Tigre & podium Formule1…ou pas. Une des règles du Tigre est de ne JAMAIS parler d’actualité. La littérature, immanente, ne mérite pas de s’arrêter à quelques hochets que le geôlier du blog mendie honteusement. Mais si je peux tourner ce billet en un délirant didacticiel qui fait office d’aimant à clic, pourquoi se priver ? Promis, ce sera le seul billet de genre : l’expérience tigresque, partiellement fictive, des GBA.

Pourquoi participer aux GBA ?

[Nota bene : il s’agit d’un billet particulièrement long (3.000 mots, merde) fait par un blogueur et pour les blogueurs. A part mon inimitable (et imbitable) style, vous ne trouverez ici aucun bon plan littéraire]

C’est grâce à une poignée de neurones sauvés des (s)eaux à champagne et le néocortex encore rempli des strass de la cérémonie que j’entreprends de rédiger ces petites lignes. Mais avant de poursuivre la lecture, sachez que je n’ai pas en tête de :

  • me faire mousser. Certes j’ai été shortlisté (et accessoirement dégagé dans la dernière ligne droite, ce dont j’ai rapidement fait mon deuil), mais ce n’est pas une raison pour claironner comme un paysan bavarois qui vient de recevoir le prix de la meilleure bière dans son village. Ça ne m’a guère empêcher d’avoir un mal de chat à passer ma porte d’entrée en revenant chez moi. Taille des chevilles il est vrai, mais aussi parce que je ne tenais plus vraiment sur mes pattes – j’ai même dû demander à ma tigresse de me gueuler dessus par anticipation afin que je retrouve la couche nuptiale.
  • encore moins glavioter dans la soupe généreusement servie en analysant de près le concours ou en rapportant ce qui pourrait éventuellement clocher. Car mon papa m’a toujours rappelé de ne point mordre la main qui offre le buffet consciencieusement pillé.
  • certainement pas publier un billet sérieux. La vie est trop courte pour faire attention à ce qu’on rédige sur le net.
Golden Blog Awards

Faudrait que je mette mon logo en 3D également

Pour revenir aux Golden Blog Awards, j’ai découvert ce truc l’année dernière, quand une poignée des blogueurs que je suivais plus ou moins régulièrement appelaient à l’aide pour qu’on vote pour eux. Keskecédonc ? Un évènement culturel « pour les blogueurs, par les blogueurs »…oh punaise, ça fleure bon la Révolution ça ! Faut que je m’inscrive à la prochaine session, c’est sûr !

Quant au règlement du concours, on a tellement cliqué « J’ai lu et accepté les conditions » sur la toile que faire une remarque sur celles des GBA reviendrait à critiquer la bouffe de l’hôpital après avoir donné son plasma. Pas d’engagement, aucune participation financière, si les modalités du concours ne plaisent pas, il y une solution simple adoptée par d’excellents sites : ne pas y aller. Il y aura toujours des milliers de blogueurs pour concourir et le crier sur tous les toits.

En outre, Le Tigre a fait bien pire pour se faire connaître dans sa courte existence numérique : des choses qui le hanteront toute sa vie, d’innommables actes à cause desquels je pleurais amèrement, en position fœtale, sous ma douche. Rassurez-vous, il ne s’agissait ni de challenges littéraires, ni d’un selfie avec Maxime Chattam.

Pour revenir au concours, j’ai cru distinguer deux étapes dans l’attribution des récompenses – trois votes, dont deux qui ont lieu en même temps et vis-à-vis desquels le blogueur ne peut pas faire grand chose.

Comment être shortlisté ?

La première étape est un savant marathon au cours duquel les internautes votent, pendant plus d’un mois, pour leurs sites préférés. Est-ce ainsi qu’on peut séparer le bon grain de l’ivraie numérique ? Bien évidemment, la qualité se jauge en fonction du nombre de vues. Sachant que j’ai été retenu, je ne vais pas vous affirmer le contraire – avec pareil raisonnement de champion, ARTE devrait fermer boutique.

Revenons aux quidams qui s’expriment. Un vote par jour pour chaque internaute. Par « internaute », entendez plutôt adresse IP unique. Pour faire simple, une adresse IP est une identification que votre fournisseur d’accès au net vous refile dès lors que vous vous connectez sur le web. C’est comme une autoroute, vous avez votre ticket de péage et obtenir un nouveau nécessite de prendre la prochaine sortie. En l’espèce, se déconnecter, comme par exemple désactiver de votre smartphone les données mobiles ou vous mettre en mode « hors ligne ». Puis revenir auprès de la civilisation numérique. Mais…serait-ce possible alors ? [Tigre aime bien carlabruniser à ses heures perdues]

Non, jamais je n’y ai pensé. Le félin a vu plus grand. Car c’est à ce moment qu’un Indien est entré en jeu. [attention, exotique interlude].

Pour des raisons de confidentialité, Chetan sera remplacé par un pote moine tibétain

Pour des raisons de confidentialité, Chetan sera remplacé par un pote moine tibétain

Lors de son long séjour asiatique, Le Tigre avait fait la connaissance de Chetan, Bangaloréen venu à Singapour pour étudier tout ce qui a trait à l’économie des quatre tigres. J’avais passé d’inoubliables moments en compagnie de ce gars qui m’avait appris, entre autres choses, la différence entre brahmanisme et védisme ou comment devenir un végétarien en bonne santé. Progressivement, j’avais appris que ce cachotier de Chet’ faisait partie de la haute, disons qu’à son niveau la seule caste au-dessus de lui était le premier ministre de la fédération indienne. Dernièrement, il m’avait convié à son mariage début septembre.

Hélas, je n’avais pu m’y rendre, le championnat de foot reprenait et je ne pouvais mettre en danger mes activités de gardien-mercenaire. Entre temps, je découvris que Chetan travaillait dans l’entreprise de son papa, basée sur une île récemment rétrocédée à la Chine. Révélation. Vous voyez où je veux en venir ? Voici donc mon courriel de réponse (ici traduit) : Chetan, je suis mortifié à l’idée de ne pouvoir célébrer ton mariage, en revanche si tes employés pouvaient voter pour moi avec le lien ci-dessous, Vishnu et Gomateshvara apporteront fertilité et prospérité à ton couple pour le reste de tes jours.

Stats du TigreIl l’a fait le con. Regardez donc ces statistiques si vous ne me croyez point. Entre 2 heures et 5 heures du matin, une bonne trentaine de vues depuis Hong-Hong étaient notées sur mon blog. Je reconnais sa patte entre mille. Sacré Chetan, il a même fait voter sa filiale de Dubaï !

En rajoutant les sms automatiques balancés à une poignée d’amis, du genre « salut ma poule, vote pour Tigre sinon je te brise le coccyx », voilà comment assurer une petite soixantaine de votes par jour.

Et ce pendant plus de 30 jours, je vous laisse savourer les conséquences.

Pendant que Le Tigre, subtilement inséré dans le nouvel ordre mondialisé, sous-traitait ses votes à l’autre bout de la planète, d’autres blogueur(se)s (dont je tairais les noms, tous se reconnaîtrons) publiaient via leurs sites ou des réseaux sociaux d’émouvants appels à l’aide. Mignon mais inutile. En effet, faisons le calcul suivant : Mademoiselle X, blogueuse à chats fière de ses 1.000 likes sur sa page FB, enjoint chaque jour la populace à voter pour elle via ce média social. Le premier et le dernier jour, pourquoi pas. Mais, nom de Zeus, pas à intervalles réguliers !

Dès la troisième publication, ses suiveurs habituels (les seuls qui voteront au passage) ne vont guère cliquer sur « j’aime ». Au bout du compte, plus elle met en ligne la même chose, plus FB pensera (à tort) qu’elle radote comme une vieillarde alzeihmerisée. Ainsi, sur 1.000 personnes la suivant, à peine 50 verront ce qu’elle publie. Et voilà, grâce à ses appels aux dons Mademoiselle X vient de fracasser la visibilité de son blog. Champagne.

Ah oui, j’ai failli oublier : pas besoin d’être un geek de la pire espèce pour insérer un widget sur son site. Cela évite le double clic (dont l’accès au site de l’organisateur), et vous pourrez en profiter pour personnaliser la bannière. S’agissant de la portée de ces tactiques, jugez plutôt : plus d’un mois après les inscriptions, Tigre était présélectionné. Le plus facile était fait. Depuis, c’est la fête du slip : mon social manager, dans son dernier rapport bimensuel, m’a fait part d’une augmentation de près de 36% de vues quotidiennes sur QLTL via les moteurs de recherche. Alléluia.

Nous arrivons donc à la seconde étape.

Comment finir premier aux GBA ? (faites ce que je dis, pas ce que je fais…)

La niaque, la vraie

A l’assaut de la récompense littéraire

Le Tigre abordera cette partie avec d’autant plus d’aisance que je n’ai rien gagné. C’est Le Sociologue qu’il faut applaudir – je mets exceptionnellement le lien vers son blog car ce briseur de rêves le mérite réellement.

Avant toute chose, à mon humble avis vous devez vous poser cette simple question : est-ce que mon blog mérite de figurer parmi les dix « meilleurs » de sa catégorie ? S’il n’est pas difficile de truander avec courtoisie, est-ce que ça ne se verra pas trop ? S’il doit y avoir un mulet dans la boîte de départ du Prix de Diane, ce pourrait-il que ce soit moi ?

Attention, je n’ai rien contre les blogs récents qui, avec leur cinquantaine d’articles balbutiants, décident souverainement de participer. Au contraire, c’est même un moyen supplémentaire de se motiver. Cependant, arriver dans la compèt’ avec si peu de matos peut être la meilleure manière de se manger une tôle. Pas besoin non plus de faire comme Le Tigre en attendant d’avoir plus de 950 articles, croyant abusivement que la quantité impressionnera.

Une fois dans le top 10 (enfin, à l’échelle du concours), la seconde étape consiste en un vote de deux types d’individus. Or, ces votes comptent pour deux tiers de la note finale, ce qui relativise (et c’est tant mieux) la portée des clics de l’ignorante plèbe sur le vaste internet. Tigre sait de quoi il parle, personne ne le lisant et une centaine d’Indiens ne comprenant que pouic au Français l’ayant propulsé ici.

