Robert Littell – Le fil rouge

Folio Policier, 352 pages.

Robert Littell - Le fil rougeVO : Walking Back the Cat. Pelote compliquée d’un fil rouge (communiste) à dérouler, voici le sujet d’un roman d’espionnage particulier car prenant en témoin des populations différentes – soldat U.S., agent soviétique, Apaches. Poursuivre le chat (en anglais), parce qu’il faut s’y prendre avec précaution afin de ne pas se faire repérer au risque de tout perdre – la cible et la vie.

Il était une fois…

Finn a été contraint de quitter son patelin en raison d’une bagarre qui a mal tourné. L’ancien des Forces spéciales U.S. s’envole alors (littéralement, en montgolfière) pour atterrir à Watershed, près de New Jerusalem, dans une réserve d’Apaches exploitant un casino. Parallèlement, Parsifal, agent russe du temps de la grande U.R.S.S., est réactivé dès que le vil Poutine vient au pouvoir. Infiltré aux États-Unis, plusieurs missions « mouillées » lui parviennent – tuer en faisant croire à un accident. Ces deux êtres d’exception s’apprêtent à voir leurs destins se catapulter. Et ça risque de faire des traces.

Critique du Fil rouge

Voilà qui est tout à fait correct ! Propre et net, malgré cent premières pages assez ternes plantant le décor politique (le réveil d’un agent dormant) et les traits de caractère des deux protagonistes. D’un côté, un Américain au parcours atypique qui débarque chez les Amérindiens. En l’espace de quelques jours, il sent que quelque chose ne va pas : une autochtone bossant dans le casino tenu par ses frères de sang distribue les cartes de sorte qu’un homme avec un nœud pap’ soit gagnant à hauteur de dizaines de milliers de dollars. Extorsion ?

De l’autre côté, un tueur russe extrêmement talentueux qui reprend contact avec le « Juif », son contact avec la Mère Patrie à qui il est entièrement dévoué. Et ses assignations l’emmènent vers le Nouveau-Mexique. Très vite, le lecteur se doutera que Parsifal a pour mission d’occire tous ceux ayant tenté de dénoncer le racket. Et qu’il va inexorablement croiser Finn. Et là, ô miracle, l’Américain parvient à faire équipe avec le Russe et, ensemble, ils entreprendront de dérouler le fameux fil rouge. C’est-à-dire remonter les intermédiaires pour savoir quelle organisation cache derrière l’homme au papillon vert. Russie revancharde, mafia, CIA, gouvernement américain, organisation secrète ? Ou un peu de tout ça ?

Moins de 350 pages, 60 chapitres, ça se lit à vitesse grand V les amis. Ces chapitres se concentrent sur un des héros, jusqu’à ce que ces derniers soient réunis, à partir de ce moment le rythme gagne en intensité – et ça devient nettement plus sec et intéressant. Quant au style, à part quelques moments de confusion en raison des imbitables noms affublés aux individus apaches (Eskeltsetle et son épouse Shenandoah, pfffui), il faut convenir que la fluidité de lecture est satisfaisante. Certains pourront reprocher une légère odeur de naphtaline en terme d’action, laquelle serait mâtinée de quelques relents de barbouzeries un peu old school. Avec en sus des antagonistes caricaturaux qui n’impressionnent plus grand monde. Cependant, Robert L. a su se concentrer progressivement, à la manière d’une intrigue en entonnoir, sur l’essentiel, même si le fin mot de l’histoire demeure largement prévisible.

Parce qu’il faut bien à un moment conclure, je vous dirais que Le fil rouge a ceci d’intéressant qu’il mélange le noble genre de l’espionnage avec quelques passages plus oniriques/originaux, à savoir l’environnement des Américains natifs ou le personnage de Finn qui demeure une chouette énigme – homme taciturne et à la violence contrôlée qui se déplace en montgolfière aussi souvent que je prends le bus. Lire cet ouvrage ne vous fera donc pas perdre de temps.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

D’une part, il faut savoir que Littell a un penchant naturel, à la manière d’un John Grisham, de décrire les coutumes et modes opératoires des espions. En particulier ceux ayant opéré lors de la guerre froide, les mecs qui ont bourlingué dans un tas de théâtres d’opération dans des pays exotiques. Coups de téléphones mystérieux, boîtes aux lettres physiques, comment faire tout dire à un récalcitrant en moins d’une heure, tout est plus que crédible. Sans compter le professionnalisme de Parsifal et Finn (dont l’expérience en Irak est plus qu’utile) qui tend à saisir à quel point le métier des gens de l’ombre est unique.

Sauf que la légèreté des comportements de ces espions peut surprendre, notamment comment certains se laissent entourlouper comme de la bleusaille. A leur décharge, les changements post-soviétiques semblent avoir permis quelques fuites, jusqu’à ce que des agents ne savent plus vraiment pour qui ils opèrent. Qui est dans quel camp ? Chose marrante, ces transformations géopolitiques (de la perestroïka à la mort d’Eltsine) ont fait croire que la Russie et l’Occident ne feraient qu’un, et les rares pensant que Moscou resterait l’ennemi de l’Oncle Sam ont été rapidement mis dans un placard. Au milieu des années 90, ça se tenait. Plus de 20 ans après, c’est sensiblement plus compliqué…

D’autre part, l’auteur américain a relevé le défi d’inscrire son roman d’espionnage dans un univers apache où splendeur et misère forment un délicieux contraste. Beauté des lieux et des coutumes ancestrales avec des dialogues plein de bons sens ; que personnifie une sublime femme d’autant plus intéressante que Finn n’a rien à espérer d’elle. Cependant, le peuple apache est loin d’être heureux. Il apparaît se résigner à gérer un casino (et se faire plumer) parce que leur minuscule réserve n’obéit pas aux lois de l’État fédéré, quand ce n’est pas boire du mauvais alcool ou être des pions dont des individus peu scrupuleux disposent. L’impression tenace qu’ils ne tiennent pas leur destin entre leurs mains reste ainsi tenace.

…à rapprocher de :

Il faut savoir que Littell est spécialisé dans les romans d’espionnage typés old school, toutefois Le Tigre a été surpris par Les Enfants d’Abraham, thriller religieux sur fond de prise d’otage.

– Puisque j’évoquais rapidement le Maître Grisham, y’a Le clandestin qui traîne sur ce site si ça vous dit.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

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