Amin Maalouf - Le dérèglement du mondeSous-titre : Quand nos civilisations s’épuisent. Essai éclairant et profondément humaniste, Amin Maalouf développe d’intelligentes démonstrations sur les égarements de l’Occident et de l’Orient. Et en profite pour nous envoiyer un peu de rêve sur la fin. Un des meilleurs titres de l’essayiste.

De quoi parle  Le dérèglement du monde, et comment ?

Le Tigre a découvert Amin Maalouf, brillant académicien (élu après la publication du gros de ses essais) franco-libanais grâce au Dérèglement du monde. Essayiste particulièrement reconnu aux États-Unis et au Moyen-Orient, il s’agit de la personne (selon Le Tigre hein) la plus apte et la plus abordable pour saisir les problématiques qui ont trait aux étincelles que produisent ensemble l’Orient et l’Occident.

Dans cet essai, l’auteur tente de souligner l’illusion de la soi disant guerre de civilisation entre le bloc chrétien et l’umma (la communauté musulmane). Selon lui, le souci majeur réside dans l’affaiblissement parallèle entre ces civilisations. L’homme a tellement fait preuve, de part et d’autre, de défaillances au niveau moral que l’affrontement larvé entre les deux cultures n’est que le résultat des faiblesses de chaque camp.

L’analyse est limpide, avec environ 300 pages finement découpées en chapitres logiques et plutôt concis. A l’inverse des Identités meurtrières, Le Tigre a lu le tout d’une traite. Certes le style un peu long et lâcher l’ouvrage en cours de route est plus d’une fois franchement tentant, néanmoins le lecteur aurait tort d’abandonner.

Bref, un Maalouf « citoyen du monde » tout ce qu’il y a de libéral (dans le premier sens du terme) et exigeant, avec quelques pistes en fin d’ouvrage qu’il est bon de relire. Cet ouvrage m’a incité à poursuivre la lecture de cet auteur, avec d’autres bonnes (et de moins bonnes hélas) surprises.

Ce que Le Tigre a retenu

Amin M. n’épargne personne et ses termes m’ont semblé assez juste bien que pessimistes. D’un coté, l’Occident qui foule allègrement du pied quelques unes de ses valeurs les plus importantes. En souhaitant protéger leur environnement à tout prix, les gouvernements parviennent hélas à aller à l’encontre de principes qui caractérisent les Lumières (et cela donne un très mauvais signe au reste du monde). De l’autre, le monde islamique bloqué à tout point de vue dans un style très moyenâgeux, incapable de se ressaisir et basculant de temps à autre dans le radicalisme religieux.

Sur l’Occident, l’auteur pointe quelques bonnes analyses, notamment sur ces principes démocratiques qui sont attaqués de l’intérieur. Et dans quel but ? Préserver sa puissance militaire sur le monde globalisé, et ce parce que l’économie et la légitimité des États occidentaux (Russie comprise il me semble) ne sont plus ce qu’elles étaient.

Là où Le Tigre a été grandement instruit, c’est par l’exposé de la situation arabe selon l’essayiste. En effet, celui-ci nous conte une grandiose rétrospective sur ce monde (qui m’est relativement inconnu) depuis la fin de la deuxième (car peut-être pas dernière hélas) guerre mondiale : échec des politiques d’unification ou de développement ; mauvais calculs (ou gouvernances) par les leaders du cru ; déceptions grandissantes de la population qui ne voient plus la patrie comme un espoir ; radicalisation d’une partie des peuples qui se tournent vers l’islamisme.

Instructif et pertinent lorsqu’on observe ce qui se passe dès que les puissants appareils étatiques (bons ou mauvais) disparaissent, laissant le pays ouvert à de violents conflits. Troubles ethniques là où l’existence même du pays est remise en cause ; affrontements religieux lorsque les individus se détournent de l’esprit des Lumières, invention occidentale aussi remise en cause. L’Histoire tend à donner raison à Maalouf, terrible constat.

…à rapprocher de :

– De Maalouf, Le Tigre a moins apprécié Les Identités meurtrières mais s’est régalé avec Samarcande.

– Sur un aspect de l’Orient et du monde musulman à travers le prisme du radicalisme, Hans-Magnus Enzensberger et son Perdant radical est également intéressant.

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Hunter S. Thompson - Gonzo HighwaySous-titre : Correspondance de Hunter S. Thompson. VO : The fear and loathing letters: The proud highway et Fear and Loathing in America. Avec près de 200 lettres de l’auteur envoyées à un peu tout le monde (de ses proches au Président des États-Unis), c’est tout le génie du journaliste gonzo, acerbe et drôle, qui s’exprime ici. Un must.

De quoi parle Gonzo Highway, et comment ?

De 1955 à 1976, H.S.T. a envoyé des dizaines et des dizaines de lettres de à l’attention de nombreuses personnes : ses employeurs du moment et autres rédac’ en chef, ses amis, ses créanciers, des politiciens plus ou moins connus, ses médecins,…Le journaliste, écrivain à ses heures, a eu l’excellente idée de consigner tous ces envois et ce pavé est le résultat de près de 30 ans de correspondances savoureuses.

Il faut évidemment garder à l’esprit que monsieur Thompson est à l’origine de ce qu’on nomme le journalisme « gonzo », avec une prise de recul très faible sur son sujet et une subjectivité parfaitement assumée. Du coup, son style « Nouveau Journalisme » s’accorde parfaitement avec le sujet de ces échanges épistolaires (fallait que Le Tigre place ce terme) qui traitent aussi bien de problèmes d’argent que de réflexions sur l’actualité.

Il en ressort des textes parfois délirants, mais qui souvent témoignent d’une fantastique acuité de cette période trouble des EUA, entre la guerre de Corée et l’arrivée de Reagan. Avec quelques perles d’humour. Par exemple, Le Tigre se remémore une missive à l’attention de Truman Capote où l’essayiste se paye franchement sa gueule (et celle de sa gouvernante) avec un début de lettre à se taper sur les cuisses.

Écriture acérée et qui va droit au but, curieusement le tout se dévore. En effet, sur plus de 600 pages le risque était de se faire royalement chier ou de se perdre face à tant de lettres. Il n’en est quasiment rien dans la mesure où ne pas terminer telle ou telle missive n’empêche aucunement de récupérer le fil plus tard. C’est le genre de livres qu’on ne peut définitivement remiser au fond de sa bibliothèque tant la tentation de lire ici et là quelques extraits est grande.

En conclusion, un ouvrage atypique avec d’édifiants exemples de ce que peut écrire un homme désespérément libre et au parcours digne d’un Bernard Tapie (si la comparaison éveille en vous un certain écho). Tellement libre qu’il a décidé de sa propre mort, en se suicidant en 2005 chez lui.

