Murakami Ryū – Chansons populaires de l’ère Showa

Philippe Picquier Editions, 197 pages.

Murakami Ryū - Chansons populaires de l’ère ShowaVO : Shōwa kayō daizenshū. Sorti en 1994, rien à voir avec de la musique ou une comptine pour enfants. Seulement des références culturelles à foison de cette ère, sur fond de violence exacerbée entre deux univers fort différents. Ouvrage décalé et instructif, un petit plaisir littéraire qui se dévore assez vite.

Il était une fois…

Un membre d’un groupe de six jeunes Japonais bien paumés zigouille bêtement une femme. Une guerre éclate entre eux et les six femmes trentenaires (célibataires de surcroît) connaissant la défunte. Chose curieuse, elles s’appellent toutes Midori. Les deux blocs s’arment de partout, jusqu’à finir par une explosion rayant de la carte une ville entière.

Critique de Chansons populaires de l’ère Showa

Premièrement, il ne faut pas confondre cet auteur avec l’autre grand Murakami, Haruki de son prénom. Il est arrivé au Tigre d’acheter un roman de Ryu en pensant lire du Murakami, et inversement. Or le style des deux écrivains japonais ne se ressemble guère, tout en ayant leur propre attrait.

Deuxièmement, l’histoire. Originale comme on en fait rarement : six jeunes gens, six femmes esseulées, une rencontre malheureuse, et l’engrenage, terrifiant. Jusqu’à un épilogue qui finit bien mal, rien que la fin vaut le coup d’œil. Au-delà du conflit entre cette douzaine de protagonistes, c’est la présentation de deux types de générations que Ryu nous offre, avec leurs références culturelles (underground parfois) faites de karaoke, chansons, mangas & Co. Fort instructif sur la société japonaise.

Troisièmement, le style. Assez sec, la profondeur des personnages est délaissée au profit de la psychologie des deux groupes, et c’est tant mieux. En effet, d’une part les Midori se ressemblent assez, d’autre part le lecteur sera vite largué sur les différents prénoms des boys. Vocabulaire souvent familier, parfois cru, Le Tigre a souvent ri, et ne s’est jamais ennuyé.

Au final, si le passionné de lecture japonaise ne peut échapper à cet ouvrage, il est fort dommage qu’un tel roman écrit en 1994 n’est sorti qu’au cours des années 2010 en France, et pas en poche. Plus de 15 €, ça fait beaucoup pour moins de 200 pages.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les garçons décrits dans le roman semblent une bande de bons à rien associables sur les bords. Tout ce petit monde parle, déblatère plutôt sans porter une quelconque attention à ce que dit l’autre. Un peu crétins dans leurs réactions puériles, Murakami nous introduit bien dans leur monde aliénant et profondément glauque : rire bêtement, se mettre à chanter sans raison, sans cesse à la recherche de menus plaisirs (nourriture, alcools, trainer), la violence comme amusement,…

Les Midori, ensuite. Ou l’union fait la force. A l’inverse des six boulets, le groupe constitué des jeunes femmes est efficace et leur progression est réjouissante. Car la synergie de leur rassemblement contribue à leur résurrection individuelle. Elles se font des petites bouffes, se soutiennent mutuellement, bref rien à voir avec leur ennemi. Sans prise réelle de position de la part de l’écrivain, le lecteur se prend pourtant vite à vouloir leur totale réussite.

Le titre, et sa signification. C’est parti pour les 30 secondes culturelles. Au Japon, l’avènement d’un nouvel empereur (seul aspect politique préservé par les Américains après la seconde guerre mondiale) donne lieu à l’instauration d’une ère dont le nom est soigneusement choisi. Meiji, Heisei,… Showa, ou « paix éclairée », c’est l’ère d’Hirohito qui couvre une période plus de 70 ans jusqu’en 1989 (année de son décès). Conflit mondial, reconstruction, ici Murakami s’attache surtout au laps de temps des années 70 à la fin de l’ère. Et des chansons populaires d’après-guerre chantées par nos six jeunes hommes, d’où le titre.

…à rapprocher de :

– Moins de dix ans après la parution du roman (à savoir 2003), un film est sorti sous le doux titre de Shôwa kayô daizenshû. Quelle surprise. Réalisé par Tetsuo Shinohara, Le Tigre essaie encore de trouver un moyen de visionner l’œuvre.

– Du même auteur, il y a Bleu presque transparent. 30 ans avant, années 70, quelque part en pire.

– Puisque j’en parlais brièvement, la première fois que j’ai confondu les deux Murakami, je m’étais procuré Raffles Hotel, ce qui fut une belle erreur.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

3 réflexions au sujet de « Murakami Ryū – Chansons populaires de l’ère Showa »

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