Jean-Bernard Pouy sait faire du vrai polar, tout le monde le sait. Hélas il arrive même aux meilleurs de ne pas contenter Le Tigre, en voici un petit exemple avec L.5632. Double narration originale mais parfois erratique, histoire vieillote qui fait son sort aux suites de mai 68, toutefois pour 200 pages on ne peut pas vraiment parler de temps perdu.
Il était une fois…
Larchmütz est une petite bourgade tranquille et bretonne où séjournent, depuis plus d’une vingtaine d’années, deux anciens combattants révolutionnaires. Sauf qu’un beau jour leur organisation les « réveille » pour qu’ils montent à la capitale reprendre la lutte armée. Bien évidemment cela ne se passe pas comme prévu. Déjà ils ne s’imaginent pas à quel point ils sont surveillés (notamment un ruminant), ensuite on leur demande d’effectuer des actes assez sanglants qui a peu à voir avec leurs nobles idées. Est-ce normal ? Larchmütz va se transformer en petite cour des miracles, tout cela sous l’œil amusé de Momone, une vache télépathe pas si con que ça.
Critique de Larchmütz 5632
Avant d’attaquer ce titre, Tigre tient à rappeler que Pouy m’a offert de superbes moments littéraires. Et il est normal que de temps à autre ça me plaise (subjonctif ou pas ?) moins. Disons que c’est moyen par rapport à ce que cet auteur m’a habitué à lire.
Adrien et Benno sont deux agents dormants que « l’Organisation » a décidé de réveiller. A partir de là les procédures (qui font très James Bond cheap, Pouy s’est fait plaisir) pour arriver discrétos à Paris se mettent en place, et nos deux héros se voient confier une mission à laquelle ils ne s’attendaient pas. Tuer, comme des militaires, tout simplement. Ils se posent alors de légitimes questions sans savoir qu’un joyeux bordel a déjà démarré.
Le style reste correct, les chapitres courts, en deux heures c’est plié j’ai envie de dire. Quant à la vache télépathe, ce petit plus fantasmagorique permet à Pouy de décrire avec détachement et humour la situation. Même s’il va un peu trop loin sur la fin, cela ne semblait pas nécessaire. En outre, je reprocherais à ce roman d’être « trop franchouillard », en particulier la description relativement réactionnaire de l’évolution de la société. Réac’ dans le sens « gauchisants pseudo-révolutionnaire qui se font avoir par d’autres vilains qui ont une certaine idée peu glorieuse de la France ».
Un roman intéressant par rapport à la narration au final, toutefois le scénario et le fin mot de l’histoire m’en ont touché une sans faire bouger l’autre. Si le fan de Pouy ne pourra laisser cette œuvre inconnue de ses lectures, le néophyte (comme Le Tigre) devra aller choisir ailleurs dans sa bibliographie.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les techniques d’espionnage sont plutôt marrantes à lire, j’y ai vu un second degré sur lequel l’auteur a allègrement joué. Rien que la montée vers la capitale est appréhendée avec tout le secret et les astuces d’un film de ce genre, l’écrivain français maîtrise les codes et aucune erreur de raccord littéraire n’est à déplorer.
La révolution royalement foirée. Les deux protagonistes ne sont pas si rouillés et les mécanismes intellectuels de l’art de révolutionner le monde sont encore bien présents. Langage compris. Sauf que ce n’est pas les pétillantes heures de mai 68 dont il est question, plutôt la version années 2000 (Jean-Bernard P. est presque un prophète) à base d’assasinnats sauvages et de manipulations en tout genre. Heureusement qu’il faut saluer l’intelligence des deux agents qui savent sortir de leurs « boucles idéologiques » et progressivement déceler le gros hic dans ce qu’on attend d’eux.
…à rapprocher de :
– De Pouy, Tigre s’est régalé avec Spinoza encule Hegel, suivi de A sec ! Nous avons brûlé une sainte mérite également d’être acquis. Comme Suzanne et les Ringards. A l’inverse, La clé des mensonges peut être évitée.
– Ces agents de partout me font penser un peu à L’affaire N’gustro, de Manchette. Très moyen hélas.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici.
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