Hergé – L’Île Noire

Casterman, 61 pages.

Hergé - L'Île NoireSous-titre : Les Aventures de Tintin et Milou. Un vilain à consonance méchamment germanique ; des faux biffetons anglais qui se baladent dans la nature ; une TV qui retransmet en direct avec deux jours de retard ; un monstre du Loch Ness version terrestre, voui : la seconde guerre mondiale n’a pas encore remis d’ordre dans tout ça.

Il était une fois…

Accrochez-vous, parce que ça va gravement fuser : Tintin, en balade on ne sait où, se fait presque assassiner par deux aviateurs qui ont atterri au milieu de nulle part. Miraculeusement sauvé, le héros sort de sa chambre d’hôpital pour aller sur les lieux du crime. Il se retrouve dans le même train (whaaaat ?) de deux potos des aviateurs, se fait piéger à de nombreuses reprises, avant de relever le doux nom de Müller. Du coup, après un joli charivari, Tintin poursuit cet individu jusqu’au fond du trou du cul de l’Écosse, à savoir une île soi-disant hantée. Or, sur l’île noire sévit une terrible bête.

Critique de L’Île Noire

Il arrive au félin de pécho un vieux classique parce que celui-ci traîne depuis trop longtemps dans la bibliothèque de ses parents. Le hasard fait bien les choses, car il s’agit du sixième opus du héros à la houppette (soit la moitié de 12, mon numéro préféré), et parce que je ne compte pas Tintin chez les Soviets, brûlot anti-communiste aussi injuste que mal illustré.

Revenons à notre opus qui, rappelons-le, a majoritairement lieu en Grande-Bretagne – Angleterre puis Écosse. Tintin déjoue la mort plus d’une fois (souvent de façon scandaleuse, un vrai 007 de BD) et son aventure le mène inexorablement vers l’île dont parle le titre. Ce gros caillou n’est rien d’autre qu’un repaire de faux-monnayeurs qui opèrent en secret à la manière des gus dans Vol 717 pour Sydney. Et, pour éviter que des curieux ne s’y aventurent, les forbans ont créé une espèce d’épouvantail vivant en la personne de Ranko, terrifiant gorille à la King Kong qui à la fin se transforme en une insupportable tafiole incapable de tenir son rang.

Quant aux illustrations, bah vous savez à quoi vous attendre. Ligne claire à la papa, gestion optimale des cases, rien à redire. En conclusion, un titre bien rythmé qui se lit comme on regarde un blockbuster, avec ce que ça comporte comme faux raccords – à ce sujet, je vous renvoie au dernier thème abordé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le faux monnayage est en première ligne, et en rajoutant le méchant Teuton il n’est pas dur de comprendre que cette BD a été publiée à la fin des années 30. Pour la première fois, Hergé introduit le Docteur Müller, vil personnage qui sera amené à revenir. Je pensais que cet ennemi était un haut gradé dans la hiérarchie du crime, or il n’en est rien. En effet, Müller demande à un moment de prévenir le chef, un barbu (Wronzoff si j’ai bonne mémoire) qui pratique la savate. Dans d’autres titres, on apprend qu’au-dessus du Docteur, il y a le grand Rastapopoulos. L’Allemand Müller serait donc un énième sous-fifre d’un mec avec un gros pif et d’un autre à consonance russe – vous saisissez l’ironie par Hergé ?

Mes dernières remarques concernent l’expérience satisfaisante que Tigre-enfant a eue. Expérience ruinée, des années plus tard, par une lecture attentive : j’ai eu l’impression que le bon Hergé s’est plus ou moins foutu de ma gueule. En fait, je pense à deux erreurs de scénario qui m’ont plus ou moins piqué la moustache. Vers la planche 25, Tintin parvient à laisser les loupiotes dans les arbres allumées grâce à on ne sait quel stratagème puisque les deux méchants tentent de couper les fils, sans succès. L’électricité viendrait d’ailleurs donc. Plus tard, les loustics s’électrocutent en coupant les fils avec lesquels ils étaient bâillonnés. Faudrait savoir.

Mais le pire reste le gag avec les Dupondt dans l’avion de haute voltige. Pour faire court, Tintin poursuit Müller et pique un coucou avant de s’écraser en Écosse façon Lockerbie. Les deux flics qui ont trois neurones en tout et pour tout réquisitionnent peu après (genre 15 minutes) un autre avion et obligent le mécanicien à prendre les commandes. Pendant ce temps, notre héros se remet de son accident, passe la nuit dans les Highlands, tape la discute avec un vieux con, demande à aller sur l’île noire, tabasse les méchants, et pose même un plâtre au gros singe.

Soit, au pifomètre, 20 bonnes heures. Toutefois, quand les flics débarquent sur l’île (avec les Dupondt, à n’y rien comprendre), ils filent au poste de commandement et regardent la télé qui retransmet, en direct (les remarques des commentateurs ne trompent pas), les acrobaties des Dupondt. Le ballet aérien a donc duré une journée entière. Deux dizaines de putain d’heures pendant lesquelles un individu qui ne sait pas piloter ne s’écrase pas. Sans parler des réserves de carburant, le réservoir de l’aéronef doit être aussi rempli que les couilles de Tournesol – car il n’a pas encore rencontré Tintin à ce stade des aventures.

à rapprocher de :

– Quelques Tintin sont à signaler sur le pétillant blog, par exemple Les Cigares du pharaon ; Le Sceptre d’Ottokar, Le Lotus bleu ; Les Sept Boules de cristal ; Le Temple du Soleil ; Tintin au pays de l’or noir ; Les Bijoux de la Castafiore. Dans l’ordre s’il vous plaît.

– Si vous avez envie de vous bidonner sur Tintin, je vous rappelle l’existence de Tintin en Thaïlande (en lien, avec un pdf de la BD en question)

– Sur le faux monnayage par les infâmes Allemands, je vous renvoie vers l’excellent Les Faussaires (de Stefan Ruzowitzky) et dont l’histoire est inspirée de l’opération Bernhard. Voire, en BD, L’Opération Thor, avec ce bon Lefranc – pas mal du tout à lire d’ailleurs.

17 réflexions au sujet de « Hergé – L’Île Noire »

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  11. Par chez moi, a Saint Raphael, on dit que Herge a dessine l’Ile Noire en s’inspirant de l’Ile d’Or et de sa tour.
    Je ne sais absolument pas si c’est la vérité ou non…

    • C’est faux !! Mes racines bretonnantes (atlantiques surtout) me hurlent que celle-ci a été inspirée de du Vieux-château de l’Île d’Yeu. Hergé était trop pauvre pour descendre dans le Var, seule la misérable Vendée lui était accessible. cqfd.

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