Encycatpedia Vol.VIII : aujourd’hui, je vais chez le vétérinaire

Le Tigre Editions, pas de pages.

EncycatpediaDans ce volume de l’encyclopédie féline, je vais tenter de vous expliquer comment transformer une innocente visite chez le véto en un impressionnant maelstrom dont il ne se remettra pas complètement. Accrochez-vous, ça va dépoter dans le bureau du praticien.

Qu’a fait de mal ce thérapeute qui préfère soigner les animaux aux humains ?

C’est un sujet qui sera traité dans un autre volume, toutefois je consens à vous résumer en un mot le grief principal : le prix. L’inélégant praticien, très souvent en situation de monopole, présente en moyenne une facture qui dépasse jovialement les cent boules. Je n’ai jamais osé faire le calcul de ce que me coûte, annuellement, le fait d’avoir Pépito (je nommerai le chat ainsi dans ce billet) en bonne santé. Toutefois si j’écoutais le docteur je devrais lâcher trente eurodollars de plus par mois pour lui procurer des antidépresseurs. Paraîtrait que je suis sadique, mais c’est une autre histoire.

Voilà le décor intellectuel planté, à savoir être bien remonté contre le docteur. Passons à la préparation de l’opération. J’utilise le terme « opération » à desseins, car c’est presque une manœuvre militaire d’envergure que vous allez mettre en place.

Bien préparer sa visite chez le vétérinaire

Comptez deux petites heures d’intense préparation pour rendre dingue le véto et convertir son infâme cabinet (en partie payé par vos soins) en mini-Verdun du XXIème siècle.

Cela commence par bien fourbir ses armes. Allez dans la litière de Pépito et tamponnez, avec un morceau de papier toilette légèrement humidifié, les selles et autres saloperies qu’il a laissées. Chopez votre animal et appliquez consciencieusement la mixture sur ses griffes antérieures (faites-les sortir pour en tartiner le plus possible). A l’instar d’un paysan birman qui dépose du poison sur les patounes de son coq avant un combat clandestin, les griffures de Pépito doivent absolument être les plus douloureuses. Attention, ne mettez pas quelque chose de trop vilain (cyanure par exemple), ce serait dommage d’être mis en examen pour administration de substance nocive.

Ensuite, il faut donner envie à Pépito de se servir de ses griffes. La technique du Tigre consiste à d’abord caler l’animal dans sa cage en plastique (je vous explique comment faire ici). Le monstre félin étant ferré, amusez-le un peu. Beaucoup même. Je vous conseille la technique dite du « bateau de pirates », une vraie gâterie : tenez la cage à bout de bras et imprimez de vaillants va-et-vient, tout en chantant Le Connemara de Michou Sardel (je dois payer des droits à la SACEM dès que je balance son nom, d’où la savante contrepèterie). Sauf si votre chat est joueur et aussi maso que moi, il ne devrait pas aimer du tout.

Blague à part, vous pourriez en profiter pour appliquer en pratique vos antiques cours de physique. Ceux portant sur la force centrifuge (ou centripète, je ne sais plus). Mon esprit scientifique et ma profonde empathie pour les félins ont offert à Pépito pas moins de quatre soleils de belle facture. J’ai bien cru qu’il avait doublé de volume, en fait ses poils se sont hérissés comme la fois où j’avais mis un masque de Reagan pour une party sur les 80’s. Je rappelle que le matou ne doit pas avoir mangé deux heures avant cette attraction, à moins bien sûr que repeindre le sol et le plafond de votre appart’ est à l’ordre du jour.

Ces menues attentions délivrées, vous transportez dans le clapier une vraie bête, un taureau, un berseker, non, une bombe. Un être furibard et à la mémoire de poisson rouge prêt à bondir sur le premier venu à portée. Comme par hasard, ce sera le véto.

Chez le véto, Pépito fait son show

En préparant le rendez-vous médical de la sorte, il ne m’est arrivé que des bonnes choses. Je regrette de ne pas avoir pris une caméra frontale.

