misère campagnarde où évoluent des personnages plus riches qu’on pourrait, de prime abord, le penser – surtout Thérèse, qui sous sa jovialité forcée cache un passé à la Zola.

Le narrateur, un saisonnier sans réel but (si ce n’est une carrière avortée de saxophoniste), va progressivement se retrouver happé dans le monde de Thérèse et Lu, eux-mêmes engoncés dans des habits trop grands de châtelains possédant des hectares de plantation de betteraves à sucre destinés à l’usine d’un industriel agroalimentaire connu. Les soirées au sein de ce petit groupe, entre tragédie et grand-guignol à coup de breuvages alcoolisés, apparaissent progressivement être le cache-misères de destins brisés, d’existences détournées dont la ville d’Orchies n’est que la voie de garage.

Il convient de dire que la forme de l’œuvre n’est pas vraiment amène : l’écrivain français est avare de paragraphes et sauts de pages, et ses huit pauvres chapitres transforment ces 150 pages en quelque chose de dense, presque étouffant – à l’image du corps flasque et obèse de Thérèse que Luc Lang évoque grâce à de savoureuses comparaisons. Toutefois, une certaine poésie éructe des lignes, sorte de splendeur misérable et rance (à coup de termes pourtant simples) qui renvoie à la bâtisse où le héros, sans s’en rendre compte, finit par habiter.

En guise de conclusion, ce fut une expérience littéraire assez brève mais marquante : l’état végétatif généralisé des protagonistes fait mal au cœur, et le dénouement (à considérer que c’en est un) laisse une impression mitigée d’incomplétude, comme si l’auteur, qui semble de temps à autre se perdre dans des descriptions sans fin, ne pouvait se résoudre à abandonner ses personnages.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Il faut savoir que l’art, en particulier la musique, s’invite sans crier gare dans une œuvre qui a un lourd besoin d’enchantement. Entre le personnage principal qui aurait voulu être saxophoniste et Thérèse, il y a un lourd potentiel plutôt bien exploité par l’écrivain : il est question de carrières qui tournent court, d’un glorieux passé qu’on tente de faire revivre tant bien que mal, passé souvent idéalisé qui se heurte au parpaing d’une réalité sans fard ni concession.

Luc Lang offre une brève vision pessimiste du monde agricole, avec les petites propriétés (comme celle tenue par feue Marcelle) paumées dans d’immenses étendues de cultures. Le rendu du travail de récolte, avec les imposantes machines qui vibrent sans cesse, est réaliste au possible. A l’instar de Fred qui remplace un gus du même nom (le pauvre Alfred, qui n’est pas sans rappeler le majordome de Bruce Wayne), les individus apparaissent interchangeables, tous au service d’une industrie et d’un terrain qui les broient. Oui, c’est glauque.

…à rapprocher de :

– Question atmosphère agricole tenace qui vous colle à la peau, avec des protagonistes bien campés, je ne saurais trop vous conseiller de dévorer Le seigneur des porcheries, de Tristan Egolf.

– Une autre forme de folie, dans la campagne, se trouve dans Nous sommes tous innocents, de Cathy Jurado-Lecina. Un roman que le félin conseille vivement.

– De cet auteur, Mille six cents ventres a l’air pas mal. Peut-être un jour.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Stephen King - La tempête du siècleDans un village insulaire, un être issu de temps immémoriaux prend en otage la populace pour lui faire faire l’impensable. La peur n’est pas vraiment présente car ce roman est loin d’être comme les autres : celui-ci se présente sous la forme d’un script pour un feuilleton télévisuel. C’est une expérience littéraire bien différente où le lecteur, qui n’est pas spectateur, pourrait être déçu.

Il était une fois…

L’île de Little Tall se prépare à vivre ce que les présentateurs météo appellent sobrement la tempête du siècle (tadaaa) qui s’abattra sur une grande partie du Maine. C’est parce que cette communauté de 400 âmes (200 pour cette tempête, la moitié ayant préféré aller sur le continent) est coupée du monde qu’un individu peu recommandable décide de foutre le bordel avant de réclamer une chose terrible. Les habitants, d’habitude soudés, accepteront-ils cet ignoble marché ?

