Collectif – Marseille Noir

Asphalte Editions, 256 pages.

Collectif - Marseille NoirDans le cadre d’un large tour d’horizon criminel des capitales, place à la cité marseillaise, point de rencontre entre différentes cultures dont les époques s’entremêlent dans un joyeux bordel. Quelques belles nouvelles et des auteurs prometteurs, hélas le rythme decrescendo laisse un souvenir mitigé de cet ensemble certes cohérent, mais sans la petite claque continue que j’attendais.

Il était une fois…

Après Londres, Washington, etc., Asphalte Editions s’occupe de Marseille, ville rebelle et à la poétique violence. Entre tradition et modernité, french connection et grand banditisme sans foi ni loi, corruption à tout niveau et nettoyage en règle, Cédric Fabre nous présente une vingtaine de textes qui sont autant de visions de la cité phocéenne.

Critique de Marseille Noir

Moins de quinze nouvelles, je peux les résumer une par une !

Josette m’aimaient bien (Christian Garcin)
Souvenirs d’un jeune homme né dans le Milieu. Un de ses amis (Ange) a quatre sœurs, toutes dingues. Une s’offrira à lui, et à cause de ça notre héros devra finir les jours en sa présence. Pas mal du tout, vocabulaire soigné pour une histoire mystérieuse et fataliste.

Extrême-onction (François Thomazeau)
Un gosse effectue de nombreuses visites du stade Vélodrome avec Dédé, son grand-père chéri. Le vieux lui apprend la signification des noms des tribunes, et ce que peut renfermer le stade d’un point de vue historique. Triste et instructif, ça passe très bien.

Le silence est ton meilleur ami (Patrick Coulomb)
Être quelqu’un de cool (prof’ de géo de surcroît) n’est pas si aisé lorsque son voisin met la musique à fond les ballons. On s’énerve, on prend un bouquin pour taper sur l’indélicat…qui avale son bulletin de naissance. Pas très crédible mais réjouissant.

Les Vivants au prix des morts (René Frégni)
Néné, je le connais bien. Avec son histoire vengeresse digne du Compte de Monte-Cristo, l’auteur marseillais nous entraîne dans un univers solaire (la récolte des olives) mais désespéré (la prison, la trahison des proches) dans lequel le héros n’est que ressentiment et envie d’en découdre. Rapide à lire et envoûtant, Le Tigre a regretté qu’il n’y en ait pas plus.

Je partirai avec le premier homme qui me dira je t’aime (Marie Neuser)
Une femme encore belle vient de zigouiller son époux infidèle et tape la discute avec sa tête planquée dans une valise qu’elle compte jeter à la mer. Il y a un peu de Nothomb dans cette nouvelle, notamment sur l’incessant dialogue qui constitue le gros du texte. Et ça fait de sacrés longueurs, malgré quelques moments sympathiques – particulièrement les sentiments de l’épouse qui apprend qu’elle est cocue.

En sursis (Emmanuel Loi)
Trop court. Scénario potentiellement intéressant sur fond de crise calédonienne (au cours de laquelle les gendarmes se seraient fait plaisir), hélas il y a un manque flagrant de rythme. Lu en quatre minutes, oublié en dix.

Que dire ? (Rebecca Lighieri)
Un de mes préférés. Une dizaine d’années de la vie d’un homme, bon à rien intelligent qui devient presque naturellement dealer. Le second protagoniste, Alice, est la fille dont il a toujours été amoureux. Témoignage poignant d’un meurtre pas comme les autres sur fond d’addiction aux drogues, Que dire ? n’est pas loin du petit bijou. C’est marrant, mais à l’aveugle (sans mauvais jeu de mots) je n’aurais pas pu déterminer que l’auteur est une femme.

Katrina (François Beaune)
Une journée dans un bus racontée par un cynique de premier plan, avec une petite surprise finale. Méli-mélo bonard pseudo bordélique, entre visite guidée et descriptions de nos contemporains (vocabulaire plutôt riche, belles expressions), ça aurait pu être excellent si ça ne partait pas dans tous les sens. Au final, j’ai terminé ce truc en diagonale.