Ce que Le Tigre a retenu

L’excès et le rire. J’ai découvert cet auteur en lisant aux States Fear and Loathing in America, seconde partie du recueil. Malgré la barrière de la langue (quelques passages ne sont pas de tout repos et me donnaient l’impression de passer à côté de quelque chose) j’avais été bluffé par ce titre. Aussi lorsque je me suis procuré l’intégralité des textes (en français) ce fut un vrai régal. Rien à voir avec le vocabulaire retenu et sobre d’un quelconque pigiste, ici H.S.T. écrit avec des expressions et descriptions qui arracheront plus d’un ricanement au lecteur normalement constitué. Sans que cela atténue ou dévalorise le fond de l’œuvre.

L’Amérique des années 50 à l’ère Reagan. L’essayiste tape sur tous les excès de son pays, et c’est plus que réjouissant : hypocrisie des sixties, révolutions culturelles, gangs de motards, manœuvres politiciennes qui le mettent en rage (il paraît bien le seul), pudibonderie des décideurs (journalistes, intellectuels ou messieurs du gouvernement), chaque domaine en prend pour son grade. Hunter semble extrêmement bien placé pour décrire tous ces travers, en étant à la fois en dehors du système (indépendance totale du personnage) et dedans, comme l’illustre sa candidature au poste de shérif d’Aspen (et le bordel que cela a foutu).

…à rapprocher de :

– D’Hunter S. Thompson, vous pouvez faire un tour du côté de Rhum express ou Las Vegas parano.

– Sur le journalisme déjanté mais plus contemporain, il y a Le festival de la couille du bon Chuck Palahniuk. Pas de politique, que des cas sociaux.

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Alessandro Baricco - SoieVO : Seta. Féérique, envoûtant, sublime, on frise le chef d’œuvre si ce n’était pas aussi court. En aussi peu de pages il est délicieux d’entrer aussi « profondément » dans le monde décrit par signore Baricco. Histoire dépouillée au maximum et plutôt touchante, Le Tigre s’est régalé.

Il était une fois…

En pleine France des années 60 (attention, au 19ème siècle donc vers 1860 !), Hervé Joncour fait face à une épidémie qui pourrit les vers à soie de la méditerranée. Commerçant de cette denrée, il décide d’aller au Japon (le « bout du monde ») pour y trouver son bonheur. Le pays du soleil levant vient de s’ouvrir au monde, en plus d’avoir mauvais presse. Mais c’est dans cette mystérieuse contré que Hervé va y découvrir une nouvelle forme d’amour…

Critique de Soie

Oh la jolie surprise. Achetée sur un coup de tête, eu égard le prix (une paire de dollars) et le nombre de pages (à peine 120 aérées comme une pièce avec dix fenêtres ouvertes par mur et mal isolée). Et j’ai découvert une petite pépite de simplicité et d’imagination, quelque chose de touchant sans sombrer dans la mièvrerie.

Le scénario peut tenir en une petite ligne. Un homme entreprend, à plusieurs reprises, des séjours au Japon, et à chaque fois c’est le même trouble qui l’habite en rencontrant la concubine d’un notable local. A chaque voyage, l’auteur entreprend une répétition de la narration du périple : les copier-coller apportent une puissance supplémentaire au texte en plus de créer un lien entre les deux vies du héros, entre l’Orient et l’Occident. Tout en exacerbant les différences entre les deux mondes qui peuvent venir à l’esprit du lecteur ; ce dernier ressortira de cette œuvre comme apaisé.

Le Tigre y a vu un puissant roman intemporel qui notamment traite des d’un aspect plutôt intime des relations franco-japonaises. Le plus beau, sans aucun doute, réside lors de la fin du roman : le héros fait (enfin) traduire des textes en Japonais qu’il a reçus, et l’histoire prend une nouvelle envergure qui peut arracher une larmichette de la part des lecteurs les plus sensibles. Mieux ne saurait être supportable.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Du beaucoup à partir de peu (oh que c’est moche comme phrase). Le tour de force d’Alessandro réside dans la narration, excessivement squelettique (si ça vous parle) mais empreinte d’une poésie certaine. En fait, nul besoin de descriptions (voire de dialogues), je me suis représenté chaque paysage, chaque action comme si j’avais des estampes japonaises ukiyo-e et des tableaux de Cézanne sous la main. Un roman qui invoque autant l’imagination (en vue de compléter l’environnement) du lecteur à ce point, c’est plutôt rare.

L’impossible histoire d’amour. A chaque périple, la même rencontre entre le protagoniste principal et une femme du cru dont on ne aura jamais le nom. Distante, appartenant à un son maître nippon, l’ambiance passe allègrement du mystérieux à la puissance des sentiments. Malgré cette fascination l’homme reste fidèle vis-à-vis de sa « régulière », sa dignité ne paraît jamais être écornée.

…à rapprocher de :

Emmaüs, du même auteur, m’a ennuyé – cela ne veut pas dire que c’est mauvais.

– François Girard a réalisé un film (même titre) à partir de cette œuvre. Pas encore visionné.

– Sur la beauté dépouillée du Japon, vous pouvez jeter un oeil du côté du peintre Hosukai, dont un manga d’Ishinomori retrace une partie de sa vie.

– Dans la simplicité au service de la beauté, il y a Des chrétiens et des Maures de Pennac.

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Amin Maalouf - Les Identités meurtrièresUn essai plutôt court (moins de 200 pages) d’un éminent académicien que Le Tigre apprécie, hélas j’ai été loin d’être subjugué par ce titre. Ennuyeux par moment, c’est fort fâcheux. Sujet complexe mais traité avec une simplicité bienvenue, des idées intelligentes et généreuses, dommage que peu de personnes pensent comme lui.

De quoi parle Les Identités meurtrières, et comment ?

Après avoir été ébloui par un précédent essai d’Amin Maalouf (cf. dernière partie), Le Tigre s’est rapidement procuré Les Identités meurtrières, ouvrage « phare » d’après ce que j’avais cru comprendre. Bof bof, j’ai été plus que déçu par l’essayiste. Ou alors j’ai compris que dalle.

En moins de 200 pages, il faut reconnaître au sieur Maalou (académicien depuis 2011 si mes souvenirs sont exacts) un talent certain pour faire court et condensé. Discourir sur les identités qu’un individu peut se trouver (les immigrés par exemple), et en particulier s’intéresser aux problématiques que cela engendre, l’exercice n’est pas du tout aisé.

Pourtant, Amin M. parvient à sortir un essai plutôt clair et avec lequel il est difficile de ne pas être d’accord. Bons sens, voire bons sentiments que peu partagent, Le Tigre a eu du mal à applaudir face à d’aussi généreuses idées eu égard l’état actuel du monde. En sus, je me suis légèrement (très légèrement hein) emmerdé à lire ce bouquin : soit je ne suis pas assez réceptif, soit une impression de « déjà lu » (les idées de l’auteur sont universelles mais rarement aussi bien résumées) m’a envahi.

En conclusion, un essai consensuel (mais interpellant) qui en convaincra plus d’un. En sus, l’identité du monsieur (franco-libanais rompu aux conflits ethniques) en fait le parfait interlocuteur pour nous entretenir de ce sujet, et ainsi combattre l’ignorance et toutes les formes de communautarisme.