Critique de La tempête du siècle

Attention, il ne s’agit pas d’un roman. En effet, comme il l’indique en avant-propos, Stephen King a directement proposé à une chaîne de TV américaine un scénario de feuilleton d’horreur/suspense, proposition directement acceptée par les intéressés. Ainsi, la lecture du script, par Le Tigre, fut directement « polluée » par les souvenirs de la saga télévisuelle – tous sont tombés dessus lors d’un moment de grande solitude devant sa télévision.

Au niveau du style, inutile de vous dire que ça n’a rien à voir avec un récit classique. King, à qui rien n’échappe, a pensé à tous les détails pour faire de La Tempête du Siècle un divertissement flippant mais grand public (la censure n’ayant pas encore tranché dans le « roman » publié). Trois parties pour autant d’épisodes d’une heure trente, chaque partie étant découpée en sept actes équilibrés – et oui : faut penser aux coupures pub. Grâce à cette mise en scène digne d’un film hollywoodien, deux remarques : d’une part, les descriptions lancinantes et immersives de l’auteur américain sont remplacées par des indications plus lapidaires à destination du réalisateur, ce qui rend le tout moins prenant. D’autre part, aération générale du texte aidant, il est réellement possible de lire ces 450 pages en moins de trois heures – j’y suis parvenu, en sautant des éléments d’ambiance inutiles.

A tout hasard, vous voulez savoir de quoi il est question dans le livre ? Bah c’est simple : le vilain débarque (Linoge de son petit nom, anagramme de « légion » – référence biblique ultime) ; il tue une petite vieille de façon sanglante ; se fait docilement conduire à la prison locale par Mike Anderson, le héros ; le monstre (plus de doute à ce sujet) y montre l’étendue de ses talents avant de donner rendez-vous à la communauté pour leur expliquer la raison de sa venue.

Hélas, ces péripéties occupent plus de trois quarts de l’ouvrage, soit deux parties et quelques actes de la dernière partie. Et le félin s’est plus ou moins ennuyé, il n’y a que deux choses qui m’ont vraiment intéressé : les premiers décès (suicides et meurtres téléguidés par le magicien) qui agissent comme autant de coups de tonnerre dans la tempête ; et l’antagoniste principal qui sort d’hilarants dossiers sur un habitant lorsqu’il est en sa présence – qui d’un avortement, qui d’une coucherie, qui d’un trafic de drogue, etc.

En conclusion, les scénarios de films ou de séries ne sont faits que pour être lus par des professionnels, et non par un lecteur, aussi aguerri ou fan de King qu’il est. En particulier, l’introduction des protagonistes (une bonne douzaine), assez sommaire, n’est pas aussi efficace que dans les œuvres « habituelles » de l’écrivain.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le premier sujet concerne le pourquoi de la venue de Linoge à Little Tall. Il s’agit d’une petite communauté capable de se serrer les coudes et faire front face à un danger nouveau. Il n’y a qu’à voir comment la femme du constable, Molly Anderson, suggère discrètement à son époux de faire disparaît l’inopportun. Plus important, le vieux démon sait que ce qu’il demandera (et obtiendra) aux habitants restera entre eux, personne n’osera en parler en dehors de l’île. En mettant à jour les petites dégeulasseries de chacun, le magicien noir n’a pas seulement fissuré la confiance des uns et des autres, il a également semé la mésentente afin que ses désirs (donnez-moi ce que je veux et je m’en irai) apparaisse comme la solution de facilité.

