Murakami Ryū – Bleu presque transparent

Philippe Picquier, 203 pages.

Murakami Ryū - Bleu presque transparentVO : Kagirinaku Tōmei ni Chikai Burū. (Eu égard la longueur du tigre, Le Tigre subodore que la traduction FR est très libre). Oh la belle claque littéraire que je me suis prise. Glauque et dur, rapide à lire, ce livre raconte les pérégrinations de jeunes Japonais. Au menu : sexe, violence, drogues, etc. Glaçant.

Il était une fois…

Dans le Tokyo du milieu des années 70, Ryû, Okinawa (rien à voir avec l’atoll), Kei & Co représentent une bande de jeunes sans réelles frontières morales. Profiter, s’amuser, se détruire, la nuit et le jour, tout est bon à prendre.

Critique de Bleu presque transparent

Le Tigre a été soufflé par l’audace d’un tel roman, écrit en 1976. Pendant qu’on parle de dates, petit coup de gueule contre le monde français de l’édition, trop préoccupé à faire traduire du Mary Higgins Clark plutôt que s’occuper de cette pépite. Publié en français en 1997, c’est plus d’une génération qui a raté un grand moment de littérature.

Bleu presque transparent, c’est un peu Rebel without a cause version japonaise. Le quotidien de jeunes Japonais en perdition : drogues, sexe, délires, amitiés bizarres, tout est franchement excessif et jubilatoire. Le lecteur suivra leurs aventures de manière plutôt fluide grâce à un chapitrage court qui allège considérablement les quelques 200 pages de ce roman.

Sur le style, il faut hélas reconnaître que ça a un peu vieilli (à moins que ce soit l’âge du traducteur). Passages parfois confus, une narration complètement perchée à certains moments, Le Tigre n’a pas l’habitude de tels textes à la fois crus et empreints d’une certaine poésie. Mais l’enchantement est là, malgré tous ces noms japonais qui font que plus d’une fois j’ai eu du mal à savoir qui est qui.

Pour conclure, assez semblable à un premier roman de Bret Easton Ellis, mais en meilleur. Par exemple, une scène de partouze chez des GI’s a été pour Le Tigre (pourtant habitué à du hard) un savoureux choc, entre rires et stupéfaction. Une question se pose : l’écrivain l’a écrit à 24 ans, à quel point tout cela est autobiographique ?

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Bien évidemment il y a le thème de la jeunesse qui erre et fait n’importe quoi : drogues dures, sexe débridé, vaines discussions, personne ne prend la vie au sérieux. Murakami ne nous épargne pas grand chose, en si peu de pages je vous laisse imaginer le style concentré et allant droit au but. Toutefois, tout cela est conté avec une simplicité désarmante : comme le dit le quatrième de couverture, « la déchéance de nos héros possède la couleur du bleu presque transparent de la pureté ».

En outre, la violence est y tellement inouïe que j’avais le sentiment de son improbabilité : je pensais la société nippone très stricte concernant la criminalité et la sécurité en général, et l’absence de réponse forte de sa part m’a étonné.

L’auteur parle beaucoup de la présence américaine dans le pays. Les plus gros « délires » de nos sauvageons se font grâce (ou à cause) des GI’s stationnés dans leurs bases. Ceux-ci dealent à une partie de la population quelques menus plaisirs : alcools, héroïnes, pilules miracles, mais surtout de terribles orgies (de la prostitution, disons-le) où tous les ingrédients précédemment cités sont mélangés. Terrifiantes tournantes, petites overdoses en même temps, l’occupant outre-pacifique n’est pas présenté comme le pacificateur habituel, mais en tant que véhicule de la déchéance des forces vives du pays.

Enfin, Ryu se concentre pas mal sur les soldats métisse ou de couleur, objet d’intenses curiosités de la part de nos jeunes. Surtout leurs gros engins sur lesquels s’empalent leurs frêles culs nippons. Excusez du vocabulaire, c’est présenté bien pire dans ce roman. Femmes et hommes, tout le monde a le droit à sa girouette érotique.

…à rapprocher de :

– Plus contemporains, avec une jeunesse encore à la ramasse, Murakami Ryu a régalé Le Tigre avec ses Chansons populaires de l’ère Showa. Quant à un autre titre, Raffles Hotel, passez votre chemin.

Yakuza moon de Shoko Tendo, Tigre ayant lu la version manga par Wilson et Morikawa. Peu de choses sur les Yakuzas, plutôt l’histoire tragique d’une fille d’un boss déchu.

– Sur la jeunesse en crise, il y a le très mauvais Attrape-cœurs de Salinger, voire quelques titres de Bret Easton Ellis. Suite[s] Impériale[s] par exemple.

– Le noir comme source de curiosité et fantasmes chez les Japonais, Kenzaburo Oe en parle dans une de ses nouvelles, Gibier d’élevage.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

3 réflexions au sujet de « Murakami Ryū – Bleu presque transparent »

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