Tout d’abord, il y a le vote du « partenaire ». Les GBA émanent d’une entreprise, dont la première raison sociale est de faire des bénéfices. Contrairement à la FIFA, ils annoncent la couleur. Comme ce n’est pas le fauve qui le fera, il faut bien que quelqu’un allonge la tune pour organiser tout ça, et les sponsors réclameront notamment d’avoir leurs mots à dire. Or, ces partenaires ne sont pas des gens comme vous et moi avant une élection présidentielle, ils ne vont point choisir quelqu’un qui chie régulièrement dans leurs bottes ou se fout ouvertement de leur gueule.

L'annonce des résultats est toujours difficile...

L’annonce des résultats est toujours difficile…

Ensuite, un jury bien déterminé (identifiable, pour une fois) s’occupe du dernier tiers des votes. Pour ma catégorie, je n’avais jamais entendu parler d’eux, à l’exception des gagnants de la précédente édition des GBA. Sauf si vous les connaissez personnellement depuis plus d’une année, je vous propose de faire comme le félin : envoyer, via twitter ou autre, un message public (donc bien visible de tous) leur demandant de « bien vouloir envoyer leur RIB en mp avant la date butoir de leurs votes, comme convenu ». Curieusement, je n’ai eu aucun retour de leur part, à peine quelques retweets d’indélicates personnes qui ont pris mes tentatives de corruption pour une plaisanterie.

Dernière remarque : les membres du jury sont susceptibles de se comporter comme les éditeurs à qui un manuscrit est envoyé – en tout cas j’agirais de la sorte. Jauger un blog en une dizaine de jours est comme juger un livre, les premières pages suffisent. Ainsi je conseillerais trivialement, le temps des votes, de publier les meilleurs articles jusque là en réserve, verser dans l’éclectisme et pourquoi pas faire attention (plus que d’habitude) aux fautes de frappes – bref serrer les fesses comme si vous éternuiez en pleine gastro.

La cérémonie à la mairie de Paris

Je ne suis que le 467ème à avoir pris cette photo

Je ne suis que le 467ème à avoir pris cette photo

Pour ce qui est du déroulement du raout final, ne comptez pas sur QLTL pour vous décrire, par le menu et à renforts de belles photos, à quel point c’était génial – je fais confiance aux autres pour cet aspect. Néanmoins, voici une image rapidement uploadée pour justifier de ma présence.

J’imagine qu’avoir accès à la salle des fêtes de la mairie n’est pas donné à tout le monde, néanmoins j’aurais préféré que la soirée se passe la veille d’un jour férié – le 10 novembre serait parfait. En fait, je crois que les organisateurs sont fort malins et ne tiennent pas à voir la moitié de l’assistance repartir sur les rotules après avoir copieusement dégueulé sur les marbrures de l’hôtel de ville.

Sur la remise des prix, le moins que l’on puisse dire est que la grosse vingtaine de gagnants a été vite expédiée. Quatre minutes par catégorie, douche comprise. Le micro a subi un gang-bang de modeste (quoique belle) facture.

La mignonette de vodka que j’avais emportée a légèrement altéré ma perception de l’ambiance au cours de la soirée, et je sais que selon l’humeur ou les personnes croisées on entendra tout et son contraire sur les personnes présentes. D’habitude, Tigre est plus sociable qu’un homme politique sous MDMA. Sauf que là il y avait trop de monde et de bruit pour réellement interagir avec des inconnus. Dans ces cas-là, le réflexe est de se rabattre vers les blogueurs que je connaissais déjà. Toutefois, ma courte expérience m’a permis de dégager trois types de personnes :

Les gens sympas-normaux, déjà. Rien à signaler, c’est comme prendre à part quelqu’un au cours d’une soirée chez un pote et tailler le bout de gras.

Tigre, abrutissant un confrère pour qu'il la ferme

Tigre, abrutissant un confrère pour qu’il la ferme

Bon, la discussion est un peu plus accélérée, ce n’est pas vraiment le moment de prendre son temps en mode chillout comme dans le coin fumeurs dépourvu de wifi du Lotus Bleu.

Ensuite, les impitoyables compétiteurs. Une amie m’en avait parlé, et je pensais que cette amère jalouse exagérait. A peine en fait. J’en ai seulement croisé deux, un pur bonheur – ai oublié leurs noms. Discuter avec ces gens est un régal. Sérieusement. Non seulement ils sont au taquet (sur le buffet également), mais en plus ils semblent gérer leurs blogs machinalement, avec des contraintes qui leur sont propres et dont je ne soupçonnais pas l’existence. De vrais guerriers de la toile qui analysent tout et discourent, sans s’arrêter, de leurs exploits militaires.

Cette race de personnes nous fait goûter à la réalité de « l’esprit de l’escalier » (j’en avais entendu parler ici), c’est-à-dire que les réparties cinglantes viennent à l’esprit dix minutes après que l’individu soit parti. J’ai eu furieusement envie de demander combien de G ils supportaient sur leurs planètes, et s’ils comptaient un jour arrêter de se prendre pour la sonde Voyager pour se rediriger vers la Terre. Hélas, j’ai dû laisser mes couilles à l’entrée, je ne suis pas parvenu à être méchant.

Si j'avais dit ce que je pense à certains blogueurs...

Insulter les blogueurs n’est jamais une solution

Toutefois, il y avait moyen de se taper sur les cuisses avec certains en jouant leur jeu. Notamment quand vient naturellement le fameux concours de bites à vues, quand on me provoque en baston de stats. Une fois, j’annonçais pour ma part 15.000 vues quotidiennes sur mon blog – oui, je confonds « quotidien » et « mensuel », ça arrive à tout le monde. Regarder leurs mines déconfites mâtinées d’un air de « putain-je-suis-loin-du-compte » et accompagnées du sempiternel froncement de sourcil « kidonc-jdois-pomper-pour-avoir-autant-de-visiteurs », ça n’a pas de prix.

Après, je peux comprendre que dès lors qu’on commence à gagner des pépettes grâce à son blog, il faut s’assurer d’être au top et à baiser le plus souvent possible la concurrence. Mais de grâce, faites ça chez vous devant votre écran. D’autre part, si vous estimez que votre nombril ressemble à la délicate cicatrice laissée par la pointe du compas céleste, faites juste comme moi en vous rappelant que :

  • Je ne suis seulement propriétaire d’une suite de 0 et de 1 ;
  • Si mon site est indisponible plus d’un mois, les internautes passeront à autre chose et on m’oubliera avant Noël ;
  • Quand vos gosses vous demanderont vos exploits, à ce moment votre site sera pour eux ce qu’une cabane en bois vermoulue et inutilisable fabriquée par votre papa était à vous.

Enfin, les neutres. Cette dernière catégorie de gens, la plus importante (j’en fais souvent partie), sont ceux qui manifestent très rapidement, avec le sourire, un courtois désintérêt. Vu les 2.500 invités, leur analyse de la situation est parfaite : ils maximisent l’utilité des rencontres en s’attardant sur les blogueurs/annonceurs susceptibles de les intéresser ou d’attiser leur curiosité. Et comme Le Tigre est axé sur la littérature et les chats, rien d’étonnant à ne pas susciter les convoitises. Au moins ils peuvent s’éloigner sans avoir à se justifier, ce dont je les remercie.

Ce que Tigre attend d'un gala de blogueurs

Ce que Tigre attend d’un gala de blogueurs

Bref, la soirée fut un joli fourre-tout sympathique, ceci dit la remise des prix fut admirablement gérée, en une bonne heure le gros était fait – puis place à la musique, j’espère que Anne H. n’habite pas dans le bâtiment. Parce que ma tigresse me lit je reste un gentleman félin devant l’éternel, je ne parlerai pas ici du ratio femelles humaines abondamment désirables par mètre carré. Ce n’est pas le genre du Tigre d’évoquer l’ivresse des sens provoquée par un parterre de nanas classieusement vêtues et, pour certaines, passablement sensibles aux charmes des blogueurs littéraires de qualité – edit : en consultant mes messages de ce matin, il appert que je me suis lourdement trompé.

Derniers mots d’un participant aux GBA

Le Tigre, qui a participé à ce concours avec la nonchalance la plus blâmable, s’attendait bien sûr à repartir brocouille. Mais j’y ai cru jusqu’au bout, fantasmant de profonds malentendus qui m’auraient amené sur le podium. De même, ceux qui écriront que « l’important est de participer », « un tel méritait sa victoire » et autres galimatias de gentils losers, ne les prenez pas à la lettre : leur clavier est à deux doigts de court-circuiter à cause des larmes versées dessus. Car chaque participant a, sous la douche, pensé à son discours de remerciement – qu’il recyclera pour Noël.

L’air de rien, j’ai par curiosité regardé d’autres shortlistés (et vainqueurs) de quelques catégories et suis tombé sur des pépites numériques à côté desquelles Quand Le Tigre Lit ressemble au skyblog tenu par Mélanie, 11 ans, qui parle de ses professeurs de son collège Émile Zola – qui est situé en Picardie.

Quant aux GBA, même si la partie des votes est loin d’être optimale, je ne vois pas vraiment comment d’autres systèmes pourraient être moins pires. Et si vous avez de meilleures idées pour récompenser ou faire connaître les blogueurs, n’hésitez pas à organiser votre propre gala – un vendredi de préférence.

Pris de guerre

Prise de guerre étalée

Encore mieux...

Détail du sac. Encore mieux…

Dernière chose : les organisateurs ont préparé quelques mignardises de départ, et quitter les lieux fut l’occasion de découvrir de somptueux présents savamment sélectionnés. Selon mes centres d’intérêts – enfin ceux de ma tigresse, qui déjà frétille comme un poisson. Ce fut tout simplement divin.

Vraie conclusion du Golden Tigre

En conclusion, et en vue de ne pas passer pour un égocentriste fini (je subodore que c’est trop tard), je profite de ce billet pour te remercier, toi lecteur. La dernière fois, c’était pour le 750ème billet (en lien). Tu es progressivement devenu ma principale raison d’écrire, qui a pris le pas sur la volonté de me faire une base de données littéraire en ligne.

Sache seulement deux petites choses :
1/ je pense toujours à toi (et en particulier ceux qui pourrissent gentiment mon fil à commentaires) en m’octroyant de solides coups de pieds au cul quand la motivation se fait rare ;
2/ depuis la cérémonie des GBA, rien ne changera sur le blog. Peut-être que Le Tigre parlera de lui plus souvent à la troisième personne – mais c’était déjà le cas.

