Romain Bévierre – Récits cousus main

Editions du Panthéon, 104 pages.

Romain Bévierre - Récits cousus mainDe 1915 à 2014, un siècle de rencontres, de tristesse, de joie et de surprise. Le style, poétique mais direct, est une belle surprise et le lecteur pourra regretter que ça ne dépasse pas la centaine de pages. Quatre histoires avec de minces (pas tant que ça) fils qui les retiennent, voici une pépite de friandise. 

Il était une fois…

Lors de l’hiver 1915, deux soldats (de chaque bord) profitent de la trêve de Noël pour discuter…jusqu’à être brutalement interrompus. 20 années plus tard, un jeune homme esseulé voit passer sous son nez le bonheur. 1955 : un antiquaire fait la rencontre d’une marionnette qui, miracle, lui livre son histoire. 2014, pour finir : Muguette est une vieille femme qui se remémore ses tristes souvenirs.

Critique des Récits cousus main

J’avoue avoir eu les jetons en ouvrant le bouquin, et ce à cause d’une préface assez lyrique, presque inutilement verbeuse – mes excuses à l’illuminé qui l’a rédigée. Il est question de communion à base de symphonie à l’harmonie supérieure, bref des trucs qui ne prennent qu’un semblant de sens qu’une fois que la dernière page du roman a été tournée.

Pour un premier contact avec cet auteur, il faut convenir que l’éditeur qui m’a proposé cet ouvrage en particulier ne s’est pas foutu de ma gueule : l’écriture de Romain Bévierre est de la musique pour les yeux. Quitte à filer la métaphore comme un vrai critique littéraire qui se la pèt…euh…respecte, son roman est un E.P. de pure qualité : il s’agit de quatre morceaux de musique avec des mélodies et rythmes différents (dialogues théâtraux ou plus « classiques », journal intime, narration omnisciente ou non) qui suscitent une sensation proche d’un doux malaise – temps qui passe, bêtise humaine ou encore gâchis en raison de décisions importantes jamais prises.

Néanmoins, il y a comme une ligne harmonieuse commune à ces textes, quelque chose d’autant infime que puissant si on veut bien s’y intéresser de plus près – c’est tellement le cas que Le Tigre en parle dans la partie suivante. Tout ce que je peux dire est d’avoir été agréablement touché par ces saynètes, en particulier Blanche, qui mêle fantastique light et poétique tristesse – la première histoire, certes belle, n’en est pas moins évidente à mon sens.

En guise de conclusion, cet ouvrage, parce qu’il est court et dense, méritera sûrement d’être relu. Voui, Le Tigre qui refuse de relire un bouquin (mes explications en lien) n’exclut pas ici de se vautrer dans ce malheureux vice. En outre, le lecteur pressé pourra zapper la préface et attaquer le gros morcif, quitte à revenir dessus plus tard.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Je pense qu’il est opportun de discourir sur le choix du titre. S’il est question de couture, c’est que l’auteur français a ciselé, avec un grâce certaine, des bribes d’existences entre elles. Tour à tour le fauve a rencontré des membres des familles Dupré et Dancet – agissant ensemble ou séparément. Or ces protagonistes sont ignorants des liens forts qui les lient, comme pour souligner l’inéluctable dégradation de la mémoire (entre autres) humaine. Le premier texte, intitulé Histoire de ne pas oublier, et qui met en scène les deux compères que sont la Mémoire et l’Oubli, souligne bien l’antagonisme à venir : faire l’effort de se souvenir de détails précis (un prénom, un métier, un lieu, etc.) afin de donner un sens à ce magnifique foutoir qu’est la vie – ceci s’applique aussi bien aux personnages de fiction qu’au lecteur.

Plus généralement, ce recueil cohérent parvient à souffler le chaud et le froid de façon admirable. La mort et l’espoir, la mémoire qui revient (et résout presque tout) et l’indicible oubli, le temps qui file (entre bénédiction du pardon et impitoyable vieillesse), l’écrivain français martèle sa plume sur tous les tableaux. Jusqu’à rendre ivre son lecteur, comme groggy : entre les quelques renvois et clin d’œil entre les quatre nouvelles et la portée presque universelle des thèmes abordés, à peine si l’écriture parfois trop ampoulée est à déplorer.

…à rapprocher de :

– La simplicité de la narration ; la sensation d’être, malgré soi, emporté ; les différents scénarios qui finissent par se rejoindre, bref Le Tigre a plus d’une fois pensé à des films comme Babel ou Magnolia.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

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