Valerio Manfredi – La dernière légion

Pocket, 542 pages.

Valerio Manfredi - La dernière légionVO : L’Ultima Legione. Encore un roman entraînant et ambitieux, où distinguer la fiction des faits historiques est plus que difficile. Entre la chute de Rome et l’essor de la culture britannique, qu’a-t-il bien pu arriver ? Aventure, combat, road-trip antique, un peu de bons sentiments tout y est – malgré quelques longueurs que le lecteur aguerri parviendra à rapidement passer.

Il était une fois

En 476, après des siècles de bons et loyaux services, l’Empire romain touche tranquillement à sa fin : envahis et allumés de partout, les Romains ne sont que l’ombre d’eux-mêmes. Oreste, général qui a pris le pouvoir, a promu son fiston empereur. Sauf que le règne de Romulus Augustule, à l’instar de ses prédécesseurs, sera bien court. Orestre a engagé Odoacre, mercenaire gaulois victorieux mais susceptible. Ce dernier décide d’envahir Ravenne (la capitale, après Rome et Milan) et zigouiller toute la famille. Mais pas Romulus, qui pourrait éventuellement lui servir. Oreste l’assigne alors à résidence, avec son précepteur, dans une petite île (Napoléon avant l’heure…), cependant c’est sans compter Aurelius, ancien légionnaire déterminé à protéger son empereur.

[je tiens à signaler que le quatrième de couverture de mon édition est une infamie. Déjà le gros spoil, relatif certes. Mais Tigre n’est pas censé savoir que le dernier empereur d’Occident aurait participé à la légende arthurienne, et qu’Excalibur serait l’épée de César forgé en Anatolie…se serait retrouvé en Grande-Bretagne. Ensuite, les raccourcis éhontés pour vendre l’ouvrage m’ont presque fait rendre mon déjeuner]

Critique de La dernière légion

Le titre renvoie à la Legio Drago, légion du nord de Britannia qui protégeait les incursions venant au-delà du mur d’Hadrien, légion brièvement reconstituée pour les besoin du roman. Mais également à la Legio Nova Invicta, légion mise en place (plus ou moins en cachette) par le général Oreste pour apporter une nouvelle fierté aux Romains qui, alors, n’embauchaient que des mercenaires et incorporaient des Barbares en tant qu’officiers.

Parmi les soldats de cette légion composée avant tout d’italiques, il y a Aurelanius Ambriosius Ventidius (Aurelius, pour faire simple), protagoniste principal du roman. Ce héros, fermement attaché à l’armée romaine (sa seule famille), parcourra un impressionnant voyage pour, d’une part, aller trouver l’adolescent Romulus ; et, d’autre part, le mener à bon port – dans le grand nord, là d’où vient le maître Ambrosinus, précepteur de Rom’ au savoir druidique.

Ce road-trip sera d’autant plus périlleux que la garde rapprochée du méchant, commandée par l’inquiétant Wulfila (qui, s’il a réellement existé, n’avait rien à voir avec cette intrigue), a plutôt intérêt à les retrouver dare-dare. Le soldat Aurelius sera aidé par quelques compagnons d’armes, mais surtout Livia, femme étonnante engagée par un Sénateur qui, à l’origine, voulait ramener l’empereur d’Occident à Constantinople auprès de Basile – en effet, ce dernier étant rapidement détrôné. Vous suivez ? Non ? Bon, je finis :

Hélas, j’ai trouvé que l’intrigue n’évoluait pas bien vite. Valerio M. a de belles qualités d’écrivains, ça oui, mais La dernière légion manque un peu de finesse narrative par rapport à d’habitude. Héros sont trop gentils (et inversement), ce manichéisme de bon aloi ne sied guère à la complexité de l’époque. En outre, les péripéties sont attendues, tout comme certains poncifs dans lesquels l’auteur s’est grassement vautré – le sauvetage des amis d’Aurelius dans l’arène, l’épée facilement trouvée, le soldat bourru qui tombe amoureux de la belle Livia, etc. A ce sujet, ne lisez surtout pas à voix haute les fleurs que s’envoient les deux tourtereaux, c’est du glurge comme on en lit rarement.

En fait, s’il y a un monde entre Dan Brown et Val’ Manfredi, ça n’empêche pas de ce dernier de faire quelques putassiers clins d’œil à l’attention des lecteurs du premier. Je ne conseille donc pas particulièrement ce livre, mais sachez que j’ai eu envie de le terminer.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La fidélité est une constante de l’œuvre, et ce pour plusieurs raisons : fidélité à l’Empire et à ce qu’il représente à l’origine (la paix, les lois, l’honneur, tout ceci ayant disparu alors que certains soi-disant « barbares » se comportent avec plus de classe) ; fidélité à ce qu’on pense devoir être l’avenir (que ce soit son petit copain ou à une communauté pleine de promesses, à l’instar de ce qui sera, plus tard, la Sérénissime Venise) ; fidélité enfin à soi-même, illustrée par le passé trouble d’Aurélius, qui est rongé par ses actes passés.

Plus important, La dernière légion me semble être avant tout une formidable leçon d’Histoire : les civilisations naissent et meurent, et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Si les historiens s’accordent à dire que l’Empire romain s’est éteint en 476, l’écrivain italien rappelle que pour les habitants de l’époque ce n’était qu’une péripétie comme ils en vivaient depuis des décennies. Au lieu d’en faire un méga fromage et à vouloir à tout prix ressusciter une autorité moribonde, l’homme sage accompagnera les changements et, si cela lui est possible, saura être un des acteurs d’une civilisation naissante.

Dans l’époque traitée, une ou plusieurs autres cultures (indéterminées) vont se substituer à la culture romaine, une civilisation n’apparaissant pas ex nihilo, mais sur les ruines encore fumantes d’une autre – Rome était, depuis des décennies une putain à la démarche d’une jument en fin de vie. Plus symboliquement, un représentant impérial romain avec un nom mythologique bien connu (Romulus, rien de moins) qui s’allie avec la mythologie druidique (notamment le bon Merlin) pour donner vie à celui qui sera le roi Arthur, avouez que c’est too much et trop beau pour y croire.

…à rapprocher de :

– De Valerio Manfredi, Le Tigre vous conseille surtout sa grandiloquente trilogie Alexandre Le Grand, et La tour de la solitude (ce dernier est excellent).

– On compare souvent Manfredi à Umberto Eco, mais de ce dernier je n’ai rien lu se rapprochant du présent titre.

– Une civilisation est définitivement sur le déclin lorsqu’elle fait appel à des mercenaires. A bon entendeur…

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

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