Le Problème du rond-point (Philippe Carrese)
Différents protagonistes, chacun ayant une difficulté qui le perdra. Équivalent littéraire d’un film comme Magnolia ou Babel, avec en conclusion la rencontre de tous ces destins sur le point d’être brisés. Écriture tranchante et efficace mâtinée d’un pessimisme à peine camouflé, Le Tigre a feulé de plaisir.

Sous peine de poursuites (Pia Petersen)
La seule nouvelle que je n’ai pas pu terminer. Involontairement foutraque, peut-être pour souligner la pollution subie par le protagoniste, mais c’était trop pour moi. Tout ça pour un mec qui se fait sauter en mode attentat-suicide.

Verts, légèrement grisés (Serge Scotto)
Maurice, jeune à la limite de la légalité (euphémisme), rencontre une très très chouette fille (Sarah je crois bien). Leur premier « vrai » rencard est ponctué par un mini-drame qui va les mettre dans un état d’incertitude insupportable. Sans prétention et réaliste, on en redemande.

La Mule rouge (Minna Sif)
Kevin est un coursier pour trafiquants impitoyables. Un de ses missions l’amène à Marseille, ville qu’il apprend à détester entre deux prises de selfies. Un poil trop dans l’anticipation criminelle (des narco-djihadistes, franchement…), mais une empathie pour le héros relativement efficace. En court métrage, ça pourrait très bien le faire.

L’Entrepôt pour gens d’avant (Salim Hatubou)
Du sud de la France aux Comores, le lieutenant Samba va régler une complexe enquête en deux coups de cuiller à petit pot. Un peu gavé par ces pages sur la politique « françafricaine », et ce à cause d’un scénario improbable qui renverrait San-Antonio à ses histoires d’un vibrant réalisme. Atmosphère couillue mais too much, dommage.

Joliette Sound System (Cédric Fabre)
Le petit dernier pour la fin. Ambiance anticipation sociale sur fonds de shutdown version phocéenne, je n’ai pas accroché du tout malgré un style fort plaisant. Le titre, à peine subtile référence à un groupe marseillais de premier plan, conclut plutôt bien le recueil dont l’éditeur, comme à son habitude, – désolé pour la phrase à rallonge.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Outre les quelques avantages de l’objet romanesque (forme soignée, proposition de playlist qui sied à la lecture), il est offert au lecteur un grand tour d’horizon de la géographique marseillaise. En effet, chaque nouvelle fait appel à un quartier de la ville, avec son historique (un tel abritait un zoo, un autre a encore l’âme d’un petit village) et sa faune locale – gentrification ou irrémédiable déréliction ? L’Estaque, Belsunce, Endoume, etc., bienvenu dans une cité avec différentes âmes.

S’il fallait retenir un point commun à ces textes, ce doit bien être une certaine nostalgie. Anciens brigands qui se désolent de la délinquance actuelle, invasions touristiques/de bobos, amours passées qui partent définitivement en vrille, très franchement les thèmes abordés ne sont que rarement gais. Selon Le Tigre, tout semble être que souvenirs ressassés face à un présent insupportable, à la limite du « c’était mieux avant » cher aux vieux cons – je ne dis pas que les auteurs le sont, hein.

…à rapprocher de :

– L’éditeur Asphalte s’est fait plaisir en prenant les meilleurs textes relatifs à une capitale (Paris, Londres, Washington, L.A., etc.) en vue d’un noir recueil. Dès que ça sort en poche je me jette dessus.

– A part l’immense Izzo (pas encore dispo sur le présent blog), Le Tigre peut vous conseiller l’auteur marseillais René Frégni, notamment Lettre à mes tueurs. Y’a aussi André Fortin et son Restez dans l’ombre – moins aimé.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

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