Ce que Le Tigre a retenu

A mon sens, le message basique d’Amin est qu’on ne peut vraiment posséder deux nationalités. Car cela impliquerait qu’on devrait avoir à choisir entre l’une des deux. Si c’est le cas, une identité se sentira alors flouée, et avec celle-ci une partie de de nos congénères qui nous voient (à tort souvent) comme personne étrangère. L’exemple introductif du Turc en Allemagne potentiellement rejeté par les deux communautés est édifiant.

Là où Amin me semble être un doux rêveur, c’est lorsqu’il suggère que les conflits de nationalités ne peuvent au contraire se résoudre en les « fusionnant ». Cela semble difficile déjà. En adoptant une position « à mi-chemin », l’essayiste ne prend pas de risque en proposant de tirer le meilleur de chaque nationalité (ou particularisme culturel). Et, par la même occasion, accepter que l’autre en fait (fasse ?) de même.

En conclusion, l’humanisme de l’écrivain (il a produit des romans de qualité) prend tout son essor lorsqu’il évoque l’ensemble des identités à l’échelle du globe. Plutôt que se focaliser sur deux ou trois de ces éléments identitaires (la langue, d’où le besoin de parler au moins trois langues pour prendre du recul qui est une excellente idée), il convient de se positionner comme protagoniste de ce qu’on peut nommer la grande « aventure humaine », avec à terme de moins en moins de guerres.

…à rapprocher de :

– De Maalouf, j’ai été transporté par Le dérèglement du monde. Du très bon.

– Sur les romans de qualité dont je parlais, il y a l’envoûtant Samarcande.

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Moore & Bolland - Batman : The Killing JokeVF : idem, Souriez ! ou Rire et mourir (selon éditeurs). One-shot assez génial imaginé par le grand Alan Moore en personne à la fin des années 80, The Killing Joke reprend l’origine du Joker pour en faire un individu pitoyable et néanmoins terrifiant. Dessin passable malgré une nouvelle édition de qualité.

Il était une fois…

Le Joker s’est (encore, putain…) échappé, et cette fois-ci son plan semble plus retors que jamais : faire très très mal à Barbara Gordon, fille du commissaire du même nom, et rendre ce dernier fou en le faisant passer une « mauvaise journée ». Batman, qui ne souhaite en aucun cas tuer le Joker, va tenter de le raisonner.

Critique de Batman : The Killing Joke

Superbe. Très (trop ?) rapide à lire et plutôt captivant, on ne peut pas se plaindre. Le scénario est d’une rare profondeur (pour l’époque des comics) et outre la poursuite du Joker il existe de nombreux points de discussion. Le combat psychologique entre le Joker et le Chevalier noir, notamment, mérite des applaudissements. Sur le texte, en anglais, ça passe comme une lettre à l’US Postal.

Il faut signaler un Parental Advisory, ce qui signifie que certains passages peuvent être durs. L’hémoglobine, mais surtout les actes ignobles du vilain (il est sous-entendu que Barbara Gordon se fait salement violer) peuvent choquer, sinon surprendre. Quant à la fin, on n’a jamais été aussi loin de la claire antinomie entre les deux protagonistes : de manière assez troublante, le Joker raconte une blague finale au Bat qui se met à rigoler comme un demeuré. Le Tigre a adoré l’ironie de la situation. Qui est le plus dingue ?

Ce qui empêche Le Tigre de faire péter la meilleure note à ce comics tient en deux explications. D’une part le dessin n’est pas tout à fait pas mon genre : les personnages et l’architecture sont corrects, mais depuis 1988 d’immenses progrès ont été faits. Les cases sont classiques et il n’y a aucune illustration à couper le souffle. D’autre part, pour une quarantaine de pages ça ressemble plus à une BD franco-belge (ce que voulaient les auteurs) qu’à un comics.

En plus d’un nombre de planches peu élevé, les illustrations ne servent guère la quasi perfection du scénario. Le lecteur averti pourra néanmoins y trouver de très bonnes bases pour les Batman des années qui suivront : histoire plus sombre, caractères soignés, réflexions sur la mission du super héros. En sus des bonus habituels (préface des auteurs, esquisses de planches, etc.).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La relation entre le Bat et le Joker. Le comics commence par notre héros qui rend visite au Joker pour lui faire part de ses inquiétudes : leurs jeux de cache-cache se terminera forcément par la mort de l’un des protagonistes, ce que veut éviter Bruce Wayne. En outre, à la fin de l’ouvrage, Batman triomphant tentera de ramener le méchant à la raison en lui proposant son aide. Peine perdue évidemment.

Enfin, on apprend une nouvelle version de la création de l’ennemi intime de l’homme chauve-souris : comme le Joker le dit déjà, il ne se souvient que trop peu ce qui s’est passé (ça ne vous rappelle pas un film de Nolan ?) et délivre une histoire qui paraît assez classique. Un jeune homme sans le sou avec sa femme enceinte qui accepte un job. Femme décédée avant le casse, déguisé en Red Hood par des malfrats, l’homme se jettera (à cause du Bat) dans un bain d’acide. La suite, vous la connaissez. Y’a du Jack Nicholson dans l’air il est vrai.

La folie. L’objectif du Joker, c’est de « retourner » le meilleur flic de Gotham pour montrer que quiconque peut basculer vers la folie (comme dans le second film de Nolan by the way). Pour cela, Gordon aura droit à une vraie journée en enfer : fille diminuée et souillée, visite morbide dans un parc d’attraction, voyage dans un train fantôme avec des projections d’images de Barbara à l’agonie. Face à tous ces traumatismes, la philosophie du super vilain est simple : lâcher prise, tout prendre avec le sourire et se laisser sombrer dans l’irrationnel pour supporter la très glauque réalité.

…à rapprocher de :

– Si vous vous intéressez en particulier au personnage du Joker, il y a le sublime Joker, d’Azzarello et Bermejo.

– Snyder et Capullo ont fait un hommage à Red Hood/Jokerde dans la première partie de L’An Zéro – sympathique mais sans plus.

– Neil Gaiman livre une version toute personnelle mais séduisante de l’origine du Joker dans Qu’est-il arrivé au Chevalier noir ?

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Didier Decoin - Est-ce ainsi que les femmes meurent ?Roman tiré d’un fait divers qui en a choqué plus d’un dans l’Amérique des années 60, il y a de quoi être pessimiste sur la nature humaine : une femme, abusée (et finalement tuée) pendant de longues minutes, n’a suscité aucune réaction de la part de témoins directs. Style journalistique correct mais loin d’être parfait, à lire pour faire briller sa culture G.

Il était une fois…

Un soir de mars 1964, à New-York, Catherine « Kitty » Genovese est assassinée, poignardée à de nombreuses reprises par un dingue. Son meurtre a duré plus d’une demi-heure, et pendant le calvaire elle n’a pas été silencieuse. Dans la rue où le terrible évènement est arrivé, pas moins de trente-huit témoins auraient entendu son déroulement. Personne n’est intervenu. Comment en arriver à tant d’indifférence ?

