Jacques Sirgent – Le livre des vampires

Camion Blanc, 272 pages.

Jacques Sirgent - Le livre des vampiresLong et parfois âpre, c’est presque une thèse que Tigre a eu l’occasion de lire. Car Jacques Sirgent, fondateur du Musée des vampires, est le spécialiste du vampirisme du monde francophone (sinon plus, il a vécu aux EUA). Globalement sympa même si plus d’une fois je me suis demandé où l’essayiste voulait en venir, au moins on se couche largement moins bête.

De quoi parle Le livre des vampires, et comment ?

Jacques Sirgent a passé des années à compulser diverses informations et données sur tout ce qui tourne autour du vampirisme. Contrairement à la couverture (ou aux mots soulignés en rouge au dos du bouquin) très aguicheuse, c’est un texte impressionnant de références que le lecteur tient entre les mains.

Il appert qu’une grosse partie de cet essai de près de 300 pages (presque lues en diagonale) est un document à charge contre les pratiques de l’Église pendant le Moyen-âge. Cette institution (même si l’antiquité a préparé le chemin intellectuel) semé les graines de l’émergence, dans les esprits, de la notion du vampire. Démonologie, étude de la rhétorique et de la doctrine religieuses, nombreux témoignages (clercs, papes, juges, etc.), le rapport avec les vampires est certes présent, mais le lien est parfois très ténu.

Ensuite, nous saurons tout (mais vraiment tout) de la façon dont Stocker a écrit Dracula. Puis un court passage sur le vampirisme d’aujourd’hui, avant de passer une bibliographie cinématographique édifiante, avec près de 80 films (sur les 700 que le musée des vampires possède). De cette structure narrative j’ai eu l’impression d’un déséquilibre profond, disons que j’en attendais plus sur l’aspect contemporain. L’auteur y décrit ses expériences (celle des Croates pendant le conflit des Balkans est troublante et poétique quelque part) et il y a sûrement de quoi en faire un unique livre.

Au final, un beau livre un peu fourre-tout qui sera l’occasion de visiter l’Histoire sous un prisme inattendu. Si l’éditeur Camion Blanc (ou mieux, Jacques S. en personne), Tigre soumet à votre examen la page 79 où il est écrit : « […] le pape Benoît XVI écrivait en 1756 à […] ». Je pense qu’il s’agit plutôt du numéro 14. Pour d’éventuels remerciements, vous savez comment me contacter.

Ce que Le Tigre a retenu

La création du vampire. Comme je le disais, l’auteur présente l’Église catholique et romaine sous son jour le plus sombre. A l’instar du diable ou autres créatures peu recommandables, le vampire est un énième bouc émissaire qui représente l’autre, celui capable d’avaler des litrons de sang frais alors que le corps ne peut n’en digérer qu’une petite quantité. Et pour « ferrer » une population qui, craintive, est plus docile, rien de mieux qu’insister lourdement sur le retour contre-nature à la vie et sur l’aspect du sang (plutôt que le vampire psychique à la Dan Simmons dans L’échiquier du mal).

Boire le sang des victimes a de multiples significations et renvoie à des pratiques couramment utilisées au Moyen-âge. En effet, l’eau était si dégueulasse et porteuse de germes (se laver n’était pas vraiment de mise) que le sang était souvent utilisé en tant que boisson potable saine. Lorsque celui des animaux tendait à faire défaut, on n’hésitait pas à boire celui de ses semblables (le Christ l’a proposé, après tout). Cela coûtait cher évidemment, et la vision des riches pompant le sang des masses laborieuses s’est donc naturellement mise en place. La métaphore sera amplifiée en prenant l’exemple des banquiers, usuriers et autres puissants qui assèchent le bon peuple.

Sirgent passe un temps presque indécent à parler des conditions de création du roman Dracula, de Bram Stocker. Le choix de Vlad alors que ce dernier n’avait, pour l’époque, pas grand chose à se reprocher (son histoire n’est pas exagérée mais réinventée) ; le fait que Jack l’éventreur sévissait dans les quartiers sordides de Londres à la même époque ; les nombreuses recherches de l’auteur. Les possibles provenances du nom sont intéressantes, que ce soit le gaélique dhroch fohla (mauvais sang) ou la plante carnivore drakunkulus (qui empeste au passage). Quant au « a » final, celui-ci peut être une référence à la féminité, à l’époque considérée comme avatar du malin.

…à rapprocher de :

– Sirgent évoque un joli paquet de livres et films sur le thème vampirique, pour ma part je ne peux juste que vous recommander les ouvrages d’Anne Rice. Ou 30 days of night (roman graphique).

– En manga, c’est aussi assez fourni, cependant Tigre ne vous renverra que vers Hellsing. Fun sur les premiers épisodes. Vous noterez que ce mot est un clin d’oeil à Abraham Van Helsing, le chasseur de vampires de Bram Stocker.

– Puisque j’en parlais rapidement, il y a le très correct Échiquier du mal, de Dan Simmons.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici. Ou sur le site de l’éditeur.

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