Pelaprat & Vieillard - Edgar ou les tribulations d'un penduDans un univers dystopique assez inquiétant existe un homme sur le point d’être pendu. Comment en est-il arrivé là ? Mérite-t-il sa mort ou est-il une énième victime d’un impitoyable système ? Scénario dérangeant (car nous prenant de court sur des thèmes actuels) servi par de noires illustrations, voici une petite claque comme Le Tigre les aime.

Il était une fois…

Copier-coller du quatrième de couv’, non pas parce que j’ai la flemme, mais que celui-ci n’est point mauvais du tout :

« Quand on s’coltine la moitié du globe à pinces pour finir avec une corde autour du cou, on s’dit qu’on aurait mieux fait de rester chez soi. « 

Critique de Edgar ou les tribulations d’un pendu

Lorsque Le Tigre a acheté ce bouquin d’un éditeur indépendant que j’aime bien, très honnêtement il ne s’attendait pas grand-chose d’un roman graphique supputé comme obscur, sinon underground. Bah j’ai (encore) eu tort, ces 120 pages furent dévorées sans reprendre ma respiration – enfin presque. Un vrai plaisir.

Edgar est donc dans un bar, et cherche à se faire servir le plus de verres possibles. Pour cela, il raconte son existence au taulier, de son errance dans une Europe dévastée à son arrivée dans une île de repos, en passant par sa participation à une guerre qui n’est pas sans rappeler la « Der des der ». Le héros, qui n’en n’est pas vraiment un, parvient à de nombreuses reprises à sauver sa petite peau de façon très habile (parfois lâche) tout en étant ballotté par les impondérables que peut rencontrer tout vagabond – péripéties qui dépendent plus des puissants que des actes d’Edgar. Plus le lecteur tournera les pages, plus la brutalité et l’iniquité du système se feront pressantes et déterminantes.

Quant aux illustrations, au premier abord on pourrait penser qu’Elena Vieillard ne s’est guère foulée, le noir et blanc associé à un trait relativement grossier prive n’offre que trop rarement de satisfaisantes planches question architecture, reine de l’immersion – sauf rares exceptions. Mais à y regarder de plus près, les quelques indices géographiques lâchés suffisent amplement pour donner envie d’en savoir plus, sans compter les personnages dont le rendu, largement exagéré (le vice dégouline de leurs traits), paraît parfaitement adapté au scénario quasi kafkaïen mais dramatiquement crédible.

En conclusion, ce roman graphique mérite définitivement d’être lu (et relu) : non seulement la lecture, fluide, permet de se lier rapidement aux personnages et à leur dérangeante histoire ; mais le lecteur sera plus d’une fois interpellé par la justesse des messages délivrés par la BD, qui sont extrêmement pessimistes quant à la nature humaine. Tout ça de la part d’auteurs qui sont nés au milieu des années 80, le félin est passablement jaloux.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Un autre tour de force d’Ariel Pelaprat (le scénariste) est la manière dont il distille un certain mystère sur l’environnement politico-social dans lequel évolue notre pauv’ Edgar. Car c’est un monde désorienté soumis à des catastrophes renvoyant à différentes craintes : les grands mouvements migratoires au sein d’un pays, la fuite via l’océan, les intimidants ensembles urbanistes désertés, ou encore les lieux plus ou moins « sacrés » (musées par exemple) à l’inutilité flagrante. La civilisation occidentale à la ramasse, ce n’est guère joli à voir – et que dire alors des hôtes plus orientaux…

L’exil et l’immigration sont traités de façon assez originale, à savoir à l’envers de ce qui est communément représenté : Edgar le Français, face à la déroute totale de son continent, doit partir de l’autre côté de la méditerranée. Là où des militaires (qui ressemblent à Kadhafi) lui mettent un flingue entre les mains et le contraignent à guerroyer contre la promesse d’un lopin de terre – à peu près l’argumentaire de l’Empire Romain, hé hé. Notre émigré forcé, à force de bravoure et de coups bas (qui l’en blâmerait), survit tant bien que mal. Ainsi, le statut de l’immigré violent et fourbe nous parvient par un chemin détourné (réaliste par rapport à ce qu’on peut entendre), avec les horreurs qu’il peut subir. Tout ceci est délivré avec un humour noir qui fait mouche, comme pour souligner l’ironie de la quête d’un lieu où s’établir, objectif légitime mais impossible.

Edgar, parce qu’il n’est que trop bien adapté par la bassesse de son temps, ira donc jusqu’à survivre ? La fin, certes facile, n’en reste pas moins superbe.

…à rapprocher de :

– Étrangement, les illustrations m’ont rappelé Escapo, de Paul Pope. Belle histoire initiatique également.

– Quant aux horreurs rencontrées par un migrant, il y a Dans la mer il y a des crocodiles, de Fabio Geda. A lire absolument.

– On retrouve Elena aux pinceaux pour illustrer les faux (mais excellents) proverbes de François François Szabowski dans La famille est une peine de prison à perpétuité.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Michel Houellebecq - La possibilité d'une îleL’esprit ilotier (certes égoïste) a le vent en poupe, chacun cherchant son endroit de bonheur loin des autres et des affres de ce monde. Savant mix entre la science-fiction la plus extrême (pour l’être humain) et la satire sociale, voilà de quoi être dérouté en trouvant que l’auteur en fait trop. Moi qui pensais que Houellebecq pourrait être difficilement plus pessimiste, bah j’en ai eu pour mon argent.

Il était une fois…

En ce début de XXIème siècle, Daniel est un humoriste particulièrement provocateur qui commence à se faire des couilles en or. Hélas, sa recherche de l’amour et du plaisir se heurte à ses proches inadaptés et à son cynisme désabusé. Parallèlement, Daniel24 et Daniel25, deux de ses clones dans le futur (oui oui), découvrent le journal de Daniel – qui sera appelé Daniel1. Errant sur une terre post-nucléaire hantée par des anciens Hommes, les clones commenteront ce curieux témoignage d’une époque révolue.

Critique de La possibilité d’une île

Voilà un long roman de Michel H. Après ses titres moins prolixes j’avoue avoir été agréablement surpris par ce texte complet, lourd, excessif et, quelque part, plus personnel vis-à-vis de l’écrivain. En effet, le protagoniste, Daniel1 (car d’autres suivront), a tout des attributs d’un Houellebecq en tant que Cassandre des temps modernes et passablement désabusé.

L’œuvre, qui se décompose en trois parties, est plutôt bien aérée question chapitrage et paragraphes, ce qui donne l’impression de survoler une aventure humaine et sociétale avec la vitesse (voire le recul) d’une vieille race qui considère ses semblables. Daniel1, personnage lucide et odieux par la manière dont il s’est élevé (en crachant sur tout sans respect aucun), livre dans son carnet de bord l’ensemble de sa vie – de ses débuts aux raisons de son adhésion à une secte délirante, en passant par Esther et Isabelle, deux femmes qui chacune l’ont terriblement déçu.

Dans un lointain futur, l’histoire de Daniel est accompagnée de la vision qu’en ont ses clones, individus asexués (des zombies ayant perdu toute volonté de vivre) et évoluant à un niveau de conscience presque différent du nôtre. Pour tout vous dire, les passages avec ces deux êtres éthérés m’ont laissé sur ma faim, l’écrivain français a tellement bien fait son boulot que les phrases sont parfois vides – à l’instar de l’avenir stérile qui est décrit. Heureusement que le pourquoi du comment de ce bordel de clones est donné dans les derniers chapitres, avec des explications finales satisfaisantes et vite expédiées.

Quant au style de l’auteur, son observation (ou sa connaissance presque encyclopédique) de ses contemporains, mâtinée d’une écriture claire et fluide, sied parfaitement à une lecture de plage – faut qu’il fasse beau, car cela peut être déprimant à souhait. A son âge, décrire aussi bien une soirée/orgie en Espagne qui dure plus de 36 heures (avec les drogues, la musique, la baise totale), chapeau.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La futilité du monde occidental (entre autres, l’Islam en prend régulièrement pour son grade, Houellebecq oblige) atteint ici un niveau fort élevé, Le Tigre a rarement lu plus nihiliste chez l’auteur qui traite sans ménagement la nature humaine. Le personnage de Daniel, monstre de bon/mauvais goût qui a l’heur de plaire, est ce que la société peut produire de meilleur dans le pire : un homme à l’humour excessivement corrosif, quelqu’un qui tape sur tellement de notions (droit des femmes, religions, sexe, argent) et au succès si immense qu’il devra forcément laisser sa marque dans l’Histoire.

Au risque de verser dans le trivial, le nom du héros renvoie évidemment au prophète Daniel, qui dans la Bible est un individu sage qui a su annoncer, avec précision, la venue du messie. Le Daniel du roman, à sa manière, sera le précurseur d’une nouvelle espèce d’homo sapiens, un annonciateur qui, tel le personnage hébraïque, sera entouré de lions et parviendra, par miracle, à en réchapper.

Quant à la « nouvelle » espèce et le clonage, l’auteur livre une vision intéressante du transhumanisme, entre le mysticisme fougueux d’une secte tendance Raël (pas difficile de décerner de tels clins d’œil) et la rigueur scientifique plus ou moins exigée d’un roman de SF. C’est peut-être là que le bât blesse : les explications sur l’immortalité telles que la photosynthèse et l’absorption automatique de nutriment, ou le clonage automatique avec la transmission du savoir (assez rustre il est vrai), tout cela se marie difficilement aux élucubrations d’un gourou et d’un groupe sectaire auquel Daniel1 fera partie.

Pour terminer, la possibilité d’une (fameuse) île (de bonheur) est la quête centrale de l’ouvrage, îlot activement recherché par le héros. Une zone de félicité où être heureux n’est plus aussi précaire, un endroit qui, bien sûr, n’existe pas. Que ce soient les rares moments où Daniel1 pense entrapercevoir cette île, ou encore Daniel24 et 25 gambadant seuls immortels (mais déshumanisés par des siècles de mitoses), cette possibilité n’est qu’une chimère. L’Homme n’a pas d’avenir, Houellebecq a pris son plus beau marteau pour nous enfoncer cette terrible idée.

…à rapprocher de :

– A toutes fins utiles, quelqu’un a essayé de tirer un film de ce roman. Le résultat n’est pas vraiment fameux – euphémisme. La seule chose bandante est d’y voir Patrick Bauchau, qui avait fait une courte apparition dans le film Emmanuelle.

– Tigre a lu tout Houellebecq, dans l’ordre : Extension du domaine de la lutte, Les Particules élémentaires, Lanzarote, Plateforme, La carte et le territoire.