Critique d’Est-ce ainsi que les femmes meurent ?

Le Tigre, qui a (aussi) rédigé une thèse dans le domaine de la sociologie, ne pouvait passer à côté de cette œuvre. L’histoire d’une femme (qui a tout pour elle) sauvagement tuée dans une ruelle du quartier Queens alors que des dizaines d’individus ont plus ou moins assisté à la scène depuis chez eux, il y a de quoi réfléchir non ?

C’est ce que fait Didier Decoin en analysant les raisons pour lesquelles personne n’a agi, et ce pour chaque témoin. Le meurtre a donné lieu à une courte manchette dans le canard du lendemain, avant que d’autres médias s’emparent de l’affaire et font sortir Kitty de l’anoymat. Un par un, le lecteur découvrira l’emploi du temps des voisins, leurs « alibis » pour ne pas avoir appelé la police. L’identification du tueur, le procès, les dires des témoins, l’auteur raconte tout.

Sur le texte même, ce n’est pas si éprouvant à lire, même si l’histoire paraît au premier abord scandaleuse. Les descriptions sont bien rendues, le psyché des personnages est parfait, pour moins de 200 pages ça se lit rapidement. Hélas quelques maladresses de style et des longueurs passagères sont à déplorer, ce n’est pas la grande littérature à laquelle l’auteur nous avait habitué (exemple du Goncourt John l’Enfer).

Pour finir, Le Tigre (qui a lu beaucoup sur cette affaire) se doit de signaler quelques controverses qui gravitent autour de ce meurtre. En effet, l’auteur s’appuie sur quelques articles du NYT qui sont sujets à discussion. Le nombre de témoins, d’abord, semble avoir été exagéré. Comme leur passivité, eu égard le bruit habituel (présence d’un bar) dans la ruelle. Ce qui fait de ce titre non pas une histoire à prendre au pied de la lettre, mais comme l’illustration de travers (cf. infra) étudiés en sciences sociales.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le syndrome Kitty Genovese, ou l’effet du témoin. Je ne vais pas vous bourrer le mou (d’autres sites le font mieux que moi) sur ce syndrome, seulement rapporter ce dont je me souviens dans cet ouvrage : chacun voit ce qui se passe, seulement ils se disent que quelqu’un va intervenir. Puisque tous sont dans cet esprit, rien n’est susceptible de se produire. Plus le nombre de témoins augmente, plus la probabilité d’action est faible, le regard des autres jouant un rôle non négligeable.

Face à cette « dissémination » de responsabilité entre les protagonistes, il paraît compréhensible que chaque personne ne se sente pas investie de la « mission » de sauvetage. Du coup, pour la victime, il peut être utile d’impliquer les témoins. Bref, si vous vous faites emmerder dans un lieu public, demandez directement à des passants de vous aider, pointer les du doigt et interpellez-les directement (ou autre acte se rapprochant), vous aurez sûrement plus de chances que la pauvre Kitty.

…à rapprocher de :

– Un film a été tiré de ce roman, 38 témoins, réalisé par Belvaux.

– Sur un assassinat qui aurait largement pu être évité, Tigre pense à l’immense Gabriel García Márquez et sa Chronique d’une mort annoncée. C’est court et bon.

– Sur une femme qui en prend plein la gueule sans que ses proches n’interviennent, Darling de Teulé est tout aussi choquant.

– De Teulé encore, est-ce ainsi qu’un jeune homme meurt ? dans Mangez-le si vous voulez.

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Morrison & Murphy - Joe, l'aventure intérieureVO : Joe the Barbarian. De la part de Grant Morrison au scénario, je m’attendais à quelque chose d’un peu mieux. Joe, amoindri par manque de sucres dans son organisme, va lutter dans un monde onirique pour s’en sortir. Certes c’est très beau, avec un dessin auquel il n’y a rien à redire, mais ça ne m’a pas plus transcendé que cela. Expérience unique quand même.

Il était une fois…

Le Tigre va copier-coller le quatrième de couverture dans la mesure où je n’aurais pu faire mieux. Pas par fainéantise, paaaas du tout. Jugez d’après la longueur du texte : « Joe est un jeune garçon diabétique qui vient de perdre son père. Il doit déménager sous peu de la maison qu’il occupait avec sa mère. Mais lors d’une crise d’hypoglycémie, Joe va se retrouver projeté dans un monde d’heroic fantasy et partir dans une quête intime et fantastique pour assurer sa survie. »

Critique de Joe, l’aventure intérieure

Grant Morrison est un grand auteur qui sait envoyer du rêve, dans L’aventure intérieure cela ne maque point même si Le Tigre a eu du mal à entrer dans le comics. Comme tout « futur classique », sans doute me faut-il le relire plusieurs fois pour apprécier ladite aventure.

Le scénario est intelligent et mérite qu’on s’y arrête : Joe vit avec sa mère dans une baraque que les huissiers sont prêts à lui retirer. Diabétique et ignorant les dangers de sa maladie, le jeune héros va se faire voler ses sucreries par une bande d’individus adeptes du « bullying ». Arrivé chez lui, il est aux prises avec un choc à cause du manque de sucre. Naviguant entre malaises successifs et délires, c’est une odyssée que le lecteur s’apprête à lire.

En effet, à partir de simples divagations d’un gosse, Morrison nous emmène dans un univers déjanté qui reprend intelligemment les canons de la fantasy : noms d’individus exotiques, missions et intrigues qui partent dans tous les sens. Mais à la seule différence qu’on sent poindre l’auto dérision dans certains termes (par exemple, la lâche fuite d’individus qui est invoquée en des mots fort précieux). Hélas, à trop verser dans ce genre, Morrison a plus qu’une fois ennuyé Le Tigre qui n’aime guère être baladé de combats en scènes de réflexion souvent indigestes.

Sur le dessin, il faut applaudir à deux mains Sean Murphy pour son travail quasi titanesque. Les personnages, mais surtout décors environnants sont parfaitement réalisés. Certaines cases prennent la place (un gros tiers de la planche) suffisante pour qu’on admire le travail. En sus, la fin de l’œuvre regorge de bonus sur le rendu de l’architecture (sublime) de la baraque du petit. Petite pensée pour le coloriste également qui a du sacrément en baver avec les illustrations encrées de Sean.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le voyage intérieur. Intérieur car tout ce qui arrive à Joe est le fruit de son imagination. L’univers pensé par l’enfant tourne autour de lui, puisqu’il est le fameux « Garçon Mourrant » qu’une prophétie a annoncé. A partir de là les protagonistes vont soit le respecter, le craindre ou vouloir le tuer pour la menace qu’il représente. Là où on se régale, c’est en cherchant les liens entre le monde réel et celui imaginé par le héros. Si son rat devient un fier guerrier bien balèze (facile à déduire), les ennemis ou les environnements variés dans le monde fantaisiste renvoient tous à des éléments de la maison de Joe. Un simple robinet non fermé devient une cascade gargantuesque, les figurines et autres jouets s’animent et prennent des proportions que seul un enfant peut se représenter.

