Guy Delisle – Chroniques de Jérusalem

Delcourt, 334 pages.

Guy Delisle - Chroniques de JérusalemSorti au début des années 2010, justement récompensé, Chroniques de Jérusalem vaut largement un essai politique sur la région. Roman graphique dense et facile à suivre, on se régale à suivre les pérégrinations de Guy et ses carnets de croquis. Région en tension permanente, personnages pittoresques, la vision de Guy semble, en conclusion, assez juste.

Il était une fois…

Guy D., sa femme (qui toujours travaille pour MSF) et ses deux enfants vont vivre 12 mois à Jérusalem. Al-Quds pour les musulmans. Dans la partie Est, c’est-à-dire le quartier arabe. Muni de ses notes et son carnet de croquis, l’auteur va rendre compte, à partir de sa propre expérience, des multiples aspects de cette région si particulière.

Critique des Chroniques de Jérusalem

Dernier (pour l’instant hein…) roman graphique lu de cet auteur, pas mon préféré mais un titre à ne rater sous aucun prétexte. A l’instar des Chroniques birmanes, Delisle a gagné en maturité et a quand même pondu un relatif pavé de près de 350 pages. Accompagné de sa compagne et de ses deux enfants (un de plus par rapport à la Birmanie), voici un séjour d’un an plutôt bien rendu.

Ici, nous aurons droit à des chapitres chronologiques (comme ses titres précédents, mais c’est bien plus visible dans Jérusalem), ce qui permet un surplus d’empathie avec l’auteur. Il s’adapte, le lecteur aussi. Au début il hallucine quand on lui demande s’il a une arme, progressivement il ne s’étonne plus de voir quelqu’un se balader dans la foule un flingue à la main. Comme les bouchons en voiture, il (et on) s’y fait vite.

Difficile, sinon inutile, de parler d’un roman (graphique) dont l’auteur livre ses impressions. Objectivité donc, mais pour un tel sujet, à quoi peut-on vraiment prétendre ? Le conflit du Moyen-Orient, je n’y comprends goutte tellement ça remonte à loin et les informations, souvent contradictoires, abreuvent le citoyen. Toutefois Guy, avec la simplicité qui n’a d’égal que ses dessins, développe une image que Le Tigre aime à considérer fidèle. Bref, aucune raison de ne pas mettre en cause ce qu’il y a dans ces pages, fruit du travail d’un dessinateur, et non d’un politologue.

Sur le style, dessins et textes sont toujours aussi abordables : quelques subtiles variations de couleurs (jaune, bleu ciel, vert de l’Islam) au service d’une sobriété propre à l’auteur. L’architecture, toujours aussi bien rendue (pas du Andreas avec ses Rork quand même). Quant au texte, concis et non répétitif (par rapport à ce qu’on peut voir), avec la touche d’humour (cynique souvent) qui sied si bien à Guy.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Déjà, j’ai étonné de voir l’étendue de la situation en Cisjordanie. Je pensais qu’il s’agissait d’un territoire majoritairement palestinien, en fait Israël contrôle une bonne partie de la zone et laisse des petites « poches » de villes (Ramallah, Hebron par exemple) dont la connexion est contrariée par les nombreux checkpoints. En outre, Gaza est pour tout Arabe quasiment une prison. La politique israéliennes de colonies, au final, est particulièrement efficace. On déloge, on construit, on installe, tout ça sous protection de l’armée, la souveraineté de quelques kilomètres carrés se fait progressivement.

Le mur. Enfin les murs. Quasiment pas une planche où on n’aperçoit pas une barrière. Mur des Lamentations certes, mais avant tout les murs érigés par Israël pour isoler les populations palestiniennes. Des édifices de 5 mètres de haut, checkpoints rares et humiliants (même si les soldats de Tsahal ont l’air plutôt cool en général), des détours hallucinants à faire en voiture (l’exemple de l’université de Jérusalem est terrible), les embouteillages monstrueux qui s’ensuivent, etc. Et certains vieux juifs qui se désolent de ce qu’est devenu leur pays qui oppresse trop à leur goût.

Les préjugés. Sur les Israéliens, les Arabes, les Chrétiens, chacun apporte de temps à autre son lot de surprises qui nous rappelle que rien n’est jamais acquis. Pays énormément complexe, L’unique soirée de la nuit pendant laquelle les juifs ultraorthodoxes se pintent salement la gueule, les femmes voilées souhaitant devenir prof de beaux-arts car c’est la seule manière de pouvoir sortir, les petits arrangements de chacun avec la religion…tout cela raconté avec une acidité bienvenue, Delisle surprend plus d’une fois.

…à rapprocher de :

– Les autres Delisle, bien sûr. Par ordre alphabétique : Pyongyang, Shenzhen, Chroniques birmanes.

– Sur la géopolitique de cette région, vue côté arabe, il y a Les matins de Jénine, d’Abulhawa. Toujours instructif.

– Et pour des discussions plus « religieuses » sur judaïsme et islam, lisons ensemble le polar de Littell (Sr), Les Enfants d’Abraham.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré sur Amazon ici.

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