López & Barreiro – L’Antre de la terreur

Dynamite, 148 pages.

López & Barreiro - L'Antre de la terreurSous-titre : Les aventures sexuelles de Lilian et Agathe. VO : El Prostibulo del terror. Y suis allé à reculons, or chaque page m’a convaincu de tourner avidement la suivante. Illustrations complètes, fouillis et choquantes, scénario bien ficelé et à prendre à la rigolade tellement les protagonistes sont illustres, ça se lit avec la bave et le sourire aux lèvres. Attention, c’est parfois dur. 

Il était une fois…

Fuyant la cité en feu depuis leurs dernières aventures, Lilian et Agathe vont tomber entre les mains du vilain Mister Hyde, lequel les séquestre dans une cave et les drogue avec une mixture qui rend nos amies trèèèèès dociles. Pendant que le vilain offre à ses clients quelques spectacles de très mauvais goût, en attendant de livrer en pâture les deux jeunes femmes à une déité, quelques illustres personnages vont se retrouver dans ce cabaret du diable.

Critique de L’Antre de la terreur

López & Barreiro - L'Antre de la terreur extrait1Le félin était moyennement chaud en parcourant, avec la plus blâmable négligence, les premières pages de cette bande dessine jugée (hâtivement) un peu brouillonne. Laquelle manque sérieusement de couleurs – comme la plupart des titres érotiques lus d’ailleurs. Mais c’est sans compter la page 10 où le vilain docteur introduit un tuyau dans la chatte des deux nanas, tuyau d’où sort un liquide qui les rend chaudes telles un accueillant geyser islandais. A partir de là,me suis dit « mouais, voyons voir où ça nous mène ».

Autant vous dire que ça va très loin. Lilian et Agathe sont donc détenues dans un sous-sol sordide tenu par une grosse érotomane et un chien, Satan, qui se produit parfois sur scène en copulant avec des jolies jeunes filles. Ce bar-théâtre sexuel de la honte est en outre fréquenté par des personnalités bien connues : Sherlock Holmes qui se doute que quelque chose ne tourne pas rond (Conan Doyle est là aussi, allez comprendre…) ; Albert Einstein prêt à être dépucelé ; Margaret Thatcher plus chiante que jamais ; Robert Louis Stevenson contraint de consulter Herr Freud,…et Jack l’éventreur qui terrorise la populace. Nul besoin de vous préciser que, d’un point de vue des dates, ça ne tient pas la route du tout.

López & Barreiro - L'Antre de la terreur extrait2Parallèlement, les deux héroïnes tentent, tant bien que mal, de reprendre leurs esprits tandis qu’on leur enfonce méthodiquement une saloperie aphrodisiaque dans tous les orifices – je vous laisse imaginer les scènes de débauche en conséquence. Heureusement, grâce à la force Ishtar (ouais, y’a de la magie), elles sauront s’enfuir non sans classe. Si Le Tigre a eu un peu de mal avec le dessin au début, progressivement la délicieuse plastique des protagonistes ainsi que la finesse du trait ont su convaincre. Que ce soient des décors gothiques inquiétants ou la justesse des visages, c’est du beau boulot. Petit bémol sur l’organisation (sic) des cases, foutraque au possible.

Voilà donc une bande dessinée plus trash qu’érotique, Francisco Lopez et Ricardo Barreiro ont produit une sorte bonbon au goût amer qui recèle bien plus de nuances que prévu. Passée la répulsion primaire provoquée par l’exagération des comportements odieux de certains, on ne peut qu’en redemander – si ça passe pas, n’insistez pas hein. Oui, L’Antre de la terreur est pour les yeux ce que le schweppes est au soda.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

López & Barreiro - L'Antre de la terreur extrait3Cet ouvrage est un somptueux hommage à ce qu’on nomme les « penny dreadful », historiettes bas de gamme vendues sous l’Angleterre victorienne. Déjà, il y a l’ambiance noire et inquiétante d’une cité où tout semble possible – surtout le pire. Le mélange entre la richesse de la grande société et les perversions auxquelles celle-ci s’adonne est saisissant, avec un envers du décor révélé aux yeux de tous. Avant tout, le penny dreadful est l’intervention d’individus phares, de dignes représentants d’une époque qui peut foutre les jetons : Jekyll et Hide, Jack The Ripper, l’écrivain maudit sous cocaïne, tous les fantasmes de la populace prennent forme ici. Ah non. Il manque un vampire.

Sinon, l’atmosphère gothique d’une Angleterre à la dérive est prégnante. La Révolution Industrielle semble aller de pair avec l’affaissement des repères moraux : imaginez Freud en route vers Londres, en ballon, avec ses nouvelles techniques médicales, qui se fait sucer par une jeune fan en pâmoison. Ou Stevenson (sans spoiler) qui ne tourne décidément pas rond – un auteur si illustre pourtant ! Toutefois, ce qui m’a particulièrement gondolé est l’aventure d’Einstein. Sa fameuse formule lui vient d’une baise monumentale : il voit de la lumière (et ce n’est pas Broadway), la masse de la gueuse sous lui, et une idée germe dans son cerveau en proie au plaisir. L’ère atomique ne serait donc que le fruit d’un acte amoral permis par la débauche de la capitale du monde industriel ?

[oui, je le sais : je viens d’enculer les mouches]

rapprocher de :

– Ce titre, qui peut se lire indépendamment, est la suite directe de L’institut (bientôt sur le blog).

– En dessin plus gras mais bien foutu, agrémenté d’un scénario autre que bite-dans-le-cul, vous pouvez voir du côté de Magnus, par exemple dans L’internat féminin – en lien.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

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