La quête. Joe est à la recherche de sucres, à savoir boire un soda. Cet objectif prend une tournure épique pendant les hallucinations du gamin, car trouver une boisson nécessite d’allumer une lampe (et rendre au monde onirique sa lumière perdue) et d’autres « sous missions ». Là où j’ai été agréablement surpris, c’est lorsque Grant fait le lien entre l’aventure intérieure et celle extérieure, à savoir clarifier les liens que Joe entretenait avec son père décédé et faire en sorte que la famille monoparentale ne soit pas délogée. Sans spoiler, la fin apporte une réponse émouvante et finement imaginée : ce que voit l’enfant dans ses délires peut constituer de puissants indices pour affronter la réalité. Comme lorsqu’on rêve en fait.

…à rapprocher de :

– De Grant Morrison, Le Tigre a surtout lu ses reprises de Batman, et il y en a un joli paquet. En vrac : L’héritage maudit, Batman R.I.P ou Nouveaux masques.

– Grant M. est aussi à l’origine de Happy !, avec Darick Robertson aux pinceaux. Sans plus.

– De Sean Murphy, il y a American Vampire Legacy, que je me dois de résumer rapidement. Et t Punk Rock Jesus, qui est correct. Sans plus, à cause du dessin.

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Les Sutras du TigreLecteur exigeant, tu es parvenu, sans doute grâce à mes modestes conseils, à lire tes livrés préférés la musique à fond les ballons. Hélas ce mélange des sens n’est pas optimal et tu sens que tu merdes sur les deux tableaux. La raison ? Une grave inadéquation entre le morceau musical et l’œuvre littéraire. Le Tigre est là pour te montrer la voie.

Quoi, et pourquoi ?

Petit Sutra aux allures plus sonores que littéraires, Le Tigre s’éloigne provisoirement de son territoire de prédilection pour aller chiner du côté des walkmans (chacun ses références).

Le conseil général est de ne pas se rater lorsqu’on lit en écoutant de la musique. Une communauté de rythme, des affinités de style sont strictement nécessaires dans ces deux arts pour vivre une expérience intellectuelle d’une intensité maximale. Que ce soit la lecture ou l’écoute, chaque domaine doit nourrir, et se nourrir, de l’autre. S’ensuivra une émulsion exponentielle qui n’aura d’égale que celle de la recherche spatiale entre les states et l’urss dans les années 50 et 60.

Avant de démarrer la leçon, je préfère prévenir avant de décevoir : Le Tigre fera appel à de nombreux artistes dans le champ musical, et indiquera l’auteur ainsi que le morceau. Si je possède les albums, ne comptez pas sur moi ni pour les laisser en libre écoute ni faire les liens sur deezer ou youtube. Pour l’un, Hadopi va me tomber sur le râble aussi sûrement que la lettre de déclaration de l’IR. Pour l’autre, une incompressible flemme me hante. Ce sutra est donc à lire, pour le meilleur et pour le pire, avec un site d’écoute de musique ouvert sur une autre fenêtre de votre navigateur.

Quel types de musique pour quels auteurs ?

partie, la plus importante, va s’intéresser à quelques genres de musique et leur attacher les types d’auteurs qui sont, selon Le Tigre, adéquats. Une petite dizaine de genres, ça vous convient ?

1/ Le rock & roll : les péripéties qui swingent bon l’oldschool

Le rock & roll, c’est selon moi un style entraînant et au demeurant assez souriant : des notes endiablées d’un Jerry Lee Lewis à la BO de Grease, ça donne furieusement envie de bouger son popotin et prendre son balai (lorsque le chat n’est pas dans le coin) pour enchaîner quelques passes d’une technicité certaine. Un livre entre les mains, ne pas se planter de partenaire au risque de passer un mauvais quart d’heure.

Quart d’heure américain plus particulièrement : pour être dans l’ambiance, Le Tigre propose de taper dans le roman noir anglo-saxon, du style hard boiled comme un James Hadley Chase ou un Jim Thompson. Vocabulaire fleuri, rapide enchaînement des péripéties, en outre les décors des années 30 aux sixties correspondront parfaitement à ces sonorités. Le folk passe bien également.

2/ Le rock progressif : les longs riffs planants des chapitres transcendants

Pink Floyd, Nirvana (pas vraiment ce genre, mais ça colle avec l’ambiance), Genesis (Phil Collins surtout), que des mélodies envoûtantes un peu perchées. Pour être un peu plus propulsé dans la stratosphère, Le Tigre vous conseille des romans de SF ou de cyberpunk qui s’affranchissent de toute frontière : Maurice G. Dantec, Le Temps du twist de Joël Houssin, quelques Alastair Reynolds ou Peter F. Hamilton…

Ainsi, les longs riffs efficaces (Jimmi Hendrix en étant l’ordonnateur principal) s’accorderont parfaitement avec l’univers littéraire de certains auteurs qui s’acharnent à décrire un monde sombre et vaste où chaque protagoniste se sent un peu seul. Cela ouvrira encore plus vos horizons et l’empathie vis-à-vis des héros s’en trouvera augmentée.

3/ L’électro : électricité et subversion

Le Tigre s’intéressera à un sous-genre de l’électro, à savoir les titres froids et métalliques que certains nomment « cocaïnofères » puisque se savourant en boîte de nuit sous l’emprise de substances illégales. Comme plusieurs écrivains traitent de tels sujets (voire ont consommé), quoi de mieux que faire passer en boucle des sons

Sur les livres, je vous propose ceux d’Irvine Welsh, Bret Easton Ellis, Chuck Palahniuk ou Will Self. Tous présents sur QLTL. L’anticipation sociale en fait, avec une narration atypique souvent décousue faite de petites phrases et références culturelles underground. Quant à la musique, Vitalic (La Rock, Newman, Poney EP) et Miss Kittin (Stock Exchange, 1982,…) sont plus qu’appropriés. On peut mettre aussi du Vive La Fête (Assez est sublime), Robots in Disguise ou Felix da Housecat.

4/ La pop music et la new wave : joyeux et frais, books on the beach

La new-wave, un des genres préférés du Tigre. Je pourrai vous faire suer des heures avec la musique des eighties…bon, juste un peu alors : Depeche Mode, Fake (Brick), The Cure, Joy Division, Fancy (mon quota allemand), Alphaville. Et tant d’autres. Les boites à rythmes, les mélodies aguicheuses et terriblement addictives, martyriser de pauvres synthés, il est difficile de s’en lasser. Alors quel type de livres se coltiner avec d’aussi mélodieux extraits ?

Il faut quelque chose qui ne soit définitivement pas « prise de tête » : style léger et amusant, pas de phrases qui dépassent trois lignes, des scénarios qui mettent du baume au cœur, bref le roman à lire sur la plage. Et pas un magazine. Pour ce qui daigne venir à l’esprit fécond du Tigre, il y a les titres d’Arnaud Le Guilcher, les notes du blog de Boulet, quelques sucreries d’Hunger Games ou les œuvres de fantasy de Pratchett.