Le risque premier est de piétiner trop longtemps dans la salle d’attente, ce qui calmera le chat. Deux-trois petites piqûres dans le derrière à l’aide d’un cure-dent devraient maintenir la nécessaire pression, à vous de voir. Je n’en ai pas eu besoin dans la mesure où j’ai été immédiatement reçu. A peine le charlatan a ouvert la cage que Pépito a surgi tel un diable en ressort pour se réfugier sous le bureau du doc’. Ce dernier a eu toutes les peines du monde à l’extraire, le félin labourant son avant-bras très vite ensanglanté avec une courtoise méticulosité. Le praticien a gratté sa blessure comme un dingue pendant qu’il auscultait mon chaton qui feulait et crachait comme un Chinois. Pendant ce temps, je marmonnais un vague « je ne comprends pas docteur, vraiment. D’habitude elle/il est si calme. Il doit sentir quand il vient chez vous. »

Le meilleur (et là le timing est très serré, pour ne pas dire impossible à gérer) est de faire en sorte que Pépito chie chez le vétérinaire. La digestion dépend de plusieurs paramètres assez complexes, cependant en lui refilant une gamelle de Saint-Moret vous pouvez être sûr qu’il la rendra (par derrière) six heures après. Testé et approuvé trois fois au moins. Si la grosse commission arrive dans le cabinet, ne faites rien jusqu’à ce que le médecin à chats commence à nettoyer. A cet instant vous pourrez prendre Pépito (soulagé, donc apaisé) dans vos bras et lui susurrer à intelligible voix, avec le ton employé habituellement vis-à-vis votre neveu un peu débile : « vouuuiiii mon petit, toi aussi ils te font chier les tarifs du vilain monsieur hein ? ».

Remarque bête et méchante, hélas dans mon cas j’ai vu le crâne de Monsieur X prendre une teinte rose, puis franchement rouge. Aucun humour, je crois qu’il espérait mieux comme dernière consultation de la journée. Essayez cette répartie avec le vôtre, peut-être que ce sera le début d’une conversation menant à une remise.

En principe, après trois rendez-vous de cet acabit, votre chat aura développé un réflexe de Pavlov, et le traumatiser façon « parc Astérix » ne sera plus nécessaire. Parallèlement, et c’est bien là le plus important, le riche praticien développera ce même automatisme à chaque fois que vous vous pointerez. Le nom de Pépito, dans son poussiéreux agenda de comptable, sera inscrit en lettres de sang.

A très vite pour un nouveau volume, d’ici là soyez gentils avec mes petits cousins.

17 réflexions au sujet de « Encycatpedia Vol.VIII : aujourd’hui, je vais chez le vétérinaire »

  1. Ping : Encycatpedia Vol.XIV : le chat d’artifice | Quand Le Tigre Lit

  2. Ping : Encycatpedia Vol.XXX : faire rentrer un chat dans sa cage | Quand Le Tigre Lit

      • J’adore le commentaire de la dame (si j’ai bien compris): « je fais cette vidéo parce que sinon les gens ne me croient pas quand je leur dis que mon chat peut être colérique ».
        A propos, j’avais jamais entendu les cris d’un chat en pétard, c’est sympa.
        Si vous cherchez il y a aussi une vidéo où on voit le véto faire passer directement le chat de sa boite à un grand filet genre « fourrière ». L’auteur de la vidéo explique que ce n’est pas par perversion, mais parce que c’est le seul moyen efficace qu’ils ont trouvé pour immobiliser le chat en lui faisant le moins de mal possible (et qu’il ne se bousille pas lui-même)… Un genre de camisole de force…

  3. Ping : Encycatpedia Vol.XV : le chat et sa boîte | Quand Le Tigre Lit

  4. Billet plein d’humour mais le meilleur moyen de s’épargner ces honoraires que vous jugez démesurés, c’est encore de ne pas se rendre chez votre vétérinaire. Ce qui ne tuera pas Pépito, le rendra certainement plus fort (il ne sera d’ailleurs peut-être pas désagréable de le voir agoniser) et il est bien vrai que l’investissement ridicule pour équiper une clinique (appareil radio, labo d’analyse, salle d’opération,…) et l’expertise vétérinaire (obtenus après sept petites années d’études) sans compter les salariés vivant de cette activité et la disponibilité de la profession à toute heure du jour et de la nuit, ne justifient en rien des factures décentes.
    Et puis de toutes façons, chez le vétérinaire, c’est comme dans votre supermarché favori : une fois arrivé à la caisse, le marchandage est le bienvenu !