– Le souhait du repli, de ne plus avoir affaire à ses semblables se retrouve dans En bas les nuages, de Dugain. Pas mal d’ailleurs.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

L'encyclopédie des félins – James, je sens ton alliance… – Je l’ai ôtée après la mort de ma femme, c’est la montre de Q. Sens comme elle peut vibrer. [scène coupée au montage de Doigter n’est pas jouer]. Petit, je ne comprenais pas pourquoi j’étais le seul à vouloir la mort de 007 en visionnant ses aventures cinématographiques. Maintenant tout est clair : je suis tellement porté sur les félins que je discerne leur présence partout – mais pas chez James.

007, ou l’éternelle lutte canins/félins

Tigre et sa James Bond GirlAprès avoir chié près de 2.000 mots sur les rapports entre James, ses ennemis et les chats (en lien), j’avais annoncé aller plus loin dans la bêtise en démontrant que la saga cinématographique mettant en scène le priapique agent de sa vieillissante Majesté n’est rien d’autre qu’une bagarre de rue entre un chien et un chat.

La théorie est assez simple : les aventures de Bond sur grand écran ne sont qu’autant d’allégories de la lutte ancestrale entre deux espèces peuplant la planète. La famille des canidés, d’un côté, contre celle des félidés. Toutefois, puisque faire des films avec des animaux est particulièrement retors et l’utilisation des effets spéciaux version Pi n’était pas développée à l’époque, le producteur s’est rabattu sur des acteurs humains. Et a fait en sorte de faire gagner les cabots.

Mais pourquoi dénaturer de la sorte les œuvres de Ian Fleming ? Tout est dans la personnalité d’Albert Romolo Broccoli.

Albert R. Broccoli, qui a produit les seize premiers James Bond, est né dans le Queens. Tout petit, il ne serait guère étonnant que les parents d’Albert l’amenaient au parc zoologique de ce quartier de NYC, promenades au cours desquelles il aurait fait de morbides fixations sur les panthères et tigres présents. Ensuite, j’imagine que la famille allait faire un tour au musée du Queens (qui se trouve juste derrière le zoo), ce qui devait profondément ennuyer le petit Bébert. On retrouve cette haine de l’art dans différentes scènes d’actions où le héros ne ménage pas les lieux quand il se bat – musée à Venise dans Moonraker, la destruction de nombreux tableaux dans Meurt un autre jour, etc.

Mais il faut avant tout savoir que le producteur est issu d’une famille d’immigrés italiens provenant de la région calabraise. Il est fort probable que quelques cousins et proches de Broccoli étaient des membres de la ‘Ndrangheta, une des plus violentes mafias de l’Italie. Comme vous avez tous vu (ou lu) Le Parrain, la mafia spaghetti a toujours été bien implantée dans l’État de New-York, et sa plus grande trouille (hors guerres luttes internes) venait des mobsters de Chinatown – les Triades, tant qu’à les appeler par leur petit nom.

Vous voyez exactement où je veux en venir, c’est évident : les fourbes Chinois ennemis de la familia, avec leurs regards félins en coin et leur propension à manger du chien, ont fait naître chez Albert cette détestation de tous les félidés – petits et grands. Et oui : le monsieur a développé une phobie originale qui trouve ses sources dans 1/ sa peur des gros chats et 2/ un amour protecteur vis-à-vis des gentils chiens, victimes des appétits d’un Extrême-Orient négativement fantasmé.

Profondément traumatisé par l’idée que les chats entreprennent la conquête du monde (son quartier en fait), Albert B. a sublimé sa psychose en imaginant un univers où les chiens seraient gagnants. Ainsi, lorsque s’est présentée l’opportunité d’adapter les romans de Fleming sur grand écran, Al’ a sauté dessus pour réaliser son rêve de gosse. Et ça l’a libéré puisqu’il a également sauté sa femme de l’époque, ce qui a donné naissance à Barbara Broccoli, née au début des années 60 – deux ans avant la sortie en salles de James Bond contre Dr. No.

La sodomie sauvage de mouches peut commencer – continuer plutôt, dix cadavres violés sont déjà à déplorer.

Les méchants se comportent comme des chats

Tiger BlofeldA chaque film, c’est la même rengaine. Scaramanga, Blofeld, Drax, Goldfinger, etc., ce ne sont pas des génies du mal que le spectateur regarde, c’est une bande de chats lolilols traités avec une dérision et une tendresse de bon aloi – donc avec le plus grand mépris. Du haut de sa science, Tigre a repéré quatre regrettables habitudes dans ces films, certes motivées pour correspondre aux canons du genre, mais à un moment faut arrêter de se foutre de notre gueule.

1/ Jouer avec James Bond

Sûrement la pire habitude sans laquelle le film pourrait durer une trentaine de minutes à tout casser. On ne sait comment, double-zéro-sept réussit à débarquer dans les installations de l’adversaire, accompagné de son arme (qu’on pense à lui retirer, mais il lui reste souvent une bricole de Q), de son air chafouin et d’un pantalon de costume dont le pli est encore visible. Et là, au lieu de retapisser les décors avec les morceaux de cervelle de l’agent, le « génie » du mal préfère imaginer une mort plus marrante.

Kananga qui accroche 007 et la bandante solitaire au-dessus d’un banc de requins, Drax désireux de rôtir Roger Moore, ce gros boulet de Goldfinger qui attache Connery à la bombe atomique, y’en a pas un pour rattraper l’autre. Entre ces idiots mal intentionnés et mon chat qui joue avec une souris, il n’y a qu’une différence : je ne filme pas mon animal de compagnie et tente de faire un bestseller.

Dans tous les cas cités, bien évidemment la petite souris s’échappe après un énième coup de patte du vilain félin.

2/ Draguer son ennemi

Blofeld a beau se coucher et faire des mamours, il finira six pieds sous terre

Blofeld a beau se coucher et faire des mamours, il finira six pieds sous terre

Les antagonistes laissent vivre le Bond plus longtemps dans le but, évidemment, de se faire suffisamment mousser. C’est bien légitime, j’en ferais de même. Si la Grande-Bretagne m’envoyait James Bond pour mettre fin à mon blog (laissez-moi dix ans, le temps de mettre la main sur la vidéo de la conception du petit George), je serais extrêmement honoré. Franchement, je ne noierais pas tout de suite James dans la cuvette de mes chiottes. Je l’attacherais à un siège pour qu’il me voie à l’œuvre pendant que je descends, avec ma courtoisie légendaire, une énième bouse de Pancol.

Je crois même qu’à l’instar de Scaramanga ou Silva, je virerai de l’autre bord et tenterais de dragouiller le bel homme. Parce qu’il y a bien mieux qu’acquérir les bondesques impressions envieuses sur mon travail de terroriste littéraire : faire en sorte qu’il me rejoigne dans mon entreprise, ou, encore plus délicieux, qu’il tombe amoureux de moi, un petit syndrome de Stockholm de derrière les fagots. Bah les chats, c’est exactement pareil : avant de nous faire une belle saloperie dont eux seuls ont le secret (lien), ils se comportent telles des racoleuses et se frottent qui sur la jambe, qui sur notre commode préféré. Les méchants humains et félins cherchent tous à impressionner (voire à recueillir l’assentiment) avant la catastrophe qui s’annonce.

3/ Le besoin de tout contrôler

Je ne vais pas m’attarder sur ce point trivial. Le rapprochement est d’une simplicité confondante. D’un côté, les bases (spatiales, tant qu’à faire), souterrains, îles paradisiaques d’où le vilain observe le déroulement de ses sombres opérations. L’endroit douillet avec le Dom Pérignon qui coule à flot, les caméras braquées sur le vaste monde et des moyens de communication à faire pâlir la NSA. De l’autre côté, le chat dans sa boîte, perché sur son arbre, planqué dans sous un meuble, bref l’animal planqué comme un démon dans un endroit où il peut voir tout ce qu’il se passe. Tout est dit.

4/ Le pétage de plomb quand ça s’annonce mal

L’injure suprême faite aux antagonistes se situe dans leurs derniers instants, quand James casse leurs jouets et chope la jolie conne emprisonnée par les vilains. Et leurs réactions me rappellent immanquablement les réflexes hilarants d’un matou en très mauvaise posture.

En premier lieu, l’attaque de façade. Quand James se fait trop insistant et se rapproche dangereusement de la « unfriend zone », l’ennemi commence à bomber le torse et à sortir ses petits gadgets. Soit il s’agit de trucs plus ou moins technologiques pour épater la galerie (un gros satellite bien phallique qui lance du feu, un improbable laser), soit le gars balance ses gros gardes du corps entre les pattes de 007. Comme un chaton qui se met en boule, hérisse ses poils et crache à l’attention de l’indélicat. Tout cela pour un résultat plus que mitigé.

Ensuite, quand ça pue vraiment, ils cherchent tous à fuir avec plus ou moins de discrétion. Un instinct de survie que seuls les félins possèdent. Blofeld qui prend son téléphone et annonce son « Préparez mon sous-marin de poche » (Les diamants sont éternels), Max Zorin qui se barre dans son dirigeable (joué par l’excellent Christopher Walken), Franc Sanchez se carapatant dans un gros camion rempli de cocaïne liquide dans Permis de tuer, tout ce petit monde déguerpit, tel un chat aux abois, avec plus ou moins de grâce.

Enfin, quand Bond a oblitéré toute possibilité de filer à l’anglaise (hu hu), il se passe chez nos amis la même chose que pour les félins : ils font n’importe nawak. Ils perdent totalement leurs moyens et se battent comme des chacals en tapant au hasard un peu partout. De vrais réactions à la con. Regardez comment Dominic Green (interprété par un Français en plus) se bat contre Daniel Craig à la fin de Quantum of Solace. On voit très bien que le méchant est plus à l’aise derrière ses contrats pourris que dans une salle de boxe. Encore mieux : dans Octopussy, y’a le Général Orlov qui cumule la fuite ET l’ânerie, en courant désespérément derrière un train sous les yeux de soldats chargés de garder la frontière est-allemande – donc habituer à canarder tout ce qui bouge.

En conclusion, il n’est pas difficile de noter que 007 a une chance de cocu dans ses missions – tout en cocufiant les autres. La double veine scandaleuse. Pendant ce temps, on ne voit jamais le pauvre Blofeld, l’ennemi principal, lever une nana. Merde, même dans au Service secret de sa majesté, où il est entouré d’une dizaine de chouettes pépées, pas une seule fois il profite de la situation pour s’en faire une à la hussarde. Soit Blofeld a perdu ses couilles, soit c’est un foutu gentleman – et le seul héros de la saga. Vu les actes qu’il commet, je pencherai pour la dernière option.

