Thibault Lang-Willar – Ce morveux me tirait la langue

Editions Héloïse d'Ormesson, 2 pages.

QLTL - Thibault Lang-WillarVoici une nouvelle tirée du recueil sobrement (et en toute simplicité) intitulé Un fauteuil pneumatique rose au milieu d’une forêt de conifères. Comme Tigre adore la plume de cet auteur, voici un très très court texte illustrant, à mon sens, le pire (le meilleur, comme j’ai des goûts bizarres) de Lang-Willar. Pour toi lecteur, le félin s’est brièvement transformé en dactylographe de luxe.

Qui est monsieur Lang-Willar ?

Très franchement, je n’en sais rien. C’est partiellement pour cette raison que j’ai anonymisé sa photo, l’autre raison étant une vague notion de politesse qui veut qu’on ne mette pas des images d’autrui sans leur consentement. Du haut de mon modeste blog, je n’ai eu l’occasion de rencontrer Thibault L-W autrement que par le biais de ses textes. Bon, en même temps, on me rétorquera que je ne fais rien pour rencontrer les auteurs.

Revenons à Thib’. Je ne sais pas comment je me suis retrouvé avec ce recueil entre les griffes, mais je me souviens de l’avoir trop vite terminé. Vous connaissez mon honteux penchant pour les auteurs « borderline » tels Will Self, Chuck Palahniuk ou Hunter S. Thompson, et bah Lang-Willar est leur rejeton en version française. Le genre de mec qui ose le vocabulaire violent, les descriptions insoutenables, tout ça pour voir jusqu’où il peut creuser dans la face sombre de tout esprit.

Cynique et drôle, puissant mais tendre, Lang-Willar excelle avant tout dans le format des nouvelles en plus d’être relativement polyvalent (il lui arrive de scénariser). D’ailleurs, avant de vous laisser avec sa prose, je profite de ce billet pour demander à son éditeur de se sortir le doigt de son fondement et publier les derniers textes de Titi dans un format abordable.

A peine deux pages sur un livre qui en comporte deux cents, Tigre espère que l’éditeur ne viendra pas tout de suite me chercher des noises. Attention, les derniers paragraphes sont d’une glauquerie certaine :

Ce morveux me tirait la langue

La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement mais toujours d’une manière qui leur échappe. Guy Debord.

Tom dit :
– Raoul, je t’en supplie, déconne pas… Pose ça, nom de Dieu.

Je dis :
– On ne jure pas ! C’est pourtant simple ! Qu’est-ce que Dieu vient foutre dans cette histoire ?

Et je tranche la gorge de cet abruti qui s’effondre dans un geyser de sang, les artères à haute pression de son coup projetant l’hémoglobine tout autour de lui, comme la pluie d’un arroseur automatique.

C’est comme si la scène se déroulait dans une autre ville, un autre monde, avec quelqu’un d’autre que moi, dans le passé, ou dans le futur, ou dans un autre temps qui ne serait ni le passé, ni le présent, ni le futur, et pourtant je sens la brutalité de la scène dans mon corps actuel.

Mes parties génitales, engoncées dans leur slip, commencent à se raidir. Mon corps caverneux se gorge de sang. Le même sang que celui qui se déverse du cou de Tom, nacré sur le linoléum. Je peux sentir les pulsations de mon cœur sur toute la longueur de mon pénis et, curieusement, il est cadencé sur le même rythme que les soubresauts de Tom. Cette sensation inouïe d’être en harmonie parfaite avec le monde. Cette sensation inouïe… Alors que dehors, le nombre des sirènes augmente. Les voitures sont plus propres, les messages plus violents. Les panneaux électroniques brillent en continu. La prostitution est totale, l’énergie atomique qui illumine nos villes aussi. Et le jeu, tous les jeux s’intensifient. Je crois : c’est toujours ainsi quand on s’approche du nouveau matin du monde.

Je m’agenouille devant le visage de Tom, extrais ma queue toute raide de mon slip et commence à baiser la plaie ouverte dans son cou. Mon sexe glisse dans sa trachée, se frayant un passage au travers d’un réseau de veines et de nerfs. J’attrape Tom par les cheveux pour mieux m’enfoncer dans sa gorge, une prodigieuse sensation enveloppante, jusqu’à frotter ses amygdales. Le plus incroyable, c’est le moment où j’aperçois ma bite sortir de sa bouche, un petit morceau de gland, comme si ce morveux me tirait la langue. Ça me fait rire et jouir en même temps.

Sexe, sourire et message. Sexe et sourire, sourire et message. Message et sexe. Sourire. Message. Sexe.

4 réflexions au sujet de « Thibault Lang-Willar – Ce morveux me tirait la langue »

  1. Je m’attendais à pire.
    Depuis Tripes de Palahniuk, je pense ça à chaque récit glauque que je croise.
    Et c’est ta faute Tigre, sans ton entremise, je ne l’aurais peut-être jamais lu.

  2. Il faudrait un petit message ou logo d’avertissement du style, « Ne pas lire avant 11h du matin » ou « Dans 6 ans vous n’y penserez plus » ou encore « Ne pas consommer en même temps qu’une choucroute », ce genre de chose…

    • J’ai (un peu) prévenu. Quid d’un genre de « Tiger Seal of Approval », quelque chose à tamponner sur tout billet « limite », que ce soit le bon goût d’une blague (pas drôle) ou un texte particulièrement violent ?

      • Je crois que ce texte est parfaitement representatif. Un logo en forme de crane avec un sexe dans la trachee serait ideal.
        Evidement, les mentions « pour public averti » genereraient cependant un bien plus important trafic de puceaux, a meme de faire sauter ce site dans le haut du referencement Google…

Répondre à Le Tigre Annuler la réponse.