Sur-titre : Thorgal. Le Viking venu de l’espace va mieux, il sait où se trouve sa poule et compte bien la ramener au bercail, quitte à détruire le vioque boursoufflé par le pouvoir qui la garde en otage. Mais il ne sait rien de son gosse Jolan qui possède des pouvoirs surnaturels. Une bande dessinée puissante, porteuse d’un message aussi universel que trivial : le pouvoir corrompt.
Il était une fois…
Shardar mène sans partage sur Brek Zarith, royaume que domine un château perché au-dessus des falaises. Le tyran, qui a enlevé la belle Aaricia (l’épouse de notre héros), espère bien utiliser le pouvoir de Jolan (fils d’Aaricia, donc de Thorg’) pour créer un empire. Pendant ce temps, plusieurs forcent se dirigent vers Brek Zarith : Jorund le Taureau, à la tête de dizaines de drakkars, veut s’accaparer l’or ; le prince Galathorn, venant de la terre, souhaite reprendre le trône ; quant à Thorgal, il veut seulement retrouver sa chère et tendre. Mais l’ignoble Shardar semble avoir tout prévu. Tout ?
Critique de La Chute de Brek Zarith
Un des rares Thorgal qui accompagnait ma jeunesse, comprenez que ça reste, à mes yeux, un des meilleurs – même si d’autres m’ont, depuis, davantage époustouflé. A l’époque, j’ignorais que cet album clôt le Cycle de Brek Zarith – et cela n’a pas porté préjudice au félin. Pour faire simple, dans le tome précédent Thorgal était au désespoir à cause de la perte de sa bien aimée, et apprenait en fin d’histoire où elle se trouve. Ignorant qu’il a un garçon, ce tome est particulièrement important dans la mesure où il s’agit de la première rencontre entre le père et le fils.
Jean Van Hamme, le mecton en charge du scénar’, a ici commis un quasi sans faute, avec une maîtrise des canons du genre qui force le respect : tout commence par une présentation de l’infâme roi de Brek Zarith qui règne tel un sadique esthète sur ses sujets. Puis la découverte, grâce à son magicien, des menaces qui s’annoncent. Sauf que le vieux roi a de la suite dans les idées afin de laisser une victoire amère à ses ennemis – le dernier bal empoisonné, quelle somptueuse idée. A ce moment intervient le protagoniste principal, et après diverses péripéties éprouvantes (un parcours d’obstacles savamment préparé) il sortira vainqueur.
Quant aux illustrations de cet excellent Grzegorz Rosinski, Le Tigre s’est tout simplement régalé. Certes pas de ligne claire et des couleurs parfois fades, mais quel trait ! Des décors sublimes, une forteresse qui en impose, des personnages plus vrais que nature (sauf sans doute le héros et sa famille, curieusement), il y a quelque chose de définitivement tragique qui ressort des planches. En rajoutant l’intrigue assez sombre, pas sûr que ce soit une BD à l’attention des tout petits.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
En premier lieu, le royaume de BZ rejoint précisément l’idée qu’on peut se faire d’un monde décadent prêt à s’éteindre. Ironie du sort, le roi fou fera en sorte que la pourriture de son royaume participe, seule, à sa chute. Mais, avant de disparaître, le grand méchant au visage sec se fendra d’une remarque pertinente à son « successeur », en expliquant à Galathorn que quoi que soient ses intentions, le pouvoir grisant le transformera en un nouveau Shardar – difficile de lui donner tort.
Bref, c’est la bêtise humaine dans toute sa splendeur, celle que justement cherche à éviter notre jeune Viking. En effet, chez notre héros, la victoire consiste à rester en famille, loin des hommes et de leur folie – une chimère, selon certains. Car Thorgal, c’est le refus de la facilité et l’égoïsme altruisme qui choqueraient tout homme politique normalement constitué.
En second lieu (et c’est là que le félin encule les mouches), il est question dans cet opus du renouveau et du cycle naturel de toute civilisation – vie et mort. Shardar, et c’est là sa perversion ultime, a bien compris que Brek Zarith a fait son temps. Non content de précipiter la chute du royaume, Shardar a l’espoir de recommencer et charger une nouvelle partie. Cette espérance est permise grâce à Jolan dont les capacités sont susceptibles de forger un nouvel empire. Sauf que l’Histoire, à de rares exceptions près, n’écoute pas les paroles d’un vieil homme qui décrète que son « protégé » sera un Romulus, et ce à son unique profit. Shardar, par son orgueil démesuré, n’a pas compris qu’il doit s’éteindre avec Brek Zarith qu’il incarne personnellement.
En conclusion, si c’est bien dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures, ce n’est pas dans ceux-là qu’une nouvelle recette s’épanouira – comprenne qui voudra.
…à rapprocher de :
– Comme je le disais, ce cycle démarre parLa Galère noire, puisAu-delà des ombres,. Mêmes auteurs.
Aaaah Thorgal. Je ne sais pas trop pourquoi la série traine une mauvaise réputation. Personnellement, j’avoue que depuis que je suis tout gosse je suis un gros fan et j’assume ça avec fierté.
Il y a certes parfois quelques inégalités, en particulier avec les derniers tomes depuis la reprise par Sente. Le dessin de Rosinski est aussi souvent critique et la pareil, je ne comprend pas. Je le trouve beau et original, reliant classique et moderne, ce qui donne un cote intemporel a la BD qui va bien avec le personnage de Thorgal.
J’ignorais qu’elle trainât une telle réputation. Je n’avais découvert que tardivement l’aspect « SF », et ça m’avait impressionné – la trilogie du Pays Qà, quel bonheur. Comme vous dites, le mélange fantastique/mythologie est superbe, on sent que les auteurs avaient un scénario pérenne dès le début – d’où, sans doute, vos dernières déceptions.