Martin Amis - Chien JauneVO : Yellow Dog. Un accident de parcours, ça arrive à tout le monde non ? En voilà un autre pour le lecteur Tigre qui n’a su terminer ce roman d’anticipation sociale. Certes c’est bien écrit, souvent drôle avec un vocabulaire qu’on rencontre peu, mais ça s’arrête là. Trop long, fourre-tout et difficile à suivre, le plaisir de cette lecture peine à se manifester. Dommage.

Il était une fois…

Dans un avenir plus ou moins lointain, la langue de Shakespeare est devenue la lingua franca du porno. Et ce domaine se porte très bien, au point de lutter contre une autre institution (en perte de vitesse cette fois-ci) qu’est la monarchie anglaise. Le héros, Méo de son nom (si me souviens bien), subi une violente agression et tente de se reprendre dans un pays qui part à vau-l’eau.

Critique de Chien Jaune

Martin Amis est un auteur qui s’essaie souvent (cf. infra) à de nouvelles expériences d’écriture, hélas avec Chien Jaune je n’ai su apprécier (à mon grand tort sans doute) l’imagination débordante de l’écrivain britannique. Petit mot sur le titre, car je n’ai pas vraiment saisi sa portée. Dans mon imaginaire, le chien jaune est soit un roman de Simenon, soit le trouffion sur le pont d’un porte-avions qui s’occupe de faire décoller et atterrir les zincs. Habillé de jaune pour qu’on le repère, j’en ai hélas rencontré aucun dans cette œuvre.

C’est tout relatif, parce qu’à la 300ème page j’ai tout simplement décidé d’arrêter les frais. Peu de chapitres, un style dense, ma patience a été mise à rude épreuve. Deux centaines de pages de trop, et en plus sur les trois cinquième lus je crains d’avoir loupé quelques wagons. Il est question d’une prétendante au trône d’Angleterre qui apparaît dans une vidéo porno (assez sordide), et du protagoniste principal à qui il arrive tout un tas d’aventures qui n’ont ni queue ni tête.

Comme souvent chez cet auteur, tout cela est fort bien écrit avec quelques fulgurances intellectuelles qui raviront tout lecteur exigeant. Mais impossible d’entrer pleinement dans ce titre et se laisser porter, Tigre en a eu marre de se faire trimbaler dans tous les coins sans savoir parfois de quoi il retourne. En ce qui concerne les thèmes, vous comprendrez que ceux-ci peuvent être incomplets en plus d’être passablement incorrects, n’ayant pas pu découvrir le dernier mot.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La pornographie dans tous ses états. C’est idiot, mais les passages sur lesquels je me suis immanquablement accroché sont ceux où Martin Amis décrit les actes sexuels en long et en large. Et faut dire qu’il y va fort le pervers pépère, il touche à tous les tabous en plus de soumettre son lectorat à une terrible exhaustivité. Et le résultat, comme un Didier Van Cauwelaert dans Rencontre sous X, est débridé et marrant, c’est-à-dire peu bandant pour un sou.

Corollaire de cette hypersexualité prégnante, il convient de signaler que le porno et le vocabulaire associé semblent être les instruments d’un nouvel impérialisme culturel par la langue. Car l’univers dans lequel baigne le lecteur est un monde en voie d’uniformisation par le langage du cul. J’ai plus très bien saisi, cependant il y a un rapprochement (à la fois paradoxe) sous-jacent entre l’Anglais (très porté sur la monarchie) et l’Américain (qui lui s’est conçu contre la royauté justement). Ça fait partie du délire de l’auteur, hélas Tigre a vu les références lui passer sous le pif.

…à rapprocher de :

– Je me méfie un peu du père Amis, parce qu’avec The Pregnant Widow je n’étais pas non plus parvenu à terminer un de ses romans.

– Sinon, il y a La Flèche du Temps, immensément bizarre. Ou Train de nuit, qui n’est pas mal au demeurant.

– Puisque j’en parlais, Rencontre sous X, de Didier VC, sur les descriptions « porno-funs ». Voire Porno, d’Irvine Welsh (britannique, comme Amis).

Enfin, si votre librairie est fermée et que vous tenez à mieux faire que Le Tigre, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Les Sutras du TigreUn roman est-il un produit comme les autres ? Y’a le code barre et le prix dessus, donc la réponse devrait être positive. Cependant il est interdit de faire des soldes dessus, et les vols de bouquins à la tire sont plutôt rares. On penche alors de l’autre côté. Tigre, en fin politique, va couper la poire en deux : « un livre est certes un produit mais indiquer son montant sur celui-ci est déconseillé ».

Quoi ?

Vous l’aurez compris, je m’apprête à tailler sévère les éditeurs (et distributeurs du dimanche) qui impunément pourrissent les couvertures des bouquins avec des codes barres larges comme les hanches d’une strip-teaseuse yéménite.  Je vous prie de m’excuser pour le style outré, car ce sera (encore) un SCG. Les fameux « Sutras Coup de Gueule » ont tous comme unique raison d’être une malheureuse aventure livresque du Tigre. J’ai honte de la raconter, j’étais plutôt jeune à l’époque (9 ans, d’où le numéro du Sutra) donc soyez compréhensif :

Je gambadais gaiement dans une grande surface dont je tairai le nom, avec mon tonton. On était censé acheter je ne sais plus quoi, et près du rayon BD j’ai snipé une intégrale hors de prix (120 Francs !) qui me faisait rêver. Je ne sais plus comment mais je suis parvenu à la caser dans le caddie. Tonton n’a vu que du feu et j’ai détourné son attention lors du passage en caisse. Un vrai pro. Dans la voiture, je caressais l’objet qui me fera passer une bonne soirée, seul dans ma chambre. Si avec la phrase précédente votre esprit mal tourné a cru comprendre autre chose, continuez avec cette nouvelle. Ça vous passera l’envie.

Et ce fut le drame. En voulant ôter, certes vite, l’étiquette du prix au dos de l’objet, j’ai réalisé l’exploit d’arracher au moins 66 cm² de la couverture. Imaginez alors le jeune Tigre, tenant dans une main une BD doublement salopée (car je pleurais amèrement dessus) et de l’autre le code barre avec la moitié du quatrième de couverture qui pendouillait misérablement. Un vrai carnage. Le responsable du magasin avait eu les oreilles qui sifflent toute la semaine.

Voilà pour le traumatisme primaire du Tigre. Depuis, je gratte toutes mes croutes jusqu’au sang. Telle la bande dessinée que j’ai malencontreusement défigurée, mon corps n’est que cicatrices renvoyant à ma conduite hâtive.

Pourquoi indiquer le prix sur un livre ?

Un livre est censé représenter un objet hors du temps (sauf quelques essais bien entendu), un autoréférenciel d’une correcte autonomie qui entraînera le lecteur dans un univers où ses petits soucis n’ont plus lieu d’être. Donc cet item ne mérite en aucun cas (sauf exception mussoéenne) une telle capitalistique association, que ce soit le prix ou de fines barres avec un code ISBN dessous. En outre, offrir un beau livre à un ami, c’est souvent lui donner un magnifique objet sur lequel le vendeur aura soit rageusement raturé le montant du cadeau, soit accolé une honteuse pastille fuchsia.

Enfin, quand mes petits-enfants, dans 60 ans, vont jeter un œil à ma bibliothèque, je n’ai pas envie de les entendre dire [et moi de répondre] :

Oh putain pépé, ça coûtait à peine un café ton intégrale de Rork. Comment ça se fait que tu n’aies pas plus de BD ? On s’emmerde nous. [Sombre idiot, c’est l’inflation].

Dis papy, ça veut dire quoi Euro après ce nombre ? [C’est ce qui a précédé le RoupiYuan (ça sonne bien non ?), petit-fils d’inculte].

Comment ôter toute mention capitaliste ?

