Jaume Cabré – Confiteor

Babel, 920 pages.

VO : idem. Jaume Cabré signe ici un roman « cathédrale » aussi monstrueux qu’impressionnant, une fresque décousue (en apparence) et furieuse qui sonde le mal à travers les âges. L’existence d’un être balloté par sa famille et bousculé par les aléas historiques,  servie par une écriture riche et absolument non linéaire. Un chef d’œuvre hélas incompris de votre serviteur qui n’a pu aller au bout de cette lecture. Rageant.

Il était une fois…

De nos jours, Adrià est vieil homme que la maladie d’Alzheimer force à coucher ses ultimes souvenirs. Et le gars a bien des choses à dire : jeunesse tiraillée entre des parents ambitieux et l’impression diffuse (bien que rapidement confirmée) que quelque chose de pas très catholique se passe autour de lui, amis (imaginaires ou réels) qui l’accompagnent dans des aventures à en perdre son latin, tout cela entrecoupé de terribles scènes historiques intimement liées à sa propre histoire. Adrià saura-t-il se pardonner ?

Critique de Confiteor

Il n’est jamais évident pour Le Tigre d’écrire sur une œuvre qu’il a été infoutu de terminer. Abandon vers la 200ème page, étant précisé que depuis une cinquantaine de pages mon cerveau était plus ou moins aux abonnés absents. Pourtant, Confiteor était séduisant en diable : une écriture originale (j’y reviendrai), un vocabulaire riche et une multitude de saynètes souvent poignantes – à l’instar de la quête de Fra Miquel –, avec en toile de fond un violon d’une valeur inestimable dont le père du protagoniste parvient à « acquérir ».

Alors, qu’est-ce qui a pu déconner au fil des pages ? D’abord, la structure narrative, sans commune mesure avec ce qu’on peut lire d’habitude. L’auteur bascule d’une époque à l’autre, de l’inquisition aux années 60, et il arrive que ces passages se mélangent allègrement d’un paragraphe à l’autre. Bien que l’écrivain laisse visibles quelques fils d’Ariane, il n’empêche que j’ai eu un mal de chien à me représenter certains personnages (Lola Xica par exemple). Ensuite, la narration qui n’est pas moins bordélique, à l’instar de l’emploi, selon l’humeur, de la première et de la troisième personne du singulier s’agissant du héros, lequel, pour ne rien arranger, argumente avec deux amis imaginaires – un chef indien  et un shérif, omniprésents.

Enfin, il faut sans doute rappeler que ce roman doit être lu par blocs, et pas en picorant ici et là quelques pages. Si bien qu’en reprenant la lecture je me sentais irrémédiablement largué par une œuvre qui exigeait de moi plus de concentration. C’est pourquoi cette piteuse critique sera un jour, je l’espère sincèrement, entièrement revue pour peu que je me replonge plus sérieusement dans Confiteor (qui le mérite largement).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Imaginez bien que ma compréhension des enjeux levés par ce roman est fortement limitée, toutefois il n’est pas difficile de remarquer qu’il est souvent question de la vérité. Celle qui est mise à nue par les efforts de mémoire d’Adrià, et qui souvent revêt les caractéristiques du mal le plus épuré. Notamment les actions d’un père qui n’hésite pas à profiter de l’immense faiblesse d’autrui, comme en témoignent les différentes transactions du fameux violon façonné par Laurenzo Storioni – d’un docteur dans un camp l’arrachant à un prisonnier, ce même docteur aux abois après la guerre devant le céder à des conditions largement inéquitables. Ce sont ces secrets tardivement percés qui auront raison de l’amitié, de l’amour d’un narrateur qui semble avoir tout gâché…

Enfin, le titre éclaire suffisamment la problématique de l’œuvre. Car la prière « confiteor » est un acte de contrition où le priant reconnaît pleinement son état de pécheur avant de demander une forme de pardon. Pour cela, le protagoniste expose, sans omettre les plus infâmes détails, ses actes (et ceux des autres) démontrant l’envie et la vilénie entourant son existence. Et fait acte de contrition autant pour lui que pour les Hommes portés et emportés par une violence inouïe, que ce soit la Sainte Inquisition espagnole ou les fascismes ayant prospéré dans une Europe égarée.

…à rapprocher de :

Le félin pourtant aime les récits chaotiques (tout en étant finement construits), par exemple :

La maison des feuilles (de Mark Z. Danielewski), LE classique du roman bordélique et génial.

Au-dessous du volcan, de Malcom Lowry : même diagnostic, même fin : un roman exigeant que je n’ai pu achever.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

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