Quentin Meillassoux – Métaphysique et fiction des mondes hors-science

Aux Forges de Vulcain, 108 pages.

Quentin Meillassoux - Métaphysique et fiction des mondes hors-scienceTigre aime la SF, je crie assez souvent sur les toits de Paname. Alors quand un normalien s’attaque à un de ses sous-genres bien particuliers, ça vole extrêmement haut. Trop pour mon esprit étriqué qui a mis du temps à apprécier cet essai à sa jute valeur. Les exemples de fin et la nouvelle d’Asimov ont aidé.

De quoi parle Métaphysique et fiction des mondes hors-science, et comment ?

Cet essai est séparé en deux parties : une conférence donnée par Quentin Meillassoux à la prestigieuse École Normale Supérieure (60 pages) ; puis la nouvelle La boule de billard d’Isaac Asimov. A ce propos, le quatrième de couv’ parle de « mouvement perpétuel », ce qui est à mon sens un presque spoil dans la mesure où on ne découvre cette propriété qu’à la fin. Remarque toute personnelle enfin, j’imagine que lire la nouvelle avant la conférence serait préférable. A vous de voir.

Quentin M. est un jeune philosophe (né au milieu des années 60) fringuant et à la bibliographie prometteuse. Une sorte de BHL mais avec l’humour et la crédibilité, Tigre a eu presque peur de résumer ce court texte qui n’a de lien avec moi que le terme « science-fiction ». La fiction des mondes mondes hors-science (FHS) est un sous-genre littéraire de la science-fiction qui propose des mondes où en apparence la science n’a plus la continuité qu’on connaît.

Après les 10 pages de description de la nouvelle d’Asimov au début, l’essayiste sort l’artillerie lourde, la Gross Bertha du philosophe en quelque sorte : David Hume, Karl Popper ou le vilain Kant. Et là j’avoue avoir été largué, quand j’ai lancé un appel à mon cerveau sur ces illustres personnes, trop peu de neurones ont répondu présent. Heureusement que l’auteur rappelle et cite quelques passages de ces vieux philosophes, il parvient à être relativement abordable.

Quant à la nouvelle, c’est du pur Asimov. Histoire d’un terrible antagonisme entre deux scientifiques qui prend des proportions démesurées.  Edward Bloom est riche de ses succès en matière d’applications concrètes de découvertes fondamentales faites par James Priss, un ami (doté de deux prix Nobel) mais seulement reconnu du monde savant. Edward fait le pari de fabriquer un dispositif anti-gravité en améliorant les travaux théoriques du père Priss qui sent venir l’humiliation. Humiliation en effet car Bloom convoque les journalistes et son « ami » pour une démonstration en utilisant un billard. L’honneur revient à Priss qui, en tapant une boule, provoque le décès accidentel de Bloom. Accident ou assassinat ?

Le texte n’a pas pris une ride, à part peut-être quelques explications scientifiques (au demeurant sans réelle importance dans le texte) qui fleurent bon les années 60. La conférence en elle-même est plutôt courte, et sans doute. Personnellement, c’est à partir de la page 40 que j’ai vraiment accroché.

Ce que Le Tigre a retenu

C’est là que je suis attendu au tournant et que je balise si Quentin venait à me lire. J’ai donc fait d’intenses efforts afin que les Normaliens de tous les pays ne me regardent point d’un œil torve.

L’empirisme. L’expérience marche selon des postulats scientifiques bien établis, seulement ceux-ci peuvent être plus complexes que prévu et rien ne dit que l’expérience peut être à l’avenir refaite et apporter des résultats totalement différents. Car il n’est pas improbable qu’une théorie plus « globale » vienne mettre en pièce nos croyances scientifiques d’aujourd’hui. Par exemple, un scientifique du XVIIème siècle qui souhaite calculer le nombre d’accidents de calèche aura quelques soucis : si on lui annonce que ce nombre est presque de zéro au début du XXème, il va prendre de mauvaises conclusions en imaginant que ce transport sera toujours plus sûr. L’analyse statistique à venir est juste, mais la réponse scientifique totalement foireuse (a ‘pus de calèche).

En conclusion, il existerait trois types de FHS : 1/ Une seule rupture qui fout le bordel, illogique au possible mais qui reste ponctuelle. 2/ Plusieurs ruptures, un délitement autant contrôlé que joyeux, comme un running gag où tout part en sucette. 3/ Le réel partirait en morceaux, l’inconstance s’élève en un maelström où rien n’est prévisible. On sort de tout univers connu. Ces trois genres sont à mettre en lien avec la bibliographie présente dans la partie suivante.

…à rapprocher de :

Chose promise, chose due : Meillassoux donne pour chaque FHS un exemple ici reproduit (même numérotation) :

1/ Darwinia, de Robert Charles Wilson. Faudrait que je le résume un de ces quatre.

2/ Le guide du voyageur galactique, de Douglas Adam. L’ai pas encore lu, sacrilège.

3/ Ubik, de Philip K. Dick. Trop barré, je ne suis pas allé jusqu’au bout.

Enfin, et en vue de proposer un parfait exemple de FHS, Meillassoux invoque Ravage, de René Barjavel. Un exemple très à propos, en effet. Un poil vieillot cependant, mais pour de la SF version FR je n’ai pas fait la fine bouche.

– Si vous souhaitez faire péter la culture dans tous les sens à Noël grâce à ce même éditeur, Noam Chomsky, activiste de Jean Bricmont ; Le Jardin des singularités de Jesús Sepúlveda ou le classique de Thomas Paine (Le Sens commun) peuvent être signalés.

4 réflexions au sujet de « Quentin Meillassoux – Métaphysique et fiction des mondes hors-science »

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  3. « 2/ Le guide du voyageur galactique, de Douglas Adam. L’ai pas encore lu, sacrilège. »

    Je confirme : sacrilège.

    « 3/ Ubik, de Philip K. Dick. Trop barré, je ne suis pas allé jusqu’au bout. »

    Pas le meilleur de Dick on est d’accord, Substance Mort l’enterre.

    Merci pour le conseil de lecture, 108 pages ça reste digeste, surtout si c’est illustré avec du Asimov 🙂

  4. Ping : René Barjavel – Ravage | Quand Le Tigre Lit

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