Tout d’abord, cela me paraît clair que jamais (au grand jamais) le prix doit être imprimé sur le bouquin. Non mais puis quoi encore ? Ce sera la valeur affichée en France, en Espagne et à Bangkok. Les Thaïlandais seront ravis de voir à quel point ils se font entuber sur l’exportation culturelle depuis la France, du beau boulot (le prix des formats poche FR à Singapour par exemple, une hérésie) ! Imaginez aussi que vous décidez de le vendre moins cher (ou, pire, à un prix plus élevé), et bah avant la réédition vous aurez l’air un peu niais non ?

Le code barre peut être, à la rigueur, imprimé, et encore il faut que ça ne dépasse pas la taille de l’ongle du pouce. Cela comprix (faute d’orthographe intentionnelle), il faut extraire le principal souci, l’étiquette, qui cumule le code barre et le prix. Et cette dernière est aussi difficile à ôter que l’était ceinture de chasteté de feue (sic) Jeanne d’Arc, en plus d’occuper une place scandaleuse sous le quatrième de couverture. Voici donc quelques pistes supplémentaires :

Le premier moyen est d’avoir une discrète étiquette du prix éditeur. Une mini crotte de 3 chiffres (pas besoin de plus pour un bouquin), sans la réduction de 5% dont on se doute que celle-ci est en principe proposée par tous les vendeurs. Si l’autocollant est placé sur la tranche du bouquin, c’est encore mieux car plus aisé à retirer.

La seconde façon est de mettre en place un « tableau de prix » en France (voire l’UE) qui à chaque lettre (suivie d’un chiffre ou nom) associera un montant fixe. Affiché à tous les coins du magasin, on ne verra qu’un lettrage sur le dernier Umberto Eco qui annoncera sa valeur. Gallimard le fait, sauf que ces branques laissent les autres coller une étiquette. Triple avantage. Un : c’est discret. Deux : il suffit de changer le fameux tableau de concordance pour coller à l’inflation. Trois : on reconnaîtra les vrais lecteurs qui savent la valeur de la chose sans jeter un œil perdu vers une colonne de la librairie.

La dernière option, ma préférée, est que le libraire annonce tout simplement un montant au doigt mouillé, et surtout à la gueule de l’acheteur. Tu portes une Rolex et souhaites acheter le dernier Lévy ? 454 euros et 15 cents. Un jeune à lunettes qui veut emballer un Mary Higgins Clark pour la fête des mères ? 120 cents (cela tombe bien, ça ne vaut guère  plus). Tu ressembles à un hipster et présente à ton libraire le dernier Nothomb ? Prix d’ami, 75 euros. Une belle étudiante qui veut acheter la bio de Georges-Guy Lamotte ? Offert, rendez-vous en prime avec l’auteur.

Précieuse conclusion

Tiens, on me signale dans l’oreillette que mes mesures de salubrité publiques viennent de s’écraser face à un article du code de la consommation stipulant clairement qu’il faut clairement afficher le prix d’un bien mis en vente. Aussi je m’adresse autant au lecteur qu’au législateur en vue de réparer cette regrettable erreur juridique.

Sinon, l’éditeur et le distributeur peuvent faire comme L’Association (j’en parle rapidement dans un excellent illustré publié chez eux), qui appose à ses ouvrages une petite étiquette que, paradoxalement, je garde tellement celle-ci est fendarde. Tout y est dit :

Se refusant à imprimer sur ses livres des « codes barres » tout aussi esthétiquement disgracieux qu’éthiquement déplaisants ; et devant néanmoins, pour des raisons de logistique devenues inévitables, se résoudre à les faire figurer sur ses ouvrages au moyen d’étiquettes autocollantes vilaines, onéreuses et agaçantes ; tient à préciser que lesdites étiquettes ont été étudiées pour que leur colle n’abime pas la couverture des livres, et qu’il est donc du devoir du lecteur de les décoller du livre après acquisition, puis de les détruire avec rage et jubilation en chantant à tue-tête : « l’humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste ! »

Henning Mankell - Tea-BagVO : idem. Thème complexe, abordé sous l’angle de multiples scénarios regroupés dans une unique histoire de transmission d’expérience, voilà une preuve que Mankell ne fait pas que de vilains romans policiers. Tout cela se lit plutôt vite (chapitres courts), et on pourrait être content si ce n’était pas décevant sur la fin qui se termine en eau de boudin. Mais vu le sujet c’est un passage quasiment obligé pour l’écrivain nordique.

Il était une fois…

Le quatrième de couverture se tient, et ce serait dommage de ne pas s’en servir :

« Dans un camp de transit de la côte espagnole, les migrants attendent patiemment d’entrer en Europe. Tea-Bag, la jeune Africaine, tente d’oublier les cris de ceux qui ont péri dans le naufrage qui les a menés sur cette plage. Lorsqu’un journaliste lui offre, contre son témoignage, un voyage en Suède, l’espoir renaît. Parviendra-t-elle à infléchir le cours de son destin ? »

Critique de Tea-Bag

Tigre a lu beaucoup trop de romans de Mankell, surtout sa série avec le flic Wallander (qui est à Mankell ce que Erlendur est à Indridason). Les résumer tous ne me tente pas vraiment, aussi je préfère me concentrer sur un titre qui n’est pas un roman policier. Un polar, à la rigueur.

En effet, Henning M. semble croiser dans le domaine du dramatique avec une histoire sur les émigrés qui tentent l’Europe, et la Suède en particulier. En suivant la jeune Tea-Bag, Africaine de son état et immigrée fraîchement dans le sud de l’Europe, le lecteur aura un tableau aussi édifiant que sombre sur l’univers des clandestins dans des lieux auxquels on est peu habitué (la Scandinavie). Si le résultat est bienvenu, c’est grâce à des saynètes délivrées par des témoins qui semblent avoir réellement existés.

Et comme souvent, les témoignages doivent être pris avec une infinie précaution. Plus d’une fois je me suis demandé ce qui est vrai de ce qui a été inventé par les émigrés. Et heureusement qu’il y a leurs petites histoires (en italique), ces passages souvent caustiques constituent à mon sens le meilleur de Tea-Bag. Car le reste fait montre d’un style toujours aussi « scandinave », c’est-à-dire longuet, contemplatif et mystérieux (ça peut gonfler de temps à autre). Au final, une œuvre intéressante, toutefois sans plus. Celle-ci n’est pas trop longue, au-delà de 400 pages Tigre aurait fait la gueule.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le thème central reste l’émigration. Plutôt l’immigration de jeunes individus d’horizons divers (Leila l’Iran avec Leila, la Russie et Tania) vers l’Europe. C’est marrant, mais je soupçonne le père Mankell de s’être documenté sur le sujet, parce que ce qu’il écrit est étonnamment crédible et immersif. Presque flippant. Des raisons poussant ces femmes à fuir leur pays jusqu’aux banlieues ghettoïsées de Stockholm, en passant par les filières d’immigration,  l’auteur suédois maîtrise le process.

J’ai cru noter que Mankell a opéré une fine mise en abyme. Car le journaliste avec qui les protagonistes s’entretiennent ne serait pas l’auteur en personne ? Le héros du livre est en quête de sujets pour écrire un bouquin, et les immigrées sont à la recherche d’une sorte de porte-parole afin que leurs histoires (dont on doute parfois) soient connues du public. Ainsi se met en place un échange de bons procédés, et au final le lecteur ne saura pas vraiment qui s’est servi de qui.

…à rapprocher de :

– De Mankell, y’a bien sûr la série avec le héros Wallander. Quelques bons dans le lot (L’homme qui souriait n’en fait pas partie hélas), toutefois en matière de romans policiers y’a mieux dans la jungle littéraire.

– L’immigration, l’individu esseulé en quête d’identité, ça me fait penser aux Porteurs d’âmes, de Pierre Bordage. Attention, c’est plus de l’anticipation sociale, voire de la SF.

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Haruki Murakami - Après le tremblement de terreVO :  UFO ga Kushiro ni oriru [enfin c’est la traduction de la première nouvelle, car il n’en est pas portant de doux nom de Après le tremblement de terre]. J’ai lu ce recueil avant qu’Haruki M. ne devienne la valeur sûre qu’il est aujourd’hui (billet écrit mi 2013), et ça m’a donné envie de continuer. Poésie, fantastique, tout cela est finement dosé.

