Tobie Nathan – Qui a tué Arlozoroff ?

Points, 432 pages.

Tobie Nathan - Qui a tué Arlozoroff ?Le Tigre a déjà eu affaire au père Nathan, dans le cadre d’un ouvrage passionnant sur les rêves. Or le même Nathan a écrit un polar historique, sur fond de question énigmatique ? Aussitôt découvert, aussitôt acheté. Et ces presque 450 pages ont constitué un bon souvenir de littérature. Sans plus. Mais à offrir sans hésitation à sa belle-mère un peu gâteuse.

Il était une fois…

Le narrateur, Ezra, cherche à savoir qui a tué un pauvre clochard en Israël. Ses recherches de journaliste vont le mener à raconter (avec d’autres conteurs) l’histoire de Magda Quandt, épouse Goebbels, et son amant Arlozoroff, juif éduqué en Allemagne et personnage important de la construction d’Israël. Et de son meurtre, sur fond de nazisme rampant en Europe.

Critique de Qui a tué Arlozoroff ?

Tobie Nathan, en plus d’être un grand savant, sait à l’occasion être un excellent romancier, mieux, un conteur. Car derrière l’énigme du meurtre, c’est tout un contexte, un environnement qui est magistralement exposé. Historiquement à la limite de la fiction, l’histoire d’Arlozoroff est avant tout une excuse pour atteindre Magda Goebells, femme fatale qui tout au long de sa vie a fait montre d’une intelligence et d’une adaptation remarquables.

Mister Nathan nous offre l’Histoire, sur un plateau original et souvent captivant. En exposant le développement de Magda, ses péripéties, et ce qui l’a motivée pendant deux tortueuses décennies, c’est un nouvel aspect de la folie de l’Allemagne des années 30 qui est montré. Et Le Tigre approuve.

A cela il faut bien sûr rajouter l’histoire de la naissance du sionisme, les rivalités au sein du mouvement et des tractations, souvent inutiles, des juifs avec l’Allemagne nazie jusqu’aux derniers instants. Quant à la fin, celle-ci offre une jolie surprise inattendue, quoiqu’improbable, mais fleurant bon la barbouzerie orientale.

Pour finir, ce joli pavé de 400 pages se lit assez rapidement, de manière plutôt fluide et sans grosses longueurs. Écriture réellement aboutie, rien à dire. Les allers et retours entre l’Histoire et le présent n’embrouillent en aucun cas le lecteur, même si Le Tigre se perd un peu entre le prologue et le fin mot de l’histoire. Pour personnes férues d’histoire, et particulièrement portées sur les mystères entourant le milieu du vingtième siècle.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le sionisme, affaire d’hommes d’horizons aussi lointains que variés, a été une aventure plus que périlleuse pendant la période du roman. Jusqu’au bout la négociation avec l’Allemagne était de mise, et même les projets les plus farfelus (parquer les juifs à Madagascar par exemple) étaient mis sur la table. Rencontres occultes, projets avortés, réunions dangereuses, contacts avec les gouvernements des grands pays, on n’imagine pas tous les efforts déployés pour permettre à un peuple de contribuer à créer son État.

Il ne faut pas oublier que ce roman est également une histoire d’amour impossible, entre un brillant étudiant sémite et une Allemande bien sous tout rapport mais qui a les dents qui rayent sérieusement le parquet. Fusion, destruction, les excès de ces personnages hors du commun vont les perdre (Magda subit une fin peu glorieuse dans ce roman). Leur amour allant à l’encontre du sens de l’Histoire, ça ne pouvait créer que des étincelles.

Tobie Nathan nous présente les mobiles, mais jamais ne se risque à résoudre le meurtre. Celui d’Azlozoroff est une véritable énigme jusqu’à en faire un proverbe, et ce à juste titre. L’auteur jongle autour de trois responsables potentiels : les rivaux juifs qui n’approuvaient pas la politique d’Arlozoroff, les Palestiniens qui déjà voyaient le danger de ce qu’il allait advenir de la région, ou alors Goebells fou de jalousie de savoir que sa femme était l’amante de la future victime.

…à rapprocher de :

– Si vous aimez des bribes de l’Histoire, avec un grand « H », avec de grands personnages vus sous un autre angle, il convient de se reporter à la Trilogie berlinoise, de Kerr.

– Le polar à l’israélienne, Le Tigre pense tout de suite aux œuvres de Batya Gour, romancière tout à fait intéressante. Meurtre à l’université par exemple.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Une réflexion au sujet de « Tobie Nathan – Qui a tué Arlozoroff ? »

  1. Ping : Tobie Nathan – La nouvelle interprétation des rêves | Quand le tigre lit

Laisser un commentaire