James Bond est un chien

Doggy style bond

Doggy style bond (Dernier combat dans Les diamants sont éternels)

A contrario, dans la théorie tigresque, l’agent secret de carnaval n’est rien d’autre qu’un canidé. Ne m’en veuillez pas, cette dernière partie sera plus courte que la précédente, en effet j’en ai rien à cirer de 007, seul compte ses Némésis. Pourquoi est-il donc un chien ? Quelle race d’ailleurs ?

Premièrement, James traite ses affaires comme un clebs s’accroche à son os. L’obèse M lui donne sa mission, et hop à peine si une femelle viendra le détourner, brièvement, de son objectif. Il fait tellement de zèle que quand il part en vacances, c’est pour continuer ses recherches. A chaque fois que le boss de Bond le contraint à prendre des congés, il ne vérifie jamais pourquoi celui-ci souhaite dorer son cul blanc d’Anglais à Rio (cf. Moonraker) ou en Jamaïque.

Deuxio, cette manie de ne pas lâcher son os fait que notre héros fonce droit devant, quitte à se jeter avec allégresse dans la gueule du méchant. On voit très souvent zéro-zéro-sept prisonnier, comme si être derrière les cages était un de ses états naturels. Aucune réelle stratégie, James se comporte comme un chihuahua fonçant connement dans le tas, et se pose les questions après. Lorsqu’il ne se présente pas directement sous le nom de James Bond (autant se coller au derche une balise may-day), sa couverture saute rapidement aux yeux de l’ennemi – à l’exception notable de son statut dans Permis de tuer.

Tertio, James Bond adore réellement faire du bruit, le spectateur admiratif sait qu’un individu d’exception est en train de sauver le monde. Tel un roquet aboyant à tout-va, l’agent (pas si) secret se complaît à tout faire péter autour de lui et utilise, dès que possible, les armes et véhicules les moins discrets de la création. Avion de chasse dans une foire en Allemagne, tank russe au milieu des rues de Moscou, bagnoles rutilantes avec tellement d’options que dans la réalité il n’y aurait pas de place pour le moteur, sérieusement le Commander Bond semble avoir un léger problème de surcompensation – à croire qu’il n’y a pas de tests psychologiques pour entrer au MI-6.

En conclusion, 007 a l’esprit du caniche guerroyeur et le physique du doberman de combats clandestins. Et comme le dit si bien le 006 Alec Trevelyan dans Goldeneye : « James Bond, le fidèle toutou de sa majesté ». Rien à rajouter, Sean Bean avait tout compris.

Pour achever de vous convaincre, réfléchissez à la remarque suivante : est-ce que vous avez déjà vu James se battre contre un clébard ? Moi non plus.

Conclusion de l’agent secret

Si les citoyens ont les hommes politiques qu’ils méritent, il en est de même du gros James avec ses adversaires. Or, ces derniers se comportent telles des buses finies incapables de finaliser leurs petits plans. Et ce non pas à cause de l’intervention bondissante (tiens, cet adjectif existe, bizarre), mais en raison de leurs égos aussi grossiers que mal placés. L’égo d’un félin en fait.

C’est pourquoi je suis toujours avec les méchants : ceux-ci ont la classe mais gâchent tout au dernier moment, et ces instants de faiblesse plutôt rares changent la donne à la fin du film. Ainsi, si vous invitez Le Tigre mater un de ces films, vous le verrez grimacer (voire pleurer) dans les derniers instants, comme s’il était en train de visionner Requiem for a dream. Et c’est tant mieux, le fauve adore les films qui se terminent mal – et la franchise 007 ne déçoit jamais sur ce point.

Jérémie Guez - Le dernier tigre rougeEn pleine guerre d’Indochine, un soldat de la Légion au passé traumatisant et un tireur de talent ayant choisi l’autre camp se tirent la bourre entre deux beuveries dans les bars à putes. Tranches de vies de 1946 à 1954 de protagonistes entraînés dans un conflit qu’ils détestent et dont ils se sentent étrangers, la lecture est agréable même si le tout m’a paru que guère crédible.  

Il était une fois…

La secondes guerre mondiale à peine digérée, la France se lance dans la reconquête de l’Indochine. Sauf que le Viêt-Minh, qui a vaillamment combattu les Japs, ne l’entend pas de cette oreille. Parmi les premiers soldats arrivant en Asie du Sud-Est, il y a la crème de la crème, la légion étrangère dont fait partie Charles Bareuil, issu d’une famille de militaires.

Critique du Dernier tigre rouge

Moins de 250 pages, lu en quelques jours, bah je me suis bien régalé. Un peu trop peut-être, ce roman est d’une rare facilité à lire : l’auteur français présente à la fois des protagonistes fort stéréotypés (le gentil légionnaire, les officiers stricts, etc.) et offre quelques passages donnant une impression d’irréalisme dans un univers souvent insaisissable – l’Asie, la guerre d’Indochine, des hommes qui n’ont connu que les conflits, tout cela à la troisième personne.

Le héros, Charlou Bareuil, est un homme éprouvé par la guerre et qui ne semble plus rien attendre de bon de la vie. La première partie de l’œuvre concerne ses premiers jours (et quelques flashbacks dans les Balkans), sur fond de pessimisme quant à l’activité première de l’Homme : le pire conflit que la Terre ait connu (jusque là) terminé depuis peu, les anciens ennemis se retrouvent dans le même régiment, avec ce que ça comporte comme ressentis parmi eux. Au cours d’une mission de reconnaissance/nettoyage des Viets qui rôdent près de la route coloniale menant au nord, Bareuil croise le chemin d’un sniper occidental ennemi particulièrement doué qui a bien failli le tuer – mais, curieusement, l’a épargné.

Dans la seconde partie, plus axée « polar », le héros décide de rechercher le tireur d’élite, un Français qui répond au nom de Botvinnik et délivre de précieux services aux commandants vietnamiens (Giap & Co) et chinois. Bareuil, gravement blessé, reprendra cependant les armes et s’offrira même une histoire d’amour avec Hua, belle femme dotée d’un certain répondant. Quant à la troisième partie, remarquablement vite expédiée par Jérémie Guez, il est question de la déroute progressive des troupes françaises, vue des deux côtés, avec pour Bareuil une pénible marche en tant que prisonnier – de simples paragraphes séparant les protagonistes, ce qui n’est pas toujours évident à suivre.

Bref, Le dernier tigre rouge, mélange de roman historico-militaire et de polar tout lisse et correct, est un titre qui alterne l’action pure avec des scènes de réflexions sur le conflit indochinois. Hélas, certains chapitres mettent à mal la plausibilité (oh que c’est moche comme mot) scénaristique, avec des personnages un poil trop caricaturaux, des « gueules » à l’esprit brisé. Le Tigre n’aurait point craché sur un peu plus d’ambivalence – cette dernière fait tardivement son apparition dans les derniers chapitres.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Vous vous doutez que j’ai particulièrement goûté le titre du roman, qui fait référence à la  guérilla vietnamienne contre le colonisateur français, personnifiée par Botvinnik. Ce dernier, qui ne se rend guère compte de l’Histoire du pays occupé, se comporte comme un éléphant tactiquement peu finaud qui mitraille dans tous les sens. A l’inverse, l’autre barbu (Hô Chi Minh) développe la doctrine selon laquelle il faut agir en tigre (rouge parce que le félin est communiste) qui, caché dans la jungle, saute de temps à autre sur le dos du pachyderme pour lui déchirer des lambeaux de peaux. Et se planquer. Et recommencer. Et le voir se vider de son sang.

Après les égarements stratégiques contre le Blitzkrieg teuton, la France est sur le point de réitérer sa méprise quant au conflit asymétrique à venir.

L’iniquité de la guerre est, à juste titre, pointée par l’auteur qui s’est efforcé de se mettre à la place des protagonistes. Les Viets, qui combattent un envahisseur s’étant approprié leurs terres, obligés de faire appel à leur puissant voisin chinois. Or, si le Viêt-Minh est nationaliste avant tout, la guérilla prend une tournure plus rougeoyante avec les communistes désireux de tirer leurs marrons du feu – et c’est ce qu’il adviendra. Quant aux Français, certains faits de guerre (même de la part de glorieux légionnaires) sont difficiles à assumer pour l’esprit, sans parler des conditions climatiques ou de détention. Dans tous les cas, ceux qui font la guerre ne se proclament jamais vainqueurs, d’autres (ceux qui sont assis tranquillement derrière les lignes) s’en chargeant à leur place.

…à rapprocher de :

– Sur la guerre d’Indochine et ses stigmates, le mystérieux La petite fille de Monsieur Linh, de Claudel, se laisse lire.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Louis Lewin - Phantastica : Une encyclopédie des droguesVO : Phantastica. Ouvrage fondateur de la toxicologie moderne, l’essayiste allemand nous a livré, au début du 20ème siècle, un vaste tour d’horizon des stupéfiants – des plus connus à d’autres pratiques ancestrales dont il ne reste quasiment rien. Pour ma part, ceci fut assez chiant à lire, malgré quelques paragraphes fort instructifs

De quoi parle Phantastica, et comment ?

Un petit mot sur l’essayiste, voulez-vous ? Louis, c’est un peu (complètement même) la référence occidentale du début du 20ème siècle en termes de toxicologie. Un pharmacologue curieux et sans a priori capable de mobiliser ses capacités et son savoir autour d’un sujet encore peu abordé, tout en échangeant des mots avec le gros Freud. Et faut avouer que le gus est sacrément curieux, jamais lu un truc aussi documenté où se mêlent considérations biologiques, retours d’expériences d’usagers et rappels sur l’environnement (social, économique et politique) de l’époque.

L’époque. Voilà qui risque d’en faire tousser plus d’un. L’éditeur a beau rappeler que cet essai doit être lu comme un état des connaissances à un certain moment, que sont ici relatées des pratiques ancestrales inconnues de nos jours, le lecteur ne pourra s’empêcher de trouver le temps parfois très long. Pour ma part, sur les 500 pages j’ai dû en lire 300 normalement, le reste en lecture rapide.

