DodécaTora, Chap.TM : 12 romans qui finissent mal

Le Tigre Editions, pas de pages.

DodécaTora« Salut Grand Tigre ! Beaucoup de gens se foutent de ma carrière qui, après un excellent démarrage, s’est piteusement cassée la gueule – avec une régularité qui force le respect. Ce serait gentil que tu montres que les happy ends ne sont pas automatiques, même en littérature. Bises de l’au-delà. Gary Coleman. PS : tu n’aurais pas quelques exemplaires du film érotique tourné avec Dana Plato STP ? »

Douze bouquins sans happy ending

Le Tigre est un peu gêné aux entournures par rapport à la demande du bon Gary, star déchue s’il en est. En effet, j’ai déjà tenté de 1/ lister quelques romans déprimants, dont les excipits n’arrangent rien, et 2/ ceux dont la fin est plus ou moins scandaleuse, notamment parce que ça se termine en eau de boudin. C’est pourquoi sortir de ma besace des œuvres inédites fut plus que délicat.

Pour sélectionner un tel roman, il faut que la situation, en refermant les pages, soit pire qu’au début. Ou alors qu’un happy end ait été possible, mais au dernier moment quelque chose a gravement déconné. Histoire de rajouter de la difficulté dans la démarche, le félin a décidé de ne pas inclure les tragédies grecques ou autres vieilleries pleurnichardes. Ce serait trop facile.

Voici donc une sélection personnelle de titres dont le dénouement malheureux peut surprendre. Le Tigre parlera peu de ces romans en tant que tels et s’attachera à expliquer comment les dernières pages/chapitres font parfois pleurer. Il y a donc du très vilain spoil en perspective.

Tora ! Tora ! Tora ! (x4)

1/ Richard Matheson – Je suis une légende

Une terrible épidémie a sévi sur la planète, et toute la populace s’est transformée en un savant mix zombie/vampire. Sauf Robert Neville, être esseulé qui va tenter de trouver un vaccin. Contrairement au film de basse extraction où une communauté de gens non contaminés survit, le roman est l’histoire d’une légende décédée, un mythe raconté par des zombies pas si inconscients qu’on le croirait. Triste.

2/ René Barjavel – La nuit des temps

Une expédition made in France trouve un curieux artefact en Antartique. Il s’agit d’un couple endormi dont on se demande d’où ça peut sortir. Eléa est tirée la première de son sommeil et raconte son monde qui, il y a 1 Mo d’années environ, s’est éteint. En plus, la petite histoire d’amour contrariée avec Païkan, qui aujourd’hui prend une tournure plus tragique. A la rigueur, on pourrait penser que la tragédie ne concerne qu’Eléa, toutefois cet échec renvoie superbement à celui de notre civilisation.

3/ Stephan Zweig – La Pitié dangereuse

Avant la première guerre mondiale, Anton Hofmiller (jeune officier autrichien) rencontre Edith de Kekesfalva, fille d’un riche propriétaire de la région. Il l’invite à danser, sauf que la demoiselle est paraplégique. Anton, souhaitant réparer sa belle bourde, ira de faux pas en faux pas, et Edith tombera folle amoureuse du gus. Jusqu’à ce que ça prenne des airs de tragédie, à l’image de l’Europe qui s’engagera dans un conflit suicidaire.

4/ Kressmann Taylor – Inconnu à cette adresse

Passage littéraire presque obligé – d’autant plus que c’est extrêmement court. C’est un roman épistolaire qui met en scène Martin Schulse, Allemand qui monte dans la hiérarchie nazie, et son pote Max, Juif allemand exilé aux États-Unis. Au fil des lettres, on sent bien que papa Schulse (désolé) se met en délicate position avec son ami éloigné, et lui demande de mettre un terme à leurs correspondances. Max, perfidement à mon sens, saborde son ex ami (et sa famille) par une suite de missives plus que complices. Titre publié en 1938 de surcroît, comme si le pire était encore à venir.

5/ Michel Houellebecq – Plateforme

Si le tourisme sexuel a retenu toute l’attention des médias à cause du cynisme dont l’auteur s’est emparé du sujet, c’est oublier la profonde romance entre le héros, Michel, et la belle Valérie. Les deux tourtereaux apprennent que le sexe et l’argent, point d’orgue d’un libéralisme effréné, peuvent être dépassés par l’amour. Point de rédemption pourtant pour ces deux-là, qui finiront assassinés lors d’un attentat terroriste de grande ampleur.

6/ Alain Damasio – La Horde du contrevent

L’histoire est épique, le talent de l’écrivain flippant, et la fin (bien que attendue) m’a retourné. Tout ça pour ça… Pendant plus de 500 pages, le lecteur aura la larme à l’œil en suivant un groupe surentraîné pour remonter le vent. Beaucoup clamsent en route, et lorsque le dernier atteint la source du vent, c’est pour se retrouver à l’extrême-aval (leur point de départ) avec une perte de mémoire nous permettant de capter pourquoi une trentaine d’Horde a déjà échoué. Et oui les mecs, la terre est ronde.