Il était une fois…

Après le tremblement de terre est un recueil de nouvelles placées, comme le nom du roman l’indique, sous le sceau du tremblement de terre japonais du milieu des années 90. Sur les six textes, il est notamment question d’une femme qui découvre qu’elle n’a plus besoin de son mari,  ou (pour le plus bizarre) une grenouille de taille indécente se met à taper la discute avec un « salary man » pour l’avertir du tremblement de terre à venir.

Critique d’Après le tremblement de terre

Une demi-douzaine de court textes, et quelques excellentes choses dans le lot. Pour ma part, j’ai adoré la nouvelle avec le fameux Crapaudin, je l’ai vécue comme un moment réellement sublime, sans être too much dans la fantaisie. Quant à La galette de miel, c’est une vibrante (entendez, somptueuse) allégorie sur l’amour et l’amitié qui touchera n’importe quel personne ayant un cœur. Globalement, trois représentent de très bonnes surprises, le ratio me paraît correct.

Ce qui m’a paru être le fil d’Ariane de ce recueil n’est, pour une fois, pas le fantastique qui s’immisce dans le scénario comme un pickpocket dans vos poches. Certes la fantaisie des situations confère à cet ouvrage une dimension réellement poétique qui fera que le lecteur sera vite dans l’univers de l’auteur japonais, mais c’est plutôt le rapport intime des protagonistes  vis-à-vis de la catastrophe naturelle qui est mise en avant. Réactions avant ou après, mais jamais pendant (le tremblement de terre est comme spectral).

Le paradoxe de cet ouvrage est, pour conclure, le suivant : c’est un savoureux appetizer du talent de l’auteur, en sus il ne faut pas hésiter à passer à la nouvelle suivante si celle que vous lisez ne passe point. Toutefois l’immersion, même suffisante (et grâce à une traduction de bonne facture), n’est pas optimale avec un tel format. En effet, la simplicité du style de l’auteur se prête davantage aux grandes aventures de 200 pages minimum.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le fantastique et la réalité. Ce serait presque la marque de fabrique de cet écrivain si Neil Gaiman ne le faisait pas de temps à autre.  Très majoritairement, une histoire « made by HM » démarre de manière banale, presque triviale  (ça peut potentiellement déplaire). Et progressivement un bordel plus ou moins non crédible se met en place, et cohabite en bonne intelligence avec la réalité. Le résultat est tout onirique, presque des contes pour enfants.

Le tremblement de terre de Kobé. Haruki a écrit ce roman près de trois années après ce terrible coup sur la tête d’un peuple qui était en sus en pleine récession économique. Intelligemment, il n’évoque qu’en filigrane cet évènement  en s’intéressant avant tout à ses héros. Car les répliques du tremblement de terre ont aussi lieu dans l’esprit des protagonistes, réactions diverses mais qui opèrent un « recentrage » souvent salvateur.  Et ceux-ci  paraissent un peu moins perdus autant dans l’immensité du pays qu’au sein de leur psyché (enfin la plupart).

…à rapprocher de :

– De Murakami, nous connaissons tous (ou presque) sa trilogie 1Q84, qui démarre sur les chapeaux de roue avant de s’écraser brutalement dans un très décevant dernier tome. Sinon, il reste La course au mouton sauvage (un de mes préférés), Les amants du Spoutnik, Le Passage de la nuit (parfait pour démarrer avec cet auteur). Entre autres…

Quant aux nouvelles, on me signale Après le tremblement de terre et L’éléphant s’évapore. Les deux recueils sont corrects, le second peut-être plus complet.

– Certaines histoires me rappellent les contes un peu barrés du père Gaiman, comme je le disais. Notamment Neverwhere, sur le mélange réalité/fantastique.

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Dupuis - La Seconde Guerre mondiale : StalingradOpus d’une belle série publiée au milieu des années 80, voici de quoi donner envie à tout lycéen de réviser la Seconde Guerre mondiale. Dessin correct avec des couleurs pas si fadasses, on sent que l’auteur s’est longuement renseigné avant d’attaquer son sujet. Tigre, grand lecteur de Clausewitz, aurait cependant préféré quelque chose qui part moins dans tous les sens.

Il était une fois…

Stalingrad se propose de retracer l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale quelques mois avant la fameuse bataille jusqu’à avril/mai 1945, soit trois ans. Pendant cette période, les Russes vont sévèrement reprendre du poil de la bête (un ogre ou un ours, chacun a sa petite image en tête) pendant que les Américains vont tranquillement se taper la cloche dans le Sud-Est de l’Europe. Aidés des Anglais et des Français bien évidemment.

Critique de La Seconde Guerre mondiale : Stalingrad

Hé hé. Tigre a retrouvé tout un vieux tas de bandes dessinées cachées sous son antique collection de Charlie Mensuel, dont une demi-douzaine de titres de Pierre Dupuis, qui avait notamment versé dans l’érotisme. De cul il n’est point question ici, mais de guerre. Et la plus connue du XXème siècle.

Dupuis a voulu mêler de grands tableaux stratégiques (les schémas tactiques ou cartes de campagne sont souvent bienvenus) avec de fréquents zooms sur la vie des soldats. Hélas, mille fois hélas, cette BD accuse un story-telling hasardeux qui se limite à sauter de scènes en scènes, sans réelle logique. En outre on annonce « Stalingrad », alors que viennent foutre les débarquements Alliés dans le Sud de l’Europe ou les combats à  Leningrad ? L’avancée galopante des Russkofs, je comprends, mais de là à aller jusqu’à Berlin et le bunker du Führer…

Quant aux illustrations, la ligne claire franco-belge est au garde à vous : difficile de ne pas reconnaître les protagonistes bien connus (le vilain Adolf et le variolé Joseph, que des portraits réussis) ou songer à Kursk – Tourmente d’acier de Dimitri face aux combats de chars. Toutefois Dupuis ne profite pas de ce fabuleux coup de pattes Le Tigre a eu plus d’une fois l’impression que seul le texte était le ciment de la logique narrative. Du coup, ces 48 pages sont étonnamment longues à parcourir.

En guise de conclusion, faut avouer que cette saga n’a pas trop mal vieilli. Du vieux daron porté sur l’Histoire au cancre de collégien qui veut apprendre sans se fouler, tous peuvent trouver leur compte dans cet épisode relativement peu connu de la Seconde Guerre mondiale.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Plus on avance dans le temps, plus les Germains (enfin surtout leur chef de l’époque) font montre de puissantes erreurs stratégiques. Jusqu’à Stalingrad, qui aurait pu certes débloquer les champs pétrolifères (que les soviétiques ont consciencieusement détruits), mais l’acharnement des Nazis autour de cette ville qui porte le nom du dictateur communiste tourne à la fixation. A signaler aussi la plus grande bataille de chars, à Koursk, impulsée par Hitler et son « opération Zitadelle ». Des milliers de blindés qui se tirent la bourre, plus un seul fantassin qui reste sur le champ de combat. Un enfer d’acier.

L’acharnement allemand va très très loin, et quelque part heureusement. Certains auraient bien imaginé une alliance entre un fascisme « soft » et les démocraties contre les méchants cocos (que les Alliés approvisionnaient chichement au début du conflit), toutefois la folie nazie a vite mis tout le monde d’accord. Et les stratèges y allaient franco, Dupuis en profite même pour nous présenter quelques Wunderwaffen (entendez : les super armes) les plus sympathiques (façon de parler).

…à rapprocher de :

– De Dupuis, il y a une douzaine de BD sur la Seconde Guerre mondiale (hélas Tigre en a que six en sa possession). Les voici dans l’ordre : Blitzkrieg, Dunkerque, La Bataille d’Angleterre, La Résistance, Moscou, Stalingrad, Vers la victoire, Afrika Korps, Banzaï!, Forteresses volantes, U Boote et enfin Overlord.