Après l’intro de l’éditeur et celle du bon Lewis, l’essai est divisé en chapitres, tous centrés sur un type particulier de stups présents sur cette chère planète. Accrochez-vous parce qu’on fait péter le latin :

Euphorica d’abord, à savoir les narcotiques et excitants qui provoquent une puissante sensation de bien-être (opiacés et tout produit à base de cocaïne) ; ensuite Phantastica (les hallucinogènes « naturels » comme le peyotl ou le cannabis) ; puis Inebriantia (pas difficile de deviner que l’alcool s’y trouve) ; Hypnotica (produits calmants et somnifères) ; enfin vient Excitantia, avec les stimulants (origine végétale) qui excitent sans trop défoncer l’esprit (bétel, kawa, café, tabac, etc.). J’ai préféré ne pas lire le chapitre sur le tabac, je sais que ça m’aurait gravement démoralisé.

Pour chaque produit, Herr Lewin s’attache à évoquer non seulement les effets ou l’historique de l’utilisation de la chose stupéfiante, mais il cite de nombreux témoignages d’utilisateurs et d’observateurs avertis. Ce sont ces derniers passages qui m’ont paru les plus intéressants : en effet, de tels instantanés des pratiques et leurs impacts sont de parfaits indicateurs sur l’état de la médecine (et de la morale) du moment.

En conclusion, un ouvrage souvent aride où se cachent, ici et là, quelques remarques pleines de bons sens et des éléments historiques/géographiques/ethnologiques particulièrement édifiants. La traduction n’est pas parfaite dans certains phrases (maladresses stylistiques à déplorer), en outre je n’ai pas réussi à trouver le nom du traducteur – rassurez-moi : Lewin a bien rédigé son truc en allemand non ?

Ce que Le Tigre a retenu

Les souvenirs de votre serviteur sont quelque peu flous puisque j’ai souvent lu en diagonale des paragraphes entiers. Merde, pour plus de 500 pages je n’allais pas me faire violence quand ça ne passait visiblement pas. Et il y a tant de choses à dire qu’ici sera développé à peine un dixième de ce que je devrais rapporter :

Déjà, parmi les hallucinations du second chapitre, il y a celles provoquées par l’amanite tue-mouche. Et la manière dont les populations du Kamtchaka (les Koryèques) optimisaient la prise de la fausse oronge est à se taper sur les cuisses : apparemment le principe actif part avec les urines (le rein et le foie ne servent à rien dans ce cas), et comme le champi est plutôt rare je vous laisse imaginer ce qu’ils faisaient. Et oui, dès qu’ils se sentaient moins stones, les habitants buvaient alors leur pisse (ou celle de leurs proches) pour continuer à planer. Respect les mecs, encore mieux que la légende de la pisse de chat [oh punaise, j’ai une idée de billet là]. Non mais quand je me représente les gueux quémandant que les riches pissent dans leurs gobelets, bah ici y’a nettement un problème d’addiction.

A l’inverse, il est des substances qui paraissent bien inoffensives, toutefois les excès dont fait montre la populace sont plus qu’inquiétants. En vrac, le fauve pense au Kawa (ou le kanna), dans le Pacifique, qui consiste souvent à préparer des racines d’un arbre. Il en est de même du bétel ou la noix de cola qui tous deux, à la différence du kava, sont considérés comme des excitants et non comme des hallucinogènes. Mais cela n’a aucune importance dans la mesure où ces composants sont utilisés dans un cadre social souvent bien agencé, avec des phases cérémonielles – ça existe comme adjectif ? – (sinon quasiment religieuses) qui font relativiser l’usage de la vinasse dans le catholicisme.

Enfin, chose que Le Tigre supputait, la première (et dernière, quitte à choisir) drogue qui sévit dans ce bas monde est l’alcool. Et c’est sans doute grâce à l’omniprésence des produits sur terre permettant une telle transformation. Les exemples sont légion (éther, liqueur d’Hoffmann – une vraie saloperie -, et même chloroforme !), et il est adorable de voir l’ingéniosité humaine en matière de défonce en général (Lewin parle même de hérissons alcoolisés)…jusqu’à ce que notre Lewin rappelle le bonheur du delirium tremens ou les épaves que laisse certains produits, du genre « On a dû arrêter la production, y’a des clients qui sont devenus aveugles ».

…à rapprocher de :

Concernant les essais sur les drogues, ne vous inquiétez pas j’en ai plein ma besace ! En vrac :

– Lewin cite au début les Confessions d’un mangeur d’opium, de Thomas De Quincey. Faudra que je m’occupe de ça un de ces quatre. Dans un cadre plus contemporain, Accroc au speed (sur les amphétamines), de Mick Farren, est édifiant et mérite d’être lu.

– En littérature, si Junky (Burroughs) et Moi, Christiane F. traitent plutôt de l’héro, y’a Déboire qui parle d’alcoolisme avec une frappante justesse. Allez voir du côté de ces romans, en fin de billet y’a plein d’autres liens qui sont fournis.

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Riad Sattouf - Pascal Brutal Tome 4Sous-titre : Le roi des hommes. Grand frère Pascal est de retour, plusss fort que jamais. Désormais vêtu de différents habits, notre Lord von Brutal s’insère parfaitement dans la société contemporaine. Trop peut-être, car les péripéties de l’anti-héros sont loin d’être aussi réjouissantes qu’autrefois, l’absence de cohérence des aventures n’aidant pas.

Il était une fois…

Le quatrième de couv’, qui reprend les mots de Tom Wolfe (L’Étoffe des Héros), mérite d’être signalé :

« …Chacun connaissait le nom de cet individu qui se trouvait au sommet de cet olympe, l’as des as, dans la vraie confrérie de ceux qui avaient l’étoffe ». Grosse marade.

Critique du quatrième tome de Pascal Brutal

Pour ce qui est de Pascal made by Riad Sattouf, Tigre trépigne d’impatience et de nervosité chaque fois qu’il ouvre la première page de la bande dessinée. Un monde peudo-futuriste mené de main de fer par Alain Madelin, une France sous-civilisée où la Beauce n’est qu’une étendue désertique, que du bon !

Pas tant que ça en fait. Le félin n’a point retrouvé les premiers émois d’antan en lisant, en cachette bien sûr, ses premiers Fluide Glacial. D’une part, j’ai trouvé cet opus excessivement verbeux : ce n’est pas tant un mal en soi dans la mesure où l’auteur s’est réellement lâché dans l’accompagnement en prose de son héros, néanmoins à première vue l’omniprésence du texte ne donne pas envie d’attaquer les saynètes. D’autre part, les illustrations, toujours aussi criardes, n’ont guère évolué à part quelques affiches de films déconnantes qui hélas m’ont semblé assez quelconques.

Cela étant dit, jeter le bébé Pascal avec l’eau du bain de ce quatrième tome serait malhonnête. Car il est quelques passages d’exception, entre ceux qui jouent sur les « qualités » du héros (l’ambivalence sexuelle en particulier) et d’autres qui renouvellent sa légende. Par exemple, quelle ne fut pas la surprise du Tigre lorsque Sattouf introduit…le papa de Pascal (on ne connaissait que le père adoptif motard), riche capitaine d’industrie possédant une chaîne de magasins !

Bref, les temps ont changé, et les aventures de Pascal aussi. Le registre, moins fantasque, est plus axé sur des références précises à l’actualité (cf. infra). Excellent pour les lecteurs qui veulent voir une bonne dose de vitriol jetée à la gueule de la société, décevant pour ceux qui voudraient rêver – pour le félin, ce serait presque le tome de trop.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Comme je le disais, les clins d’œil et références contemporaines sont plus que présentes. Pascal se glisse dans tous les déguisements, et sa burnitude assumée fait des dégâts. Imaginez l’homme au long pif parachuté au milieu d’un secteur breton ultra-homosexuel, en mode Man vs. Wild, avec pour mission de choper une femme hétéro au milieu d’homens agressifs. Ou encore un make-off de tournage d’un clip de rap à la Booba, les dialogues hilarants en plus. Sachant que le titre est paru en 2014, je ne suis pas sûr que dans 30 ans ça fasse autant rire.

Il est toutefois d’autres planches, où Pascal fait preuve d’une bêtise absolue, miroir à peine déformé de la réalité française. Mieux, Riad S. a réussi à pointer certaines contradictions d’une société à la dérive où des valeurs tel que le civisme le plus élémentaire n’empêche pas des accès de tendresse complètement inattendus. Pascal, un peu plus anti-héros qu’autrefois, est l’Homme rutilant et con dans toute sa splendeur. Le roi des hommes en fait : le gus capable de corriger les truands à la petite semaine tout en poignardant un flic après avoir pissé dans le bus. Moins futé qu’avant (le THC n’aidant sûrement pas), plus violent et malsain, Pascal fait même rire par son comportement décalé dans les moments de grâce – tailler une pipe à son meilleur pote, franchement ?

…à rapprocher de :

– Ai vraiment préféré les trois premières BD, désolé.

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Ben Elton - Amitiés mortellesVO : Past Mortem. Lorsqu’un individu a en tête de butter tous ceux qui harcelaient leurs petits camarades à l’école, certains doivent s’inquiéter à juste titre. L’auteur anglais n’est pas dénué de talent, Tigre a passé un bon moment – entre ricanements et légers tremblements. Voici un petit polar bien amené, sans prétention, qui remplit parfaitement son office.

Il était une fois…

La population londonienne flippe grave sa race :y’a un mec qu’est en train d’occire des individus qui, dans leur passé, s’amusaient à martyriser leurs petits camarades pendant leurs études. Et il revient au jeune inspecteur Edward Newson, petit nouveau de son service, de s’occuper de cette affaire. Or, les meurtres qui ne s’arrêtent pas (et son de plus en plus terrifiants) résonnent curieusement avec l’histoire de Newson, lui-même objet des moqueries dans son école à Shalford.

Critique de Amitiés mortelles

Ne vous fiez point au titre français qui fait terriblement cheap sur les bords. En effet, le Past Mortem est une coquette double référence à l’état d’un macchabée et aux affres d’un passé qui rattrape certains personnages.

Le premier protagoniste, l’inspecteur Edward Newson, est un gus attachant comme tout : certes bon flic, mais tristement à la ramasse sur sa vie amoureuse, en plus ce couillon est amoureux de sa partenaire de taf, la belle Natasha – ce prénom devrait être interdit dans les polars. Pour revenir à l’affaire qui occupe Eddie, le mystérieux tueur semble choisir ses victimes parmi un site internet où anciens élèves se retrouvent, sélectionnant ceux qui ont particulièrement brillé en se moquant de leurs petits congénères. Parmi les potentielles victimes, la somptueuse Christine Copperfield, que Newson a bien connu jeune.

