Collectif – Créatures Anthologie

Les Éditions La Madolière, 223 pages.

Collectif - Créatures AnthologieRecueil de nouvelles sur les choses bizarres de ce monde, c’est dans l’ensemble varié même si peu de textes se démarquent. Créatures imaginaires, bandantes pour certaines, d’autres tout bonnement repoussantes. De la SF, du fantastique, de l’horreur, du drame, y’en a pour tous les (dé)goûts. 

Il était une fois…

Dans cette plaisante anthologie, dix-neuf (non, pas vingt) textes ont été choisis par l’éditeur autour du thème des « créatures ». Easy job.

Critique de Créatures

A chaque fois qu’un recueil met en scène différents auteurs (avec autant de styles), je préfère les traiter un par un. Certes je n’expédie chaque texte qu’en une paire de lignes, toutefois cela permet à chacun d’avoir une idée de ce que je pense d’eux. En outre, c’est le meilleur moyen d’être lu par au moins 19 personnes qui, forcément, guettent avec anxiété mes bons mots – j’attends qu’elles changent de culottes pour l’occasion. Et ne venez pas pleurer à mes côtés, dites-vous que je passe plus de temps à parler de vous qu’à vous lire. Alors respectez-moi un peu, merde.

Le Chant des baleines, la nuit sous les étoiles (Luce Basseterre)

En l’an de grâce 2029, d’énormes animaux volants ayant un lien avec les cétacés font un petit happening sur Terre. Luce met à l’honneur le noble art des Gaikus, cette fois-ci plus contemplatifs que destructifs, dans un texte mi-amère qui n’est pas sans rappeler Robert Charles Wilson. Très correct.

Grand-veille (par Southeast Jones, toujours dans les bons coups celui-là)

L’évènement dont parle l’auteur est une sorte de revival d’un être humain remplacé par un clone – rien ne change, sauf l’enveloppe corporelle. Pas forcément délirant ou novateur (notamment le style), toutefois le final (la seconde partie) offre sa petite surprise qui donne à la nouvelle une dimension plus qu’appréciable. A lire rien que pour les dernières phrases.

Le Gardien (ouais, c’est mon pote Guillaume Lemaître qui l’a écrit !)

Etienne (ouais, comme la merde musicale de Guesch Patti), un jeunot puceau qui se fait gravement chier dans une pension, découvre par hasard une jolie boîte. Laquelle réclame du sang et le récompense en faisant apparaître des bonasses qui lui extirpent jusqu’à la dernière goutte de sperme. Mais il leur faut toujours plus de « nourriture »… L’aspect politico-pipeau-sociétal est inutile, mais le reste envoie suffisamment de pâté pour regretter que l’écrivain n’en ait pas fait une novella – l’écriture, soignée, l’aurait permis.

La Poupée (négligemment livrée par Dean Venetza)

Une poupée dans un magasin, un être de porcelaine à qui rien n’arrive. Mouais. Si le vocable est admirablement maîtrisé, j’ai trouvé le tout un peu court et incomplet dans l’ensemble. Lu en deux minutes, douche bukkake (pour rester dans l’esprit japonisant) comprise.

Crève-poitrine (pompeusement chiadé par Raphaël Boudin)

Histoire d’un serial-killer qui, au passage, bouffe les nibards de ses victimes. Me suis emmerdé à finir ce truc (j’ai même zappé des passages) qui fait appel à des notions de criminologie et autres poncifs sociologiques faussement scientifiques (à moins que…) destinés à être autant de caches-misère d’une narration décousue. Merde, j’ai eu l’impression de revenir à la fac. Désolé mec, n’ai vraiment pas accroché.

Crise in chrysalide (texte et jeu de mots foireux par Stéphane Croenne)

Un être naît, toutefois celui-ci ne correspond pas vraiment aux standards communément admis – c’est une putain de larve. Vu le titre, on sait à peu près à quoi s’attendre question déroulement de l’intrigue. Intéressant sur la question du refus de maternité et de la souffrance que peut ressentir un être ignoré, mais rien de plus dans cette narration attendue à la première personne.