Autre exemple, l’inénarrable Beigbeder qui se laisse parcourir sur une playa à Ibiza avec Chase de Giorgio Moroder (qui fait partie de la BO de Midnight Express). L’auteur en parle lui-même de ce titre dans quelques uns de ses romans. Le Tigre préfère le remix de ce morceau par Vitalic au passage.

5/ La trance (goa ou classique) : son organique pour littérature orgasmique

La trance epic ou psychédélique, ce sont des morceaux de 8 à 12 minutes au rythme assez violent avec une montée en puissance progressive. Parmi les meilleurs, Infected Mushroom (Dancing with Kadhafi est sublime), Sesto Sento ou encore Astral Projection. X-Dream se défend bien en outre. Des sons pour la plupart assez spéciaux, le plaisir ne vient souvent qu’après au moins deux écoutes. Comme certains auteurs d’ailleurs.

Les écrivains se mariant bien à la « psy » sont ceux qui repoussent les frontières de la narration jusqu’à perdre le lecteur lambda. Les mecs (ou femmes, pas de raison) dont on sent qu’ils avaient l’esprit passablement embrumé pendant qu’ils pianotaient sur leur clavier à un rythme indécent. Résultat, le style est rapide et sec avec des débordements descriptifs un poil déjantés. Cette race d’auteurs est plutôt rare, avec en tête de file Hunter S. Thompson ou quelques Sandman de Neil Gaiman (en BD, attention).

6/ Le reggae et autres musiques à bas tempo : rien ne presse

Il n’y a pas que Bob Marley dans la vie, y’a aussi The Wailers, UB 40 voire le dub en général. Dans la plupart des cas, les BPM (battements par minute) sont les mêmes que celui du cœur humain au repos. Impression de synchronicité entre votre métabolisme et la musique, il est possible de la renforcer en faisant péter quelques auteurs qui se la coulent douce. Les écrivains monotones sont hélas rares, le dieu de la littérature ne laissera sûrement pas passer cela.

Pour cela, Le Tigre pense avant tout à la poésie. Légers et courts, les versets d’un Baudelaire, Keats ou Char se marieront à merveille avec le reggae : la coolitude de cette musique faite de samples répétitifs me semble être une invitation à savourer chaque terme, les intégrer et les relire autant de fois qu’il est nécessaire. Ou alors un livre particulièrement long (et dur à suivre souvent), comme un bon vieux Zola ou Les Bienveillantes de Littell.

7/ La musique d’ascenseur : l’easy listening au service de l’easy reading

Le pire pour la fin, avec les écrivaillons qui sont à la littérature ce que Picard est à un chef étoilé. Si Le Tigre est une quille en ce qui concerne le classique, la musique d’ascenseur n’a point de secret pour ma bibliothèque : les compils Buddha Bar ou Cafe Del Mar, Dimitri From Paris, St Germain (pas les titres house), Steph Pompougnac, Alphawezen (Days et Freeze me font pleurer de bonheur), on oublie parfois que la sono tourne à plein régime. Or il est des bouquins qui procurent le même état de passivité béate.

Ces livres, ce sont ceux régulièrement pondus par les auteurs que Le Tigre nomme affectueusement « du dimanche ». Vous savez, ce glorieux jour où Dieu a décidé de ne plus en foutre une ? La littérature facile, vous savez de qui il s’agit avant même que j’évoque leurs noms : Levy, Musso, Pancol, Nothomb, Coben, de bons souvenirs certes, mais hélas périssables. Cette ultime association du présent post, c’est un peu le repos de votre guerrier de cerveau qui demande à vidanger le trop-plein de la journée.

Conclusion en fa dièse

Article fort subjectif qui me donne envie d’ouvrir une plateforme d’écoute d’extraits musicaux. Plus tard peut-être. Sutra #55, car il faut rester dans la logique des sutras #54 et #56. Délices du hasard, en 1955 le rock & roll battait son plein grâce aux excellents Little Richard et Chuck Perry.

Jean Teulé - Les lois de la gravitéJean Teulé, avec ses romans courts et souvent inimitables, s’attaque encore à un fait divers. Ici, un huis clos d’une rare intensité (jusqu’à la violence) entre une femme qui souhaite payer pour le meurtre d’un mari abject et le policier qui ne veut la laisser se livrer. Pas le meilleur titre de l’auteur, mais en 120 pages pourquoi se plaindre ?

Il était une fois…

France, dans une grise ville en pleine Normandie (décidément Jean T. aime cette région). Une femme s’extrait de son HLM et entre, en pleine nuit, dans un commissariat pour avouer le meurtre de son mari (et déguisé le forfait en accident). Comme elle a commis cet acte il y a dix ans jour pour jour, dans quelques heures la prescription fera qu’elle sera inatteignable. Prise de culpabilité, la femme veut se livrer, ce qui n’est pas du goût du fonctionnaire Pontoise qui ne veut dresser de procès verbal. S’ensuit un long échange qui tourne aux confessions entre les deux individus.

Critique des Lois de la gravité

Le Tigre a été bien déçu par rapport à ce que m’offre, régulièrement, le père Teulé. Encore tirée d’une histoire vraie, c’est une œuvre sombre et parfois glauque qui m’a fait penser à Darling. En effet, la misère humaine, qui fait écho à l’environnement normand peu accueillant, est plutôt bien rendue.

Le scénario est simple, à savoir une femme qui se présente pour se faire arrêter avant que son crime ne soit prescrit. S’ensuit une longue discussion entre le flic qui l’accueille et la « meurtrière ». Si les dialogues restent plutôt bons, quelques descriptions m’ont hélas semblé un peu poussives. Un peu comme les interminables prises de paroles d’individus d’Amélie Nothomb, Le Tigre n’est pas complètement parvenu à se représenter les personnages de manière crédible.

La femme qui veut à tout pris qu’on lui passe les menottes déjà, et qui débarque quelques heures avant la prescription, bizarre. Le flic passablement drogué et un peu trop cynique à mon goût, ça sent trop le réchauffé hélas. Mais, pour 25 minutes montre en main de lecture, ce n’est pas comme si le lecteur aura l’impression de perdre son temps.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le dialogue de sourds. Les deux protagonistes ne sont pas d’accord sur la marche à suivre, chacun campant soigneusement sur ses positions. Personne ne veut lâcher, et, la fatigue aidant, le dialogue s’envenime au cours de la nuit. Le titre de Jean est bien choisi. Outre la loi de la prescription, au centre du suspense, il y a la gravité qui fait que deux corps de masse conséquente viennent à se rejoindre. Lesdits corps, ce sont deux visions de la justice et du devoir. Analyse toute personnelle vous en conviendrez.

