Collectif – Sales Bêtes !

Les Artistes Fous, 250 pages.

Collectif - Sales Bêtes !Maison d’édition indépendante aux artistes aussi créatifs que subversifs, Tigre a dégoté quelques pépites de mauvais goût (au sens noble du terme) dans ce recueil. Bizarre, fantasque, corrosif, cela ne s’adresse pas à tous les lecteurs. Après avoir refermé ce bouquin, Le Tigre ne s’est jamais autant senti humain.

Il était une fois…

20 nouvelles qui tournent autour du thème de l’animal. Des textes très courts (La parole du rhinocéros, de Ana Minski) comme d’autres qui font office de mini romans (surtout un en fait). Chasse à la sirène ; nouveaux-nés difformes ; monstres de légende en pleine action ; beaucoup de ces petites bêtes sont présentées dans des configurations horribles, sinon malsaines.

Critique de Sales Bêtes !

Beaucoup de textes, je ne vais hélas pas pouvoir tous les évoquer. A peine si je signalerai mes petits préférés qui sont Pffuig, (traitant sous le prisme de l’anticipation sociale un sujet grave) et le bref Manger des rêves, de Romain d’Huissier, parce qu’il aborde une créature mythologique nippone avec une sensibilité certaine.

Au début de chaque œuvre, une petite présentation de l’auteur et le synopsis sont délivrés. Encore mieux, une illustration précède la nouvelle, et il y a parfois de quoi se remplir les mirettes. A signaler également le gross pavé de Herr Mad Doctor (président de l’édition), plus complet. Celui-ci me semble définitivement sortir du lot : presque 50 pages, des jeux de mots (même sur les titres des chapitres) à foison, une belle histoire douce-amère assez immersive, on sent que l’écrivain s’est donné un mal de chien.

Bien évidemment, sur vingt nouvelles, certaines pourront être zappées (par exemple le dernier, trop bref) tandis que d’autres m’ont laissé dans un état de frustration intense (La mélodie des bois, qui aurait mérité plus de pages). Au fil des chapitres Tigre s’est surpris à jouer avec les auteurs : comme autant de devinettes, je me demande souvent « Qui est le narrateur ? » (la liste des choix s’amenuisant progressivement), « Qu’a-t-il fait de si dégueu ? ».  Et pendant qu’on échafaude des réponses, celles-ci peuvent apparaître comme par magie, ou alors ne jamais réellement se montrer. Dans ce dernier cas, l’univers déjanté pourra laisser plus d’un lecteur pantois.

En conclusion, j’ai eu la sensation de lire tout ce qu’un éditeur « mainstream », voire normalement constitué, aurait censuré depuis belle lurette. Et c’est rafraichissant. En sus, toutes ces bonnes choses sont proposées en téléchargement, ce qui est malin : une fois lus plus d’un lecteur aura envie de se procurer la version papier. Juste pour le fun.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

C’est parti pour des thèmes tout en crescendo :

L’animalitude (Royal’s style) provoque souvent le rejet, d’où une solitude de l’individu qui est visé. Même si pas mal de héros sont issus de mythes ou légendes (la femme qui se transforme en sirène, le baku, le minotaure moderne), on ne les voit quasiment pas en agréable compagnie. Et c’est, paradoxalement, le corollaire de leur épanouissement : libérés du carcan du regard (et réactions) des autres, nos héros qui dévient de la trajectoire humaine semblent plus entiers.

Hélas, il faut avouer que l’aspect de quelques protagonistes ne joue vraiment pas en leur faveur. La monstruosité dont ils font montre m’a presque provoqué un haut-le-cœur, c’est dire. Et c’est à ce moment que le but de l’exercice de ce recueil m’a sauté aux yeux : comment avoir de la compassion pour ces individus quand l’auteur nous les brosse avec des termes et adjectifs repoussants ? En laissant ses phobies de côté. Des sales bêtes certes, mais des êtres vivants qui n’ont jamais demandé à en arriver là.

Pire que tout, nos écrivains d’un jour n’hésitent pas à s’adonner à la torture totale de leurs animaux littéraires (exemple du viol inter-espèces de La bête noire). La dépression du chat, de Gallinacé Ardent (ça ne s’invente pas, un nom pareil), amène à s’interroger sur la capacité de résilience de l’humain face aux tourments qu’une icône populaire peut endurer (avec une révélation finale mignonne comme tout). Torture de l’esprit enfin, avec en point d’orgue le texte de SF très dick/lovecraftien Jonas où un homme ne pourra jamais être sûr de la réalité du monde dans lequel il vit.

…à rapprocher de :

– De cet éditeur doux-dingue, Fin(s) du monde se laisse lire. Contes marron (premier volume) est une friandise à découvrir d’urgence (tout comme le premier opus des Contes Rouges), et Folie(s) est globalement correct. Quant aux Contes roses, petite déception. Même topo avec L’Homme de demain, mitigé.

– Le corps torturé, Chuck Palahniuk s’en tire très honorablement. Surtout A l’estomac.

– Autre éditeur indépendant, autres textes dérangeants, autres délices de tortures, bienvenu dans Chair et tendre, d’Amelith Deslandes. C’est mieux que Créatures, chez la même maison.

Enfin, si vous souhaitez juger de la chose par vous-même, c’est disponible en téléchargement (gratos bien évidemment) sur le site de l’asso (en lien).

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