Ben Elton est parvenu à imaginer une histoire où le lecteur sera tour à tour submergé (confronté, plutôt) à un humour pince-sans-rire efficace (la situation du héros arrache souvent un sourire), à des ébats torrides (rien de bien méchant) ou à des scènes gores – 2-3 sur l’échelle de Stephen King. La manière dont sont trucidées les victimes, notamment, est fandarde au possible. Entendez : c’est tellement dégueulasse que ça en devient cocasse.

Même si c’est loin d’être le polar du siècle, le félin s’est bien marré à dévorer ce roman assez original et, au surplus, rapide à lire – nombre de chapitres conséquents. Avec des  passages marrants pour un suspense bien entretenu, peu de risque d’être déçu. En ce qui concerne le mot final, à moins que Le Tigre n’aie aucune imagination le nom du coupable reste inattendu.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le sujet principal de ce bon polar est le harcèlement à l’école. Ce thème, original il est vrai, est finement traité par Ben E. qui s’attache avant tout à faire parler les anciennes victimes. En outre, la position de l’inspecteur, qui connaît intimement une des victimes, est l’occasion de revenir en arrière et développer ses souvenirs de jeunesse. Notamment ses premiers émois sexuels qui…[j’en dis trop là]. Quoiqu’il en soit, lorsque Helen Smart, une autre de ses anciennes camarades de classe, se met à révéler des choses pas très nettes sur une femme adorée de tous (Christine), beaucoup tombent des nues.

Corollaire de ces gros tracas de jeunesse, la vengeance fait une entrée fracassante. C’est là que Elton nous prend par les sentiments : qui n’a jamais eu envie de voir le (ou les) bourreau(s) de son enfance en prendre plein la gueule ? Qui n’a jamais éprouvé une haine pure contre ses persécuteurs ? Néanmoins, le plaisir de contempler le bourreau devenir victime s’efface vite face à ce que ce dernier subit. Car le tueur, qui se pose en justicier contre l’impunité dont jouissent les brutes à l’école, a des méthodes d’une rare violence : non content de les buter, il emploie les mêmes moyens utilisés, jadis, par les brutasses. En rajoutant quelques réflexions sur la manière dont ces expériences peuvent forger une personne, tout ceci donne à réfléchir sur la sourde violence que subit tout jeune à un moment ou à un autre

…à rapprocher de :

– De cet auteur, le roman Devine qui vient dîner ce soir ? a eu pas mal de bonnes critiques. Ai toutefois la flemme de le lire.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Les Voyages du TigreDans les confins de l’Asie multimillénaire se cache un aliment  tapi en embuscade. Un fruit que Bouddha en personne aurait maudit entre deux méditations, une engeance tellement abhorrée que la laisser dans une soute d’avion est plus grave que transporter une bombe. Mais Le Tigre est parvenu à dompter cette erreur de la nature. Il en est si fier que ça figure en première ligne de son CV d’ailleurs.

Qu’est-ce que le durian ? Pourquoi en manger ?

Personne

Fuyez, pauvre fou.

Tout avait commencé ici. Quelque chose n’allait définitivement pas dans cette échoppe perdue au milieu de la campagne indonésienne où je m’étais réveillé après avoir mangé un champignon proposé par une jolie fille – allez savoir comment je me suis retrouvé à 10 kilomètres de la ville où je logeais en principe. Personne aux alentours, le vendeur trônait seul face à ses produits. Je traversais alors la route pour m’enquérir de ce qu’il proposait – en fait, un unique type de fruit était en vente.

Ce fruit, c’est celui du durian. Nom scientifique : Durio zibethinus. Ma première bouchée fut une délicieuse révélation : après les rognons de veau, j’avais enfin trouvé un aliment que je ne pouvais manger. Ni coquetterie d’Occidental, ni contre-indication médicale, ni tabou alimentaire, seulement parce que c’était immonde.

Rien ne doit résister au fier Tigre. Dès qu’un défi, aussi con soit-il, pointe le bout de son museau, je m’en empare. Et là, y’a un truc qui se mange mais qui fait tout pour ne pas être bouffé par le félin. Je comprends ce qu’il cloche pour que je ne puisse déguster de caviar. Je sais pourquoi manger du chat n’est pas mon fort. Et là, le durion veut me discriminer uniquement par son goût ? Ça ne saurait se passer ainsi. Chez vous peut-être, mais pas de ça avec le fauve.

Au surplus, mon égo démesuré ne pouvait supporter de voir tous ces marchands de durians, l’air prospère et aux bajoues correctement rebondies. Si les mangeurs de ce fruit particulier (et leurs mines réjouies) inspirent le dégoût chez certains, chez Le Tigre c’est la jalousie qui primait. Et, pour ne rien arranger, ça ne coûte pas cher !

Je me devais donc d’apprécier ça. Mais comment ? D’ailleurs, est-ce si mauvais ?

Le durion, cette saloperie

D’éminents auteurs ont eu l’occasion de discourir sur cette chose dégueulasse, et je sais que par ce billet je ne rendrai pas le tiers d’un centième de l’hommage dû aux fantômes de millions de papilles flinguées par le durian. Néanmoins, je peux vous annoncer d’ores et déjà ceci : le durian est la seconde erreur du bon Dieu après l’Homme. Que Mao Zedong se soit réincarné dans un tel arbre ne m’étonnerait pas outre mesure.

Exemple de torture

Exemple de torture

Premièrement, l’odeur. La première rencontre avec le fumet du durian fut inoubliable : un coulis de différents fromages sur lequel quelqu’un aurait chié le travail intestinal provoqué par une vieille vinasse non agréée par le ministère de l’agriculture. Ensuite, le premier émoi passé, vous pourrez distinguer, derrière l’odeur tenace quoique douçâtre, un mélange digne d’un savant fou qui aurait versé un arôme de banane (en forçant sur l’acide acétique) dans le sac de linge sale de l’équipe de NFL tenante du titre du SuperBowl – troisième mi-temps comprise. Suivant vos expériences traumatisantes personnelles, j’imagine que d’autres idées pourraient surgir dans votre esprit paniqué.

Pour les plus sensibles sur le point de s’évanouir, le durian peut vous faire avoir une expérience plus mystique. On peut en effet parler d’une propriété olfactive dite « prophétique » : ça a l’odeur de ce qu’il va advenir, à savoir le vomi.

Le blanc, ça se mange pas

Le blanc, ça se mange pas

La texture, deuxièmement, n’arrange pas sa réputation. En ouvrant le fruit, ce qui saute aux yeux (en plus de les piquer furieusement) est l’aspect général de la chair à durian qui entoure quelques noyaux – trois, voire quatre. Vous pourrez mettre à nu un cerveau jauni d’alcoolo qu’il n’y aurait qu’une différence de taille. Et lorsque Le Tigre a plongé, pour la première fois, ses petits doigts dedans, j’avais la sensation de fourrer une patte à chewing-gum pas encore cuite à laquelle se serait mélangée un peu de pus en provenance d’une usine d’adolescents boutonneux.

A moins que ce soit préparé dans un petit sachet prêt à l’emploi, bouffer un durian est une gageure incroyable. Extraire la chair à peine juteuse et forcément glissante vous contraint, insidieusement, à avaler la chose le plus vite possible. Et je ne parle pas de cette putain d’odeur tenace sur les doigts, forcément persistante à cause de nombreux restes sous les ongles. A côté de ça, doigter un cadavre vieux de six semaines reviendrait à se laver les mains.

Troisièmement, le goût. Il est des aliments qui n’ont pas la saveur de leur odeur, par exemple les brocolis ou les croquettes de chats. Avec le durian, pas de problème. Je pourrais ainsi vous renvoyer à l’odeur, sauf que notre pif est souvent loin du compte – sur ce coup le nez fait son politicien en nous disant que ce n’est certes pas terrible, mais point catastrophique.

Décrire les goûts est plus que délicat, et là encore les avis divergent. Et c’est toute la force du durion : je soupçonne cette chose issue du trou du cul du diable de court-circuiter votre palais pour que ce dernier vous envoie les pires informations qu’il a en mémoire. Et ce foutu goût évolue de façon étonnante selon l’heure de la journée (le matin, ça passe curieusement mieux) ou selon ce que vous avez bu/mangé avant. Réfléchissez juste à ceci : vous savez ce que sont des durillons ? En plus grand, ça donne des durions.

Quatrièmement, et comme ça ne suffisait pas, il y a la valeur nutritionnelle du fruit. Car ce dernier, non content d’être extrêmement calorique, freinerait selon certains le travail des enzymes destinés à l’élimination de l’alcool. Normalement, on bouffe ses cinq fruits et légumes par jour pour rendre sa cuite du soir plus acceptable. Sauf que le durion, en salopant le travail légitime de votre organisme malmené, ne joue pas le jeu – déjà que les Asiates ont du mal à tenir l’alcool, je vous laisse imaginer le désastre.

...à Singapour...

…à Singapour…

Voilà qui explique pourquoi cet aliment est interdit dans la plupart des lieux publics en Asie. Si manger dans le MRT (métro singapourien) est interdit, le seul fait de posséder un durian vous expose à une amende – ici indéterminée, je n’ai jamais osé tenter le coup. J’ai vu quelqu’un entrer avec un durian à la station Clarke Quay. Avant Dhoby Ghaut (station qui suit), je m’étais promis de ne plus jamais pester contre les connards qui trimballent leur KFC dans le métro. Avant Farrer Park, le gus était alpagué par trois flics mécontents – il n’est pas rare de voir autant d’applaudissements pour une telle intervention.

Éloge du durio, fruit des persévérants

Finalement, la manière d’apprivoiser le durian est triviale. Le Tigre risque de vous décevoir : il a aimé ce truc à force d’en bouffer. J’ai offert à ce fruit l’opportunité de m’avoir par l’usure, il faut avouer que le corps a de surprenantes propriétés de résilience. Particulièrement quand on a une indescriptible faim. C’est sans doute là le secret, faire en sorte que votre cerveau fasse l’association d’idée suivante : durian = disparition de la faim.

Le piège : choisir la facilité, les rambutans qui occupent la première place

Le piège : choisir la facilité, les rambutans qui occupent la première place

Ce fut donc en jeûnant pendant trente heures (c’est long, une journée et demie) que mon expérience fut, pour la première fois, heureuse. Évitant soigneusement les étals à ramboutans et le chien sur le grill en bout de rue, je m’étais contraint qu’à n’avaler cette denrée. Et après avoir tournoyé du derche pendant une vingtaine de minutes je pris ma première « vraie » bouchée. Puis deux. Puis le fruit en entier. Cinq heures après, même process. Le lendemain, je m’offrais quand même un steak au soja pour me récompenser.

