Roman tiré d’un fait divers qui en a choqué plus d’un dans l’Amérique des années 60, il y a de quoi être pessimiste sur la nature humaine : une femme, abusée (et finalement tuée) pendant de longues minutes, n’a suscité aucune réaction de la part de témoins directs. Style journalistique correct mais loin d’être parfait, à lire pour faire briller sa culture G.
Il était une fois…
Un soir de mars 1964, à New-York, Catherine « Kitty » Genovese est assassinée, poignardée à de nombreuses reprises par un dingue. Son meurtre a duré plus d’une demi-heure, et pendant le calvaire elle n’a pas été silencieuse. Dans la rue où le terrible évènement est arrivé, pas moins de trente-huit témoins auraient entendu son déroulement. Personne n’est intervenu. Comment en arriver à tant d’indifférence ?
Critique d’Est-ce ainsi que les femmes meurent ?
Le Tigre, qui a (aussi) rédigé une thèse dans le domaine de la sociologie, ne pouvait passer à côté de cette œuvre. L’histoire d’une femme (qui a tout pour elle) sauvagement tuée dans une ruelle du quartier Queens alors que des dizaines d’individus ont plus ou moins assisté à la scène depuis chez eux, il y a de quoi réfléchir non ?
C’est ce que fait Didier Decoin en analysant les raisons pour lesquelles personne n’a agi, et ce pour chaque témoin. Le meurtre a donné lieu à une courte manchette dans le canard du lendemain, avant que d’autres médias s’emparent de l’affaire et font sortir Kitty de l’anoymat. Un par un, le lecteur découvrira l’emploi du temps des voisins, leurs « alibis » pour ne pas avoir appelé la police. L’identification du tueur, le procès, les dires des témoins, l’auteur raconte tout.
Sur le texte même, ce n’est pas si éprouvant à lire, même si l’histoire paraît au premier abord scandaleuse. Les descriptions sont bien rendues, le psyché des personnages est parfait, pour moins de 200 pages ça se lit rapidement. Hélas quelques maladresses de style et des longueurs passagères sont à déplorer, ce n’est pas la grande littérature à laquelle l’auteur nous avait habitué (exemple du Goncourt John l’Enfer).
Pour finir, Le Tigre (qui a lu beaucoup sur cette affaire) se doit de signaler quelques controverses qui gravitent autour de ce meurtre. En effet, l’auteur s’appuie sur quelques articles du NYT qui sont sujets à discussion. Le nombre de témoins, d’abord, semble avoir été exagéré. Comme leur passivité, eu égard le bruit habituel (présence d’un bar) dans la ruelle. Ce qui fait de ce titre non pas une histoire à prendre au pied de la lettre, mais comme l’illustration de travers (cf. infra) étudiés en sciences sociales.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le syndrome Kitty Genovese, ou l’effet du témoin. Je ne vais pas vous bourrer le mou (d’autres sites le font mieux que moi) sur ce syndrome, seulement rapporter ce dont je me souviens dans cet ouvrage : chacun voit ce qui se passe, seulement ils se disent que quelqu’un va intervenir. Puisque tous sont dans cet esprit, rien n’est susceptible de se produire. Plus le nombre de témoins augmente, plus la probabilité d’action est faible, le regard des autres jouant un rôle non négligeable.
Face à cette « dissémination » de responsabilité entre les protagonistes, il paraît compréhensible que chaque personne ne se sente pas investie de la « mission » de sauvetage. Du coup, pour la victime, il peut être utile d’impliquer les témoins. Bref, si vous vous faites emmerder dans un lieu public, demandez directement à des passants de vous aider, pointer les du doigt et interpellez-les directement (ou autre acte se rapprochant), vous aurez sûrement plus de chances que la pauvre Kitty.
…à rapprocher de :
– Un film a été tiré de ce roman, 38 témoins, réalisé par Belvaux.
– Sur un assassinat qui aurait largement pu être évité, Tigre pense à l’immense Gabriel García Márquez et sa Chronique d’une mort annoncée. C’est court et bon.
– Sur une femme qui en prend plein la gueule sans que ses proches n’interviennent, Darling de Teulé est tout aussi choquant.
– De Teulé encore, est-ce ainsi qu’un jeune homme meurt ? dans Mangez-le si vous voulez.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez ici trouver ce roman via Amazon (au passage, exemple de ce qui ne faut pas faire question couverture).
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