    • Merci pour vos pertinentes remarques. Je rajouterai que les vétos subissent le syndrome du « prof agrégé ». Les deux savent des tonnes de choses ingurgitées pendant de stériles années d’études, au final ils ne se servent que de 0,12 % de leur savoir : brosser un chat ou faire une piqure intracutanée à un clébard, faire réviser l’imparfait d’un verbe du premier groupe à des analphabètes de l’autre côté.
      Votre idée de se passer du médecin est excellente, et c’est aussi le but du Tigre : s’occuper comme un grand de son félin pour, à terme, monter son petit commerce lucratif de soigneur du dimanche dans sa cave.

  5. Paradoxal qu’un félin montre autant de sadisme envers un congénère, c’est de la torture que subit ce pauvre Pépito.
    Bon en même temps les chats c’est rien que des branleurs …
    Le premier parasite du chat: le véto.

    • Ce n’est pas du sadisme, c’est de l’amour félin (comme l’amour vache, mais en pire). Là où vous parlez de torture (attendez un peu d’autres billets de cette catégorie), Le Tigre ne voit que d’aimables divertissements dont Pépito est particulièrement friand.
      Et votre seconde remarque synthétise bien ce que je pense de cette race, n’étant pas bien loin d’en être…

      • Sinon merci pour le fou rire nocturne qui me fit réveiller ma dulcinée et passer auprès d’elle pour un demeuré et un psychopathe (il ne faut pas être totalement net pour rire aux déboires d’un félin).
        Ps: J’attends avec impatiente les aventures de Pépito chez le proctologue.

    • Rien que des branleurs ? Certes. Mais ils (se) font ça très bien … (je sors très vite)
      Blague à part, c’est très reposant, de vivre avec un chat adulte. Toujours zen, pas un mot plus haut que l’autre sauf quand la gamelle est vide ou qu’on l’envoie bouler, la nuit, parce que quand même, il pourrait s’installer ailleurs qu’au beau milieu du lit, affectueux, déstressant. Tout pour plaire !

  6. Ah sur ce premier point, je vous rejoins. Je ne vois pas bien la difference entre un jeune veau et un vulgaire matou et aussitôt que la Bardot ira grignoter les pissenlits, je fêterai l’evenement avec un cuissot de labrador. Que j’irai acheter a l’abattoir ou chez le vétérinaire. peu m’importe.

  7. Bon c’est vrai qu’on va pas pleurer sur un veto, surtout du genre de ceux qui pensent que votre bestiole a absolument besoin de rencontrer un psychologue comportementaliste pour expliquer, a force de miaulement, son irrésistiblement besoin de boulotter des souris.
    Mais quand même, au moins les vetos font qqch. Ils sauvent des vies. Des vies de clébards mais des vies.
    Je crois qu’il y a de plus grosses raclures dans le monde qui mériteraient un châtiment plus sévère encore. Tiens au hasard, la profession la plus véreuse qui soit, Avocat!
    Pas le fruit, le légume.
    Ils mériteraient pas eux?

    • J’entends bien qu’ils sauvent des vies, mais alors pourquoi ne pas assiéger les abattoirs de France et de Navarre ? [provocation gratuite, d’autant plus que je ne suis pas végétarien] . Pour les avocats, il faut que je me creuse les méninges pour faire entrer un chat dans une histoire. Mais ce ne serait pas très confraternel de ma part, vais avoir des soucis…

  8. Mon Pepitozàmoi est un amour chez le GrandWizard (une jeune femme charmante). Pesée, palpations diverses, auscultation, manipulations physiques, vaccins, et même prises de sang (2/an, insuffisance rénale), il ne dit rien, pas une griffe qui dépasse. C’est vrai que je ne lui fais pas le coup du bateau de pirate : le bestiau fait 7 kg et mon épaule et mes poignets à moi ne s’en remettraient pas. Dans la voiture il préfère être (dans son panier, suis pas encore gaga) SUR le siège passager que devant. Dans un cas il se prépare psychologiquement à ce qui l’attend et qu’il devine parfaitement, dans l’autre il proteste de sa voix d’ex-baryton. Au retour il digère -en silence- ce qui vient de lui arriver. Et une fois libéré il se précipite, après les protestations d’usage (il se lâche alors complètement), sur ses croquettes et son cocazàlui. Allez, on remet ça dans 6 mois !
    Dans une autre vie, avec des chats dont on aurait dit qu’ils avaient fumé (LEUR herbe), j’ai connu plusieurs des épisodes que vous compilez. Pour l’un, le véto mettait carrément des gants bien costauds … Les risques du métier.

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