Pour une fois, les (presque) tendres souvenirs de jeunesse ne font pas partie de l’histoire, et sont ici remplacés par la parentalité sous toutes ses formes. Déjà, il y a les gosses et la manière dont ils sont éduqués (et traités) par leurs parents. Entre le mignon Ralphie Anderson et l’insupportable Don Beals (fils du maire, qui n’est pas moins odieux), il y a la peur de parents face à un être qui, progressivement, dévoile son intérêt pour la marmaille. Car, et c’est là que Linoge est presque sympathique, le magicien aux milliers d’années d’existence a besoin d’un héritier à qui enseigner ses sombres tours. Toutefois, il ne peut qu’avoir un enfant que les adultes lui donneront de leur plein gré. D’où la mise en scène.

…à rapprocher de :

– De Stephen King, Le Tigre a lu énormément. Voici quelques titres en vrac : La Tour sombre (l’incontournable) la Trilogie Ça (la référence) ; Les Tommyknockers (un peu trop long), Carry, Dreamcatcher (le thème de la jeunesse est aussi prégnant), Cujo (pas mal, mais peu flippant), etc.

– Au milieu du bouquin, Linoge s’adresse aux habitants par l’intermédiaire d’un rêve commun, sorte de vision d’avenir au cas où Little Tall refusait de donner ce qu’il souhaite. Cela m’a grandement rappelé le rêve présenté par les E.T. à l’Humanité dans Le vaisseau des voyageurs, de Robert Charles Wilson.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce scénario en ligne ici.

Marc Levy - Et si c’était vrai…Une histoire fantastique mettant en scène un spectre doté d’un joli petit cul, fallait y penser. Marc Levy a pondu un roman qui se lira relativement vite, charge au lecteur de pardonner quelques réflexions générales fort bien fumeuses sur la vie et la manière d’en profiter. C’est certes moins pire que je craignais, néanmoins ce premier roman est loin d’être fameux.

Il était une fois…

Lors de l’été 1996, la pétillante Lauren, infirmière de son état, crashe connement sa caisse dans les rues de San-Francisco. Six mois après, Arthur loue son appartement laissé vide – la miss étant dans un coma sans espoir d’amélioration. En ouvrant un placard, Tutur tombe nez à nez avec elle ! Et il semble bien être le seul à pouvoir la voir, l’entendre, et la toucher. Une merveilleuse leçon de vie peut commencer [si si, ne rigolez pas bêtement].

Critique de Et si c’était vrai…

Sérieusement, vous pensez que Le Tigre bouderait le premier roman d’un des écrivains les plus lus en France ? Hein ? Ce n’est pas mon genre, et la curiosité intellectuelle me dicte de relever, ici et là, ce qui peut faire un succès auprès des lecteurs. Je déteste dire cela, mais les lecteurs sont parfois des buses – j’en sais quelque chose, je suis un spécimen particulièrement actif.

Le titre est légèrement trompeur, car en une paire de chapitres la problématique de la véracité paraît être réglée : Arthur se doit de reconnaître qu’il tape la discute avec l’apparition d’une femme dans le coaltar, et au lieu de prendre rendez-vous avec les journalistes il va tout faire pour améliorer l’ordinaire de la comateuse – voire la sauver. Tel un vrai gentleman, il met même un certain temps avant de se la faire, alors qu’après six mois Lauren devait être sacrément en demande.

Ce roman, avare en chapitres (une quinzaine, ce qui est peu au final), se décompose en deux aspects assez différents. Premièrement, il y a l’histoire du héros dont, progressivement, nous découvrirons les motivations. Si les flashbacks d’Arthur avec sa môman Lilian sont prenants et parfois émouvants, force est d’avouer que les mièvreries transmises par la mater familias n’ont pas été sérieusement lues par votre serviteur. Deuxièmement, et avec l’aide de son associé, Arthur ira jusqu’à dérober le corps de la miss promise à une euthanasie active. Une enquête menée par le tenace Georges Pilguez se mettra en place, ce dernier ayant un flair digne des pires séries télévisées.

