Marc Dugain – La Malédiction d’Edgar

Folio, 512 pages.

Marc Dugain - La Malédiction d'EdgarMarc Dugain s’attaque à un monument américain de la vie politique et policière du 20ème siècle, et tel un bon élève nous rappelle les grandes lignes de celui qui a gouverné le FBI pendant une cinquantaine d’années. Intéressant pour qui ne connaît guère Hoover, décevant pour le lecteur averti qui aurait voulu avoir une biographie romancée.

Il était une fois…

De 1924 à 1972, John Edgar Hoover fut à la tête d’une jeune institution qui prendra de plus en plus d’importance : le FBI. Grâce aux moyens humains et financiers dont ils disposait, John a su être indétrônable, les Présidents successifs des États-Unis ayant une peu bleu de lui – faut dire qu’il avait quelques savoureux enregistrements à leurs propos. La prohibition, Al Capone, le conflit mondial, la chasse aux communistes, l’essor de la mafia, Hoover était toujours dans les parages.

Critique de La Malédiction d’Edgar

Habitué de Dugain, Le Tigre sait que rarement la lecture sera chiante ou laborieuse. En romançant la vie de Hoover en tant que boss du Federal Bureau of trucmuche, l’auteur français est parvenu à nous faire un récapitulatif de l’état de l’Amérique pendant un demi-siècle – récapitulatif correct certes, mais peu fouillé au final.

Classer ce titre dans la catégorie des essais aurait été une erreur dans la mesure où l’écrivain, même s’il se rapporte à des faits (et suppositions) tout ce qu’ils ont de plus réel, n’hésite pas à apporter un peu de fiction et distiller son avis sur les agissements de Hoover – qui est dépeint comme un impitoyable intriguant éloigné de l’idéal du bien commun. En outre, nous nous éloignons parfois du protagoniste principal pour aller en étudier d’autres, plus particulièrement John F. Kennedy qui occupe une place non négligeable – de son accession à son décès, en passant par ses scandaleuses frasques.

L’approche narrative de Marc D. est plutôt originale parce qu’il fait intervenir, comme narrateur omniscient, Clyde Tolson, fidèle ami (amant, selon certains) de Hoover et numéro 2 du FBI. Intégré dans le saint des saints, Clyde livrera une vision assez froide au final, avec des descriptions captivantes, néanmoins cela manque de chaleur. Le lecteur pourra avoir l’impression, sur ce demi-millier de pages bien aéré (la lecture n’est que peu ennuyeuse), que le narrateur empile les faits d’armes de son cher patron sans vraiment parler de ses moments intimes.

En guise de conclusion, le roman laisse progressivement place à un essai plutôt bien rédigé. Cependant, aucun apport nouveau n’est à souligner d’un point de vue historique, notamment cette question qui taraude Le Tigre depuis si longtemps : Clyde et John se galochaient-ils, amoureusement, entre deux considérations sur l’avenir du pays lors de leurs longues soirées d’hiver ?

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’air de rien, Edgar illustre le risque à laisser un seul homme s’accaparer trop de pouvoir. Le numéro 1 du FBI, telle une fourmi consciencieuse, a progressivement amassé un nombre incroyable de documents en tout genre (photos, retranscriptions, etc.) qui sont autant de bombes potentielles contre les hommes politiques en place. Parallèlement, sa vie privée était jalousement protégée, ce qui le rendait inatteignable. A partir de là, il a pu faire avaler des couleuvres grosses comme des boas à ses contemporains : la menace communiste exagérée, la presque inexistence de la mafia dès les années 50 (alors qu’elle était toute puissante), ou son inaction fautive dans l’assassinat de personnalités – JFK ou Martin Luther King.

Plus généralement, ce que savait Edgar est un bon indicateur sur la folie qui habitait (qui habite, tant qu’à rester lucide) les grands hommes contemporains. Hoover, déjà, était un individu paranoïaque et colérique, capable de prendre des décisions délirantes pour combattre ce qu’il aimait nommer les « subversions » – il en voyait partout. Plus impressionnant est le comportement de John Kennedy, Président instable dont le lecteur saura (quasiment) tout : priapique érotomane qui donnait du travail supplémentaire à ses gardes du corps (qui devaient s’assurer que Jacky Kennedy ne le grillera pas) ; multipliant les conquêtes sans clairement se séparer d’elles, le Président d’origine irlandaise avait tout en lui pour exploser bruyamment en vol – il en a pas eu le temps, et l’auteur soutient à ce titre la théorie du complot.

…à rapprocher de :

– De Dugain, Tigre a largement préféré Heureux comme Dieu en France  ou Une exécution ordinaire (dans une moindre mesure) ou En bas les nuages (là on est à la limite du bof). Quant à Avenue des géants, peu emballé j’ai été.

– Puisque JFK était à l’honneur, autant lire Marilyn et JFK, du journaliste François Forestier.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

5 réflexions au sujet de « Marc Dugain – La Malédiction d’Edgar »

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