La violence conjugale. C’est un thème qui revient de temps à autre dans des romans de qualité (Trois femmes de Boston Teran par exemple). Dans Les lois de la gravité (gravité des poings qui s’abattent sur la chair ?), la femme décrit un mari d’une violence inouïe qui la bat. Ainsi que les gosses. Marquée également dans l’esprit, l’héroïne parvient à décrire avec précision, une décennie après pourtant, les terribles tourments qu’étaient les siens.

…à rapprocher de :

– De Teulé, rendez-vous ici : L’œil de Pâques ; Darling (coup de cœur) ; Longues Peines ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).

– Sur les affres que peut subir une jeunes femme, jusqu’à la mort, il y a Est-ce ainsi que les femmes meurent ? de Decoin. Édifiant.

– Il paraît qu’un film est sorti, avec la belle Marceau dans le rôle de la femme (pas facile de l’enlaidir pour le rôle j’imagine). J’attends vos commentaires.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

James Hardley Chase - Pas d'orchidées pour Miss BlandishVO : No Orchids for Miss Blandish. Classique du roman hard boiled à l’américaine (même si Chase est anglais), voici un titre qui condense magnifiquement les aspects du genre : héros débrouillard et pauvre, inefficacité et bêtise ambiante, violence de toute part et nombreuses péripéties. Tout ça pour une pépée qui n’en fait qu’à sa tête.

Il était une fois…

Miss Blandish est une fille à papa sur le point de se marier. A la sortie d’une petite soirée, la jeune femme est enlevée par des petites frappes qui en veulent à ses bijoux. Sauf que des malfrats un peu moins gourds sont au courant et décident de kidnapper en bonne et due forme la miss. Rançon faramineuse versée, la belle n’apparaît toujours pas. La police étant à la rue, le riche père fait appel au privé Fenner pour y voir plus clair.

Critique de Pas d’orchidées pour Miss Blandish

Le Tigre a passé un bon moment sur cet ouvrage (ça me rappelle un proverbe) et ne peut que vous conseiller de goûter Pas d’orchidées…, digne représentant d’un genre qui a inspiré plus d’un écrivain. C’est le roman noir anglo-saxon des années 50 par excellence. Et qui n’a pas trop vieilli, sans doute grâce à une traduction plutôt bonne qui n’a pas fait du San-Antonio.

Sur l’histoire, il ne faut pas s’en vouloir d’oublier l’intrigue après quelques mois. C’est presque fait pour. Tout ce qui faut retenir, c’est qu’un détective privé va essayer de résoudre le sac de nœuds de la disparition d’une riche héritière. Entre les différents kidnappeurs et même les « gentils » (le héros, dans une moindre mesure) qui jouent double jeu, je vous laisse imaginer qu’en 300 pages on saute gaiment de révélations en révélations.

L’écriture est rapide, disons que Chase ne s’emmerde pas à planter pendant des paragraphes le décor. Seule compte l’action, et grâce à des personnages bien trempés il y a de quoi faire – notamment la fameuse « Ma Grissom », qui n’est pas sans rappeler une criminelle américaine ayant sévi jusque dans les années 30, Ma Barker. Sur le vocabulaire employé, l’écrivain possède une maîtrise totale pour permettre une expérience d’immersion satisfaisante : lieux crédibles, dialogues argotiques, expressions fleurant bon le redneck, c’est un fort joli voyage dans l’Amérique des fifties.

A lire si on est intéressé par le genre (ou si on caresse l’idée de découvrir celui-ci). Pour ma part, ce fut le début d’une longue série.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le roman qui démarre sur les chapeaux de roue. Il s’agit du premier titre de l’auteur, et pour un début il convient de reconnaître qu’il n’y a rien à redire. Le gros des ingrédients est là c’est dingue : vocabulaire fleuri, descriptions en peau de chagrin, rebondissements aussi nombreux que variés, presque du cirque ! Et JHC ne s’est pas arrêté en si bon chemin puisqu’il fait preuve d’une productivité digne d’un stakhanoviste littéraire. Hélas la suite ne semble plus aussi percutante, à moins que la même recette servie encore et encore ne rende la lecture plus fade.

Le livre-piège du blogueur. Y’a deux-trois trucs qui me chiffonnaient dans ce texte et que j’ai du vérifier. D’abord, eu égard les descriptions je pensais l’auteur américain alors que c’est un rosbif qui n’a jamais mis les pieds aux EUA. Au temps pour Le Tigre qui s’apprêtait à classer le roman dans la mauvaise catégorie. Fâcheux. Ensuite, j’imaginais que tout cela se situait dans le midwest d’après guerre. Perdu encore, ça a été écrit en 1939, sauf que l’écrivain l’a remanié dans les années 60 pour coller à son nouveau lectorat. En faisant gaffe sur cet ouvrage et en corrigeant in extremis deux belles conneries, Le Tigre n’ose imaginer les niaiseries qui peuplent QLTL.

…à rapprocher de :

– Du même auteur, Vipère au sein est excellent. Un peu plus long, c’est pourquoi ce titre n’a pas la meilleure note (alors que, paradoxalement, c’est un de mes préférés).

– Dans le style hard boiled, il y a Jim Thompson. Par exemple 1275 âmes. Ou Éliminatoires, tant qu’à avoir des femmes loin d’être des potiches.

– La pépée fatale, c’est aussi les deux nouvelles dans Le sac de Couffignal, de Dashiell Hammett.

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Arnaud Le Guilcher - Pas mieuxAprès un excellent premier roman, Le Tigre se devait de poursuivre la saga. Encore du très bon malgré un début un peu « diesel » (qui met du temps à chauffer) et une fin hautement improbable. Au menu : retour de la chérie avec un gosse, chaines de ponzi, fétichisme sexuel, avocats véreux et NYC en folie. Le style, jouissif, pardonne le reste.

Il était une fois…

Quinze années après le désastreux final des péripéties de notre héros (dont on ne sait toujours pas le nom), voilà que son existence va reprendre du poil de la bête : sa femme rapplique, avec un ado…son fils ! Le train de vie changeant, le père va devoir trouver de quoi subvenir aux besoins de sa famille, quitte à monter des combines avec son ami. Mais le fiston a des ressources cachées…

Critique de Pas mieux

Un roman qui se lit en une heure et demi à tout casser, d’excellents passages, un peu d’émotion, Pas mieux est un plaisir de chaque instant pour le lecteur qui en a marre de lire du San-Antonio. En outre, il faut mieux lire le premier opus (cf. infra) pour maîtriser tous les protagonistes et leurs menues tares. Chose sympathique, la fin annonce (encore) une suite, les zygomatiques sont prévenus.

Sur le scénario, quelques nouvelles têtes : un chien alcoolique ; le neveu de la vieille japonaise, jeune geek à la sexualité particulière ; mais surtout le fils du narrateur, gothique d’une quinzaine d’années que le héros appellera Commmoi (« commtoi » étant la réponse de l’intéressé lorsqu’on lui demande son prénom). Or ce jeune homme torturé est plein de surprises (je n’en dirai pas plus) et entraînera la petite troupe dans des aventures fantasques. Sur le retour mystérieux d’Emma (la mère) et son étrange comportement, la vérité éclora progressivement.

