Jean-Pierre Andrevon – Le monde enfin

Pocket SF, 633 pages.

Jean-Pierre Andrevon - Le monde enfinDans un futur extrêmement proche, l’Homme est sur le point de s’éteindre à une vitesse surprenante. Tableaux d’un monde extirpé du cancer humain, texte sublime et contemplatif (trop ?) avec une poignée de survivants, la SF laisse rapidement la place au drame. Une puissante claque qui fait douloureusement comprendre que la Terre serait mieux sans nous. 

Il était une fois…

La bonne vieille Terre a réussi à se débarrasser de la plupart des êtres humains (genre un prion qui tue 1999 hommes sur 2000). Quelques uns tentent de survivre dans ce nouvel environnement où la Nature redevient reine. Un homme seul à cheval qui parcourt la France vers le Sud afin de voir une dernière fois la mer, une femme fertile qui veut absolument procréer, des astronautes dont la mission a pitoyablement échoué, un militaire sorti d’un programme de survie, et d’autres clampins qui se démènent également seuls…. mais ça sent globalement le sapin pour l’Humanité dans la mesure où les survivants sont (pour la plupart) stériles.

Critique de Le monde enfin

Je vais encore sortir mon bazooka à clichés : cette œuvre est le roman de la maturité d’Andrévon, rien de moins. Un texte qui marque, qui laisse songeur malgré la facilité avec laquelle un virus fout en l’air la populace humaine en moins de temps qu’il faut pour finir un sudoku. Mais une fois que les gens tombent comme des mouches, la tuerie laisse la place à une sérénité assez troublante – j’ai gravement kiffé.

Le roman se décompose en deux facettes bien distinctes, qui vous intéresseront plus ou moins selon vos préférences. D’une part, il y a différentes histoires avec le monde depuis les prémisses de la contamination (du genre Paul Soverino, un militaire enrôlé pour prendre la relève) jusqu’à l’extinction du monde dominé par l’homme – les canidés, curieusement, sont agressifs à souhait. D’autre part, dans un futur indéterminé, le lecteur suivra un vieil homme et son canasson qui descendront vers le sud. Des chapitres en italique, très contemplatifs, où en dépit de rencontres ici et là l’espoir de la survie se meurt régulièrement.

Sur le style, y’a du bon et du moins cool. Quand ça a parlé au Tigre, franchement ce fut un régal : le mecton qui a son cul posé sur un satellite et peut décider du sort d’une région en Chine ou ailleurs, le gus qui se balade dans un Paris désert (un plaisir pour connaisseur), le militaire au beau milieu d’un complexe surprotégé dont il tente de s’échapper, etc. Toutefois, il est quelques moments bien plus longs, presque chiantissimes, mais qui peuvent être zappés sans rien perdre de la puissance du bouquin – et oui.

Ainsi, pour ma part, si j’ai un poil baillé sur les menues descriptions naturalistes (certes instructives mais gavantes, surtout vers la fin), je garde du Monde enfin un souvenir ému, un pavé d’une rare intelligence qui mélange plusieurs thèmes avec une facilité déconcertante. Car, outre la SF ou de drame, Andrévon parvient à distiller une certaine tendresse, en-cela aidée par un humour qui fait mouche quand il faut. Du grand art.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La première chose évidente à raconter est à quel point l’absence de l’Homme n’a rien à voir avec la fin du monde. La vie reprend son court, et il est dingue (on s’en doute) de remarquer comment une espèce en moins (l’homo sapiens, pour ne pas le nommer) permet à d’autres de revivre alors qu’elles étaient promises à une mort certains – ours, tigres, pandas, etc). D’où le titre, qui selon moi signifie que tous ces êtres vivants ont, peur eux, le monde – enfin. L’homme n’est qu’un passage douloureux mais fugace, surtout eu égard la façon dont il a disparu (d’ailleurs, bizarre que d’autre espèces n’aient pas été touchées).

Ainsi, Le monde enfin paraît être une œuvre terriblement écologiste. Voyez comme les trois ordres vivent en bonne harmonie, la chaîne alimentaire se remet naturellement en place et les déséquilibres apporté par l’Homme, ce gros connard, sont vite oubliés – à part le réchauffement climatique subsistant. Le seul aspect intéressant (disons salvateur) qui apparaît est le fameux don, celui qui permet à certains protagonistes de communiquer avec la faune. C’est le cas de Sébastien qui tente de survivre à Paname en trouvant sa nouvelle place parmi les animaux, mais surtout la Princesse des rats, personnage squattant quelques chapitres qui retourne à un troublant état sauvage – et dont l’histoire occupe une place centrale dans la narration.

Comme Andrévon tend à le souligner dans les derniers chapitres, l’Homme n’est qu’un enfant qui joue avec des objets d’acier et de mort (les chars, les fusils) dont la portée le dépasse. Un gosse aussi bête que vilain qui s’est pris une mandale (définitive hélas) par Mère Nature qui a tout bonnement décidé de reprendre les choses à zéro. Et le résultat n’est pas si dégueulasse que cela – putain, c’est si évident de le reconnaître.

…à rapprocher de :

– Du bon Andrevon, la base reste Le travail du Furet (terriblement humain). Puis Sukran, qui est d’une rare tristesse (et sympathiquement orienté à gauche).

– Sur la fin de notre monde, je vous encourage vivement à lire ce qu’à fait le bon Ballard. Sur le blog, il y a Le monde englouti. Juste excellent.

– A tout hasard, je vous signale qu’une maison indépendante a publié Fin(s) du monde, y’a de très bonnes choses (gratuites en plus).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

7 réflexions au sujet de « Jean-Pierre Andrevon – Le monde enfin »

  1. Ajouté sur la liste de lecture, merci. J’essaie de me rattraper un peu sur la SF ces derniers mois, parce c’est toute une littérature que j’ai longtemps ignorée. J’ai lu quelques « classiques » qui m’ont été conseillés, du type Cantos d’Hypérion, Terminus les étoiles, Chroniques martiennes (Dune est dans le viseur, ainsi que certains Philip K. Dick que j’ai pas lus) et j’ai pas tardé à me demander s’il existait de bonnes productions de langue française. Ça tombe pile-poil, merci encore (tenage de jus dès que fini).

  2. ça donne envie de lire ce livre. As-tu lu le « Successeur de Pierre » de Jean-Michel Truong ? Il y a la suite et la fin de la logique actuelle en tant qu’espèce connectée 24/24 et économique qui est pas mal du tout non plus.

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