Philip K. Dick – Le dernier des maîtres

Folio SF, 384 pages.

Philip K. Dick - Le dernier des maîtresVO : The last of the masters (la nouvelle phare). Onze textes de qualités diverses écrits au début des années 50, toutefois quelques superbes histoires se cachent dans cette œuvre. Style qui reste plus que correct considérant la date de première publication, il y a largement de quoi être transporté par les univers troublants de Philip K. Dick.

Il était une fois

Le quatrième de couv’ se veut aguicheur et original sur la présentation de textes, je vous en laisse alors juge :

« Et si les jouets se révoltaient ? Ou les insectes ? Et si quelques survivants d’une guerre future se retrouvaient assiégés par un ennemi invisible ? Et si une machine pouvait commettre le crime parfait ? Et si vous étiez convaincu, contre toute évidence, d’avoir tué votre femme ? Et si des robots protégeaient les humains contre leur gré après une guerre nucléaire ? Et si la radioactivité d’un centre de recherches provoquait une mutation irréversible ? Et si un flipper extraterrestre représentait une sourde menace ? »

Critique du Dernier des maîtres

Gallimard a sélectionné quelques textes de l’écrivain américain torturé, à savoir :  La révolte des jouets, Le dernier des maîtres, Les assiégés, L’homme sacrifié, Foster vous êtes mort !, Machination, Le retour du refoulé, Les défenseurs, Planète pour hôtes de passage, Les rampeurs, Match retour. Le Tigre ne compte pas tous vous les résumer, seulement sélectionner le meilleur de ce recueil.

Mon petit préféré reste Le dernier des maîtres, ce n’est pas pour rien que celui-ci offre son titre au roman dans son ensemble. L’histoire d’un monde joyeusement anarchique depuis près de trois siècles est rapidement immersif en suivant deux groupes : une Ligue qui traque ce qui reste de gouvernement organisé aux États-Unis ; et une enclave encore organisée grâce à un antique robot passablement rouillé qui gère tant bien que mal la communauté productiviste. L’affrontement a rapidement lieu, avec un exemple de guerre asymétrique comme on les aime.

Outre les deux thèmes traités dans la partie suivante, il y a toujours chez K. Dick le spectre d’une menace pas toujours identifiée, quelque chose qui plombe l’atmosphère et apporte son lot de surprise. Que ce soit un flipper E.T. au comportement suspect ou quelques jouets animés, en passant par un mini robot qui n’est pas sans rappeler un Transformer, il y a de quoi faire quelques titres à suspense. Et lorsque le risque est bien défini, c’est toujours la bombe A qui apporte son lot de catastrophes et dégueulasseries biologiques (cf. Les rampeurs).

Avec une écriture agréable et loin des délires mystiques d’autres œuvres de cet écrivain, le lecteur n’aura que très peu l’occasion de s’ennuyer (Machination ou La révolte des jouets étant quelques exceptions toutes personnelles). K. Dick est presque indémodable, c’en est effrayant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La manipulation. On sait le père K. Dick relativement parano une bonne partie de sa vie (il n’y a qu’à lire SIVA), et quelques textes illustrent parfaitement cette ambiance. Les assiégés, en particulier, est délicieux à parcourir : une bande de survivants est attaquée par un insaisissable ennemi, au fil des pages on commence à pressentir que nos « héros » sont des solides paranoïaques. De même, dans Foster, vous êtes mort !, il est question d’un enfant qui veut à tout pris avoir un abri atomique. L’économie du pays, axée autour de la menace nucléaire, propose chaque année de nouveaux modèles que le populo ne peut se procurer. Et ne pas participer à l’effort de protection est très mal vu, entrer dans le rang devient hélas obligatoire.

La réalité discordante. Il est des moments où on en vient à douter de la matérialité du monde qui nous entoure, et à changer de perspective du tout au tout. Dans Planète pour hôtes de passage, il appert vite que les êtres non irradiés qui se protègent de l’environnement devenu nocif ne méritent plus le qualificatif de « terrien ». Avec Les défenseurs, c’est l’information même sur un conflit (livrée par des robots puisque la surface est devenue inhabitable) qui est remise en question. Quant au Retour du refoulé, on touche le fond dans le domaine de l’illusion et des moyens de royalement baiser un esprit.

…à rapprocher de :

Souvenir, un autre recueil de nouvelles.

– De K. Dick, je vous enjoins de parcourir l’original A rebrousse-temps (aspect religieux finement traité).

– Sur la « réalité discordante », lisez sans tarder Substance M. Un bijou. Même auteur again.

– Les thèmes de ces nouvelles ne sont pas sans rappeler quelques unes, plus récentes, de Serge Lehman dans Le Haut-Lieu.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

9 réflexions au sujet de « Philip K. Dick – Le dernier des maîtres »

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    • Pas lu, pas fan par défaut. En revanche j’ai la version « comics », j’attends le dernier tome (6ème il me semble) et je m’en occupe. Aucune logique, je le sais bien, c’est le credo du blog.

      • Dommage parce que le bouquin est complètement « fucked up ». Pas d’un grand intérêt scénaristique, mais pour les fans de Blade Runner, c’est une bonne lecture complémentaire, ça permet de mieux comprendre l’univers. C’est pas dans tous les livres qu’on élève des moutons mécaniques sur le toit des buildings 😉

        Je connais pas le comics par contre, le Tigre le conseille-t-il ?

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