Will Self – Vice-versa

Points, 316 pages.

Will Self - Vice-versaVO : Cock and Bull. On m’a dit le plus grand bien de Will Self, commencer par deux nouvelles pas excessivement longues est alors de bon aloi. Et il faut avouer que c’est tellement déplacé et drôle comme ouvrage que Le Tigre ne peut que vous enjoindre à le lire. Au moins pour découvrir le fin du fin de Self, et peut-être s’attaquer à de plus gros morceaux de l’écrivain.

Il était une fois…

Deux nouvelles miroirs, deux textes assez particuliers : d’un côté, Carol, découvre qu’un sexe masculin « pousse » dans son intimité. Est-elle toujours femme, et que va-t-elle en faire ? De l’autre côté, Bull se rend compte qu’un sexe de femme apparaît dans le creux de son genou. A qui en parler ?

Critique de Vice-versa

Le fer de lance de l’anticipation sociale n’a pas été loin de me fait mourir de rire avec ces deux longues nouvelles de très bonne facture. Premier contact avec l’auteur, que je rapproche volontiers d’un Chuck Palahniuk, cet ouvrage est une invitation à acheter tout ce que Self a pu écrire.

Déjà le début de la narration n’est pas commun. Dans un train un homme tient la jambe à son voisin et lui conte deux histoires plus que particulières. Sur la question de savoir qui est cet individu et comment se fait-il qu’il en sache autant sur les protagonistes, Le Tigre vous laisse le découvrir à la fin.

Quant aux deux nouvelles, les mots ne suffisent plus : déplacé, dérangeant, « out of the box » sur la narration, j’ai été soufflé par le culot et l’imagination de l’écrivain. Une femme qui commence à avoir un pénis qui lui pousse près du clitoris, et comment elle s’en servira pour se venger de son très médiocre époux, très fun et vocabulaire délicieux. Mais le mec bien bâti qui a un vagin derrière le genou, en avise son médecin qui n’a pas la réaction appropriée qu’on pourrait attendre, alors là c’en est trop d’un point de vue du comique de situation.

Plus que l’imagination de Self, c’est son vocabulaire d’une rare pertinence qui parvient à créer un microcosme « doux dingue » et le lecteur, après 300 pages à peine, sortira de ces deux textes un peu groggy. Le retour sur terre est difficile, mais quel fabuleux voyage.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’inversion sous toutes ces formes. Vice-versa, c’est un titre fort à propos, avec deux nouvelles qui s’auto référencent et dont les thèmes s’entre-croisent allègrement. L’écrivain mélange les genres, les sentiments, et surtout réussit à explorer l’intimité d’une femme, et puis d’un homme sans qu’on ait une impression de déjà-vu. Maîtrise totale du vocabulaire et du ressenti général des protagonistes, Self (aidé d’un bon traducteur) est un excellent auteur.

Le rire dans la sexualité. Will Self a ici réussi à rendre des situations sexuelles extraordinaires tellement réalistes et comiques qu’on se demanderait si le reste du roman n’est qu’habillage autour de ces descriptions. Une femme qui profite de l’acte pour discrètement pénétrer l’intimité de son mari, un jeune homme ayant une relation toute particulière avec son médecin fétichiste sur les bords, mais où va-t-il chercher tout ça ?

…à rapprocher de :

– Tout Will Self mérite d’être lu, en vrac : No smoking, Mon idée du plaisir, Dr Mukti, , Ainsi vivent les morts (plussss que correct), etc.

– Une autre nouvelle, plus courte mais moins aisée à lire, peut être testée : The Sweet Smell of Psychosis. Toujours en VO, Umbrella est excessivement difficile à suivre. Quant à La théorie quantitative de la démence, deux nouvelles sont excellentes, le reste bof).

– Sur les bizarreries de l’être humain sexué, allons ensemble butiner chez Palahniuk et son excellent Monstres invisibles.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.