Charles Bukowski – Contes de la folie ordinaire

Le Livre de Poche, 181 pages.

Charles Bukowski - Contes de la folie ordinaireVO : Erections, ejaculations, exhibitions and general tales of ordinary madness et The most beautiful woman in town. [ouais, y’en a beaucoup]. Recueil de textes désopilants mettant en scène un auteur aussi que vil, il y a de quoi se marrer même si certains passages, vieillis, pourront apparaître odieux – pour l’époque hein. 200 pages de gâteries, ça ne se refuse pas.

Il était une fois…

Ramasser des filles de joie dans des bars ; souiller l’intérieur d’un ami (attention, différents niveaux de lecture) ; se faire passer pendant une nuit pour un grand poète français qui ; être interrogé par le F.B.I. pour des clopinettes ; vomir tripes et bile à qui veut le regarder, etc. Oui, Bukowski a eu une grande vie.

Critique des Contes de la folie ordinaire

De 1967 à 1972, le déjà vieux (l’aspect tout du moins) et alcoolo fini Charles B. a écrit quelques textes extrêmement courts, pas plus d’une dizaine de pages, qu’il refourguait dans les magazines qui en voulaient bien. Au lieu de parler des meilleurs passages (Pas de chaussettes ou Trois poulets se reliront avec gourmandise), il m’apparaît plus judicieux de lâcher quelques impressions au fur et à mesure de la lecture.

Que ce soit un humour un peu cra-cra, de la hargne face à un monde qu’il abhorre ou des moments de tristesse (La plus jolie fille de la ville) en tant que spectateur (voire acteur) de la déchéance de ses semblables, Bukowski livre ce qu’il a au fond des tripes, et ce sans prendre de pincettes. Les personnages rencontrés dans des troquets seront tour à tour pitoyables, dégueulasses ou inquiétants, toutefois il demeure une sorte de tendresse pour ces pauvres individus (les femmes ne sont pas en reste) qui ont laissé une partie de leur raison au vestiaire.

Le style de Charles B. ? De l’outrance, de la simplicité, et parfois des formules qui ont du sens lorsque celles-ci ne provoquent pas un réflexe ricanement. Évidemment que sur plus de 20 textes il y en a quelques uns qui, à défaut de sens ou de logique qui puisse être appréhendée par votre serviteur (l’écœurement n’était pas loin), ont été lus à une vitesse scandaleuse, cependant l’ensemble reste excellent. Notamment grâce à un effet choquant et humoristique renforcé par le pressentiment, grandissant, que la plupart de ces aventures racontées à la première personne sont tout bonnement autobiographiques. Non mais qui écrirait ceci ? :

J’ai trouvé une bouteille chez moi et je l’ai vidée, plus quatre canettes de bière, et j’ai gratté mon premier papier. Ça parlait d’une pute de cent cinquante kilos que j’avais baisée dans le temps à Philadelphie. Çà faisait une bonne chronique. J’ai corrigé les fautes de frappe, une branlette, et au dodo.

Bon, on lit certes de ce genre de poésie tous les quatre matins, mais imaginez un écrivain marginal, la cinquantaine qui pique, tapant sur une vieille machine à écrire entre deux rots de bière. Quelque chose qui a de la gueule Un homme qu’a plutôt bien décrit en préface Jean-François Bizot, fin traducteur de ce recueil qui a eu l’opportunité d’aller rendre une visite à l’auteur. Un homme dont je vous conseille de lire, au moins une fois, la prose.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La folie décrite par l’auteur est ordinaire dans le sens où il n’y a rien d’irrécupérable ni d’excessivement criminel. Seulement des comportements déviants qui sont l’œuvre de personnes dont les barrières du sur-moi sont aussi fines que les culottes arrachées toutes les deux pages. Car Bukowski n’est pas un mauvais bougre, plutôt un mec plus ou moins incontrôlable. Le genre d’ami à vider votre mini-bar, agresser votre femme (sexuellement, bien sûr) avant de dégueuler sur votre tapis. Charles aurait été la dernière personne (après Marc Dorcel) à qui Le Tigre aurait prêté les clés de son appartement – à ce titre, Le jour où nous avons parlé de James Thurber mérite le détour.

A toutes fins utiles, il émane de ces textes quelque chose d’un peu plus chagrin : l’histoire d’un homme en marge, un écrivain peu reconnu qui vivote de chroniques (du moins dans la période d’après-guerre) et dont la fleur de l’âge s’éloigne plus vite que prévu. Bukowski décrit plus d’une fois ses rencontres avec des jeunes (femmes belles à en mourir ou chevelus tendance beat), et l’incompréhension s’installe rapidement. L’écrivain U.S. n’est pas un has been ou un loser pour autant, et fait l’objet de nombreuses sollicitations de la part d’éditeurs, de femmes (surprenant), voire des autorités – le F.B.I. lui cherche gentiment des noises plus d’une fois.

C’est aussi ça, le génie de Bukowski : un incompris qui évolue dans les brumes incessantes de l’alcool, et il en a strictement rien à branler.

…à rapprocher de :

– D’autres titres de l’écrivain américain arriveront sur le présent blog.

– Dans l’écriture intimiste limite biographique et qui va très loin, Hunter S. Thompson est une autre référence à découvrir (Rhum Express par exemple).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

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