Geoffrey Lachassagne – Et je me suis caché

Aux forges de Vulcain, 258 pages.

Geoffrey Lachassagne - Et je me suis cachéLa bibliothèque du jeune éditeur Aux Forges de Vulcain est éclectique, ce titre en est une preuve supplémentaire. Aventures de trois jeunes, chacun ayant son propre style, voilà un voyage déroutant dans un univers plus ou moins onirique où fureur et poésie font bon ménage. La Corrèze comme on la voit rarement, original.

Il était une fois…

Titi (14 ans) et son petit frère Jérémie (7 ans) vivent chez leur grand-mère dans un trou perdu au fond de la Corrèze. Nos deux jeunes héros ont comme échappatoires quelques amis, et leurs factices guerres contre qui des Indiens, qui des Chinois, qui des Viets.. Derrière toutes ses aventures plane le fantôme de Jules, leur grand frère parti à Paris qui a promis de venir chercher Titi.

Critique d’Et je me suis caché

Waow, Le Tigre ne s’attendait pas à un tel roman. Eu égard le quatrième de couv’, je m’attendais à quelque chose d’assez classique, voire « plan-plan ». Que nenni ! L’histoire, déjà, n’est pas toujours évidente à suivre. Difficile de reconnaître les délires de jeunes adolescents (et enfants) de la réalité, il en ressort une étrange impression que le lecteur est à la merci de l’auteur. A la rigueur, j’ai l’habitude.

Geoffroy Lachassagne, en sus, a un style absolument inimitable. Vocabulaire qui ne correspond à aucun canon culturel que j’ai rencontré, entre franc-parler paysan et argot de poète maudit (par exemple, qui parle encore de « pétarou » pour une mobylette ?). Sous couvert d’un scénario plutôt linéaire au début, l’écrivain nous livre deux points de vue, ceux de Jérémie et Titi. Et pour chaque protagoniste, les évènements (souvent les mêmes) sont contés avec les mots, le recul qu’on attendrait de la part des personnages.

Si le tout peut sembler décousu mais plutôt prenant (notamment l’arrivée de la belle Aurore ou du mystérieux Moïse), que dire de l’introduction du troisième narrateur, en l’espèce le grand frère Jules qui fait son entrée dans le dernier tiers de l’œuvre ? C’est à ce moment que j’ai été plutôt interloqué (c’est rare, donc un compliment) dans la mesure où les passages écrits par ce personnage ressemblent à des diamants pas encore taillés : phrases violentes qui dégagent une certaine poésie « écorchée vive », à destination d’on ne sait qui, la lecture est plaisante mais peut rendre mal à l’aise.

En conclusion, il faut : i) avoir les idées larges ii) être prêt à être transporté assez loin iii) accepter le flou historique (sociétal même) et géographique pour apprécier ce roman qui pourrait bien, en 2100, être redécouvert par nos descendants en mal de poésie.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Concernant les affres de la jeunesse, avec un style qui leur est propre, Le Tigre préfère vous renvoyer vers les romans de Stephen King, maître en la matière. Geoffrey L. se débrouille correctement, à sa façon, avec un phrasé plus subjectif et sans traitement « post production ». Pas étonnant, donc, que la phraséologie (oh qu’il est beau ce mot) soit légèrement déroutante : ponctuation maltraitée, répétitions dignes d’un gamin, etc.

Le titre du roman. Nul besoin de se casser la tête, comme dans Les Bienveillantes de Littell, la référence au titre nous tombe dessus à la dernière page. Malin non ? Et je me suis caché, c’est ce que balance Adam à Dieu lorsqu’il découvre, après avoir bouffé du fruit de la connaissance, qu’il est nu. Plutôt que Dieu, il conviendrait de dire « Yahvé » dans la mesure où nos narrateurs (en particulier le petit Jérémie) semblent yahvistes. Il s’agit d’une doctrine attachée aux premiers passages de l’ancien testament, où le tout puissant est ainsi désigné.

[ATTENTION miniSPOIL] Et c’est dans les dernières pages que la puissance, mais aussi la tristesse du roman prennent superbement forme. D’après ce que Le Tigre a compris, le benjamin se barre aussi à Paname, promettant à Jérémie (comme jadis son grand frère l’a fait) de venir le chercher plus tard. Le cadet, imprégné de religion, paraît alors comprendre que le bled où il se trouve, c’est la mort, et que le bien l’attend du côté de la capitale. Et je me suis caché prend tout son sens dans la mesure où, à sept ans (l’âge de raison), le minot a saisi, selon lui, la différence entre le bien et le mal. [Fin SPOIL] Dérangeant après avoir lu les aventures de Jules à Paris, entre paradis artificiels et morts précoces.

…à rapprocher de :

– Des souvenirs de jeunesse, racontés dans le vocabulaire adéquat à l’âge du narrateur, il y a l’excellent La vie de ma mère !, de Thierry Jonquet. A ne pas rater.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici. Ou sur le site de l’éditeur.

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