En conclusion, je me demande bien pourquoi ce roman quelconque a eu tant de réussite. Un protagoniste trop gentillet (limite fadasse) dont le métier est le même que celui de Levy, des morales à deux balles piquées au bar du coin, j’en passe et des pires. Rien à voir enfin : un des héros se promène en bagnole sur Ocean Drive. J’ai beau chercher, à part Miami je ne vois pas où est cette putain de route à Frisco.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour n’est jamais fixé selon le roman, ce sentiment se construit jour à jour avec des petites attentions et preuves durables que l’individu est capable de dépasser son égoïsme. Très franchement, le félin a vite oublié les positions des protagonistes sur ce sujet dans la mesure où ces dialogues sont nunuches comme pas permis. A la rigueur, lisez-les à voix haute avec le ton idoine, ça fera marrer vos proches. Marc Levy est également vicieux vis-à-vis de son héros puisqu’à la fin ce dernier devra tout recommencer avec sa belle.

S’il fallait ne retenir qu’une maxime de cet ouvrage, c’est qu’il faut profiter de la vie et donner le maximum du temps qui nous est imparti – sans s’apitoyer sur le passé. C’est la réaction d’Arthur alors que, plus d’une fois, Lauren se demande pourquoi il s’acharne à lui venir en aide. L’auteur ose même une délicieuse comparaison : imaginez qu’une banque vous file chaque matin 86 400 dollars, charge à vous de tout dépenser dans la journée, que feriez-vous alors ? Remplacez ensuite les tunes par des secondes. Et voui : le temps, c’est de l’argent.

…à rapprocher de :

– Le Tigre est un animal curieux, et a lu quelques Marc Levy pour savoir ce qu’il en est. Du moins j’ai tenté : Où es-tu ?, Sept jours pour une éternité…, Mes Amis mes Amours (pas pu le terminer), etc.

– A tout hasard, j’ai essayé d’imaginer à quoi pourraient ressembler ses prochains romans (en lien ici).

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Britta Böhler - La décisionPendant qu’Hitler fraîchement installé au pouvoir commence à faire de la merde, certains auteurs allemands tentent, envers et contre tous, de s’opposer au cours de l’Histoire. Parmi eux, il y a Thomas Mann qui s’apprête à publier une lettre condamnant le régime en place. Roman/essai ambitieux et bien rédigé, hélas ce n’est guère la came du Tigre.

Il était une fois…

En 1933, Thomas Mann quitte Munich pour un voyage d’agrément en Suisse, avec sa femme Katia et ses enfants – Medi et [déjà oublié le nom de l’autre]. Toutefois, il apparaît rapidement que revenir dans sa patrie est risqué, aussi accepte-t-il, à contrecœur, de rester un peu plus sur place. L’état du pays ne s’améliorant pas, le séjour se transforme logiquement en exil. Trois ans après, il est temps pour l’écrivain allemand de prendre une décision….

Critique de La décision

Voici le premier roman de Britta Böhler, femme au CV aussi intéressant qu’intimidant. Née en Allemagne, Britta est devenue une grande avocate qui a décidé de faire de la politique…au Danemark. Du coup, elle a pris la nationalité danoise en vue de se présenter aux élections sénatoriales (si j’ai bien suivi), qu’elle a remportées. Bref, c’est une personne accomplie qui sait de quoi elle parle, et cet essai semble plus complet. Un roman plutôt, car Britta Böhler prend le parti de sonder l’esprit du protagoniste pendant ces quelques jours décisifs.

Contrairement à ce que laisse croire le quatrième de couverture, la fameuse décision de publier la lettre au journal suisse le Neue Zürcher Zeitung a été déjà prise. Seulement son ami, l’éditeur Korodi, est malade comme un chien pendant trois jours : 72 heures de réflexion sur le bien-fondé de cet acte qui va porter un coup certain au destin de l’écrivain allemand. Entre impression de lâcher son pays (est-ce encore le sien ?) et légitime envie d’en découdre, Thomas Mann a son petit popotin entre deux conceptions de son statut d’éminent auteur.