– Sinon, pour un gros pavé complet et édifiant, le très sachant Antony Beevor et sa Seconde Guerre mondiale forcent le respect. Le même a écrit Stalingrad d’ailleurs, plus pertinent ici.

Éric-Emmanuel Schmitt - L'Evangile selon PilateSchmitt est un auteur que j’affectionne de temps à autre, car contrairement à d’autres de ses congénères plus « mainstream » il reste capable de me surprendre dans les grandes largeurs. Et ce roman en fait presque parti : longueur adéquate, style agréable, bref Jésus vu par lui-même et Pilate, ce n’est que du bon.

Il était une fois…

Dans le jardin des oliviers, un homme très célèbre attend que les soldats viennent l’arrêter pour le conduire au supplice. Quelle puissance surnaturelle a fait de lui, fils de menuisier, un agitateur, un faiseur de miracles prêchant l’amour et le pardon ? Plus tard (trois jours pour être précis), Ponce Pilate est confronté à un évènement encore plus extraordinaire. Le cadavre du fameux Yechoua a disparu, et le personnage vient de se faire une réapparition.

Critique de L’Évangile selon Pilate

Un très bon EES, et ce pour deux raisons : d’emblée c’est plutôt court (moins de 300 pages), ensuite l’histoire m’a profondément ému. Il a failli m’arracher une larme le salopiaud, il en fallait un peu plus néanmoins.

Le scénario est relativement bien construit, avec une double narration de bon aloi : le narrateur du début ne sera rien d’autre que Joshua. Et les pérégrinations de cet illustre personnage, racontées par l’auteur français, sont terriblement crédibles. Même avec peu d’immersion dans l’environnement (descriptions, noms complexes de l’époque, etc.), l’empathie qu’on ressent pour celui qui deviendra crucifié est réelle.

Ensuite c’est le tour de prendre Pilate comme narrateur. Le préfet de Judée est un Romain pur jus, pas porté sur le déisme pour un sou et l’équivalent antique d’un super-flic à l’autorité éprouvée. Imaginez que ça va être dur pour son esprit cartésien, et pour cela on se prend également d’affection pour lui ! Paranoïaque et imaginant tout et n’importe quoi, à un moment donné l’impossible paraît le plus facile à croire.

Et oui, Éric-Manu est parvenu à faire quelques chose de très sensé : point de caricature (j’irai même jusqu’à dire que c’est subtil), deux histoires qui s’articulent correctement, et surtout un style simple et abordable pour n’importe qui d’à peu près curieux. Ça ne veut pas dire que c’est plan-plan, loin de là.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Pour les deux thèmes, je ne vais hélas pas trop me fouler. D’une part, il y a la triviale question de la foi. Jésus déjà à qui il arrive de parfois douter de son statut de fils de Dieu. Mais c’est aussi l’histoire de Pilate qui doute, mais dans l’autre sens. S’il pense avoir affaire à un imposteur au début, les actes de ce dernier le troublent profondément. En plus, le tribun est affublé d’une belle femme qui a une idée bien précise de Jésus (je n’en dirai pas plus). Pilate, qui n’est pas témoin du final miracle de l’Essénien, serait-il le premier Chrétien, celui qui croit ?

D’autre part, Schmitt en profite pour avancer une théorie (que j’ai trouvé relativement séduisante) sur le père Judas. Il s’agit du bien connu testament apocryphe de Judas où il explique les raisons de sa trahison : Jésus, se sachant condamné, lui aurait fait comprendre qu’il serait de bon ton de le balancer aux Romans. Et Iscariote, dont l’admiration pour le Messie n’a d’égal que l’abnégation, aurait accepté cette terrible mission. Avant de lire ce roman j’ignorais cette approche de la Bible, et sous la plume de l’écrivain bah c’est plutôt convainquant.

…à rapprocher de :

– Tigre a lu Schmitt de long en large. En vrac : La Part de l’autre, La Secte des égoïstes, etc.

– Mais surtout, le fameux « Cycle de l’Invisible » avec du bon et du moins cool : Milarepa (sublime, parce que Tigre est bouddhiste), Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (moins bon), Oscar et la Dame rose (j’ai pleuré), L’Enfant de Noé (sympa), Le sumo qui ne pouvait pas grossir (trop light), Les Dix Enfants que madame Ming n’a jamais eus (encore plus light).

– Encore plus long et magnifique, l’histoire de Jésus par Christopher Moore dans L’agneau DOIT être achetée.

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Andreas - Rork l’intégrale, Tome 2Suite et fin des aventures du magicien Rork, l’auteur allemand s’est réellement fait plaisir sur les tomes 4 à 7. Le Tigre s’est un peu moins fait plaisir hélas. Multiples intrigues exagérément délirantes et ésotériques, références qui me sont souvent passé au-dessus de la tête, heureusement que ça n’empêche pas, d’un point de vue graphique, d’être impressionné.

Il était une fois…

Allez zou, quatrième de couverture : « Promenant sa silhouette efflanquée et sa chevelure blanche partout où l’inexplicable règne en maître, Rork est une sorte d’enquêteur du paranormal. Évoluant entre les mondes au gré des passages, il lui arrive d’y laisser des morceaux de lui-même. Commence alors le chemin d’une lente reconstruction. »

Critique de la deuxième intégrale de Rork

Rork, j’en ai beaucoup dans la première intégrale qui m’avait proprement bluffé. Andreas a continué dans cette voie mais semble être allé un peu trop loin sur le scénario. Puisque c’est le dernier recueil des exploits du héros aux cheveux argentés, je vais faire comme si vous avez lu (ou au moins connaissez) les histoires précédentes.

L’histoire est profondément complexe et les références entre albums sont innombrables. Et cela commence dès le début avec la vieille femme (dont j’avais oublié le nom) perdue dans un village où elle est devenue grande prêtresse (presque malgré elle). Puis y’a de mystérieuses chouettes qui régulièrement tapent la discute entre elles, et là je n’ai aucune idée du pourquoi ni du comment. Si la marque E.T. est un ennemi récurrent, il faut y ajouter le sieur Gott et quelques vilaines bêtes sorties de mondes parallèles que Rork est seul à pouvoir traverser sans gros soucis (faut voir l’allure de ceux qui le font en touristes…les pauvres).

Quant au dessin, même remarque que pour l’intégrale 1 même si certaines planches m’ont paru moins travaillées qu’à l’ordinaire. Toutefois le tracé reste bon, avec des des personnages « racés » et de caractère et une architecture environnante qui envoie du rêve (la bibliothèque de Capricorne, par exemple, qui occupe tout un gratte-ciel). Andreas s’est même livré à quelques expériences dessinatoires savoureuses, à l’instar d’une page représentant de minuscules cases avec le héros sous différentes postures, comme si l’illustrateur avait reproduit les images de quelques secondes d’un plan cinématographique du héros.

Pour conclure, un dernier opus dans la lignée du précédent, et tellement dans cette lignée qu’il faut mieux lire les deux d’un coup. Sinon il n’est pas impossible que vous soyez, tel Le Tigre, un peu trop paumé. Toujours un bel ouvrage d’art, ce serait dommage de ne pas posséder les deux intégrales.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Chose intéressante dans ce regroupement d’albums, on retrouve un autre héros, à savoir Capricorne. Celui-ci a pourtant ses propres albums, qu’apparemment on peut lire indépendamment des pérégrinations de Rork. L’auteur en profite même pour délivrer, avec un minimum d’images cette-fois, quelques luttes de Capricorne contre son ennemi juré, Mordor Gott. Ce dernier est un peu à Cap’ ce que Robotnik est à Sonic, c’est à dire un grand malade mégalo qui construit des armes volantes à peine crédibles.

Corollaire du fait qu’il faut parcourir les 7 albums d’un coup ou volonté de l’auteur, certaines situations (et protagonistes) sont très délicates à appréhender. Je vous donne un exemple parmi tant d’autres, dans le chapitre Descente : mais que fout ce vaisseau spatial en plein Antarctique ? Mais pourquoi Rork décide de toujours aller plus profond dedans ? C’est un gentil ou un méchant au final cet objet ? Quel est le rapport avec le cube numérique ? Merde, d’où sort ce clone à la peau pâlotte ? En fait faut pas se poser de questions et se laisser emporter par l’univers magique d’Andreas.

