Rachel Joyce – La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry

Pocket, 408 pages.

Rachel Joyce - La lettre qui allait changer le destin d’Harold FryVO : The unlikely pilgrimage of Harold Fry. Un retraité entreprend une longue marche en Angleterre pour retrouver une amie qui se meurt d’un cancer. Entre savoureuses rencontres et souvenirs jaillissant du cerveau du vieil homme, Rachel Royce a écrit un texte qui devrait plaire à bon nombre de lecteurs. Point du tout le genre du Tigre, qui a sans surprise abandonné en milieu de parcours.

Il était une fois…

Cher Harold, tu seras sans doute surpris de recevoir ce courrier. Notre dernière rencontre date de longtemps, je sais, mais ces temps-ci, j’ai beaucoup pensé au passé. L’an dernier, j’ai été opérée d’une tumeur, mais le cancer s’est disséminé et il n’y a plus rien à faire. Je suis en paix et je ne souffre pas, mais je voulais te remercier de l’amitié dont tu as fait preuve envers moi autrefois. Transmets mes amitiés à ta femme. Je pense toujours à David avec affection. Bien amicalement.

Voilà ce qu’a reçu Harold Fry, fraichement retraité d’un insipide taf dans une brasserie, de la part de Queenie Hennessy. Il décide alors de se fendre d’une lettre à son intention. Mais une simple lettre suffirait-elle ? Pourquoi pas la sauver de son cancer en lui promettant d’aller la voir à pied ?

Critique de La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry

De Kindsbridge à Berwik, Harold va se niquer les pieds et mollets pour rejoindre une femme charmante qui bossait en tant que comptable dans sa boîte. Pendant ces heures en solitaire à la poursuite d’une chimère [jolie expression rimeuse], c’est toute sa vie qui (souvent à son insu) va défiler sous ses yeux – jeunesse, mariage avec Maureen, le fiston David dont on pressent que la relation père-fils a salement tourné, tout ceci pas forcément par ordre chronologique. Le protagoniste n’est pas toujours solitaire, rencontrant ici et là quelques personnes (une minute, une heure, une journée), chacun lui apportant matière à réflexion.

Ce qui m’a dissuadé de finir la seconde moitié de ce bouquin tient en deux raisons. Déjà, à la deux-centième page Harold n’a pas parcouru un dixième de son périple. J’ai presque craint que d’autres tomes attendaient en embuscade. Ensuite, et à part quelques jaillissements sympathiques (le fétichiste gay, hélas trop rapidement expédié, ou quelques réminiscences au sujet de Queenie) et avancées (trop lentes) dans l’intrigue faite à base de flashbacks, votre serviteur s’ennuyait furieusement. Tout cela est aussi lent qu’un vieil Anglais à pied, si seulement Rachel Joyce et son héros avaient eu l’idée de faire de l’auto-stop…

En guise de conclusion, j’ai, par acquis de conscience, rapidement parcouru les dernières pages. [Attention SPOIL] Leur fils David s’était suicidé, le couple était très mal parti mais esquisse un début de rabibochement (ou rabibochage), et cette pauvre Quennie a la tête qui ressemble à une pastèque à cause du crabe. Elle meurt. [Fin SPOIL]. C’est bien ce que je craignais : le canard n’a pas eu ses trois pattes cassées.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce roman est, à mon très humble avis, un savant mélange de road (by feet) trip et de pèlerinage (merci la traduction foireuse de l’éditeur d’ailleurs) dans ce qu’il y a de religieux. Car Harold va souffrir le martyr, disons que son degré de préparation à un tel périple frise le zéro Kelvin. Ampoules, cloques, déchirures musculaires, pluie (normal, c’est le Royaume-Uni), rien n’arrête le vioque qui semble aussi têtu qu’un âne en culottes. Mais l’esprit est plus fort que la chair (le fameux pouvoir de suggestion), sans compter la galvanisation d’un pèlerinage qui commence à attirer l’attention des médias.

Presque naturellement, ce pèlerinage ne fait pas que raviver les douleurs physiques du bon Harold. Les souffrances psychiques ajoutent une dose correcte de sel à la vie d’un individu qui apparaît comme plus écorché que le lecteur l’aurait imaginé dans les premiers chapitres. C’est sans doute cela qui plaît dans ce roman au titre indécemment long : progressivement, nous entrons dans l’intimité d’une famille brisée, composée d’êtres qui n’ont plus rien à se dire (hélas à raison) et que seule une nouvelle expérience peut revigorer – non, il ne s’agit pas d’échangisme.

…à rapprocher de :

Il faut savoir que les années 2010 ont vu émerger ce que Le Tigre nomme les romans-de-petits-vieux-qui-décident-de-prendre-la-tangente, par exemple Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, de Jonas Jonasson (même punition, même motif : pas terminé).

– Sinon, Jernigan, de David Gates, est assez proche sur le thème du paternel qui est largué par sa progéniture.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce truc en ligne ici.

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