Toutefois, il y a comme quelque chose qui a cloché dans le roman. Sans doute le protagoniste principal, écrivain que ne connais peu et qui m’a semblé assez impersonnel. Ou alors le style de Britta, fort docte et un poil aride pour un roman se situant dans une période assez complexe. Du coup, et c’est infiniment dommage, je n’ai pas réussi à accrocher. Pire, j’ai survolé le dernier quart en espérant que ça se termine au plus vite.

En guise de conclusion, il est toujours délicat de faire un billet d’un ouvrage qui porte sur un écrivain dont je n’ai pas souvenir, du coup. Même si Corinna Gepner, la traductrice, a à mon avis su rendre compte du style ciselé de Böhler, l’impact fut faible dans mon cerveau limité.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La dureté d’un exil et le questionnement sur une patrie qui horrifie reviennent régulièrement, et il faut convenir que Frau Böhler évoque plus d’une fois (et avec justesse) ces problématiques. Est-il si impossible de revenir en Allemagne récupérer quelques affaires ? – ah non, il n’est pas sûr de pouvoir repartir. Est-ce vraiment la patrie dans son ensemble qui s’égare, ou simplement une bande de dingues qui ont mystifié la population ? Faut-il se résigner à parler d’un exil, sans espoir de retour, à l’image de l’état d’esprit de son frère Heinrich Mann, depuis longtemps parti de l’Allemagne nazie ? Au surplus, la phrase d’Heinrich Hein, un des plus grands auteurs allemands du XIXème siècle, revient comme un mantra justifiant la décision : « Là où l’on brûle les livres, on finit par brûler des hommes ».

Plus prosaïquement, il y a l’existence d’un homme avec ses problèmes quotidiens, que ce soit s’occuper de l’éducation des gosses ou attaquer le deuxième tome de ce qui deviendra l’imposante tétralogie de Joseph, d’après le personnage biblique. Outre les petites manies d’un personnage qui s’impose une discipline dans sa manière d’écrire (le soir surtout), il y a un certain parallélisme entre Joseph, fils de Jacob, qui fuit Israël pour s’installer en Égypte, d’où il fera de grandes choses – à l’instar de Thomas M. en Suisse.

…à rapprocher de :

– Tant qu’à faire, faudrait que je mette à lire quelques Thomas Mann, notamment ses nouvelles (fainéant que je suis) comme La mort à Venise.

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Williams III & McCarthy - Batwoman : L'élite de ce mondeVO : World’s Finest [oh yeah]. Dans le cadre de News 53, (reboot de l’univers DC Comics), Batwoman a affaire à de très gros vilains issus de la mythologie. Lorsque les demis-dieux (et plus encore) s’invitent dans un comics, les planches promettent d’être aussi grandioses qu’excessives. L’intérêt pour cette série s’en trouve partiellement relancé, alléluia.

Il était une fois…

Katie Kane n’est plus en mesure de protéger Gotham des légendes qui prennent forme, et ce sous l’égide de Méduse – allez savoir ce que fout Batman. C’est pourquoi, face à un ennemi qui s’avère être le monstre mythologique, elle va faire appel à…oui, Wonderwoman ! Peu aidées par l’organisation D.E.U.S., Batwoman, Wonderwoman, Flamebird (qui a été gravement blessée) et les autres pourront-ils faire face à une menace inédite ?

Critique de Batwoman : L’élite de ce monde

Cet opus est la suite d’un deuxième (troisième en comptant le numéro 0) tome qui est fort décevant, et dans le cadre de News 52 (ou la Renaissance version DC Comics) j’étais assez colère. En outre, le félin a eu eu extrêmement peur en lisant l’introduction qui rappelait l’intrigue à venir : il est tour à tour question du métamorphe Mao et Maro. Une telle erreur de typographie ne devrait pas se produire, et à mon sens c’était bien mal parti.

