Robert Charles Wilson – Blind Lake

Folio SF, 480 pages.

Robert Charles Wilson - Blind LakeVO : idem. En pleine cure des premiers romans de Wilson, Le Tigre a été ravi par ce « one shot ». Toujours aussi poussé sur la psychologie des personnages, l’histoire est en sus totalement déjantée. Celle-ci fait appel à de complexes notions de physique tandis qu’on suivra un extra-terrestre dans une quête relativement fascinante. Du très bon.

Il était une fois…

États-Unis, Minnesota, dans un futur proche. Blind Lake est une ville créée de toute pièce pour accueillir un complexe scientifique de haut vol qui repose sur une technologie que personne ne semble vraiment comprendre. Grâce à l’Oeil, Marguerite Hauser regarde un E.T. sur sa planète. Le Sujet, comme on l’appelle,  se prépare à un voyage assez long et potentiellement dangereux. Parallèlement, Blind Lake est mis en quarantaine. Que s’est-il passé, le danger vient-il de l’intérieur ou de l’extérieur ? Que referme en fait cette fabuleuse technologie ? Et que peut bien foutre le Sujet ?

Critique de Blind Lake

Mieux que Mysterium, moins bien qu’Axis ou Les Chronolithes. Mais ça reste de la bonne came. Sur près de 500 pages il est sûr que notre bon Robert Charles aurait pu faire un petit peu plus cours, au moins la lecture en diagonale est faisable sur plus d’un chapitre.

L’histoire est excessivement complexe, moi-même je ne suis pas sûr d’avoir tout saisi (cf. infra). En outre, à l’instar de Darwinia, la description d’une entité non terrienne fait proprement rêver.  Enfin, il convient de saluer la traduction, qui passe inaperçue (si ça vous parle comme compliment).

Comme toujours, ce sont sur la psyché des protagonistes que Wilson excelle : femme divorcée dont la fille semble perdre la boule (la Fille-Miroir à qui elle parle, c’est plus qu’inquiétant) ; ex-mari fort assez malsain, blindé de testostérone et accroc aux gateaux ; journaliste cynique et un peu salope sur les bords ; deuxième journaliste qui porte le poids de la culpabilité pour avoir soigneusement détruit le piédestal d’un héros de la science ; et dernier journaliste qui paraît avoir abandonné toute dignité scientifique pour publier un ouvrage mêlant ésotérisme et vulgarisation scientifique. Superbe.

Le lecteur sera (également) content dans la mesure où Wilson ne le prend pas pour un con. Loin de là. Contrairement à certains auteurs de SF, le pourquoi du comment est distillé avec d’infinies précautions, au point de frustrer Le Tigre qui veut en savoir plus, tout de suite. Les révélations sont au final bien dosées, et auréolent ce roman d’un suspense assez plaisant. Il convient d’être patient.

C’est plus que de la SF, c’est de l’anticipation réaliste (les menus gadgets technologiques existent quasiment aujourd’hui) et dont les merveilles scientifiques élèvent la littérature à un niveau de spiritualité rarement atteint dans ce genre de romans.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’exobiologie. Mot joliment barbare qui dans ce roman regroupe deux aspects. D’une part, le rendu de ce que peut penser un E.T. en plus de la très correcte description de son environnement. Symbiose avec d’autres espèces, communication,… D’autre part, le travail nécessairement objectif de l’étude par des scientifiques humains : aucun postulat, aucune comparaison avec la biologie humaine (« ingérer », et non « manger » par exemple), pas d’attachement en fait. Contre ces strictes obligations, le besoin de « raconter une histoire » se fait vite sentir.

Petite anecdote : les points communs entre toutes les espèces selon l’Oeil ? L’ignorance, la curiosité, la douleur, l’amour. Subtil équilibre.

Le huis clos, cher à Wilson. Blind Lake est rapidement mis en quarantaine, avec tous les problèmes logistiques que cela comporte. Travaillant sur des matériaux plus que sensibles et même incontrôlables, il semble que cette mise à l’écart est ce qu’il y a de plus « soft » comme décision à prendre. Comme le dit un scientifique, « tout ça peut s’arrêter n’importe quand ». Les machines qui fonctionnent, pour l’instant, et autorisent l’étude du Sujet. La vie comme on la connait également.

La physique quantique. Il appert que l’Oeil, sur lequel reposent toutes les observations (qualité parfaite de l’image, inquiétant déjà) d’un être situé à des années-lumières, est plus qu’une machine. Un organisme qui auto-conçoit ses logiciels et les fait évoluer à raison de milliards de générations par jour. De quoi dépasser tout ce que les cerveaux humains réunis peuvent imaginer. Si on rajoute le (très connu) principe selon lequel toute observation d’un sujet (quantique) altère son état, alors on peut vite saisir ce qui peut clocher chez le « homard » (surnom de l’E.T.).

…à rapprocher de :

Mysterium, même auteur. Toujours ce petit mystère qui vous tient tant en haleine dans une communauté qui fait face à l’impensable.

Spin (suivi d’Axis et Vortex), Les Chronolithes, que du bon. Le vaisseau des Voyageurs se défend bien au demeurant (moins de SF), tout comme Julian – plus long, mais un peu en deçà de ce qu’on peut attendre de Wilson.

– Sur les conséquences étonnantes de la physique quantique, Flashforward de Sawyer se laisse lire.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

4 réflexions au sujet de « Robert Charles Wilson – Blind Lake »

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