Sur le style, c’est du Le Guilcher tout craché : des métaphores et comparaisons de qualité, des termes qui font mouche plus d’une fois. C’est souvent drôle, avec parfois des phrases qui méritent réflexion. Je ne peux résister à vous sortir deux exemples marrants parmi tant d’autres :

Commmoi » était la branche Al-Qaïda de mon arbre généalogique.

Les notices d’Ikéa, même un grizzli en phase terminale d’Alzeimer comprend.

Toutefois, on peut reprocher à l’écrivain d’être, sur le dernier tiers du roman, parti dans toutes les directions : le NYC excessif avec ses cas sociaux (le restaurant où on ne sert que des espèces protégées, la drogue tout azimut), les stars planquées, la mise en place de savantes combines financières, la maladie d’un proche,…c’est un peu too much en fait. Mais bon, en moins de 300 pages le plaisir reste entier. Même si j’ai préféré la surprise littéraire du premier roman d’Arnaud.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La relation père-fils. Le jeune tout de noir vêtu est terriblement déçu en apercevant son daron qu’il idéalisait, et c’est réciproque. Prêts à en venir aux mains dans les premiers chapitres, le héros parvient peu à peu à apprivoiser le « hibou » jusqu’à se comporter comme un vrai chef de famille. Mais c’était loin d’être gagné. Comme le dit à peu près le narrateur, « la colle pour rabibocher les liens n’est pas disponible dans un Wall-Mart ».

Les arnaques financières. Pour renflouer le pressing qui prend l’eau (au sens propre comme figuré) et assurer niveau dollars par rapport à sa famille subitement élargie, le narrateur se voit proposer par Richard (un ami d’une rare fainéantise pourtant) un système calqué sur les conneries de Madoff. Si les débuts sont plutôt modestes, nos amis traitent vite avec des millions de dollars. Ils étoffent leur équipe (avec des membres du staff d’Obama qui s’est fait dégager par Palin en 2014, sic), font appel à des stars bien sous tout rapport et se plient aux demandes plus pressantes de la SEC (l’AMF version U.S.). Ce qu’il adviendra de leurs affaires n’est pas vraiment crédible, une pirouette digne du scénario global.

…à rapprocher de :

– Lire d’abord, comme indiqué, En moins bien avec le même narrateur. Pile entre deux semble être la suite du présent roman.

– Si vous aimez ce style, vous devez alors connaître Les vacances de Bérurier, de Frédéric Dard (sous le pseudo de San-Antonio).

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Kenzaburô Ôé - Notes de HiroshimaVO : Hiroshima noto. Ôé, Nobel de littérature, a couvert au milieu des années 60 les commémorations de l’attaque atomique d’Hiroshima. Et en a écrit des notes d’un humanisme profond. Essai nécessaire pour mieux saisir les problématiques au Japon découlant des bombes atomiques, en particulier le sort des irradiés (les hibakushas).

De quoi parle Notes de Hiroshima, et comment ?

Kenzaburô Ôé a effectué son premier voyage à Hiroshima lors de l’été 63, et pendant deux ans y retournera de temps à autre en écrivant ses impressions à chaque fois. Si au début c’était pour suivre la Conférence mondiale contre les armes nucléaires, il va progressivement prendre contact avec les associations d’irradiés, les malades eux-mêmes et quelques médecins du coin.

Ainsi, le début de l’œuvre m’a plutôt déçu, pour ne pas dire ennuyé, puisque l’auteur s’attache à décrire les bassesses politiciennes lors de la Conférence pour la paix. Notamment la fameuse phrase « …quelque soit le pays », source de scission entre les mouvements pacifistes : certains veulent interdire l’arme nucléaire et les essais à tout prix, d’autres préfèrent laisser aux pays du Sud et du bloc communiste pouvoir jouir d’un arsenal pour se défendre contre l’Ouest.

C’est donc à partir du second chapitre (il y en a sept) que Kenzaburo prend le sujet à bras le corps et va à la rencontre de quelques acteurs (victimes plutôt) de la tragédie. Médecins présents lors de l’explosion et qui, malades, vont aider les autres ; jeunes femmes défigurées vivant recluses chez elles ; homme qui lutte vers la mort (et pas contre, celle-ci étant inévitable) et décide de travailler jusqu’à épuisement ; pédiatre qui a fait une thèse en tant qu’étudiant sur les statistiques de leucémies, etc. Sur 270 pages, une bonne centaine transcrit des témoignages ou histoires assez dures de ces personnes.

Il en ressort quelque chose d’assez décousu, avec de nombreuses répétitions, bref un ouvrage que j’aurai pu facilement lâcher si celui-ci ne traitait pas d’un sujet aussi intéressant. Le Tigre a eu raison de s’accrocher, car sans prévenir quelques passages sont plus qu’éclairants tandis que d’autres sont à couper le souffle tellement ils sont émouvants (par exemple, la fiancée d’un irradié décédé qui décide de l’accompagner en commettant un suicide, le tout avec une dignité presque choquante).

Les notes en bas de pages aident certes, mais il s’agit d’un ouvrage qui ne peut se lire sans avoir une bonne connaissance du contexte. Dernière remarque : l’essayiste nobelisé a terminé d’écrire ses notes en 1965, et il a fallu attendre 1996 pour la traduction française. 30 piges d’attente pour une telle œuvre d’importance, il y a de sérieuses lacunes dans la « chaîne de commandement » de l’édition française…

Ce que Le Tigre a retenu

La censure. Les Américains ont mis un certain temps avant que les Japonais aient le droit de savoir de quoi il retourne. Jusqu’au milieu des années 50, la presse et l’édition en général ne pouvaient aborder cet épineux sujet. Plongés dans l’ignorance entretenue par la lénifiante propagande locale faisant état d’effets secondaires minimes, les malades ne saisissaient pas complètement ce qui leur arrivait. En outre, les structures mises en place (l’ABCC particulièrement) étudiaient le phénomène de loin mais sans proposer le moindre traitement ni aide. Quant aux soins, on s’activait sur les symptômes et non la cause de la maladie.

La honte. Sûrement l’aspect le plus choquant lorsque des gens se cachent chez eux (ou en groupe au fond d’un fossé) pour ne pas offrir le spectacle de leurs déchéances à leurs contemporains. L’auteur s’interroge sur les trop nombreux cas d’individus qui préfèrent se suicider dès que les symptômes de l’irradiation se font connaître, ou comment en arriver à inconsciemment porter une certaine culpabilité. Heureusement il y a ceux qui refusent le suicide, les gens qui continuent à exercer leur métier ou couchent sur papier (textes, dessins) leurs impressions, contribuant de facto à construire l’Histoire afin que l’horrible expérience des bombes ne se reproduise plus.

…à rapprocher de :

– Du même auteur, avec un sujet comparable mais en plus romancé, il y a Dites-nous comment survivre à notre folie.

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