Grégory Mion – Avec l’assentiment du reptile

Aux forges de Vulcain, 114 pages.

Grégory Mion - Avec l’assentiment du reptileTigre lit de tout, on le sait, mais également sur tout format. Voilà un e-book surprenant de la part d’un illustre inconnu qui l’a écrit sous des conditions particulières (cf. infra). L’histoire d’un psychopathe qui, le temps d’une nuit, fout le daroi, n’est pas si importante par rapport à la prose de Mion, extrêmement riche. Trop sans doute.

Il était une fois…

Tout commence dans un avion, où nous rencontrerons les trois principaux protagonistes de ce thriller qui n’en est pas vraiment un. Un prof de littérature récemment veuf, une hôtesse de l’air à la croupe féconde et un tueur en série. Le reptile du titre, est-ce ce dernier ou le caïman sur un parcours de golf qui va se faire un petit déjeuner improvisé ?

Critique d’Avec l’assentiment du reptile

Encore un ouvrage que le service presse des Forges a eu la bonté de m’envoyer, ici en format numérique, à savoir sur une clé usb (format carte bancaire) avec quatre titres dedans. A noter surtout que cet ouvrage a été écrit en utilisant un logiciel destiné à lutter contre la page blanche – ce programme en ligne gratuit, imaginé par le responsable de la maison d’édition, consiste à avoir des symboles qui surgissent dans son champ de vision, libérant le processus d’écriture.

Le scénario est simple, seulement Grégory M. s’amuse à le complexifier et ce dès le début. En effet, le chapitre premier (moins de quarante en tout, dont certains très courts) est la présentation, au lecteur, de ce qui va suivre et certaines conséquences des péripéties qu’on s’apprête à lire. Ensuite, l’auteur prend son temps pour nous présenter les personnages qui prennent rapidement vie dans notre esprit. Ce premier tiers passé, nous entrerons dans le vif du sujet (cf. premier thème abordé).

Le gros plus de ce roman est le vocabulaire complet (et souvent complexe) que l’écrivain utilise. Tigre a appris (ou réappris dans le contexte) des mots, ça fait toujours très bizarre comme sensation : « scutigère » pour parler d’un insecte, « psittacisme », ou tout le champ lexical relatif au golf.  D’autres termes ne semblent (au premier abord) rien avoir à faire dans une phrase, comme un artefact que Grégory utilise dans la mauvaise configuration. Par exemple, pour faire comprendre que Calbert (le prof) voudrait bien se retaper Carrie (l’hôtesse), il nous parle du mâle « comme animé d’un irrédentisme du vagin ». Si c’est finement trouvé, j’ai bien mis 6 secondes à comprendre la saveur de l’expression.

Heureusement que Avec l’assentiment du reptile est relativement court, car tout lecteur peut se sentir comme gavé par le riche phrasé de Mion, à coup de mots savants et avec une concentration d’adjectifs et d’adverbes comme j’en ai rarement vue. En sus, quelques phrases m’ont paru tout bonnement imbitables, j’ai cru remarquer de savants verbiages uniquement présents pour la beauté du geste. Jugez de vous même avec cet exemple :

Certains télescopages désunissent d’emblée et le militaire, acclimaté au commerce des bombes, comprenait que son rôle devait se réduire à une intermittence qui survivrait mieux dans la réminiscence que dans la pérennisation d’une fréquentation.

Au final, une très belle expérience littéraire qui, en plus de s’apparenter à un exercice de style réussi, offre une histoire avec un dénouement plutôt triste mais qui laisserait entrevoir une suite. Miam.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les rencontres sous toutes leurs formes. Calbert a perdu sa femme qui a « rencontré un platane » en voiture. Dans l’avion, notre héros fait la connaissance (à sens unique certes) de Carrie, employée de la compagnie aérienne qui ne le laisse pas indifférent. Ce premier forcera le destin en réservant dans le même motel que la belle tout en faisant croire à une coïncidence. Les rencontres ne sont pas souvent heureuses avec Grégory Mion, et ce en la personne de Bannerman qui va marquer à vie les occupants d’un sordide Motel à Phoenix. Le psychopathe, sans spoiler, ne sera pas en reste question rendez-vous foireux.

Le psychopathe dans toute sa splendeur. L’auteur nous présente un Zachary Bannerman plus vrai que nature, un être froid et passe-partout qui a ses petits moments, tel Dexter, de folie meurtrière. Et la façon dont il prépare ses exactions est plutôt bien rendue. Dans l’avion déjà, on remarque une sorte de requin (un piranha) impitoyable en train de lire son journal économique. Les choses immondes que fait faire Zachary à certaines de ses victimes m’ont rapidement fait faire le rapprochement avec l’anti héros de Bret Easton Ellis, Patrick Bateman (lui aussi bossant à Wall Street). D’ailleurs, Bannerman, Bateman, ces noms semblent trop proches à l’oreille du Tigre pour être un hasard.

…à rapprocher de :

– Gregory Mion a troué le cul du Tigre avec La littérature nazie en France, qui est une sensationnelle pépite. Pour un exemple de nouvelle, il y a Bastien Gadenne (1971-1999) disponible sur le blog.

L’Amérique cinquante et des Poussières, du même écrivain, reste évidemment meilleur que ce qu’on trouve dans les têtes de gondole des librairies. Idem pour L’arracheur des petites âmes.

American Psycho, pour le personnage principal. Livre et film (qui est de de bonne facture).

– Le vocabulaire qui interpelle mais qui fait mouche, sur plus de 700 pages c’est Le seigneur des porcheries, de feu Egolf. Un chef d’œuvre.

– En plus drôle, je vous conseillerai de lire (version papier bien sûr) les ouvrages d’Arnaud le Guilcher, les jaillissements métaphoriques sont les mêmes que ceux de Greg. En moins bien, puis Pas mieux en sont les titres.

– Dans la même clé usb, il y a Silhouette minuscule d’Anna Streese & François Szabowski, Une larme de porto contre les pensées tristes (Szabowski toujours) et Le Spectateur de Monti (excellent).

8 réflexions au sujet de « Grégory Mion – Avec l’assentiment du reptile »

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