…à rapprocher de :

– J’ai préféré le tome 1, paradoxalement plus compréhensible alors qu’il y a plus d’histoires indépendantes.

– Le félin vous renvoie vers Les Cités obscures, de Schuiter et Peeters (notamment les Murailles de Samaris), autres monuments de BD avec de la belle architecture.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

DodécaTora« Tigrounet chéri, maintenant que je suis célèbre on m’invite partout dans les dîners chics. Désireuse de dépasser ma condition de bimbo écervelée, je souhaiterais savoir si y’a pas de bons films qui m’éviteraient de lire les romans dont ils sont tirés. Bisous partout. Nabilla B. ps : stp ne reproduit pas ma lettre sur ton site. »

Douze films à ne pas lire

Attention, ce DDT (c’est comme cela que je nomme ces billets) n’est pas un énième article sur les meilleures adaptations cinématographiques de bouquins. Ni celles qui ont été traitées en séries de plusieurs saisons. Parce que parler des Liaisons dangereuses de Malkovitch ou de 99 F de Jan Kounen, Télérama s’en charge mieux que moi. Et y’en a beaucoup trop, QLTL n’est pas un wiki (même si j’y pense de temps à autre).

Ici, Tigre préfère parler à tout feignant qui sommeille en nous. Et qui nous fait dire, à un moment donné, « mais si ce film qui a tant cartonné est tiré d’un roman, est-ce que le regarder est équivalent à lire ladite œuvre ? Mieux, ne faudrait-il mieux pas se faire une séance pop-corn que s’emmerder des heures et se détruire la vue ? ». Rien ne remplacera la lecture d’un bon pavé, toutefois par manque de temps vous pouvez sortir le home cinema et faire comme si….

Au final, pour répondre à cette lettre (je l’ai certes reproduite, mais en corrigeant les fautes d’orthographe au passage), voici une douzaine de titres dont regarder les films devrait vous suffire. Lisez attentivement mes commentaires, ça passe comme papa dans maman si on vous pose d’embarrassantes questions dans les dîners en ville. Bien évidemment ce billet appelle un article inverse, qui viendra en temps et en heure.

Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)

1/ Stephen King – Les évadés

Un des rares romans de King correctement adapté (avec La ligne verte), en laissant de côté les marrants quoique oldschool Tommyknockers et autres Ça. C’est également une histoire qui ne fait la part belle ni au fantastique ni à l’horreur. D’ailleurs il est amusant de remarquer que c’est tiré d’un roman « relativement » court de l’auteur américain, et le résultat (un film qui dépasse les 2h) est majestueux. Les acteurs y sont pour quelque chose.

2/ Irvine Welsh – Trainspotting

Le film a fait grand bruit, et souvent le lien avec le roman d’origine a été zappé. Et ce n’est pas si grave, car l’adaptation sur grand écran est quasiment parfaite. Surtout la voix off du narrateur et les références musicales qui ont été admirablement travaillées. A signaler, en début de film, que le dealer un peu louche qui refile un suppositoire d’opium au héros (pour « adoucir » sa descente) n’est rien d’autre qu’Irvine Welsh en personne. Si j’invite le lecteur potentiel à plutôt regarder le film, c’est que la suite de Trainspotting, intitulée Porno, mérite d’être lue.

3/ Rowling – Harry Potter

Là Tigre va se faire des ennemis. Tant pis. J’ai vraiment essayé de lire le premier roman avec le petit Harry à son école des sorciers, rien à faire je n’ai pas accroché. En sus, il faut avouer que l’univers hollywoodien (ou anglo-saxon en général) a su en faire une saga à succès avec très peu de défauts dans la réalisation. Sans doute est-ce moins complet que la version papier, mais ça m’a amplement suffi. Et puis voir le jeune Robert Pattison mourir, ça n’a pas de prix…

4/ Bret Easton Ellis – American psycho

Ce point est éminemment personnel. D’une part, j’ai un certain mal à accrocher sur cet auteur. A part Suite(s) impériale(s), ses romans (notamment Glamorama) n’ont rencontré en moi qu’un très faible écho. Alors que Christian Bale, la bande originale des années 80 (Lewis & The News, New Order, etc.), la narration intérieure du héros, le sang, le sexe, tout est parfait. Je pourrais dire la même chose avec Moins que zéro.

5/ Tolkien – Le seigneur des anneaux

Des Orks. Un langage imbitable. Des descriptions inutiles. De la fantasy. Il n’en fallait pas plus pour transformer un innocent cadeau d’anniversaire (à savoir le premier tome) en cauchemar. Tigre n’a jamais été foutu de lire plus d’une heure du Tolkien, aussi lorsque Jackson a sorti sa trilogie j’ai été soulagé. Et comme pour les romans, y’a de belles longueurs.

6/ Anne Rice – Entretien avec un vampire

La mère Rice a publié une bonne douzaine de titres qui représentent les chroniques des vampires, et il y a du bon comme du chiant. Le meilleur moyen de savoir si on veut s’attaquer à cette série littéraire est de regarder le premier film (le second, La reine des damnés, ne mérite pas d’être abordé). Il faut reconnaître que Cruise, Pitt, Banderas, Slater (on le retrouve dans le prochain chapitre) et Kirsten Dunst sont loin d’être des manches. Ensuite, on peut s’attaquer, sourire aux lèvres, à True Blood (les vampires ont globalement les mêmes pouvoirs).

7/ Umberto Eco – Le Nom de la rose

Umberto Eco, c’est Dan Brown avec un cerveau. L’érudit écrivain a largement innové avec ce thriller situé au Moyen Âge, cependant en faire un pavé de plus de 600 pages (pas vraiment aérées) fait montre d’une surestimation des capacités de tout lecteur. En outre, Slater et Connery font vivre ce roman sur grand écran comme peu d’acteurs seraient capables de le faire, ce qui n’est pas négligeable. A la rigueur, attaquez-vous au Cimetière de Prague, plus varié sur l’univers décrit.

8/ Robert Ludlum – La mémoire dans la peau

De Ludlum, Tigre s’est régalé avec Le complot des Matarèse. Et la trilogie (plus sans doute) sur Jason Bourne mérite ses galons : immersif, complexe, paranoïaque sur les bords, sombre par la solitude du héros. Tout comme l’adaptation en fait ! Sauf qu’après le premier tome j’en ai eu marre et ai préféré continuer avec les films. Et les trois s’en tirent plus qu’honorablement. L’empathie avec le personnage principal sera bien évidemment moindre, mais le temps de lire une partie du premier roman, les trois films auront été vus.

9/ Michael Crichton – Jurassic Park

Y’a de très bonnes choses de Crichton. Ses thrillers technologiques mâtinés d’un soupçon de terreur m’ont souvent ravi (La proie par exemple), seulement avec son histoire de dinosaures il est allé trop loin. On n’y croit pas une seconde, se représenter les vilaines bêtes est difficile, et bon l’avenir de l’Humanité n’est pas tellement en danger. Toutefois, entre les mains du bon Spielberg, oh la jolie claque visuelle que ce fut !

10/ Yann Martel – L’histoire de Pi

Difficile de se résoudre à mettre ce livre dans la liste. Aussi je vais trancher la poire en deux. Lisez les 50 (voire 100) premières pages, puis regardez le film, enfin retournez au bouquin pour les deux derniers chapitres. Vous aurez le meilleur, à savoir les discussions de Pi avec les représentants des différentes religions, mais surtout la version finale de l’odyssée qui diffère légèrement du film. Pour les plus fainéants, la version ciné est très correcte, pour peu que vous vous creusiez un peu les méninges sur le dénouement.

