Orson Scott Card – Ender : Préludes

J'ai Lu, 220 pages.

Orson Scott Card - Ender : PréludesRecueil de nouvelles, enfin regroupées, sur la préparation de la riposte mondiale contre une menace inédite, voici de quoi compléter le fascinant tableau des conflits (entre humains) provoqués par la première attaque E.T. Toujours aussi cérébral, autant empathique que la saga d’origine, d’un humanisme déconcertant (voire too much), ces préludes sont dans l’ensemble très bons. Néophyte de la saga Ender, passez hélas votre chemin.

Il était une fois…

Un officier « prisonnier » d’une capsule spatiale pour participer à une lointaine guerre, de très jeunes enfants (avec des relations parfois difficiles avec leurs parents) sélectionnés pour leur intelligence, une station spatiale faisant office d’école de guerre, yes : l’Humanité se prépare activement pour la deuxième phase de la guerre contre les Doryphores, extra-terrestres qui ont bien failli lui filer une monumentale raclée.

Critique d‘Ender : Préludes

Faisons simple. La première nouvelle est de toute beauté ; les trois suivantes sont courtes et prenantes ; toutefois le dernier texte (plus proche de la novella), lancinant de bons sentiments mêlés à de savantes manipulations, m’a laissé un goût assez bizarre dans la gueule.

Ce recueil permet, pour l’aficionado d’Ender que Le Tigre est (excepté ses voyages post-doryphores), de retrouver quelques personnages connus et de les compléter. Notamment Mazer Rackham (le Maori, par le Rouge), victorieux malgré lui des Doryphores, qui croupit dans l’espace afin de bénéficier de la relativité du temps. C’est grâce à lui que Graff (alors lieutenant), aura les mains libres dans une joute verbale avec la Terre assez savoureuse.

Ensuite, le lecteur découvrira notamment quelques futurs élèves de l’école de guerre (Bonzo Madrid, alias Bonito, Han Tzu, Zeck) pendant que le dispositif permettant de les suivre leur est installé – à partir de quatre ans si ma mémoire est bonne. Il y en a pour tous les goûts, même si l’auteur américain prend parfois du temps à planter son décor. Comme d’habitude, l’aspect S.F. est réduit à sa portion congrue, seuls comptent les pensées et échanges des personnages (sur la politique, la foi, le pouvoir, la famille, le sacrifice) et quelques indices des grandes formations politiques qui se tiennent par la barbichette sur Terre.

Quant à la novella finale, il est davantage question de religion et les rapports avec l’identité, le nationalisme et surtout comment ça peut foutre le bordel au sein d’une institution militaire. Car avec le très puritain Zeck (dont je ne me souvenais guère), la Flotte Internationale semble se trouver dans une impasse, le gosse semblant exclu en raison de ses idées arrêtées auxquelles s’ajoute un pacifisme forcené – presque à contre-sens. Et Ender, éternel génie, réussit encore à renverser la vapeur avec une improbable stratégie aux relents christiques.

A part ce léger bémol tenant certainement à la confession mormone d’Orson Scott Card (lorsqu’il sort de son rôle d’écrivain, c’est globalement pour dire de la merde), le félin a eu grand plaisir à retrouver l’univers et les protagonistes torturés (disons intelligents et froids) dont la finesse d’esprit permet une narration agréable.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’empathie et l’analyse de la situation du point de vue de l’interlocuteur. Chacun a ses relations particulières à l’autorité, donc à ses parents, et se trouve dans des configurations qui ont pour point commun le statut mi enfant-roi, mi surdoué surprotégé. Ces futurs leaders militaires (puis politiques) découvrent rapidement les mensonges des adultes (du père noël à l’adultère en passant par la triche), la manipulation omniprésente et parviennent à s’adapter tout en gardant une certaine candeur. Sauf pour certains, à l’instar de Peter Wiggin qui à l’approche de Noël fait une découverte sociologique fondamentale pour lui – c’est le frère d’Ender, et il jouera un rôle central sur Terre quelques années plus tard.