7/ Emmanuel Carrère – La classe de neige

A peine 150 pages, et quelle petite claque. Dommage que le quatrième de couv’ gâche tout en annonçant que la fin est terrible, car j’ai mis un peu de temps avant de comprendre que ça allait allègrement partir en sucette. L’histoire des vacances de neige de Nicolas est un peu terne au début, mais au fil des chapitres il y a comme une tension doublée d’une morbidité qui explose avec la découverte du meurtrier, si évidente hélas.

8/ Delphine de Vigan – No et moi

Lorsque Lou cherche un sujet d’exposé pour sa classe, elle ne trouve rien de mieux que traiter des femmes SDF. Sa rencontre avec Nolwenn va changer la vie des deux filles, sauf qu’il paraît impossible de sortir No de l’ornière. Autant que je me souvienne (avec de Vigan, ma mémoire est celle d’un poisson-chat), le dénouement n’est pas à l’optimisme. L’auteure y semble habituée, me direz-vous.

9/ Alphonse Daudet – La chèvre de Monsieur Seguin

Oui oui, Le Tigre apporte de vieilles références un poil surannées. Mais avouez que l’histoire de la bique du père Seguin, éprise de liberté, est terrible. L’animal décide d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, et tout ce que les nouveaux pâturages ont à lui offrir est un loup cruel. Le berger, évidemment, retrouvera trop tard sa petite chèvre.

10/ Johan Harstad – 172 heures sur la lune

Attention, 172 heures sur la lune est un roman plutôt réservé aux adolescents, n’attendez pas de lire de la hard SF à la Ben Bova. La NASA, pour redorer son blason, décide d’envoyer une poignée de jeunes sur la lune en 2019 (sic). Tout semble se dérouler comme prévu…jusqu’à ce que nos ados découvrent, sur le satellite naturel de la Terre, une menace imprévue. Le titre démarre dans une ambiance de joyeuse colonie de vacances spatiales avant de prendre une tournure finale d’horreur et d’épouvante. Bien fait.

11/ Stephen King – Simetierre

Le félin aurait pu invoquer d’autres titres du roi de l’épouvante (comme Brume, qui tient plus de la nouvelle), toutefois Simetierre accuse une régularité dans le glauque avec un dénouement qui ne pouvait être que maléfique. Un cimeterre indien aux propriétés maléfiques, un homme désespéré (Louis Creed) qui veut faire revivre les êtres qui lui sont chers, forcément de tels actes contre natures ne peuvent rester impunis.

12/ Peyo – [n’importe quel titre avec les Schtroumphs]

Terminons sur une petite blague. Dans la plupart des tomes, le vrai héros est ce pauvre Gargamel –  accompagné de son magnifique chat. Or le vieil homme, qui n’a plus toute sa tête, est aux prises avec ses démons intérieurs : il a des hallucinations mettant en scène des petits hommes bleus qui lui chient dans les bottes. Gargamel essaie tant bien que mal de mettre fin à son bad trip, hélas sa maladresse et sa condition physique l’empêchent de se débarrasser de ces communistes au vocabulaire limité. Chaque album se termine par la victoire des suppôts du diable.

Mais aussi :

Comme vous l’avez remarqué, j’ai sué sang et eau pour trouver des idées. Comme si une fin heureuse devait être une obligation pour ne pas effaroucher le lecteur sensible et bien vendre. Eshyle, Sophocle, ces mecs devaient avoir d’autres priorités. A signaler tout de même :

Démences, de Graham Masterson.

N’hésitez pas à me spoiler d’autres romans qui font mal au derche sur le final, j’ai conscience qu’il doit en exister pas mal et dont j’ignore tout.

3 réflexions au sujet de « DodécaTora, Chap.TM : 12 romans qui finissent mal »

  1. « Démences » de Graham Masterton (walkers en VO). J’ai lu ce livre il y a plus de 15 ans et la fin me hante encore. Je n’ai plus jamais osé lire un autre livre de cet auteur alors que l’écriture était (dans mon souvenir) vraiment prenante. J’avais pourtant lu Stephen King auparavant et me croyais immunisé contre les livres qui empêchent de dormir…

  2. on peut mettre Betty, Indridason, où le personnage principal expose par le menu le traquenard qui lui a été tendu.
    ma « chouchou » Gillian Flynn pour les Apparences
    « Fête mortelle », de William Katz, pas hyper bien écrit je trouve mais à la fin « la terre est ronde » …

  3. De Barjavel également, Le Grand Secret mériterait une place sur la liste, à mon avis. Une amoureuse cherche son amant perdu mais quand enfin elle le retrouve… (spoiler deleted) Une découverte qui pourrait révolutionner l’humanité, un paradis parallèle, tout ça pour… (spoiler deleted)

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