Hugo Drillski – Fourreurs nés

Editions Tabou, 256 pages.

Hugo Drillski - Fourreurs nésDans l’ambiance froide et glauque du Nord de la France (frontière belge), deux jeunes sans repères toucheront, à leur manière, le fond. Le premier en sortant avec une fille qui saura dépasser les limites d’une relation amoureuse, l’autre en s’improvisant acteur porno. Écriture amusante et brute, histoire improbable par sa violence, voilà une découverte fort sympathique comme Tigre les aime.

Il était une fois…

Le narrateur, dont on ne saura jamais le nom, a un boulot consistant à rester le cul sur son canapé. Quant à son pote Harold, son membre démesuré lui offre l’opportunité de faire du porno grâce au gros Carlos, personnage tout ce qu’il y a de plus ignoble. En rajoutant la belle Cécile, tout est prêt pour exploser.

[à part ça, ne vous fiez pas à la description de la couverture, excessive en comparaison et dont le synopsis est légèrement trompeur : le héros n’écrit pas vraiment les scénarios de films pornos et l’esprit de Tarantino n’a rien à foutre ici (c’est pire)]

Critique de Fourreurs nés

Avant toute chose, il faut savoir que l’auteur, Hugo Drillski (rien que le nom…), a déposé une offrande sur le paillasson couleur rose de ma tanière, à savoir son petit ouvrage de 250 pages bien aérées. Mais comme il a assuré bien aimer mon blog, c’est qu’il doit me connaître et savoir ce qui me botte. Et ce premier roman m’a ravi, il y a un certain potentiel pour peu qu’il n’ait pas ici lâché toute sa semence imaginative.

Le lecteur suivra un pauvre hère vingtenaire dont le job consiste à regarder des vidéos pornos et à en rédiger le résumé (activité que l’auteur semble bien connaître) et son pote (Harold) encore plus loser que lui. Jusque là rien de transcendant. Mais c’est sans compter, d’une part, la délicieuse Cécile qui fréquentera le narrateur et s’adaptera à son esprit malade ; et d’autre part ce brave Harold qui prend conscience de la taille de sa bite et de l’utilisation qu’il peut en faire. Sauf que ça dérape pour les deux compères : tandis que Cécile accepte (et prend l’initiative) des pratiques toujours plus avilissantes, Grosse Queue s’empiffre de pilules non validées par l’agence sanitaire européenne et glisse vers la prostitution – la scène de l’anniversaire d’une vioque est à se pisser dessus.

Curieusement, Hugo D. réussit à taper juste sur deux tableaux : ses descriptions, plutôt immersives, sont agrémentées de métaphores savoureuses et de remarques bien dosées à notre attention. Toutefois, si le style sec de l’auteur et la rapidité avec laquelle l’action se déroule offrent une expérience de lecture parfois saccadée, on regretterait presque que ça se termine si vite. A peine si on s’ennuie sur le dernier tiers avec des dialogues et prises de conscience dispensables, comme si l’auteur était désireux de laisser durer le plaisir avant la scène finale. Laquelle est un summum de mauvais goût mâtiné de folie furieuse hilarante, et a l’avantage de se dire « ah ouais,ça va, je lis de la pure fiction, ça ne pourra guère m’arriver – enfin j’espère ».

Tout ça pour vous annoncer que Drillski (drill = perforer, voilà c’est dit), outre sa plume qui détonne, a su balancer un vilain caillou dans la marre littéraire – du genre à n’être publié que par un éditeur indépendant. Enfin, je ne vous cache pas qu’il reste délicat de lire un tel bouquin dans les transports en commun. Je l’ai fait une fois, y’a une maman qui m’a fait les gros yeux. Peut-être avait-elle reconnu sa fille sur l’image de couverture. Faut absolument qu’elle me la présente.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

J’ai cru déceler, à mon modeste niveau, l’histoire d’une jeunesse à la dérive infoutue de se représenter un avenir – émotionnel, de carrière, ou autre.

Déjà, le titre. La fourre, c’est le cul sale, la baise rapide où les sentiments sont aux abonnés absents. Plus le protagoniste principal en pince pour Cécile, plus il veut voir jusqu’où il peut se comporter en salopard avec elle. Et les scènes « sensuelles » qu’il imagine ne sont tirées que de scénarios de porno gonzo. Sauf que Cécile résiste, revient, et surprend. Deep throat qui menace de la tuer, plan à trois, nique rapide avec un inconnu rencontré en boîte devant son copain, la petite n’a pas froid aux yeux. Et ça met d’autant plus mal à l’aise que je me suis surpris, plus d’une fois, à terminer le chapitre avec une solide érection.

