Stefan Zweig – La Confusion des sentiments

Le Livre de Poche, 126 pages.

Stefan Zweig - La Confusion des sentimentsSous-titre : Notes intimes du professeur R de D. VO : Verwirrung der Gefühle. Texte relativement court d’un auteur que Tigre apprécie particulièrement parce qu’il sait faire bref et dense (une sorte de Kawabata occidental), comme beaucoup je me suis régalé avec cette histoire de sentiments ambigus vis-à-vis d’un éminent professeur.

il était une fois…

Pour un tel classique, faisons dans le quatrième de couverture de l’éditeur (j’ai ôté les remarques dithyrambiques de la fin) :

« Au soir de sa vie, un vieux professeur se souvient de l’aventure qui, plus que les honneurs et la réussite de sa carrière, a marqué sa vie. A dix-neuf ans, il a été fasciné par la personnalité d’un de ses maîtres ; l’admiration et la recherche inconsciente d’un Père font alors naître en lui un sentiment mêlé d’idolâtrie, de soumission et d’un amour presque morbide. »

Critique de La Confusion des sentiments

Je ne pouvais passer à côté d’un quasi monument qui est grandiose à tout point de vue. Si Le Tigre a bien failli s’emmerder sur les trente premières pages qui m’ont paru excessivement longues pour planter le décor, force est d’avouer que ça devient rapidement du très grand art.

Le protagoniste, une vieux prof (R. de D.) de soixante balais, reçoit de la part de ses élèves (il enseigne la philologie) un cadeau retraçant son noble parcours. Tout y est, sauf l’élément déclencheur grâce auquel il a pu devenir un grand philosophe. Et c’est parti pour un flashback sur une partie de sa jeunesse qui l’a particulièrement marqué. Celle de la rencontre d’un maître de philosophie, son professeur, qui consent en sus à l’héberger au-dessus de son appartement.

La cohabitation entre le jeune héros et le vieux briscard prend, au fil des pages, une tournure plus qu’intéressante (cf. infra). Disons que R. de D. souffre intensément, et telle une jeune damoiselle un peu niaise sur les bords (l’époque veut sûrement ça) il a du mal à saisir le comportement de son maître qui souffle autant sur le chaud que le froid. La fin est somptueuse grâce à l’ancien qui explique justement le pourquoi de ses actes par une confession intense et brûlante.

C’est marrant que l’éditeur parle d’une nouvelle, j’ai plus lu La confusion des sentiments comme un roman pourvu d’un style dense et frisant la perfection (du moins le premier quart passé). L’immersion est presque totale, et on refermerait presque de cet ouvrage les mains tremblotantes. Quoiqu’il en soit, j’estime que celui-ci est tout indiqué en vue d’aborder le père Zweig, il est peu probable d’avoir une surprise désagréable avec.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La relation maître/élève est ici poussé très loin. L’admiration du jeunot pour la belle « machine intellectuelle » du professeur de philologie n’est pas sans rappeler celle d’un fils pour son père. D’ailleurs il suivra la même voie. Plus qu’un daron, on tend presque à l’adoration divine. Et comme toute divinité, le maître sait se faire à la fois extrêmement distant comme plus que chaleureux, ce qui ne manque pas de déstabiliser le protagoniste qui a le cul entre deux chaises.

Les faux semblants. Attention, un spoil arrive même si pour un tel monument j’imagine que les lecteur s’en foutent plus que légèrement (lorsqu’il n’ignore pas le fin mot de l’histoire). On pressent, derrière le trouble du héros, quelque chose qui ressemble à des sentiments confus (d’où le titre) proches de l’amour. Pas de l’amour entre amis, mais bien quelque chose d’un peu plus gay. Et les révélations des dernières pages éclairent plus qu’il ne faut les raisons du mariage d’apparence platonique du vieux, ses nombreuses absences mais surtout le comportement bizarre vis-à-vis du héros. Car le vieux professeur est bel et bien un homo, et chaque jour en présence de R. de D. fut une délicieuse torture de tous les jours : faut-il lui avouer la vérité, rester froid et distant,…?

…à rapprocher de :

– De Hesse, Tigre a lu (en vrac) : Le joueur d’échecs, Trois maîtres (pas mal), La peur (petite déception), Les prodiges de la vie, Brûlant secret (génial). Faut d’ailleurs que je m’occupe de leurs sorts sur QLTL.

– Sur la fascination vis-à-vis d’un professeur, outre le film Les cercle des poètes disparus, il y a Le maître des illusions, de Donna Tartt. Un gros pavé qui vaut largement la peine d’être lu.

Pour finir, si votre libraire est fermé, vous pouvez trouver ce classique en ligne ici.

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