Bien sûr j’ai eu quelques mauvaises surprises tandis que je me croyais vacciné. J’ignorais qu’il existât différentes espèces. De violentes déceptions furent à déplorer, et pour un nouveau type de durian tout était presque à refaire. Le durian à chair rouge, par exemple, a une saveur plus caramélisée, une puissance écœurante renouvelée et vis-à-vis de laquelle j’étais encore impuissant. La procédure de tolérance était remise à zéro. Imaginez-vous un Inuit qui n’a jamais mangé un seul fruit et ne jure que par la poiscaille et les baies amères. Apprenez-lui à manger des oranges, il se croit paré à toutes les éventualités jusqu’à ce qu’il tombe sur un citron vert.

Genèse du durian

Le Tigre a sa petite théorie sur le durian. Et celle-ci est légendaire. Non : biblique. Dans la première partie d’un gros bouquin intitulée la Genèse, le patron des lieux interdit à ses locataires de grappiller un certain fruit. A mon sens, le Très Puissant n’a pas, à proprement parler, balancé via ses enceintes divines un « commandement » pour la populace. Il a juste fait en sorte que cet aliment soit dégoûtant, sans pour autant le transformer en poison.

Pourquoi ce fruit serait celui de la connaissance ? Deux raisons :
1/ En apprenant à l’aimer, vous passez par tellement de phases et d’étapes que, en définitive, vous en apprendrez énormément sur vous-même : vos attentes, la manière dont il faut relativiser la douleur, voire votre choix de carrière.
2/ Un fruit qui empêche l’élimination de l’alcool, vous imaginez les implications lorsque l’art de provoquer la fermentation n’existait pas ? Des petits fruits bien mûrs ne rendent guère saoul, sauf si les hommes préhistoriques les accompagnaient de durions. Qui dit être humains alcoolisés, dit choppes sales au fond de la caverne, dit natalité en hausse, dit peuplement massif de la planète, dit éjection du jardin d’Eden.

Le durian est tout simplement le fruit que cette coquine d’Eve a bouffé contre l’avis du bon Dieu, et pour cela nos tourtereaux ont été chassés de leurs paradis. Plus prosaïquement, je pense qu’ils ont dû déguerpir de l’Asie du Sud-Est vers l’Ouest, à peu près jusqu’à la région du croissant fertile. Et la civilisation est apparue. C’est logique en considérant que puisque le soleil divin se lève à l’Est, fallait mieux pas se diriger vers la maison du gros Barbu et filer à l’anglaise dans l’autre sens.

Conclusion : le durian, c’est la sodomie du goût

En l’espace de deux mois à peine, le fauve s’est transformé de petite chose européenne se tordant de douleur après une bouchée en un duriaddict de premier ordre. Quoi de plus normal, j’ai par la suite découvert qu’il arrivait aux tigres de manger des durians.

J’en ai tiré une formidable fierté, surtout dans les marchés orientaux : il m’arrivait de prendre un air du ravi de la crèche et demander au vendeur ce qu’était ce fruit qui avait l’air si bon. Le commerçant, riant sous cape, me proposait de goûter un morceau. Ce que je faisais, puis exprimais ma satisfaction avant d’en commander trois kilos. Une fois sur trois, le visage déconfit du gus valait tout l’or du monde.

Pire que le durian : la glace au durian

Pire que le durian : la glace au durian

Pour la fin, je vais laisser la parole à Bao Linh, ma petite amie de quelques heures lors d’une excursion à Hôi An, et qui m’a aidé dans ma quête durianesque. Voici ses mots, au cours d’une balade romantique, dans un anglais oxfordien qu’il m’est difficile de bien retranscrire :

Tu sais, Tigre, le durian, faut juste apprendre à le chérir. En fait, cet aliment est à ta bouche ce qu’une bite est au cul d’une fille. On n’aime pas ça au début, et après une dizaine d’essais douloureux on en redemande. Le durian, bah c’est pareil. Ça pue la merde quand tu l’ouvres la première fois, et après l’avoir pris tu te jures que jamais tu ne tomberas dans le panneau. Tu te dis que c’est impossible que Dieu puisse permettre un tel truc d’exister, et que c’est bien normal qu’il y ait des lois contre ça. Sauf que tu vois des gens le faire, l’extase au bout de leurs lèvres. Ça devient vexant, tu as l’impression de ne pas faire partie des esthètes gustatifs. Alors tu te forces. La troisième fois, tu bronches moins. La cinquième, ton corps décerne quelques subtilités que tu te mets à apprécier. Tu t’y mets au septième essai sans avoir particulièrement faim. La dixième, c’est toi qui prends l’initiative de le faire. Pourquoi tu marches bizarrement en tenant le haut de ta cuisse ?

Avant d’écrire des conneries aussi grosses qu’un pépin de durian dans les commentaires, sachez que je n’ai initié Bao à rien du tout.

Snyder & Capullo - Batman : L'an zéroVO : Batman Vol.4 : Zero Year – Secret City. Batman #21-24 et Batman #0. Bruce Wayne encore jeunot, une bande de méchants pas vraiment identifiée, quelques fruits pourris dans la famille, rien de mieux pour redécouvrir Batman. Toutefois, l’opus manque clairement de cohérence, ça part dans tous les sens et s’y retrouver nécessite de bonnes connaissances de l’univers du chevalier noir.

Il était une fois…

Ça y est. Bruce Wayne revient à Gotham après cinq années d’absence (on l’a cru mort). Et y’a du boulot ! Non seulement un gang de mecs masqués en rouge foutent un daroi phénoménal dans la ville, mais en plus les Entreprises Wayne ne sont pas étrangères aux vilaines choses qui se passent dans le coin. Bruce, qui a de la rage à revendre, pourra-t-il remettre de l’ordre dans une ville haute en couleur où est, notamment, sur le point de sévir un savant qui répond au doux nom d’Edward Nygma ?

Critique de la première partie de L’An Zéro

Scott Snyder, dans son insondable ambition, s’est mis en tête de réécrire les origines du Batman. De là, deux choses à savoir : ce n’est pas que c’est le quatrième tome d’une série bien démarrée que ce qui précède sert à quelque chose. En un mot : on redémarre presque à zéro. Ensuite, Scott a voulu s’approprier d’autres titres tels que Batman : Année Un et Killing Joke (cf. les liens en dernière partie) pour imaginer un scénario plus bling-bling, c’est-à-dire où l’action la plus pure et le spectacle l’emportent sur l’aspect policier/noir.

Concernant l’histoire, Le Tigre a eu extrêmement peur au début. Notamment à cause du chapitre #21 qui porte sur un futur proche (quelques mois) avec une ville de Gotham recouverte de verdure. Plus généralement, il est quelques back-up (même si je sais qu’ils seront « soldés » dans le prochain tome) qui auraient pu être différemment amenés. Sinon, le reste concerne le fameux Red Hood dont les motivations, assez mystérieuses, sont révélées progressivement. Et Bruce Wayne (qui n’agit pas encore sous le masque batmanesque) a beau lui met des bâtons dans les roues, ça ne suffit pas. En outre, le héros en devenir doit remettre sur pie les entreprises Wayne : son oncle Philip n’est pas tout propre, et que dire alors d’un savant un peu fêlé nommé Nygma ?

Heureusement, face au flou scénaristique de cet opus, Greg Cappullo est resté sur quelque chose d’assez classique d’un point de vue des illustrations, c’est-à-dire que concernant le bonhomme ça reste excellent. Mieux : Dany Mikky (son encreur) a utilisé des tons plus vivaces (naïfs, même), offrant aux planches une teinte plus lumineuse. Pour ma part, les plans très rapprochés laissent au lecteur le soin d’admirer des personnages forts (Red Hood, particulièrement, qui a tout de l’anarchisme du Joker), toutefois plus de plans d’ensemble auraient été bienvenus.

En conclusion, c’est à mon sens un ouvrage destiné aux bons connaisseurs de Batounet, les références à l’univers étant nombreuses mais peu évidentes. Pour ma part, la première moitié fut assez difficile à apprécier, ce n’est que vers la fin (lorsque les évènements s’imbriquent dans une suite plus logique) que j’ai réellement raccroché les wagons et pris plaisir à suivre le nouveau Bruce, même si physiquement il n’a pas la même classe d’antan.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui est particulièrement attendu dans ce tome est la manière dont la « légende » des protagonistes nait. Le Joker (même si on ne le verra pas) et Edward Nygma y sont plus inquiétants que jamais, évoluant dans une ville corrompue comme autant de petits poissons dans l’eau. Brucie, à l’inverse, a tout au début du petit con qui va même jusqu’à se disputer gravement avec Alfred. Et son faciès trahit une jeunesse plutôt bourrin (coupe au carré, regard pas très futé), impression confirmée par ses premiers faits d’armes où les gadgets sont utilisés avec plus que de raison. Quant au choix de la chauve-souris comme emblème, la présence de cet animal sur une statue ne m’a que moyennement convaincu.

Après discussion avec un pote bien plus calé que Le Tigre en termes de comics, j’ai pris conscience que les éléments d’identification du héros sont assez basiques et empruntent énormément à la culture récente – notamment les films, par exemple l’ascenseur dans le manoir qui descend à la Batcave. Du coup, si des touristes tels que moi trouveront parfois obscurs les hommages à l’univers du chevalier, d’autres personnes plus aguerries n’hésiteront pas à dire que ce quatrième tome est une soupe populaire de Batman, un mash-up de petite facture qui se veut abordable à tous. A vous de voir où vous vous positionnez.

…à rapprocher de :

– Ce tome s’inscrit dans le reboot initié par les deux compères, qui commence par l’excellent Cour des hiboux et La Nuit des hiboux (ce dernier en-deçà de mes attentes). Puis le Joker débarque dans la place avec t oui. Quant au troisième, Le deuil de la famille, hélas c’est également dispensable – même topo hélas avec le tome qui suit de L’An Zéro.

– Les premiers pas de celui qu’on devine aisément devenir le Joker sont à rapprocher avec la version de cet ennemi dans le superbe Killing Joke, de Moore et Bolland.

– Puisque j’en parlais rapidement, si vous préférez quelque chose de plus aisé à lire et plus axé « polar », allez voir du côté de Batman : Year One (Année Un), par Miller & Mazzucchelli.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.