Vaughan & Henrichon – Pride of Baghdad

Vertigo, 136 pages.

Vaughan & Henrichon - Pride of BaghdadVF : les seigneurs de Bagdad. Acheté sans attendre une seconde la traduction française (qui a l’air de bon aloi par ailleurs), voilà un roman graphique qui mérite d’être lu. Idée originale parfaitement mise en forme, les auteurs ont su faire montre de poésie et de drame, et présentent un émouvant plaidoyer contre la guerre en montrant ses conséquences les plus inattendues.

Il était une fois…

Printemps 2003, Bagdad. A la suite d’un bombardement des Américains, le zoo de la ville est éventré. Les animaux, libres, vont parcourir une ville en ruines, tout en discourant tels des humains. Pour certains que le lecteur va suivre, la liberté aura un prix excessif.

Critique de Pride of Baghdad

Rien à dire, il y a de la maîtrise. L’Irak en guerre , des animaux dans le zoo éventré de la capitale, leurs parcours, ce qu’ils se disent, leurs attentes et craintes, le retour à la « nature », c’est sublime.

Moins sublime mais tout aussi touchant, c’est la stupidité des hommes qui est à l’origine de cette histoire vraie. Le gâchis en métaphores, la dure réalité, les auteurs parviennent à faire passer, en BD, des émotions qui ne sont pas évidentes à représenter. Histoire bien menée, peut être quelques longueurs à regretter.

Quant aux dialogues, il n’est pas inutile d’en relire certains tellement il y a de doubles sens. Sans compter, hem bien sûr, que c’est en Anglais. Alors il en faut très peu au Tigre pour perdre pied quand ça devient un tant soit peu philosophique. Car ça ne manque pas ici.

Sur le dessin, c’est lumineux et à dominance jaune / orange, couleurs savane. Assez bien pensé au demeurant. Le rendu du physique de nos amies les bêtes est digne d’un naturaliste. Rythme un peu long au début, à la limite de la « contemplation » animalière, ensuite tout cela s’anime de manière plus que satisfaisante (les combats particulièrement).

Tout bien pesé, un petit plaisir que le lecteur ne pourra oublier. Anglais ou français, pick up your language.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La liberté recouvrée, ou inédite. Lorsque les murs du zoo tombent, que faire ? Les animaux font face à une configuration inédite, et ce qu’il y a au-delà n’est pas franchement meilleur. Serait-on en présence d’une délicate et néanmoins très pessimiste métaphore ? En remplaçant le peuple irakien par les lions, qui une fois libres sont livrés à eux-même dans le chaos le plus total, voilà de quoi légitimer des régimes autoritaires mais stables.

Cette liberté permet ainsi de renouer avec quelques instincts. Avant l’ouverture des murs, les lions se livrent à des considérations philosophiques, notamment avec le bas de leur chaîne alimentaire (gazelles & Co). Une fois libre, place à la pratique ! Et les instincts de deux animaux appartenant à des espèces différentes les poussent à l’affrontement, très rarement la coopération. Tout comme deux peuples, deux ethnies, voire deux individus humains. Résolument pessimiste.

La guerre. Cette BD est une manière fort élégante de dénoncer les horreurs d’un conflit à grande échelle, et ce de manière pédagogique. Un enfant peut lire cette BD (oh il y a des zanimaux !) et recevoir une bonne leçon de notion de guerre juste (car propre et légitime). Quant à la toute fin, on aborde très brièvement la notion de dommage collatéral (Le Tigre n’en dira pas plus). Guerre qui influence les animaux enfin, par exemple lorsque les « jouets » de Saddam s’en prennent (de manière très guerrière) à certains protagonistes (instincts ou influence du maître ?).

…à rapprocher de :

– Des animaux qui discourent comme des humains, pour faire passer une leçon, mais oui c’est La Fontaine version XXIème siècle, mise à part l’intervention humaine dans notre cas.

– Des BD (voire romans) « one-shot » avec des animaux aussi bien représentés, je ne vois, pour l’instant, que Tigre, de l’auteur (mangaka) coréen Ahn Soo-Gil.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD sur Amazon ici (lien vers la traduction française).

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