Britta Böhler – La décision

Stock, 198 pages.

Britta Böhler - La décisionPendant qu’Hitler fraîchement installé au pouvoir commence à faire de la merde, certains auteurs allemands tentent, envers et contre tous, de s’opposer au cours de l’Histoire. Parmi eux, il y a Thomas Mann qui s’apprête à publier une lettre condamnant le régime en place. Roman/essai ambitieux et bien rédigé, hélas ce n’est guère la came du Tigre.

Il était une fois…

En 1933, Thomas Mann quitte Munich pour un voyage d’agrément en Suisse, avec sa femme Katia et ses enfants – Medi et [déjà oublié le nom de l’autre]. Toutefois, il apparaît rapidement que revenir dans sa patrie est risqué, aussi accepte-t-il, à contrecœur, de rester un peu plus sur place. L’état du pays ne s’améliorant pas, le séjour se transforme logiquement en exil. Trois ans après, il est temps pour l’écrivain allemand de prendre une décision….

Critique de La décision

Voici le premier roman de Britta Böhler, femme au CV aussi intéressant qu’intimidant. Née en Allemagne, Britta est devenue une grande avocate qui a décidé de faire de la politique…au Danemark. Du coup, elle a pris la nationalité danoise en vue de se présenter aux élections sénatoriales (si j’ai bien suivi), qu’elle a remportées. Bref, c’est une personne accomplie qui sait de quoi elle parle, et cet essai semble plus complet. Un roman plutôt, car Britta Böhler prend le parti de sonder l’esprit du protagoniste pendant ces quelques jours décisifs.

Contrairement à ce que laisse croire le quatrième de couverture, la fameuse décision de publier la lettre au journal suisse le Neue Zürcher Zeitung a été déjà prise. Seulement son ami, l’éditeur Korodi, est malade comme un chien pendant trois jours : 72 heures de réflexion sur le bien-fondé de cet acte qui va porter un coup certain au destin de l’écrivain allemand. Entre impression de lâcher son pays (est-ce encore le sien ?) et légitime envie d’en découdre, Thomas Mann a son petit popotin entre deux conceptions de son statut d’éminent auteur.

Toutefois, il y a comme quelque chose qui a cloché dans le roman. Sans doute le protagoniste principal, écrivain que ne connais peu et qui m’a semblé assez impersonnel. Ou alors le style de Britta, fort docte et un poil aride pour un roman se situant dans une période assez complexe. Du coup, et c’est infiniment dommage, je n’ai pas réussi à accrocher. Pire, j’ai survolé le dernier quart en espérant que ça se termine au plus vite.

En guise de conclusion, il est toujours délicat de faire un billet d’un ouvrage qui porte sur un écrivain dont je n’ai pas souvenir, du coup. Même si Corinna Gepner, la traductrice, a à mon avis su rendre compte du style ciselé de Böhler, l’impact fut faible dans mon cerveau limité.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La dureté d’un exil et le questionnement sur une patrie qui horrifie reviennent régulièrement, et il faut convenir que Frau Böhler évoque plus d’une fois (et avec justesse) ces problématiques. Est-il si impossible de revenir en Allemagne récupérer quelques affaires ? – ah non, il n’est pas sûr de pouvoir repartir. Est-ce vraiment la patrie dans son ensemble qui s’égare, ou simplement une bande de dingues qui ont mystifié la population ? Faut-il se résigner à parler d’un exil, sans espoir de retour, à l’image de l’état d’esprit de son frère Heinrich Mann, depuis longtemps parti de l’Allemagne nazie ? Au surplus, la phrase d’Heinrich Hein, un des plus grands auteurs allemands du XIXème siècle, revient comme un mantra justifiant la décision : « Là où l’on brûle les livres, on finit par brûler des hommes ».

Plus prosaïquement, il y a l’existence d’un homme avec ses problèmes quotidiens, que ce soit s’occuper de l’éducation des gosses ou attaquer le deuxième tome de ce qui deviendra l’imposante tétralogie de Joseph, d’après le personnage biblique. Outre les petites manies d’un personnage qui s’impose une discipline dans sa manière d’écrire (le soir surtout), il y a un certain parallélisme entre Joseph, fils de Jacob, qui fuit Israël pour s’installer en Égypte, d’où il fera de grandes choses – à l’instar de Thomas M. en Suisse.

…à rapprocher de :

– Tant qu’à faire, faudrait que je mette à lire quelques Thomas Mann, notamment ses nouvelles (fainéant que je suis) comme La mort à Venise.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

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