Le Miracle de la vie (Morganne Caussarieu, je t’ai reconnu !)

Marie Durand, issue d’une famille ultra-catho, est en cloque. Elle devra accoucher, peu importe l’horreur qui sortira de son bide. Simple, efficace, relativement dérangeant, c’est court et relativement correct. Le Tigre ne s’attendait pas à une telle fin, aussi improbable que dégueu. Merci Morganne.

Zoomorphes (délicatement pondu par Pascale Bayle)

Un vieil homme passablement philanthrope (oui, un vieux con comme moi) a « récupéré » un être mystérieux qui ressemble plus à un piaf qu’à autre chose. L’histoire invraisemblable prend heureusement une tournure plus mignonne grâce à l’intervention d’un gosse qui donne à ce texte un aspect chevaleresque, presque de l’amitié à la Stephen King. Ça aurait pu être pire les amis.

Les Poupées brunes (Mathias Cannariato est aux manettes, le coquin)

Voilà le genre de pépites que j’affectionne particulièrement. Un mec lève une pépée dans un bar, laquelle revient chaque soir avec une copine qui lui ressemble trait pour trait. Lorsque la brune fatale qui recèle quelques doux secrets fait la gringue à un doux loser au vocabulaire libéré, le résultat n’est pas si mauvais. Une idée qui n’est pas sans rappeler L’incal, avec ce que ça comprend comme franc-parler. Bravo.

Vanessa (Vincent Tassy)

Quentin fait la rencontre de Vanessa, jeune fille à la peau presque translucide qui subit les mauvais traitements de ses vieux. Non seulement c’est long et sans grande surprise, mais en outre le lien avec le thème du recueil est salement tiré par les cheveux – il est plutôt question de la vision de l’enfant mâtinée de maltraitance.

Créatures de l’asphalte (Gaëlle St-Étienne)

Fée-Pochette est un clochard passé par l’Inde, « Troque Monsieur » une grosse femme qui donne beaucoup de plaisir aux hommes (pas une putain pour autant). Ce sont les créatures du bitume, ceux qui apportent une touche colorée à la ville morne où les gens se comportent en autistes. Encore un texte limite chiant, sans compter qu’à un moment faut s’en tenir un peu plus au thème principal non ?

L’Organiste (de Sébastien Parisot, un chouette gars qui me doit trois cosmopolitans)

Un joueur de pipeau change à jamais la face du monde, tous les membres des Humains se désolidarisent. Les Yeux, Poumons, Rates, etc., tous mènent leurs propres existences après avoir buté les quelques « entiers » restants. Bonne idée usée jusqu’à la moelle, Parisot nous abreuve de ses bons mots jusqu’à l’écœurement – c’est trop. Sous couvert d’un certain n’importe nawak assumé, allégorie à peine cachée de la politique et de ses travers, voire du principe de vivre-ensemble.

Lou carcholh (Laurent Pendarias, je te connais toi non ?)

Le carcholh est un escargot géant qui mène sa vie pépère dans les forêts de Gascogne. C’est d’ailleurs le narrateur de cette mignonne (quoiqu’un peu fade) historiette sur la manière dont il voit son environnement. Pour une fois que le lecteur vit dans l’esprit d’une créature sympathique, montrant une certaine façon l’art de créer des légendes locales.

Manuel d’observation à l’usage des amateurs de rouge gorge (by Marie-Anne Cleden)

Un mec se fait mordre par un rouge-gorge, et se transforme de temps à autre en ce ridicule piaf. Parallèlement, Robin (son prénom, très logiquement) rencontre une jeune fille qui lui plaît fortement. Mais comment gérer ses transformations ? Écriture légère et plaisante, sertie d’un scénario mignon qui termine en eau de boudin, bref tout ça ne mange pas de pain (ou d’araignées, hé hé).