De même, le lecteur saura se régaler de précisions sur la stratégie de la Terre après la première attaque des Doryphores. Tout part d’une double idée : aller coloniser d’autres planètes d’une part, ainsi en cas de nouvelle guerre l’extermination de la race humaine sera rendue impossible. D’autre part, immédiatement lancer une flotte d’attaque pour porter le coup fatal à l’ennemi. Sauf que celle-ci ne débarquera pas avant des décennies, laissant le temps de former des commandants aguerris sur Terre (idée magnifiquement imposée par Mazer depuis sa mini-station), leaders qui communiqueront en temps réel à l’aide de l’Ansible – technologie non comprise mais utilisée.

…à rapprocher de :

De Scott Card, pfffioouu y’a tellement à dire :

La stratégie Ender (indispensable avant de lire le présent ouvrage). La suite laisse de côté l’aspect militaire pour mieux se concentrer sur des problématiques universelles comme la culpabilité et le relativisme de nos civilisations humaines. Envoutant mais, pour ma part, chiant (Xénocide, etc.) (dispensable en général).

– Du coup, continuez plutôt par la saga de l’ombre : La Stratégie de L’ombre, puis L’Ombre de l’Hégémon, ensuite Les marrionnettes de l’Ombre, suivi de L’Ombre du Géant (une tuerie celui-ci). Et ce n’est pas fini.

– Sinon, Les Maîtres Chanteurs (moins SF) reprend le thème de l’enfance-martyre de manière encore plus dure (et c’est somptueux).

– En revanche, évitez Robota, roman graphique que je n’ai su terminer.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

13 réflexions au sujet de « Orson Scott Card – Ender : Préludes »

  1. Ping : Orson Scott Card – L’Ombre du géant | Quand Le Tigre Lit

  2. Ping : Orson Scott Card – Les Marionnettes de l’ombre | Quand Le Tigre Lit

  3. Pour ma part, c’est sans doute la nouvelle sur Peter que j’ai préférée. J’avais peur qu’en nous donnant accès aux pensées de ce personnage l’auteur ne l’adoucisse, mais non, Peter nous apparaît à la fois plus humain *et* plus monstrueux. Et beaucoup plus intéressant, intelligent, et compétent que dans la saga de l’ombre.

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  6. Ping : Orson Scott Card – La Stratégie Ender | Quand Le Tigre Lit

  7. « Ender’s Game » c’est en effet du bon, et du lourd. Pour le reste… j’ai lu les moult suites et « variations », et ça reste en dessous d’une façon globale. Je connais du coup assez peu les préquelles de cette histoire fascinante.

    Ah, une idée lecture : « Warchild » par Karin Lowachee. Un peu dans la même veine que le meilleur de l’univers Ender, mais adoptant un point de vue très différent. Je ne t’en dis pas plus.

  8. Tiens je ne savais pas que ca existait. Ce serait donc ce qu’il se passe avant qu’Ender ne soit detecte?

    Au passage, ne te sens pas seul, j’ai moi aussi largement prefere le premier tome aux 3 suivants qui sans etre mauvais, ne xenocide pas non plus les pattes de canard. Mais alors le premier! J’en reve encore.
    As-tu vu le film qui en a ete fait?

    • Préludes au premier roman. Avant, pendant et après qu’Ender soit détecté (la novella se situe également pendant l’école de guerre).
      Bien d’accord pour la suite (ai du mal à vouloir en parler sur qltl) quant au film de 2014, je vais mettre à jour le billet idoine. Merci de me le rappeler.

      • Film qui aurait pu être bien bien pire, je craignais tellement une bouse infâme que j’ai plutôt été agréablement surpris du traitement réservé à toute la phase d’entrainement en zéro-gravité.

      • J’en parle sur le billet du roman adapté ^^. En revanche, il manque la sensation de fatigue extrême d’Enders et ses camarades à qui on refile toujours plus de missions.

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