11/ Ian Fleming – [presque tous les James Bond]

A cause de papa-tigre qui m’a offert un beau jour l’intégralité des VHS des aventures de 007 (du moins jusqu’à la 17ème), j’avais presque oublié que Ian Fleming était à l’origine du beau brun ténébreux (Roger Moore, désolé…). Aussi, en lisant au hasard un de ses romans (Moonraker, puisque vous demandez), j’ai été sacrément déçu. Les films de Brocolli & Co mélangent quelques histoires, néanmoins cela reste du grand art. Rien à voir avec les catastrophes de Pierce Brosnan (sauf Goldeneye) que Daniel Craig a eu du mal à sauver. Il était temps de rebooter le héros.

12/ Dan Brown – Da Vinci Code

Tigre aime terminer avec une dernière blagounette, même de mauvais goût. Le livre et le film sont deux belles daubes pour lesquelles l’auteur américain devrait payer un impôt supplémentaire. Alors maintenant, je vous le dis en face : entre perdre 3h (voire plus) à lire une merde préformatée et gâcher 2h (en pouvant faire autre chose à côté) en regardant une horreur joué par deux acteurs au talent inversement proportionnel à leurs cachets ? Sachant enfin que le film est une mauvaise adaptation (c’est possible, oui oui).

…mais aussi :

Minority Report. Tiré d’une nouvelle de K. Dick, il faut avouer que le film est complet et reprend la quasi intégralité des thèmes de cet auteur. Rien à dire.

No country for old men. J’ai rapidement parcouru le roman de McCarty (l’auteur de La Route, à ne pas confondre avec Jack Kérouac), et bah ça ne fait pas tout jeune son style. Et pourtant il l’a écrit dans les années 2000 !

La pianiste serait plus aisée à voir (avec Isa Huppert) qu’à lire. Je jetterai un œil averti dessus.

– Enfin, The Fountain, de Darren Aronofsky (encore lui, il a un abonnement à QLTL…) est particulier. A la base ce devait être un film (notamment avec Brad Pitt en personne), mais cela n’a pas été possible. Darren a fait appel à un illustrateur pour en faire une BD. Face au succès du roman graphique (qui n’est visuellement pas terrible à mon sens), il a remis son projet de film sur les rails pour un résultat époustouflant. Donc ce n’est pas vraiment un film tiré d’une œuvre littéraire.

Frank Herbert - Destination : VideVO : Destination: Void. Auteur qui a une place très modeste dans la bibliothèque du Tigre, et j’imagine avoir choisi le meilleur de ce qu’il peut faire. Histoire ambitieuse et à certains endroits vertigineuse, le résultat est un roman qui n’a pas trop vieilli en traitant de sujets d’actualité (l’IA, le clonage à outrance). Dans le vide, personne ne vous entend crier, comme dirait Ripley.

Il était une fois…

Tous les quatrièmes de couverture me paraissent spoiler une partie de l’intrigue, aussi je vais tâcher d’éviter de sombrer sur ce dangereux récif.

Destination : Vide est l’histoire de quatre individus à bord d’un énorme vaisseau (près de deux kilomètres de long) censé arriver à Tau Ceti. Le but est de peupler ce système, aidé de nombreux corps en stase dans la nef spatiale. Hélas une avarie de l’engin va les obliger à substantiellement modifier leurs plans. Pour s’en sortir, ils n’auraient d’autre choix que de chercher à créer une intelligence artificielle capable de prendre les commandes de Terra (c’est le petit nom du vaisseau).

Critique de Destination : Vide

Tigre préfère l’annoncer tout de suite : si Frank Herbert est mondialement connu pour son cycle Dune, c’est bien la dernière chose que j’ai envie de lire. Car j’ai essayé, ça ne passe tout simplement pas. Comprends pas. Aussi je me suis attaqué à ce premier roman qui fait l’objet de suites de la part de l’auteur américain.

Puisque le scénario se révèle assez rapidement, n’ayons pas peur de spoiler comme un vilain petit cochon. Si ces individus ont été envoyés vers une lointaine planète, on apprendra rapidement que celle-ci est inhabitable. Et tout a été fait pour les mettre dans une panade incroyable dont ils peuvent uniquement s’extirper en mettant sur pied une intelligence artificielle à même de les guider. Mais pourquoi les envoyer dans le trou du cul de l’univers ? C’est là que ça devient magique : les précédentes expériences ont tellement bien réussi que l’Humanité s’est faite très très peur. Aussi il faut mieux faire ces expériences risquées loin de tout, comme un chat qui poserait sa crotte atomique au fond du jardin universel.

Et c’est à ce moment que l’œuvre prend une tournure franchement originale. Car nos attachants héros (qui sont en fait de vulgaires clones) vont se creuser la tête pour créer l’équivalent herbertien de Hal, en mélangeant considérations philosophiques et mathématiques complètement imbitables. J’ai cru que ces passages sont l’œuvre d’un fou furieux du style Maurice G. Dantec, mais en pire. Au final, l’alternance entre le quotidien spatial et l’architecture de la future IA est bien dosée, les 400 pages peuvent se lire comme 300 (entendez : lire en diagonale certains passages).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La recherche de l’Intelligence artificielle. Ce n’est pas pour rien que ce roman s’inscrit dans une saga qui porte le doux titre de Programme Conscience. Car il s’agit bien de créer une intelligence à partir de circuits électriques, bref des 0 et des 1. C’est toutefois dans le cheminement intellectuel que Le Tigre a été largué. Alors soit Herbert est un génie qui savait ce qu’il disait (et cela pourrait être une bonne base de travail pour nos informaticiens), soit l’auteur américain s’est fait plaisir en pondant un jargon mathématico-ésotérique qu’il est de bon ton de lire à voix haute (essayez, ça vaut le spectacle). Mes connaissances s’arrêtent là, même si je subodore qu’il n’y a pas grand chose à tirer, d’un point de vue strictement scientifique, de ce roman.

Le cynisme humain est poussé à un niveau assez extrême. D’emblée, lorsqu’on apprend que les héros ne sont que des numéros parmi une armée de clones prête à être réveillée, on se dit que les gens sur Terre sont de sacrés sociopathes. On retrouve bien la notion de « base secrète loin de tout » pour tester les dernières armes ultimes. Ce n’est plus dans le désert du Nouveau-Mexique, mais dans le désert spatial que tout sera testé. Avec un retour sur expérience qui permettra aux autorités de savoir où ça merdera en cas de catastrophe. Le pire, à mon sens, est qu’en aucune façon les protagonistes semblent se révolter contre le sort qui leur a été réservé.

…à rapprocher de :

– Le clonage qui ne pose pas plus de problèmes que cela, et qui est même à la base d’une puissante organisation, je vous renvoie vers House of Suns, d’Alastair Reynolds. Une merveille.

– De même, en matière cinématographique, il peut être utile de regarder Moon, de Duncan Jones.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman de SF via Amazon ici.

Daniel Pennac - La fée carabineCourt et bon, drôle et touchant, Pennac tient définitivement le bon bout avec la saga des Malaussène. Et il y a quelque chose de délicieusement désuet au royaume de cette famille qui est le plus bel aimant à emmerdes du tout Paris. Lu avant d’atteindre mes 20 ans, c’est presque un roman qu’on n’oublie pas (à part quelques dénouements).

Il était une fois…

Pour le bon Pennac, je vous livre in extenso le quatrième de couv’ qui retranscrit assez fidèlement le bordel ambiant :

« Si les vieilles dames se mettent à buter les jeunots, si les doyens du troisième âge se shootent comme des collégiens, si les commissaires divisionnaires enseignent le vol à la tire à leurs petits-enfants, et si on prétend que tout ça c’est ma faute, moi, je pose la question : où va-t-on ? Ainsi s’interroge Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel, payé pour endosser nos erreurs à tous, frère de famille élevant les innombrables enfants de sa mère, cœur extensible abritant chez lui les vieillards les plus drogués de la capitale, amant fidèle, ami infaillible, maître affectueux d’un chien épileptique, Benjamin Malaussène, l’innocence même et pourtant… pourtant, le coupable idéal pour tous les flics de la capitale. »

Critique de La fée carabine

La fée carabine est le premier roman que Tigre a lu de Monsieur Pennac. Et pour une première lecture, il n’y a presque rien à redire. A part qu’il faut mieux lire ce type d’ouvrages avant ses trente ans, pendant que la magie de la prose de l’auteur est susceptible de passer telle une lettre à la poste.

