Frank Herbert – Destination : Vide

Le Livre de Poche SF, 413 pages.

Frank Herbert - Destination : VideVO : Destination: Void. Auteur qui a une place très modeste dans la bibliothèque du Tigre, et j’imagine avoir choisi le meilleur de ce qu’il peut faire. Histoire ambitieuse et à certains endroits vertigineuse, le résultat est un roman qui n’a pas trop vieilli en traitant de sujets d’actualité (l’IA, le clonage à outrance). Dans le vide, personne ne vous entend crier, comme dirait Ripley.

Il était une fois…

Tous les quatrièmes de couverture me paraissent spoiler une partie de l’intrigue, aussi je vais tâcher d’éviter de sombrer sur ce dangereux récif.

Destination : Vide est l’histoire de quatre individus à bord d’un énorme vaisseau (près de deux kilomètres de long) censé arriver à Tau Ceti. Le but est de peupler ce système, aidé de nombreux corps en stase dans la nef spatiale. Hélas une avarie de l’engin va les obliger à substantiellement modifier leurs plans. Pour s’en sortir, ils n’auraient d’autre choix que de chercher à créer une intelligence artificielle capable de prendre les commandes de Terra (c’est le petit nom du vaisseau).

Critique de Destination : Vide

Tigre préfère l’annoncer tout de suite : si Frank Herbert est mondialement connu pour son cycle Dune, c’est bien la dernière chose que j’ai envie de lire. Car j’ai essayé, ça ne passe tout simplement pas. Comprends pas. Aussi je me suis attaqué à ce premier roman qui fait l’objet de suites de la part de l’auteur américain.

Puisque le scénario se révèle assez rapidement, n’ayons pas peur de spoiler comme un vilain petit cochon. Si ces individus ont été envoyés vers une lointaine planète, on apprendra rapidement que celle-ci est inhabitable. Et tout a été fait pour les mettre dans une panade incroyable dont ils peuvent uniquement s’extirper en mettant sur pied une intelligence artificielle à même de les guider. Mais pourquoi les envoyer dans le trou du cul de l’univers ? C’est là que ça devient magique : les précédentes expériences ont tellement bien réussi que l’Humanité s’est faite très très peur. Aussi il faut mieux faire ces expériences risquées loin de tout, comme un chat qui poserait sa crotte atomique au fond du jardin universel.

Et c’est à ce moment que l’œuvre prend une tournure franchement originale. Car nos attachants héros (qui sont en fait de vulgaires clones) vont se creuser la tête pour créer l’équivalent herbertien de Hal, en mélangeant considérations philosophiques et mathématiques complètement imbitables. J’ai cru que ces passages sont l’œuvre d’un fou furieux du style Maurice G. Dantec, mais en pire. Au final, l’alternance entre le quotidien spatial et l’architecture de la future IA est bien dosée, les 400 pages peuvent se lire comme 300 (entendez : lire en diagonale certains passages).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La recherche de l’Intelligence artificielle. Ce n’est pas pour rien que ce roman s’inscrit dans une saga qui porte le doux titre de Programme Conscience. Car il s’agit bien de créer une intelligence à partir de circuits électriques, bref des 0 et des 1. C’est toutefois dans le cheminement intellectuel que Le Tigre a été largué. Alors soit Herbert est un génie qui savait ce qu’il disait (et cela pourrait être une bonne base de travail pour nos informaticiens), soit l’auteur américain s’est fait plaisir en pondant un jargon mathématico-ésotérique qu’il est de bon ton de lire à voix haute (essayez, ça vaut le spectacle). Mes connaissances s’arrêtent là, même si je subodore qu’il n’y a pas grand chose à tirer, d’un point de vue strictement scientifique, de ce roman.

Le cynisme humain est poussé à un niveau assez extrême. D’emblée, lorsqu’on apprend que les héros ne sont que des numéros parmi une armée de clones prête à être réveillée, on se dit que les gens sur Terre sont de sacrés sociopathes. On retrouve bien la notion de « base secrète loin de tout » pour tester les dernières armes ultimes. Ce n’est plus dans le désert du Nouveau-Mexique, mais dans le désert spatial que tout sera testé. Avec un retour sur expérience qui permettra aux autorités de savoir où ça merdera en cas de catastrophe. Le pire, à mon sens, est qu’en aucune façon les protagonistes semblent se révolter contre le sort qui leur a été réservé.

…à rapprocher de :

– Le clonage qui ne pose pas plus de problèmes que cela, et qui est même à la base d’une puissante organisation, je vous renvoie vers House of Suns, d’Alastair Reynolds. Une merveille.

– De même, en matière cinématographique, il peut être utile de regarder Moon, de Duncan Jones.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman de SF via Amazon ici.

5 réflexions au sujet de « Frank Herbert – Destination : Vide »

  1. Destination vide est un des pires livres qu’il m’ait été donné de lire. Je me suis rarement autant ennuyé dans ce livre. L’action y est inexistante: Un groupe de clones doit créer un conscience informatique pour gérer l’intelligence informatique du vaisseau à bord duquel elle se dirige vers le néant.
    Ce livre est bardé de conceptions mathématiques sensées expliquer ce qu’est la conscience, mais à moins d’être docteur en mathématique où toxicomane plus on lit moins on comprend. Je suis dur surtout avec herbert et croyez moi ce n’est pas agréable pour moi.
    Oui on pourrait y retrouver un huis-clos sartrien mais codeiné dans ce livre, qui pourrait ne pas déplaire, avec des discussions à n’en plus finir entre l’aumonier psychiatre, l’informaticien, la biologiste… On en retient qu’une conscience pour fonctionner ne doit pas être conditionné par la morale. Le personnage de Bickel bien suffisant au départ va aller jusqu’au seuil de l’inconscience pour faire aboutir son projet.

  2. J’ai failli tomber de ma chaise à la lecture de l’intro de votre critique : « et je pense avoir choisi le meilleur de ce qu’il peut faire »….ouch ! Passons sur la forme, car ce n’est pas parce que vous n’adhérez pas au cycle de Dune que ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux (c’est d’ailleurs totalement subjectif comme constat), mais que ça ne vous parle pas, ça ne vous plait pas.
    Cette petite rectification faite, je me permets de réagir ayant lu « presque » toute l’oeuvre de Herbet (comme à chaque fois que je tombe sur un auteur qui me plait, attention donc à ne pas dire du mal d’Asimov ;-)). Si Destination vide est pas mal, ça ne vaut pas « Et l’homme créa un dieu », sorte de préquelle à Dune, mais puisque cet univers ne vous plait pas, je vous suggère plutôt la lecture du Preneur d’ames, on est loin des univers classiques d’Herbert, pour une histoire assez déroutante.

    • Cela m’aurait embêté que vous tombâtes de votre chaise de la sorte. J’avais hélas rapidement lâché Dune à cause (en partie) du nombre de protagonistes et de leurs noms qui font trop « fantasy ». Et vous avez raison, c’est intensément subjectif.

      Merci pour vos conseils éclairés sur l’auteur, je retiens Preneur d’âmes ! Et ne vous inquiétez pas, jamais sur QLTL il ne sera dit du mal d’Isaac. Sauf si je dégote son pire roman, et encore 🙂

      • Je reconnais que Dune se perd un peu dans ses protagonistes (rien qu’avec les clones de Duncan…), tout le monde n’a hélas pas le talent d’un Tolkien ou d’un George R Martin pour nous faire avaler des kilomètres de généalogie et/ou de contexte politique.

        Quant à Asimov, vous ne pouviez me rassurer d’avantage cher Tigre. 🙂

Laisser un commentaire