Will Eisner – L’appel de l’espace

Delcourt, 136 pages.

Will Eisner - L'appel de l'espaceVO : Life on Another Planet. Je ne pouvais passer à côté de ce roman graphique d’un illustre auteur et au titre alléchant. Sujet ambitieux, le contact avec une espèce extra-terrestre, ça promettait grandement. Malheureusement la déception fut immense, peut-être est-ce parce que l’ouvrage a très mal vieilli. A éviter pour le lecteur passionné de SF.

Il était une fois…

Nouveau-Mexique, un puissant télescope capte un message provenant d’une lointaine étoile, Barnard. A partir de cet élément unique et sans précédent, les réactions de tous ne semblent pas vraiment être à la hauteur. Comment contacter les potentiels E.T., s’unir pour parler d’une seule voix,… ?

Critique de L’appel de l’espace

Le Tigre ne s’attendait pas à ce type de romans graphiques. Tout en restant content d’avoir souffert de le lire, puisqu’étant un vieil ouvrage d’un auteur considéré comme un maître en la matière.

Le scénario se veut complet et prenant tous les aspects géopolitiques d’une telle rencontre, seulement Eisner en fait trop, et inexorablement perd le lecteur. Beaucoup de protagonistes à suivre, les histoires se recoupent et les liens entre celles-ci ne sont pas toujours pertinentes (Le Tigre pense à la présence de la mafia notamment).

L’histoire, parlons-en. Eisner pense vraiment à tout : luttes entre États ; petit pays qui décide de « quitter » la communauté humaine ; multinationale qui veut être la première sur les rangs ; mafia qui tente d’influencer la politique d’un pays ; sectes hippies complètement déjantées,… Tout ça à partir d’un message certes indiscutable mais bien pauvre (des suites de nombres premiers). So, then ?? Rien en fait, il manque juste, à mon sens, un épilogue, au moins savoir qui loge sur la lointaine planète, et comment ces derniers observent notre manège.

Autre raison pour laquelle la « note » du roman est négative, c’est le dessin. Hélas pas tout à fait ce que j’aime, ça part dans tous les sens. Ligne pseudo claire, personnages assez grossiers, discipline des cases pas respectée, ajoutez à ça le texte souvent excessif, on a parfois hâte que ça se termine. Le noir et blanc n’améliore pas la lecture, presque du Crumbs en fait.

Si vous aimez la SF, passez votre chemin, la fin est plus que frustrante et jamais vous ne verrez le bout d’un E.T. ou même de l’espace. Sans compter la crédibilité scientifique, quasi nulle. Pour le fan d’anticipation sociale ou d’Eisner, ça peut le faire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La guerre froide. Écrit au début des années 80, où Reagan commence ses facéties néo-guerrières, la découverte d’un signal E.T. exacerbe avant tout les tensions entre les deux blocs. Barbouzeries de bas étage (faire péter les installations spatiales de l’autre), course à l’armement (ici envoyer une capsule vers ladite planète), impossibilité de se mettre d’accord, ce n’est pas vraiment l’amitié des peuples. Les idéalistes qui pensaient que l’humanité pourrait enfin s’unir derrière un but commun en prennent pour leur grade.

Le capitalisme rampant. La multinationale du roman est d’une caricature, c’est édifiant. Appât du gain à tout prix, soutient de régimes politiques autoritaires, cynisme à toute épreuve, on pourrait s’imaginer qu’Eisner n’est pas un libéral à la Madelin. Trafics d’influence, manipulations au plus haut niveau de l’État, en fait on pourrait reconnaître, de nos jours, ce qu’une entreprise de très grosse taille serait prête à faire pour garder ses privilèges. Sauf qu’ici les buts de la boîte ne semblent être rien d’autre que le monopole du lien avec une entité extra-humaine.

Au final, cette œuvre illustre avant tout la bêtise humaine. A part le héros ou d’autres doux rêveurs, la machine politique prend le dessus et produit ce qu’il y a de pire. Toutefois Eisner, dans ses descriptions, s’attache peut-être trop aux « grands ensembles » en mouvement, et laisse de côté les discussions philosophiques qui doivent naître d’une telle révolution. On assiste surtout aux luttes de pouvoir au niveau national (au mieux), à l’inexistence de l’ONU et aussi à la folie de certains mystiques qui s’oublient trop vite.

…à rapprocher de :

– D’Eisner, il faut mieux lire La Trilogie New-Yorkaise, ou Dropsie Avenue (Trilogie du Bronx).

– Les réactions peu intelligentes des pouvoirs publics, comme le pessimisme peut l’imaginer, se retrouvent dans Calculating God, de Robert J. Sawyer. Et puis dans un film avec Keanu Reeves (au passage).

– Si les E.T. ne viennent pas à toi, va les découvrir dans une expédition arctique. C’est Les montagnes hallucinées, de Lovecraft, mis en BD.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

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