Sauf que ça ne s’est guère déroulé comme prévu. L’histoire a pris une nouvelle composante qui m’a donné envie de lire ce comics jusqu’au bout, ce malgré un début laborieux. De la noirceur d’un Gotham dévasté par un groupe de dingues, le lecteur découvrira le monde merveilleux des dieux et héros antiques. Et J.H.Williams III a sorti l’artillerie lourde : non seulement il invoque la somptueuse amazone Wonderwoman (que, personnellement, je trouve infiniment plus sexy que la blafarde Batwoman), mais il offre à ces dernières un ennemi de qualité qu’est la Méduse de la mythologie grecque – avec tous ces petits à-côtés tel Pégase ou l’Hydre.

Du coup, autant vous dire que les intrigues avec Flamebird (qui se remet bien vite pour se transformer en Hawkfire), ou Maggie Sawyer (la flic petite amie de Kane) sont bien palotes comparées à cette orgie de mythiques combats entre, comme le titre l’indique, la fine fleur de ce monde. Les réflexions internes des protagonistes (avec un code couleur qui leur est attaché) sont plutôt réussis, en particulier ceux de l’Amazone et Batwoman qui peuvent se lire comme un dialogue muet. Même l’organisation D.E.U.S., bien contente de tout ce daroi (imaginez ce qu’ils peuvent en tirer en termes d’armement), ne sert à pas grand chose.

Quant aux illustrations, si Trev’ McCarthy vient de faire son arrivée dans ce comics, franchement je n’ai pas vu la différence par rapport aux tomes précédents – avec Blackman qui faisait le gros du boulot. Si ce n’est, peut-être, des couleurs plus solaires et joyeuses grâce à la présence de la bandante amazone. Sans compter ces doubles planches savamment travaillées et qui méritent de s’arrêter dessus au moins deux minutes – recherche de Méduse dans le labyrinthe ou luttes à mort entre des dizaines de protagonistes. Bel ouvrage dans l’ensemble, et le twist final annonce le retour d’un ennemi intime à Batwoman – sa sœur jumelle psychopathe Alice vue dans Elegie.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Je vais encore passer pour un inculte de première, mais je me suis régalé en apprenant deux-trois choses sur la mythologie de la Grèce antique. A la rigueur, lorsque Batwoman met un miroir face à Méduse pour qu’elle s’auto-transforme en pierre, ça me rappelait vaguement quelque chose – mais quoi ? En revanche, j’ignorais que l’Hydre est une cousine de ce monstre, et que tout ce petit monde constitue des divinités dites « supérieures » car créées avant les dieux de l’Olympe. C’est d’ailleurs le combat de Méduse : elle veut débarrasser la Terre de ses mortels que l’Olympe aime tant, et pour cela doit faire renaître Céto, sa maman qui a engendré de magnifiques monstres grâce à sa relation avec Phorcys, le dieu des profondeurs.

Encore une fois dans l’arc narratif de Batwoman, les femmes sont à l’honneur et sont au centre du comics. Et ça fait du bien. Il y a l’héroïne certes, avec sa petite amie (dont elle lui dévoilera sa véritable identité en fin d’ouvrage) et sa cousine en proie à un traumatisme à cause d’un fight qui a mal tourné ; même la personne qui représente D.E.U.S. (je ne parle pas du squelette avec son cigare, qui est à part) est une femme ! Mais surtout Wonderwoman, qui mérite quelques mots : à la différence de la majorité de nos héros humains (dont Superman ne fait pas partie) non dotés de superpouvoirs,  elle a un statut particulier qui fait qu’elle a son (fort mignon) cul entre deux chaises. La princesse amazone sait qu’elle est indispensable face aux monstres antiques, néanmoins une franche camaraderie semble s’installer avec l’héroïne rousse.

…à rapprocher de :

– Les trois tomes précédents, qu’il faut mieux lire afin de ne pas être largué, sont Élégie (bon début), Hydrologie et En Immersion (une quasi catastrophe). En espérant que la suite sera à la hauteur.

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