Arnaud Le Guilcher – En moins bien

Pocket, 274 pages.

Arnaud Le Guilcher - Pas mieuxIl y a des romans courts qui sont des vraies oasis de petite rigolade, malgré une trame de fond un peu poussive. En moins bien en fait partie, où tout n’est excès, improbabilité et médiocrité savante. Un pélican con, des bungalows décrépis, un teuton qui tourne en rond, une lune de miel foireuse, une fin cataclysmique, on est bien dans le irgendwas.

Il était une fois…

Le narrateur (dont on ne saura jamais le nom !), gentil looser alcoolo sur les bords, se marie. Il prépare un voyage de noces dans un camping (Sandpiper) qui vendait du rêve. Hélas rien ne se passe comme prévu, sa bien-aimée disparaît et un Allemand fait le mariole, attirant de plus en plus de monde. Le camping, pris d’assault, exacerbe le potentiel déconnant des personnages qui vont devoir gérer la notoriété soudaine du lieu d’habitude calme.

Critique de Pas mieux

Roman très one-man-shot (un écrivain inconnu pour une histoire hors du commun) qui a rempli son office. Rien à dire de ce côté, c’est pas mauvais du tout sans être l’évènement de l’année. Nombreuses péripéties, emballement total de l’histoire vers le premier tiers du roman, mais surtout des personnages hauts en couleurs qui méritent le détour. Vocabulaire imagé mais facile à lire, chapitrage court. Trois heures de petit plaisir à tout casser.

Néanmoins certains chapitres traînent parfois en longueur, voire exaspèrent lorsque le héros et ses comparses, sans anticipation, tentent de régler les problèmes un par un. Tout ça en se collant consciencieusement de solides miurges. A ce titre heureusement que Le Guilcher laisse le narrateur faire un break chez son patron japonais : enfin il se prend en main et retourne à une vie plus zen, participant à la polyvalence de la rédaction de l’ouvrage.

La fin est à l’image du rythme général et du ton du roman : époustoufflante et baignant dans l’humour noir. Celle-ci est si jouissive qu’elle permet même d’oublier les menues frustrations du roman ci-dessus expliquées.

Le Tigre profite de ce livre pour apporter une critique quant au 4ème de couverture. Lassen Sie mich erklären : un 4ème de couverture doit donner envie d’acheter le produit, et il est parfois recommandé (en ce qui concerne les livres de poche seulement) de glisser quelques critiques crédibles et exemptes de conflits d’intérêts. Pas comme un film où l’unique citation pour nous inviter à payer 10 € pour une daube est tirée d’une station de radio elle-même financièrement impliquée dans la production du navet.

Ici c’est pire. Parmi la poignée de citations il y en a une, forcément élogieuse, plutôt bien rédigée,…mais…hein ?…Sébastien Chabal ?…attendez voir, il y a un critique littéraire (ou journaliste) qui est un homonyme de l’illustre sportif ? Apparemment non, c’est bien lui. Alors soit c’est un de ses amis, soit Chabal lit autant que Le Tigre, soit c’est de l’humour au 3ème degré, mais il faudrait qu’on explique au Tigre ce que vient faire une critique d’un rugbyman dans un roman, aussi déjanté soit-il.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’humour noir, incisif, presque corrosif est partout présent et mérite bien quelques mots. Arnaud est parvenu à créer son petit monde, mais surtout à avoir ses expressions et un humour parfois borderline. Ce sont des mots, des tournures de phrase assez bonnes qu’on nous offre. Le Tigre aime ça et vous offre deux exemples (textes d’origine pas forcément respecté) :

Lorsqu’Emma est arrivée dans le bar, c’est comme si j’apportais une citerne d’eau fraîche dans un village éthiopien.

Le jour de la giclée fatidique, il a dû penser à une vieille tante moustachue, et pan, un spermatozoïde blindé de gènes de thon a conquis le saint Graal.

Ce n’est pas du Audiard, mais ça peut y ressembler. Il ne manque plus que l’auteur invective un peu plus le lecteur, et plus de sexe pour que Le Tigre croit tenir dans sa main un San-Antonio.

La fuite de sa très récente femme pousse le narrateur à décrire les affres de l’abandon, comment un homme peut devenir fou et « psychoter » dans son coin en l’absence de nouvelles. La folie d’un cœur brisé, tout d’abord, avec l’Allemand ivre de douleur qui passe ses journées à tourner en rond sur la plage en marmonnant le prénom de son adultère d’épouse. Jusqu’à épuisement. Et en laissant ses deux enfants livrés à eux-mêmes de surcroît ! Le désespoir d’un jeune homme, ensuite, qui a épousé une femme qu’il sait trop belle / bien pour lui, et pressentait qu’elle allait lui filer entre les doigts. L’abandon d’une journaliste, par le même héros (cercle vicieux s’il en est), qui se laisse irrémédiablement faner malgré les atouts qu’elle possède.

Le retour aux sources. Le héros déjà est un antihéros, plus gaffeur et looser que la moyenne, et semble incapable d’accomplir quelque chose de grand. Entraîné malgré lui dans une aventure qui à un moment prend des proportions qu’il ne peut assumer, celui-ci s’enfuit et va, pendant un certain temps, retrouver le chemin de la normalité voire de la rédemption. Retour aux sources pour son épouse également (Le Tigre n’en dira pas plus).

…à rapprocher de :

– La suite, Pas mieux, se défend honorablement. Emma revient, et pas seule !

– Sur la richesse du vocabulaire, les personnages qui se prennent en main et la fin en apothéose, Le Tigre s’est remémoré Le Seigneur des porcheries, d’Egolf. Attention, ce dernier roman est bien plus dense et meilleur, donc on ne compare pas !

– Sur l’abandon par l’être aimé, le désespoir qui suit,… Vous pourrez lire quelques sucreries de Nicolas Fargues, J’étais derrière toi par exemple.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

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