John Burnside – La maison muette

Editions Métailié, 201 pages.

John Burnside - La maison muetteVO : The Dumb House. Mais qu’est-ce qui me prend de lire des trucs pareils ? Au moins le quatrième de couverture est complet, on a une idée de ce qu’on achète. Pour l’esprit néo-dérangé du Tigre ce roman fut superbe. Superbe car froid, méticuleux et horrible, malgré ça la curiosité invite à continuer puis finir la chose. A ne pas mettre entre toutes les mains donc.

Il était une fois…

Un homme, déjà pas très sain mentalement, décide de mener une expérience peu ordinaire : étant père de jumeaux (la mère décédant dans des circonstances peu racontables), le « héros » décide d’élever ses enfants coupés du monde, sans leur parler ni les mettre en contact avec le langage. Tout ça afin de savoir quel « langage originaire » pourra bien sortir.

Critique de La maison muette

Ce livre est magique. En effet le glauque, mâtiné de « scientisme » (au demeurant instructif), se lie paradoxalement avec le ton suave, parfois poétique de l’auteur. Beaucoup peuvent ne pas aimer du tout, être trop mal à l’aise, je préfère prévenir. Il n’empêche que Le Tigre, habitué à du très « hard », a été servi : j’ai même trouvé des passages franchement dérangeants, c’est dire !

Le scénario est le suivant : un homme, plutôt un psychopathe doublé d’un pseudo-génie, fait une fixation sur sa mère et une des histoires qu’elle lui racontait : quelle serait la langue commune à deux jumeaux élevés sans la parole ? Vaste programme. Et là on salue l’auteur, qui ne présente ladite expérience que dans les dernières cinquante pages, d’avoir bien amené l’idée concrète de cette folie.

Le pire est que d’une part on aimerait avoir la réponse à cette question, et d’autre part progressivement John Burnside distille dans nos esprits l’acceptation même de cette idée monstrueuse. Bref, à ne pas offrir à une femme (ou alors une bonne copine), plutôt à un pote (si possible scientifique) qui n’a pas de frère / sœur jumeau(elle).

L’auteur, en introduisant l’expérience de manière hélas naturelle, jouit d’un style qui fait souvent mouche. Chapitres assez longs parfois, ne vous trompez pas sur le nombre de pages : c’est écrit assez petit en plus d’être dense (entendez concis et sans fioritures).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Science c/ morale, 1-0. La démarche du narrateur est selon lui ce qu’il y a de plus noble. Avide de connaissance, il ira jusqu’à commettre l’inacceptable. La justification du crime est évidente pour le protagoniste, et les actes qu’il commettra par la suite aussi. Par exemple, parce qu’il est à l’écart, voire « moqué » des jumeaux, le narrateur pense ôter les cordes vocales d’un d’eux. Approche scientifique certes, mais quelle horreur ! Se pose ainsi la question de l’éthique scientifique : si un homme parvient à mettre en place une telle folie, qu’en est-il des groupes bien plus organisés ?

Ce qui rend le « héros » encore plus détestable est sa condition de père des « sujets d’expérimentation ». On sent que cet individu est un peu jeté, avant même le commencement de sa petite entreprise des éléments concordants annoncent qu’il ne fait pas grand cas de la valeur de la vie et dès qu’il en aura l’opportunité ça va être sanglant. Son attirance morbide peut faire de temps en temps sourire (surtout quand on voit comment il passe au travers des mailles du filet), mais dès qu’il initie son projet, avec ses propres gamins, là le lecteur peut être interdit. Perversion du père, c’est un peu la folie d’un dictateur considéré comme le (petit) père de son peuple qui accepte les expériences sociales les plus délirantes.

Thème SPOILER, attention. Alors, vous voulez savoir quel est le langage que vont utiliser nos jumeaux ? Et ben c’est à la fois décevant mais logique. L’erreur du narrateur est de leur faire écouter de la musique classique : le résultat est que leurs discussions ne semblent être qu’un flot continue de chants mélodieux. Sûrement un langage complexe, mais impossible d’en déceler le sens. Un des enfants sera ensuite « empêché » de chanter, et le désespoir aura raison d’eux (à moins que ce ne soit la maladie). Le langage universel ne semble donc pas exister, l’environnement serait l’unique paramètre à prendre en compte.

…à rapprocher de :

– Un roman d’une telle richesse au niveau du vocabulaire, avec des mots soigneusement choisis, Le Tigre a rencontré Le seigneur des porcheries, d’Egolf.

– Auteur français, titre proche, histoire légèrement dérangeante également (mais tellement belle), c’est La maison de Jaillet.

– Des expérimentations plus que douteuses, jusqu’au crime contre l’humanité, je pense à Regrets d’hiver, de Romain Slocombe.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

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