[Attention mini SPOIL] Cependant, Cécile provoque quelque chose qui dépasse tout ce qui était concevable, un acte d’une sexualité si révolutionnaire qu’il n’existe aucun tag sur vos sites de cul préférés. Voilà comment elle devient la seule héroïne du roman : non seulement Cécile a tenu tête au narrateur, mais elle a su atteindre un niveau infiniment supérieur de glauquerie en révélant au héros son hideuse nature. D’ailleurs, celui-ci finira par larguer la belle sous des raisons risibles eu égard à ce qu’ils ont vécu : en vérité, elle l’effraie, il a enfin trouvé son maître et flippe gravement. [Fin SPOIL]

Au-delà de l’humour qui fait souvent mouche, le constat est triste : cet ouvrage est également celui d’une jeunesse paumée qui exerce des métiers à la con, juste pour avoir suffisamment de thunes en vue de se la coller en boîte de nuit (quand ce n’est pas dans des bars miteux) entre deux welsh arrosés à la bière tiède. Mauvais pour la santé ça – quoique…ils ne vont guère coûter cher question retraite. A se demander comment le narrateur parvient à fourrer sans cesse avec son régime alimentaire et l’absence de sport. Les pilules bleues ? Harold se démenait tant qu’il pouvait avec ces artifices chimiques, toutefois ce n’est pas ça qui l’arrêtera : son excuse, piteuse également, en rapport avec le SIDA, ne fait que renvoyer au scandale qui a ébranlé (hu hu) la côte ouest des States.

à rapprocher de :

– Dès les premiers chapitres, le jeune écrivain balance deux noms d’auteurs dont il a pu, partiellement s’inspirer. A savoir le vieux dégueulasse Bukowski (bientôt sur le blog) et le fantasque Iceberg Slim. Faites ce que vous voulez de cette information.

– Chez ce même éditeur, signalons le fort original Orgasme cosmique au Ran du Chabrier, de Sylvain Lainé. Du cul et de l’astral, niveau d’écriture moyen.

– Cette jeunesse en perdition me rappelle les premiers jets de Bret Easton Ellis. Sauf que ce dernier est plus léché, plus long, mais souvent plus ennuyeux. Suite(s) Impériale(s) reprend bien le vide qui traverse les protagonistes, la drogue dure en plus.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

8 réflexions au sujet de « Hugo Drillski – Fourreurs nés »

  1. Ping : Sylvain Lainé – Orgasme cosmique au Ran du Chabrier | Quand Le Tigre Lit

  2. Ping : Natural Born Writer – Hugo Drillski #2/2 | GinetteLeMag

  3. Je vais l’essayer. D’abord parce que ca a l’air drole et ensuite parce qu’a defaut d’ebouissement linguistique j’en tirerai peut-etre mon erection annuelle (on est deja en juin…).
    Si c’est tout pourri, je reviens gueuler!

      • Je l’ai torche cette nuit. C’est tout frais. Pour dire j’en ai encore la gerbe.
        J’ai pas trouve l’humour. Par contre j’ai trouve youp*** avec des lignes de texte entre. Le mec a juste pris les 6 videos les plus degueulasses qu’il a pu trouver et en a fait un livre. Imagination: 0. Style: 0. Ce matin, le torchon est dans ma poubelle (et pourtant j’assume totalement mes SAS)…
        Bref, je gueule! Ce truc est a la mare litteraire ce que mes prouts sont a la gastronomie.

      • Ha ha, ça plaît plus aux 15-25 ans qu’aux lecteurs plus exigeants, c’est certain. Pour l’imagination, je te trouve dur quand même. En tout cas, mes félines excuses pour ta gueulante, et encore merci de la partager sur l’auguste blog. [Pour un mec qui n’a pas 25 berges, le félin pardonne beaucoup]

  4. Belle rencontre dis-moi, la démarche de ce jeune auteur ayant identifié avec beaucoup de talent le bon blogueur pour son livre est également louable ! Tant de SP numériques sans rapports avec mon blog me parviennent chaque mois…

    • Je refuse systématiquement les numériques auto édités, manque de temps. Ici, le combo sujet du roman * livre papier * éditeur indépendant * auteur dont j’avais vaguement entendu parler via une revue = risque de déception amoindri.

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