L’histoire est aérée, déjantée et avec de multiples intrigues à tiroir. Le gros tourne bien sûr autour du pauvre Benjamin qui, une fois de plus, est au centre de toutes les attentions (et accusations). Si on ajoute un réfugié yougoslave, un flic qui sera bientôt atteint de saturnisme, une veuve assez touchante, un policier aux méthodes d’interrogatoire plus que surprenantes (sa technique, à la fin dévoilée, est superbe comme tout), et tant d’autres, alors en 300 pages à peine il y a de quoi se taper une bonne tranche de rigolade.

Sur le style, bah c’est du Pennac pur jus. L’écrivain français a fait court et efficace et ce n’est pas tant les intrigues policières qui m’ont ravi que la manière dont tout s’imbrique dans un foutoir digne d’une comédie de boulevard, mais en infiniment plus poétique (cf. infra). Peut-être faut-il mieux commencer par le premier de la saga (Au bonheur des ogres), toutefois en s’attaquant directement au présent titre, n’importe quel ado sera accroché.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La poésie et les clins d’œil. J’ai trouvé le Paris de Dany P. légèrement fantasmé (le quartier de Belleville regorge de surprises), mais pas autant que ses habitants. Et Tigre s’est laissé transporter, comme un gamin, dans les aventures de protagonistes aussi atypiques qu’attachants. Ma petite préférence va à Stojilkovicz, ancien révolutionnaire yougo, qui fait faire des visites (en voiture si je me souviens bien) à les touristes de l’Est en leur expliquant que tous les étals des boucheries sont des faux pour faire croire que la capitale est prospère. Raconté par Pennac, cela a de la gueule.

J’ai cru remarquer dans cet ouvrage un mignon plaidoyer pour la vieillesse. Déjà, la fameuse fée serait une vieille dame, qui, aux dires de jeunes témoins, transformerait la tête d’individus en magnifiques fleurs rouges. Plus prosaïquement, elle leur explose le crâne. Nos petits vieux semblent plus que choyés dans le quartier, leurs comportements erratiques et imprévisibles donnent de sévères maux de tête à la police qui s’efforce de savoir qui est derrière tout cela.

…à rapprocher de :

– De Pennac, Tigre a beaucoup lu, que ce soit le gros pavé Monsieur Malaussène ou le court texte Des chrétiens et des Maures.

– C’est marrant, mais les petites vieilles qui défouraillent à tout va me font penser à un des premiers James Bond, avec Sean Connery. En s’échappant en voiture, la gentille vieille dame qui auparavant lui avait ouvert le portail tient une énorme mitraillette entre ses mains et tire en direction de la caisse de 007.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce titre via Amazon ici.

François Forestier - Marilyn et JFKDérangeante gâterie livresque que nous offre François Forestier. Le journaliste / romancier s’est très correctement occupé de deux icônes de la vie d’après-guerre américaine. Histoire très prenante avec quelques savoureuses anecdotes (le dos de la robe de Marilyn -chantant pour Kennedy- qui a complètement craqué par exemple), Tigre est sorti un peu groggy de cette aventure dans un monde malsain et puant.

Il était une fois…

Deux êtres hors du commun, deux univers durs qui se télescopent le temps d’une idylle. Marilyn et JFK, c’est une liaison d’une décennie entre une star qui a superbement explosé en plein vol et un animal politique qui a encore plus mal fini. [Pour la petite histoire, l’image de couverture est dernière photographie de Marilyn, qui en 1962 chantait le happy birthday à Kennedy]

Critique de Marilyn et JFK

Cela doit être l’unique roman que Tigre a lu du père Forestier, et j’ai souvenir d’avoir presque littéralement dévoré ces 300 pages bien aérées. L’auteur s’est attaqué à un gros morceau et a, à mon humble avis, réussi l’amalgame de l’autorité (du documentaire) et du charme (concernant le style).

Ce fut un pur plaisir de s’immerger dans l’ambiance des années 50 (et le début des sixties) grâce à deux protagonistes qui ne laissent pas indifférents. Le bordel ambiant entourant la belle Monroe et le priapique John est indescriptible et tiendra rapidement le lecteur en haleine. Rien que le début qui décrit l’assassinant de celui qui est alors le Président des EUA donne le ton : ceci n’est pas un conte de fées. Mais pas du tout.

Toutefois se pose la question de l’aspect fictionnel de ce que le lecteur s’apprête à lire. Car Forestier est avant tout un journaliste qui s’est documenté comme un thésard. Son style de « journaleux » permet une lecture aisée et vivante, comme si on lisait un long article trash mais classe d’un énième tabloïd. J’en ai un peu honte mais c’est pour cela que j’ai adoré lire ce roman. Car l’auteur ne se prend pas pour un grand écrivain, sa fluidité décomplexée et sans tournures trop savantes fait mouche.

Pour conclure, un petit plaisir littéraire au cours duquel Tigre a fortement espéré que François F. a de temps à autre basculé dans la fiction. Parce que ce qu’on apprend est autant édifiant que démoralisant, et cela mérite d’être traité dans le premier thème.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le sordide, donc. La mafia qui tient sous sa coupe bon nombre de protagonistes (et ce pauvre Sinatra qui passe pour un beau pigeon), les escarmouches politiciennes où les Kennedy se sentent comme autant de poissons dans l’eau, le beau JFK qui se vautre dans la luxure la plus choquante, une Marilyn moins glamour que prévu, certains pourraient reprocher à l’auteur d’avoir fait dans le sensationnel. Mais c’est un fin connaisseur des mœurs de l’époque (je n’ose imaginer ce qu’il en est aujourd’hui), période particulièrement violente de l’histoire de ce pays (droits de l’Homme piétinés par les écoutes et filatures en tout genre ou la ségrégation raciale par exemple).

La destruction des mythes. Concernant JFK, Tigre se doutait un peu que la famille Kennedy était loin d’être propre. Coincés entre la mafia et le FBI (Hoover détestait ces immigrés irlandais donc cathos), ce n’étaient pas des enfants de cœur. Mais Marilyn, nom de Zeus quelle femme ! Totalement perdue (à la limite de la folie) sur la fin, hygiène déplorable (la demoiselle sentait fort), il y aurait même des photos d’elle en fâcheuse posture (quand elle était sous la coupe de ses médocs) qui circulaient. Dallas, à côté, c’est une énième aventure de Barbie et Ken.

…à rapprocher de :

– On retrouve quelques protagonistes et thèmes dans le roman La Malédiction d’Edgar, de Marc Dugain (sur le boss du FBI de l’époque).

– Je crois me souvenir également du titre de Michel Schneider, Marilyn dernières séances. Faudrait que je le relise vite fait. Plus déjanté.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet ouvrage en ligne ici.

Les Sutras du TigreUn peu de sérieux dans la tanière tigresque. A part lire mes inutiles conseils, lorsque vous vous apprêtez à sortir le porte-monnaie pour (vous) offrir un bouquin, que regardez-vous de manière systématique ?… Oui, moi aussi. Et j’en ai vu tellement me passer sous le nez que je peux vous les classer (n’utilisez surtout pas cette dernière phrase hors contexte).

Pourquoi ?

Tigre ne compte pas se poser sur un fauteuil Louis XV, le monocle calé dans la cavité, un verre de Martini (rouge de préférence) dans la main droite, pour vous entretenir de la noble histoire du quatrième de couverture (ci-après, 4ème de couv’, QdC, IVC, ou autres petits noms qui peuvent me venir à l’esprit).

Non, ce serait d’un chiant. En plus, à part chercher comme une collégienne sur internet, je ne sais pas grand chose sur le quatrième de couv’. Je préfère insister, en premier lieu, sur l’importance que peut avoir ce QdC pour l’objet roman. C’est avant tout destiné à provoquer l’achat du pigeon, lui en mettre plein les mirettes. C’est l’équivalent de la bande annonce : un extrait de l’œuvre en vue de donner envie d’en savoir plus.