XXL (gazouillé par ce bon Mathieu Flux)

Un homme, doté d’une énorme bite, découvre les avantages de bosser dans le porno. Un terrible engrenage s’installe (zoophilie à la clé) et qui le contraint à repousser les limites de son engin qui prend des proportions dantesques… Le principe du mâle dominant qui en veut une toujours plus grosse est, de la part d’un auteur, finement traité, avec une pincée d’humour bienvenue. Sympa.

S’élever au dessus du bitume.. (Anthony Boulanger)

Bof. Bien trop bref, sujet bancal (je ne spoilera pas), intrigue qui arrive aussi grosse qu’un régiment d’éléphants boulimiques, ce fut loin d’être le panard.

Un Heureux évènement (de Sébastien Parisot ? Encore ?)

Un couple débarque chez un gynéco, lequel trouve bizarre que ce soit l’homme qui répond à toutes les questions, comme s’il était enceint… Qui, du toubib ou des patients, est dans la normalité ? Assez bizarre en fait. On sent l’écrivain (je suis gentil sur ce terme) qui est docteur à ses heures perdues. Heureusement qu’on se laisse facilement porter.

Corps Étranger (droppé en toute simplicité par Thomas Baronheid)

Mouais. Un lycée sous l’emprise d’une force E.T. aux relents d’insecte, un vocabulaire volontairement « djeune » qui finit par gaver, sérieusement on dirait le scénar’ d’un tee movie de douzième zone passant en seconde partie de soirée. Même pas le temps de flipper, sans compter que les personnages, interchangeables, ne me parlent guère. Pas mon genre – même si ça se décante sur la fin.

Cagliostro (mystérieusement déposé par Olivier Caruso)

Ces dernières pages m’ont surpris. J’ai bien cru, au début, que j’allais salement m’ennuyer tellement le style de l’auteur, fantastico-ampoulé, est lourd à suivre. Mais il se dégage une certaine poésie dans la lutte contre un mage qui fait se baigner les gosses dans du sang de baleine (voui). Cela ne m’a pas laissé indifférent, en moins de six pages j’ai très vite changé mon point de vue sur cette nouvelle.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Qu’est-ce qu’une créature ? D’après ce que j’ai lu, c’est plus ou moins malveillant, souvent multiple, ça grouille de partout et ça fait peur. Peu d’exemples d’êtres qui s’élèvent au-dessus de l’Humanité (à la rigueur, la monstruosité interpelle, en bien, un seul protagoniste), la créature inquiète par défaut. Si celle-ci est multiple, alors il y a de quoi s’inquiéter. Encore plus si elle est séduisante – le cul se mélangeant rapidement au dégout.

Le second thème me semble bien être les joies (hum) de la maternité et, plus généralement, la trouille de mettre bas quelques horreurs. Entre une ribambelle de fœtus aspirant le bide d’une jeune mère à des gosses informes qui ne demandent qu’à s’épanouir (littéralement), j’ai trouvé cet aspect certes marrant car glauque, mais hélas fort redondant.

…à rapprocher de :

– De cet éditeur, il y a également l’anthologie Robots, qui est plutôt convaincante.

– Sinon, le principe des « créatures » n’est pas sans rappeler une autre anthologie, chez la maison des Artistes Fous Associés, de Sales Bêtes.

6 réflexions au sujet de « Collectif – Créatures Anthologie »

  1. Salutations au Tigre, dont je découvre ici l’appréciation (toute en griffes et crocs, à son naturel, visiblement) au détour d’un clic.
    Ca tombe bien, c’était une histoire sans autre prétention que celle… de raconter une histoire.
    Au plaisir d’une prochaine publication,
    Bien à vous,
    Pascal

  2. L’idée de “Crève-poitrine” était de proposer une approche narrative différente, inspirée justement des études criminologiques universitaires. Dommage que cela n’ai pas porté.

  3. T’auras tes Cosmopolitans la prochaine fois que je m’aventure dans la Capitale. Mais t’as intérêt à te les enfiler d’affilée !

    « Bonne idée usée jusqu’à la moelle » : ahah je note pour l’inclure dans le texte celle-là !

    (l’écoeurement était le but, merci de l’avoir compris !)

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