Christopher Moore – L’agneau

Folio Policier, 720 pages.

Christopher Moore - L'agneauVO : Lamb: The Gospel According to Biff, Christ’s Childhood Pal. Somptueuse surprise de la part d’un auteur qui m’est plus ou moins inconnu, Le Tigre a bu du petit lait. La vie de Jésus comme si on y était, c’est à la fois drôle et empreint d’un profond humanisme. Et malgré les 700 pages (avec les bonus) on ne les voit pas défiler.

Il était une fois…

Le quatrième de couv’ rend bien compte du délire généralisé du titre, donc le voici :

« L’ange Gabriel était bien tranquille dans ses nuages à faire le ménage de ses fourreaux d’éclairs et de ses traînées de joie lorsque la tuile lui est tombée dessus. Le Fils lui-même le désigne pour redescendre incognito chez les humains remplir une mission de confiance : retrouver le meilleur pote du Christ qui, deux mille ans plus tôt, faisait les quatre cents coups avec lui. Ce dénommé Biff est une terreur qui a expérimenté pour son pote tous les péchés. Il sait tout. Gabriel va tomber des nues. Lui qui devait lui faire raconter son histoire dans la plus grande discrétion va bien involontairement orchestrer le chaos. Comme le dit Biff lui-même : Vous pensez connaître la fin de cette histoire, mais vous vous trompez. Je sais de quoi je parle : j’y étais. »

Critique de L’agneau

Quelle joie d’avoir lu ce gros roman, Le Tigre a encore une fois pris une agréable claque littéraire dont, plusieurs années, je me souviens encore. Christopher Moore n’est pas un auteur comme les autres et a su aborder un thème sensible sans faire de dégâts. Comprenez : même le Chrétien le plus intégriste ne se sentira pas offusqué par ce bouquin.

Je me dis souvent : mais pourquoi personne n’a eu l’idée d’un tel scénario ? En effet, on sait de la Bible que Jésus a commencé à vraiment faire parler de lui lorsqu’il a eu la vingtaine bien tassée. Mais de ses douze piges à ses petits miracles, qu’a-t-il bien pu glander dans le vaste monde ? L’auteur américain propose sa fantaisiste (quoique…) vision de toutes ces années grâce à un individu légèrement « borderline » qui a accompagné le Fils du très haut dans ses pérégrinations de jeune garçon.

Le style et l’entame du roman peuvent dérouter (mais pas bien longtemps) puisque c’est l’archange Gab’ en personne qui est chargé de retrouver un vieil ami de Joshua (le nom du Christ), Biff, pour vérifier sa version pré évangélistique. Les chapitres sont plutôt longs, heureusement que Folio sort des polices d’écriture assez grosses. Et surtout, merci à Moore d’avoir pondu un style accessible et rempli d’humour touchant et de descriptions souvent enivrantes.

Au final, voilà presque un titre qui ferait croire en n’importe quoi. Les voyages et nombreux apprentissages des héros donnent une version logique (pour notre époque) et humoristique de ce à quoi peuvent ressembler les chapitres manquants du deuxième testament.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

« Le testament du pote ». Biff a vécu de belles choses avec son ami, et ce n’est pas forcément digne de figurer dans le Livre. C’est comme si, derrière un mariage raconté dans un conte de fée, le témoin du marié vous décrivait par le menu son enterrement de vie de garçon. On y voit un Jésus prenant son baluchon et découvrant le vaste monde. Un homme dont on sent qu’il est exceptionnel mais a un caractère bien à lui et sait faire preuve de camaraderie autrement qu’en mode « apôtres & Co ». Des protagonistes « humains », ai-je envie de dire.

Le métier de messie. Le lecteur attentif et bon enfant apprendra comment Jésus a pu accomplir certains « miracles ». Maîtrise du pouls en vue de simuler la mort, ascétisme rigoureux (pendant que Biff apprend le Kama-sutra avec une jolie jeune femme…), tours de magie (multiplier les aliments notamment), etc. On en profite également pour revisiter l’histoire des trois rois mages qui représenteraient les grands courants de pensée (bouddhisme, hindouisme, etc.) qui auraient guidé notre futur crucifié.

…à rapprocher de :

– De Moore, il y a aussi Un blues de coyote ou Le lézard lubrique de Melancholy Cove (pas mal).

– Paul Verhoeven s’est intéressé à la vie de J.C. de manière très docte dans Jésus de Nazareth. Long mais complet.

– Concernant la « religion dans tous ses états », je vous conseille sur-le-champ La lamentation du prépuce, de Shalom Auslander.

– En film; l’histoire de Jésus vue simplement peut être découverte avec The Man from Earth. Personnellement j’ai été bluffé. C’est à voir la nuit avec un esprit aussi largement ouvert que les portes de Babylone.

Si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici.

3 réflexions au sujet de « Christopher Moore – L’agneau »

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