Amélie Nothomb est un écrivain à part, et cette quasi autobiographie tend à le démontrer. Journal de bord d’un corps et d’un esprit globalement boulimiques, l’auteure livre quelques clés sur la manière dont elle a pu devenir écrivain. Et ça n’est pas de tout repos. Court et plus que correct, il y a matière à s’amuser.
De quoi parle Biographie de la faim, et comment ?
Si le félin compte bien, il doit bien s’agir du douzième (au moins) roman de la mère Nothomb, le second à forte charge biographique qui a été publié en 2004. Ouvrage assez dense en apparence (on se rapproche des 200 pages, pffffiouuuu), paradoxalement je l’ai dévoré à une vitesse déconcertante.
Tout d’abord, la faim. Nothomb commence plutôt fort en racontant le cas des replets habitants de Vanuatu qui ont toujours bouffé plus que de raison. S’ensuivent plusieurs courtes aventures vécues par la narratrice sous le prisme de la faim sous toutes ses formes : nourriture, culture, eau, alcool, et la manière dont son esprit a pu associer ses expériences à des concepts intellectuellement développés – eu égard l’âge de la Nothomb de l’époque. « Naissance et entretien du cerveau actuel de Nothomb » aurait pu être un chouette titre alternatif.
Avec un style aussi riche et à contre-courant de ce que le lecteur lambda lira autour de lui, Amélie démontre, si encore besoin était, qu’il lui manque un grain. Celui de la sobriété, que ce soit sa consommation excessive d’alcool (à douze ans, quand même) ou la façon dont elle peut lire, sans broncher, un dictionnaire en entier. Du coup, c’est avec amusement que j’ai parcouru ses chapitres, même si parfois j’ai espéré qu’elle exagérait ou confabulait (ce verbe existe ?) certains passages – y’a presque des trucs sexuels relativement dérangeants. D’autre chapitres portent sur des considérations que tout lecteur comprendra, par exemple la haine d’un corps qu’on ne parvient à accepter.
Tigre finit sur le terme « biographie », puisque plus d’une fois je me suis demandé à quel point tout ce qu’elle écrit ici est rigoureusement exact. Certes Amélie a vécu aux quatre coins du monde grâce à son ambassadeur de papa, certes elle a pu vivre de nombreux moments forts (plus tôt et plus souvent que le commun des mortels), mais parfois l’analyse sous-jacente de ses pérégrinations va trop loin. En surinterprétant son comportement jusqu’au-boutiste en tant que jeune fille, Lady Nothomb décontenancera de temps à autre son lecteur qui hésitera à boire ses mots telle une parole d’Évangile.
Ce que Le Tigre a retenu
Déjà, je n’ai pu m’empêcher de remarquer que l’auteur adoooore se foutre dans des situations extrêmes d’un point de vue des sensations. Se pinter la gueule si jeune, provoquer une overdose de chocolat, l’anorexie hélas « classique » de l’adolescente, merde si ce n’est pas de l’automaltraitance, alors expliquez-moi. C’est comme si les états physiques liés au surplus (ou au manque) d’aliments (matériels ou de connaissance) entraînent une réorganisation des neurones, transformant certaines zones du cerveau vers un état de béatitude qui confine à la sublimation. Je devrais peut être faire un jeûne un de ces quatre…
Ce qui ressort de ce roman relève avant tout du plaisir : l’écrivaine parvient à rendre compte, non sans tendresse, de la jubilation à jouer avec la faim. Lorsque la privation et l’excès apportent autant de bien être, il est difficile de la plaindre. En fait, Amélie Nothomb me fait penser à un marathonien doublé d’un sumo : la rigueur et l’ascétisme du coureur de fond qui ne prend son pied que quand ça commence à faire bien mal ; et la gourmandise monoalimentaire érigée en art de vivre, jusqu’à ce que le corps gueule un tonitruant « stop ! » aux centres nerveux concernés.
…à rapprocher de :
Tigre ne va pas vous dérouler la biblio de Miss Améli-mélo, toutefois sachez que Tigre a lu pas mal de titres, dont (par ordre de publication) : Hygiène de l’assassin (vaguement ennuyeux), Les Combustibles (sans plus, heureusement c’est court), Attentat (interminable), Stupeur et tremblements (à caractère bibliographique encore, et excellent) ; Cosmétique de l’ennemi (relativement insupportable) ; Acide sulfurique (lourdaud) ; Le Fait du prince (le pire, je crois bien) ; Une forme de vie (encore un obèse, décidément) ; Tuer le père (mouais…).
– Ripley Bogle (en lien), de l’immmmmmense Bobby MacLiam Wilson, envoie également le héros dans les affres de la faim. Des pages entières sont dédiées à ce que peut ressentir le protagoniste, et c’est de toute beauté.
– Concernant l’anorexie, y’a Thornithorynx, de Camille de Peretti. Ça parlera à ces demoiselles (en faisais pas partie à l’époque).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet essai en ligne ici.
Ping : Amélie Nothomb – Le Fait du prince | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Acide sulfurique | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Cosmétique de l’ennemi | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Une forme de vie | Quand Le Tigre Lit
Ping : Camille de Peretti – Thornytorinx | Quand Le Tigre Lit
Ping : Robert McLiam Wilson – Ripley Bogle | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Tuer le père | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Stupeur et Tremblements | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Attentat | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Hygiène de l’assassin | Quand Le Tigre Lit
Ping : Amélie Nothomb – Les Combustibles | Quand Le Tigre Lit