Quelques remarques d’ordre général d’abord. D’après ma modeste expérience, c’est bien à l’éditeur à avoir le dernier mot sur le contenu du quatrième de couv’. C’est celui-ci qui prend le risque financier, et comme la couverture ou le prix ce n’est pas à l’auteur de décider à quoi ressemblera son roman. Je subodore que les écrivains stars peuvent se permettre de faire leurs divas et exiger deux-trois ajustements pour se faire mousser, si quelqu’un veut me donner des noms et des exemples je suis plus que jamais preneur.

Ensuite, Tigre imagine un QdC court. Pas plus de trois parties déjà : la présentation de l’œuvre (on y reviendra), quelques mots sur l’auteur, et le titre. Quoique cette dernière partie ne me semble pas totalement nécessaire. Ledit titre, on le connaît bien, peut-être un sous-titre (comme par exemple « Les aventures d’untel » si c’est un héros récurrent) ou son homologue en VO justifierait cette répétition.

Enfin, et ce sera la plus grosse partie, voici quelques astuces pour ne pas se foirer comme un boulet de première qui fera bruyamment ricaner ses confrères du monde impitoyable et consanguin (gratuit) de l’édition.

Quels sont les différents quatrièmes de couverture ?

Voilà donc quelques types de IVC (je pense toujours au Panzer du même nom) qui me semblent devoir être particulièrement abordés. Je vois cinq grosses tendances, pour l’instant :

L’incipisteur. Le quatrième de couv ? Merde, ai zappé. Allez zou, te fais pas chier.

Alors là, Tigre se fend la poire. Parce que personnellement je regarde très souvent les premiers mots d’un bouquin, juste histoire de savoir si ça me donne envie de lui laisser une chance. C’est faire preuve d’un feignasserie à peine croyable que de taper son trivial CRTL+C suivi d’un honteux CTRL+P sur l’arrière du livre.

Attention, les gros classiques ou les romans dont l’incipit est exceptionnel peuvent avoir un quatrième de couverture de la sorte. Lisons ensemble le « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France » qui introduit les mémoires du bon De Gaulle. Ça claque tellement que beaucoup de politiciens à la vue courte se servent de cette expression pour justifier leurs idées rétrogrades. Quant au « Aujourd’hui, Maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » de Camus, c’est juste sublime.

Le passagiste. Am stram gram, pic et pic…

Presque pire que la catégorie précédente, la maison d’édition peut juger bon de sélectionner un passage qui lui paraît représenter au mieux le roman. L’exercice est délicat, sinon impossible, car peu de phrases tirées hors de leur contexte me semblent susceptibles de refléter l’intégralité du talent du scribouillard. Et c’est le boulot de l’éditeur de créer un texte qui réussit à synthétiser le scénario autant que rendre hommage au style de l’auteur. Comme si ce dernier l’avait écrit (il faut que les mots utilisés soient susceptibles de se retrouver dans le roman), mais sans l’abjecte subjectivité de celui qui fait son auto-promotion.

Toutefois, si l’auteur est suffisamment célèbre ou il y a dans le roman deux ou trois phrases qui résument tout (ce qui serait dommage), ça ne pose pas de problème particulier au Tigre. Je pense à n’importe quel San-Antonio, à force le lecteur connaît suffisamment bien le personnage pour accepter une remarque (souvent in petto) du narrateur pour illustrer la couverture. Du style « Vous connaissez ma devise ? C’est la même que les Kennedy : ne jamais se laisser abattre ! » (c’est en plus l’incipit des Vacances de Bérurier).

L’attention whoreur. Regarde moi, regarde moi !

L’auteur est plus ou moins connu, toutefois un certain malaise vous envahit en parcourant la couverture. C’est trop flashy, les points d’exclamation vous font mal à la tête, ou alors le quatrième de couv’ est trop long. Comme si le gus était une valeur sûre et que ce quatrième de couv’ n’est qu’une formalité. C’est louche, vous avez du mal à décoller les yeux de cette couverture.

A moins que ce soit la présentation de l’auteur qui vous paraisse trop insistante. Notamment rappeler à quel point notre plus si jeune ami est génial et qu’il a eu tant de succès avec un autre titre. Attirer l’attention du lecteur potentiel en rappelant les glorieux mais anciens écrits de l’écrivain, c’est un peu comme si un vieux gigolo décrépi que même Michou ne choperait pas vous ressassait la période où toutes les femmes étaient folles de son corps. Triste et dérangeant.

Ou alors est-ce quelques remarques finales qui n’ont rien à foutre sur le dos du bouquin ? Ça, c’est la partie suivante.

Le priseur. Il a remporté, avec sa bouse, la troisième place des auteurs du Nivernais.

Cette catégorie me défrise profondément dans la mesure où le roman s’inscrit dans une logique de récompenses. C’est l’histoire de la bouteille de rouge qui affiche toutes ses médailles gagnées dans quelques foires du coin : vous pouvez être sûr que ce sera une abominable vinasse qui vous fera aussi sûrement mal à la tête que le dernier Marc Lévy. En outre, imaginez que dans quelques années le prix en question n’existe plus. Il aura belle gueule, votre roman, quand il affichera un truc autant désuet qu’un prix en Francs français.

Tigre est excessif et consent à accepter les prix qui forcent le respect : le Nobel de littérature, oui. Un petit Goncourt (un seul, à part Roman Gary c’est impossible), à la rigueur. Mais celui des lycéens, halte là ! Arrêtez les frais. Quant au prix des lectrices de Elle ou le prix polar SNCF (les jurés n’étaient pas en grève, pour une fois), proscrit. Et si ça démange tant l’éditeur, il y a de la place dans la préface. Basta. De même, les bons mots des journaux ou critiques littéraires (sauf ceux du Tigre évidemment) doivent être dégagés de toute couverture qui se respecte.

Le crétin spoileur. Alors 6ème sens, c’est l’histoire d’un mec déjà mort…

Comme souvent, chez QLTL, on garde le pire pour la fin. Et ici on touche tellement le fond qu’on arrive à des sommets de bêtise (ça vous parle comme expression ?). J’ai nommé le spoil dès la présentation du bouquin, comme si les BO d’Usual Suspect ou de Fight Club (tiré d’un roman, rappelons-le) apprenaient au spectateur que [Attention SPOILS] le narrateur a une personnalité multiple ou que Kaize Söze est l’infirme. Respectivement. Vous imaginez le suicide commercial ?

Deux théories naissent dans mon esprit : soit l’éditeur n’aime pas les lecteurs ou son auteur (qui lui a fait des crasses) et veut nous gâcher un plaisir légitime. Soit le boulot a été confié à un stagiaire qui n’a pas su où s’arrêter. Et le maître de stage a connement validé, car il n’a pas lu le roman. Mon cœur balance.

Quant aux exemples, je suis dans la panade : j’ai beau retourner mes bouquins dans tous les sens, impossible de retrouver celui qui m’avait fait enrager à la puissance de mille soleils. Mais je sais qu’il existe ! Edit : je l’ai trouvé, c’est l’édition Gallimard de Monstres invisibles. Sinon, la version poche de Nano, de Peter F. Hamilton, qui en dit un peu trop à mon goût. Toute aide est la bienvenue. Oui, QLTL est parfois collaboratif (piètre choix de mot quand il s’agit de dénoncer).

Conclusion en première couverture

C’est plus fort que Tigre, quand je m’apprête à être sérieux je raconte très vite des conneries. Aussi je vais tâcher de terminer sur une note d’un niveau culturel qui devrait vous laisser un correct souvenir de ce Sutra.

Le numéro de ce billet, vous vous en doutez, n’a pas été choisi pour rien. #07 car c’est en 1907 que serait apparu, pour la première fois, le fameux 4ème. En fait je me suis basé sur la version anglaise d’un site très connu qui raconte que le blurb est d’un certain Gelett Burgess, humoriste qui a eu l’idée de pondre ce terme. Merci Gelett, tu m’as fait perdre deux heures.